Le Pds, la société civile et l'opposition
De la (véritable) nature du fichier électoral
De prime abord, nous pouvons affirmer que le Sénégal, depuis la refonte (ratée) initiée en 2005, ne dispose plus de fichier électoral, mais d’un fichier hybride servant aussi bien pour les cartes nationales d’identité (CNI) que pour les cartes d’électeur. Il est à noter que si celles-ci sont bien numérisées, elles n’en sont pas pour autant sécurisées, ainsi que le proclamait le libellé du décret d’application de la loi portant refonte totale du fichier (électoral).
Numérisées, parce que pour qu’il en soit ainsi, il faut et il suffit que chaque donnée (champ) d’un enregistrement (les informations sur un électeur donné) puisse être comprise et lue par l’ordinateur, ce qui est le cas. Non sécurisées, parce que les audits de 2007 et 2009 ont révélé une absence totale d’intégrité des données et l’inexistence de la biométrie, censée consacrer l’unicité absolue d’un électeur (citoyen) dans le fichier.
Intégrité des données
Pour qu’une base de données soit déclarée fiable, il faut que chaque donnée puisse répondre à un certain nombre de critères édictés lors de l’élaboration de ladite base, dès le modèle conceptuel de données (MCD), lequel ne doit accepter aucune redondance, entre autres. Or, il se trouve que rien qu’en ce qui concerne la gestion des erreurs dans la base, on peut y perdre son bit, pardon, son latin. Parce que tous les demandeurs ont été acceptés à l’inscription, puis certains ont été rejetés selon des critères peu convaincants. En outre, en ce qui concerne les structures, la donnée "date de naissance", par exemple, n’a pas été saisie au format "date" mais au format "texte" ! L’utilisation du format le plus approprié à un type de donnée est un élément supplémentaire de maîtrise d’une base de données. Motif évoqué pour justifier le manquement précédent : il y aurait beaucoup trop de citoyens « nés vers… », c’est-à-dire, avec une date de naissance estimée. Qu’à cela ne tienne ! Pourquoi ne pas avoir introduit un champ « Observations » pour prendre en compte cet aspect ? De sorte que lorsqu’il a fallu détecter les éventuels mineurs, les auditeurs se sont retrouvés avec un citoyen (MODOU NDIAYE) né le, tenez-vous bien, 1/50/11956 ! Naturellement, il s’agit d’une erreur de saisie (15/01/1956) que l’ordinateur n’aurait jamais acceptée si la structure avait été correcte.
De plus, pour les noms, il y a une régression extraordinaire par rapport au fichier de 1977 en ce sens que, pour les noms NDIAYE, NGOM ou NDOYE, par exemple, l’apostrophe avait été supprimée, ainsi que d’autres signes pour ne conserver que les caractères. N’DIAYE est donc devenu NDIAYE, par exemple. Mais dans le fichier de 2005, non seulement ces signes sont réadmis, mais on peut aussi trouver des minuscules, des accents (aigus, graves ou circonflexes), et même des chiffres ! De sorte qu’une bonne dizaine de nos concitoyens ont des noms uniquement en chiffres ! Nous vous épargnons toutes les variations de noms qu’on peut obtenir avec ce subterfuge qui a permis d’élargir le nombre d’électeurs fictifs (environ un million) dans le fichier.
Biométrie
Il a été largement démontré, en 2007, malgré les dénégations de la DAF, que le système biométrique, censé consacrer l’unicité de l’électeur dans le fichier (à cause de la nature unique des empreintes digitales de chaque individu sur Terre), se contente seulement d’affecter une qualité à chaque empreinte pour décider de son acceptabilité mais ne permet pas de détecter les inscriptions multiples, encore moins d’attribuer une empreinte à un électeur donné. De plus, il n’existe pas, à la DAF (direction de l’automatisation des fichiers), de lecteur de codes barres pouvant lire la surface grisée au dos de chaque carte pour attester de son authenticité.
Failles du processus électoral
Le fait d’affirmer que le fichier est piégé et qu’il faut en enlever les incohérences afin de le fiabiliser, ou que le fichier aurait migré du ministère de l’Intérieur (MINT) à la Présidence et vice-versa, ou encore qu’il y en aurait plusieurs, à la carte, et autres non-sens, ne milite pas en faveur de la crédibilité des arguments développés par l’Opposition regroupée au sein de Bennoo Siggil Senegaal (BSS). Le fichier est plutôt unique avec des données confuses et mal définies et, contrevient à toutes les règles en matière d’élaboration d’une base de données, sans étude préalable, ni tests de validité.
Par ailleurs, le nombre, jugé excessif, de 800 à 900 électeurs par bureau de vote dans les communes à forte présence d’électeurs n’est pas spécifique au Sénégal. Il vient du fait qu’à tout moment dans un bureau, il y a entre 6 à 7 électeurs qui accomplissent un acte électoral. Alors, si on considère que toutes les 4 minutes, 6 électeurs sont passés dans les isoloirs (en général au nombre de 2), au bout de 600 minutes (soit de 8h à 18h), 900 électeurs sont en mesure de voter. Mieux, comme il y a généralement entre 60 à 70% de votants, l’essentiel des inscrits est en mesure d’avoir exercé son droit de vote à 16h. On dispose donc d’une marge de 2 heures, permettant de couvrir les atermoiements et autres tergiversations inévitables de nos concitoyens. Il suffit donc de demander aux responsables des bureaux de vote de se tenir prêts dès 7h, quitte à subir des sanctions administratives, de déclarer forclos tout bureau ouvrant après 9h, et, au mieux, d’ajouter un à deux isoloirs par bureau. Mais, en aucun cas, le vote ne devrait dépasser 18h.
Par ailleurs, la récrimination concernant la photo de l’électeur sur les listes d’émargement n’a aucune chance d’aboutir. En effet, compte tenu de la nature du fichier fortement corrompu, les photos peuvent s’entremêler (c’est déjà arrivé), et il faudrait que chaque électeur redonne sa carte d’électeur afin de s’assurer que les photos correspondent aux enregistrements ! Ceci est bien évidemment impossible, d’un point de vue pratique.
Mission de l’Union Européenne
L’audit de l’Union Européenne (UE) devrait être contradictoire, de sorte à établir de manière définitive si les arguments soulevés par l’Opposition, lors des audits précédents, sont fondés ou non et en tirer les conséquences. Mais il n’est pas acceptable de laisser les experts de l’UE faire l’audit pour venir nous dire ce qu’ils en pensent ! Comment allons-nous nous assurer qu’il y a bien eu audit ? De plus, s’il est louable de vouloir faire l’audit de l’ensemble du processus électoral, pourquoi celui-ci devrait-il durer 6 mois ? Soit dit en passant, le début programmé un jour férié (le 15 août !) nous rappelle les nombreux démarrages ratés de la refonte totale, tous programmés un jour férié. Nous osons croire que ce n’est pas une farce qui se prépare mais, en tout état de cause, l’Opposition devrait récuser cet audit tel qu’il est envisagé et proclamer que ses résultats ne sauraient l’engager. En attendant d’y voir plus clair !
Ce qui intéresse ici le citoyen, c’est l’audit du fichier et nous pensons qu’en moins d’une semaine, il est possible de statuer sur sa nature, afin de pouvoir passer à autre chose sans perturber le calendrier républicain. Il nous paraît évident que ledit audit débouchera sur de nouvelles inscriptions avec de nouvelles cartes d’électeur, distinctes en format et en couleur des CNI actuelles, lesquelles redeviendront la propriété exclusive des agents assermentés de l’Etat qui en assureront la gestion, de manière transparente pour l’utilisateur final, le citoyen ordinaire.
Recommandations
Pour des élections réellement régulières, libres et transparentes, il importe de dessaisir totalement le MINT de tout le processus électoral au profit d’un organe neutre et indépendant, dissoudre la CENA qui a montré ses limites objectives, nommer un ministre à équidistance des différents candidats, interdire la circulation des cars de transport de minuit à minuit le jour du scrutin et laisser les journalistes faire leur travail sans aucune pression, entre autres mesures.
Nous pensons, sans prétention aucune, que si les uns et les autres reviennent à la raison, notre pays pourra franchir un autre jalon important de son évolution sans dommages pour le peuple, seul souverain.
C’est mon point de vue.
• Iba GUEYE
• Ingénieur en Informatique
Le Pds, la société civile et l'opposition
A entendre la déclaration des uns et des autres, on a l'impression que tous s'évertuent à paraphraser Châteaubriand, à propos de la France à partir de 1 789. Tous semblent dire que ‘le Sénégal de l'alternance va pour finir en 2012, tandis que le nouveau Sénégal y arrive pour commencer’. A titre d'exemple, il pourrait être cité le manifeste qui circule actuellement, et qui est intitulé ‘Sénégal, demain un autre pays’. Par ailleurs, si nous devions résumer les conclusions des Assises nationales en quelques phrases, nous dirions qu'elles s'adressent aux populations en ces termes : ‘La Nation, c'est vous, le souverain, c'est vous, la loi, c'est vous, le président n'en est que le gardien’.
Pourtant, à l'approche d'élections, l'attitude des populations avait toujours amené les observateurs à penser qu'au Sénégal, les élections n'avaient d'intérêt que pour les hommes politiques. Seuls les états-majors des partis politiques étaient en effervescence. Mais à dix-huit mois des élections présidentielles de 2012, l'on constate un phénomène qui ne s'était jamais produit, si ce n’était au bénéfice du pouvoir en place (Cosapad, amis de Jean Collin, etc.) Spontanément et presque simultanément, comme si le vent avait passé le mot, des personnalités d'envergure, crédibles et probes, venues de toutes les composantes de la société, se sont levées pour former des mouvements citoyens.
Mais, pourquoi donc cette mobilisation qui dépasse le cadre des partis politiques, pour engager des groupes sociaux qui se sont toujours tenus à écart de la chose politique ? D'aucuns sont d'ailleurs surpris de constater l'irruption sur le terrain de la lutte politique au sens noble, des Ong, des syndicats, des intellectuels, des artistes et des religieux. Pour toute réponse, ne suffirait-il pas d'emprunter les propos de David Hume pour penser que leur sénégalité les a interpellés en ces termes : ‘Soyez philosophe, mais que toute votre philosophie ne vous empêche pas de rester homme’.
De plus et dans la mesure où le devenir du Sénégal concerne tous les Sénégalais, les intéressés pourraient paraphraser ce général à la retraite qui, lors des préparatifs électoraux de 2000, battait campagne auprès des familles de militaires en déclarant : ‘Il faut sauver la République !’ En tout état de cause, et en se référant aux lois de la sociologie, on peut affirmer qu'un changement comportemental d'une telle ampleur ne peut survenir dans une société, sans que le pouvoir en place ne le provoque par des faits successifs qui, par leur nature ou leurs effets, entraînent une rupture morale entre lui et une frange importante du peuple ; une rupture de cette nature a pour corollaire la rupture politique.
Il semble que cet état de chose pourrait être créé par le fait que fréquemment, les médias parlent de milliards dont la disparition n'est pas justifiée, alors que des milliers de jeunes désespérés affrontent les dangers de l'océan à bord d'embarcations rudimentaires ; des délestages intempestifs indisposent les populations et portent préjudice à l'économie ; des familles entières ‘Sdf’ élisent domicile sur les trottoirs, de nombreux jeunes diplômés réduits à un chômage sans perspective se confinent dans des valeurs refuge qui sont criminogènes. Une part importante de la population vit les affres du quotidien.
Les femmes n'osent plus se parer de bijoux de valeur de peur d'être victimes de vol avec agression. D'après les résultats d'une enquête récente, plus de 60 % des Sénégalais ont pour souci principal la subsistance. Les paysans se trouvent dans une pauvreté qui frise la misère. Et comme si le peuple et ses drames étaient objectivités, plusieurs signes donnent l'impression qu'on s'intéresse davantage à des stratégies de carrière, dont l'aboutissement mettrait en péril les acquis démocratiques, voire la survie de l'Etat. A ce propos, Machiavel met en garde contre toute idée consistant à asservir un peuple qui a connu la liberté. Il estime qu'en le faisant, on expose le pays à des troubles et à une instabilité permanente.
Il est vrai qu'en Afrique, il y a eu, ici et là, des legs déguisés du pouvoir d'Etat, mais il est remarquable que dans tous les pays où le legs déguisé s'est produit sans à coups graves, les populations concernées n'ont connu que tyrannie et dictature depuis les indépendances.
A cet égard, il est important de rappeler que tout le monde a écouté avec l'attention qui sied, le président Wade déclarer lors de son voyage en Côte d’Ivoire : ‘On ne peut pas se lever un jour, pour dire, je veux être président !’ Cette prise de position rappelle les propos lancés par Thomas Jefferson aux Américains depuis ses montagnes de Virginie, et selon lesquels le temps est révolu où certains pouvaient prétendre être nés avec des éperons aux talons et une cravache à la main pour chevaucher indéfiniment les autres qui eux, seraient nés avec une selle sur le dos.
En tout cas, il est constant que de mémoire de Sénégalais, élections présidentielles n'a jamais suscité autant d'intérêt. Est-ce parce que dans une démocratie, un pouvoir qui s'exerce d'une certaine manière, réveille les passions assoupies et provoque les résistances des républicains et des patriotes ? S'il en était ainsi, l'option de mettre le peuple en coupe réglée, pourrait avoir des conséquences tragiques ; sans compter qu'au niveau des Droits de l'Homme, il y a eu des avancées notables qui font que les dispositions que le Maréchal Soult, dans son esprit napoléonien, avait insérées dans le règlement militaire depuis 1833 et qui exonéraient de toute sanction, le subordonné exécutant ‘sans hésitation, ni murmure’ un ordre illégal, sont devenues obsolètes. Désormais, pour le Tribunal pénal international et pour d'autres juridictions à travers le monde, la faute de l'agent de la force publique, consistera moins dans la connaissance du caractère illégal de l'ordre exécuté, que dans la commission d'un acte délictuel ou criminel. La loi ayant pris le dessus sur le règlement, c'est l'adage ‘nemo censetur ignorare’ (nul n'est censé ignorer la loi) qui est appliqué au subordonné.
Certes, Fouché qui fut ministre de la police générale de France sous le 1er empire, a écrit dans ses mémoires que ‘quand on a le pouvoir, toute l'habileté consiste à maintenir le régime en place’. Mais, dans l'Etat républicain, le pouvoir ne s'arrache pas, c'est le peuple souverain qui le confie à la personne de son choix. C'est peut-être pourquoi, le Pds a voulu se massifier dès la survenue de l'alternance, en appliquant sans réserve ce qui a été baptisé ‘la théorie de la transhumance’. L'urgence qui avait été accordée à la prise de cette décision pouvait trouver sa justification, dans ce que la coalition de ce parti n'avait pas recueilli 40 % des suffrages, lors du premier tour des élections présidentielles de l'an 2000.
Mais, il s'agissait d'une opération politique qui ne pouvait pas se réaliser à grande échelle, sans risque de dévoyer l'objectif initial. C'est pourquoi, il fallait se rappeler que, selon Fouché, ‘à la chute d'un détenteur du pouvoir d'Etat, ceux qui s'étaient le plus avilis pour bénéficier de ses faveurs, s'empressent de se constituer victimes d'injustices factices, et pour contenter le nouveau maître, ils recyclent les invectives, critiques et autres sournoiseries qu'ils destinaient naguère à celui-ci, pour les déverser sur le régime défunt’.
Ces individus sont toujours prêts à faire passer leurs bienfaiteurs de l'applaudissement à l'exécration. Par ailleurs, la théorie de la transhumance pouvait provoquer un flux migratoire, comprenant un grand nombre d'individus, qui n'avaient jamais eu d'attachement ni pour un parti, ni pour un leader, et qui avaient toujours eu pour seul maître, ce que la théorie psychologique appelle la volonté réfléchie. Ceux-là agissent par calcul, par intérêt. Pour eux, autant perdre l'honneur, qu'une seule parcelle de privilège. Ils constituent un réel danger pour un régime parce qu'ils sont rompus dans l'art de subvertir la raison des dirigeants, pour les amener à substituer ce que Baltazar Gracian appelle les doreurs, aux adorateurs. Or, si l'adorateur fait un Dieu, le doreur dans sa besogne, ne peut faire qu'un illuminé ou un utopiste politique. C'est cela qui a fait dire à Max Gallo qu'il y a des régimes où ‘les acteurs sont aveugles et ne peuvent concevoir l'avenir cataclysmique qui les attend’.
Le Pds est un parti qui a une histoire chargée. Après tant d'années d'affrontements avec les forces de sécurité, tant d'années de sacrifices de toutes sortes, ce parti est couturé de cicatrices mal fermées. C'est pourquoi, toute tentative de privilégier des nouveaux venus (après le 19 mars) ou des individus qui n'ont jamais pris aucun risque pour la survie du parti, ne peut manquer de provoquer des rancœurs, des frustrations, des haines mêmes et des ambitions refoulées. Par conséquent, nous pensons que la mise en œuvre sans réserve de la théorie de la transhumance, est l'un des facteurs qui a affaibli ce parti au lieu de le massifier.
En tout cas, certains repères font penser que le Pds a beaucoup dépéri. Par exemple, la publication récente d'un sondage réalisé en 2008, accrédite le Pds de 27 % des intentions de vote, alors qu'il avait remporté les élections présidentielles dès le premier tour un an auparavant, et que le leader de l'Apr n'avait pas encore emporté un pan des militants. Ensuite, le boycott des élections législatives par l'opposition s'était soldé par plus de 60 % d'abstentions. Enfin, pour la première fois dans l'histoire politique du Sénégal, l'opposition a gagné quasiment toutes les grandes villes du pays, lors des dernières locales.
Cette faiblesse apparente du Pds a pu stimuler l'opposition qui semble vouloir, d'ores et déjà, définir la stratégie à adopter lors des élections de 2012. Ainsi, certains pensent qu'il faudrait, ici et maintenant, opter pour une candidature unique, tandis que d'autres penchent pour la candidature multiple. Nous pensons, pour notre part, qu'il serait dommageable pour l'opposition de définir dès maintenant et de façon publique, la stratégie à adopter lors d'élections qui n'auront lieu que dans dix-huit mois. Machiavel estime qu'en politique, l'attitude à prendre doit toujours obéir aux contingences. C'est ce qui nous permet de croire que, dans les préparatifs d'une compétition électorale, le fin politique doit, comme le ferait un bon chef de guerre, pratiquer ce qu'on appelle, les stratagèmes de l'intention. Il est évident que si l'un des protagonistes arrivait à savoir quelles sont les intentions de l'autre, il lui serait aisé de concevoir la parade la plus efficace possible.
Il est vrai, qu'en partageant la même liste, la coalition ‘Benno Siggil Sénégal’ avait pu gagner la plupart des grandes villes du pays, Dakar y compris. Mais, à notre sens, les leaders de cette coalition, pour bien se préparer en vue des élections de 2012, ne devraient pas au fond d'eux-mêmes, se départir de ce que Hume appelle ‘l'attente inquiète et l'attente douteuse’, étant entendu que cela ne les empêcherait nullement, d'user de la méthode Cauet pour rassurer leurs militants. En l'occurrence, il serait risqué de considérer le succès obtenu lors des élections locales, comme une preuve complète pour l'avenir.
Un homme sage, proportionne sa croyance à la garantie qu'il en a ; or, pour ce qui concerne la victoire aux prochaines élections, ‘Benno’ ne peut parler que de probabilité et non de certitude, il n'est pas en position de dire comme Napoléon ‘impossible est une expression trop pusillanime’. C'est pourquoi, cette coalition devrait nécessairement conformer sa stratégie aux intentions de son adversaire. Par exemple, au cas où les deux tours seraient maintenus, un candidat unique de l'opposition ne pourrait triompher que s'il s'agit de mettre en place un gouvernement de transition, et si ce candidat est une personnalité consensuelle, crédible et de grande notoriété. S'il n'en était pas ainsi, le renforcement du Pds au second tour par les autres candidats, alors que ‘Benno’ aura épuisé toutes ses potentialités dès le premier tour, pourrait installer le doute, voire créer une vraisemblance pouvant couvrir d'éventuelles irrégularités. Tandis qu'au cas où le second tour serait supprimé, il y aurait ‘force majeure’ condamnant à une candidature unique. Dans ce cas, il suffirait que les chefs de parti se mettent d'accord pour présenter l'un d'entre eux.
Prenant cette occasion, nous signalons que toute probabilité de victoire au profit de la coalition ‘Benno Siggil Sénégal’ deviendrait illusoire, si un parti aussi important que le Ps se livrait à des ‘élections primaires’. Une telle compétition se transforme en une bataille d'égo qui laisse des plaies béantes, si le pays n'a pas une longue tradition des primaires comme les Etats Unis d'Amérique. Cette réalité a d'ailleurs été vérifiée à ses dépens, par le Parti socialiste français, lors des dernières élections présidentielles.
Les leaders politiques doivent périodiquement relire l'histoire, cela leur éviterait certaines erreurs. Ceci aurait amené les responsables du Ps, à se rappeler le lendemain du 19 mars 2000, où l'opinion les croyait out à jamais ; quant au Pds, autant d'erreurs ne seraient sûrement pas commises en dix années de magister, s'il avait parcouru cette période en marchant à reculons, tel que l'a conseillé Paul Valery. Cette relecture du passé aurait éclairé ses pas en lui rappelant, entre autres, ce temps où pour cause d'une affaire pénale, les dirigeants en étaient arrivés à douter de la survie de leur parti, d'autant que tous les paramètres avaient amené le journal Le Témoin à titrer en première page de sa livraison du 25 mai 1993 : ‘Le Pds va-t-il être dissous ?’ ; et que les responsables des médias d'Etat de l'époque poussaient à la roue avec acharnement, pour marquer leur participation à la réalisation du funeste dessein d'ensevelir le Pds. Cette attitude inqualifiable des médias d'Etat avait d'ailleurs fait l'objet du communiqué de protestation le 17 mai 1993 et provoqué une réaction virulente de l'hebdomadaire Le cafard libéré dans sa livraison du 21 mai 1993.
En tout cas, Ernest Renan affirme que ‘les vrais hommes de progrès sont ceux qui ont pour point de départ, un respect profond du passé’.
Au total, il ressort de ce qui précède, que la perspective des élections de 2012, place le Sénégal à la croisée des chemins. Toutefois, nous osons espérer qu'après avoir connu l'expérience d'une alternance démocratique apaisée 19 mars 2000, aucun des protagonistes de cette compétition électorale n'endossera devant la postérité, la lourde responsabilité d'entraîner le pays dans une marche à rebours qui ferait resurgir les troubles post-électoraux de naguère.
Pour atteindre cette finalité, il faudrait que les uns et les autres refusent de prêter l'oreille à ces conseillers qui ne sont mus que par leur intérêt personnel, et qui ont le génie d'embrumer la lucidité de leur candidat, en avivant son désir de gagner. Ces individus sont de fins psychologues qui savent avec Spinoza que ‘le désir est l'essence de l'homme’, et qui savent également, qu'un désir fortement avivé, prend pour épouse l'imagination qui conçoit toujours beaucoup, au-delà de ce que les choses peuvent être réellement. Il va sans dire qu'un tel état psychologique, peut conduire à des décisions aux conséquences catastrophiques, tant pour le peuple que pour leur auteur.
Heureusement, qu'avec la mobilisation active de la société civile, la désaffectation notée depuis des années sera éradiquée et, puisque le Peuple est seul maître aux deux extrêmes de la vie de l'Etat, à savoir, l'ordre et le désordre, tous les protagonistes seront d'accord avec l'historien italien G. Ferrero, pour admettre qu'en dehors de l'adhésion du peuple, c'est-à-dire, qu'en l'absence d'élections sincères, il n'y aura que la voie de l'aventure qui ne profite à personne.
Souleymane NDlAYE Officier à la retraite Docteur en Droit et en Sciences criminelles
Réforme de la propriété foncière au Sénégal
a-t-il deux catégories de Sénégalais ?
Par Me Doudou NDOYE - Avocat
Art. 35 du projet
«Peut ... requérir l’immatriculation (d’une terre du domaine national) le créancier du débiteur remplissant les conditions fixées à rarticle 3 alinéa 2 de la loi n064-46 du 17 juin 1964 précitée (affectée par le conseil rural) 1 lorsque le Tribunal a ordonné raccomplissement de cette formalité préalablement à la mise en adjudication. Dans ce casl les fraisl qui sont toujours à la charge du requérant à nmmatriculationl sont assimilés aux frais de justice faits pour parvenir à la mise en vente.»
Extraite du livre : Etat, la terre et peuple
Bien que la loi sur le domaine national ait spolié les Sénégalais des terres de leurs ancêtres en créant un concept de droit public nouveau «domaine national», les populations ont fini par s’accommoder d’une part des immatriculations étatiques, d’autre part de la gestion erratique des conseils ruraux, enfin des accaparements des terres rurales par des personnes qui n’ont jamais arrosé un arbre. L’Etat s’accommodait, à son tour, des procédures limitatives des articles 11 et 13 de la loi sur le domaine national.
Ces textes disent clairement que «les zones pionnières et les zones de terroirs relevant des communautés rurales, ne peuvent être immatriculées par l’Etat que pour la réalisation d’opérations déclarées d’utilité publique».
Or l’article 54 du nouveau Code de l’Urbanisme donne à l’Etat le droit de se constituer des réserves foncières par voie d’immatriculation des terres du «domaine national» et cela sans aucune limitation territoriale ni déclaration préalable d’utilité publique.
Ceci est clairement une modification de la loi sur le domaine national insérée dans un code de l’urbanisme dont la préoccupation ne doit se limiter qu’à la manière de construire, et ce au détriment des droits que les conseils ruraux tenaient de la loi sur le domaine national.
Enfin l’article 35 du projet de réforme viendra ajouter à ce qui précède le droit pour un créancier de faire immatriculer les terres du domaine national pour les saisir et les soumettre à la vente aux enchères.
Ce qui induit toutes les hypothèses ci-après :
A/ Les Banques et Organismes financiers sont créanciers dans le cadre du droit des garanties actuelles.
Autant l’Etat avait donné à la Snr des garanties réelles sur les créances antérieures (anti¬constitutionnelles), autant l’Etat vient aujourd’hui apporter aux mêmes institutionnels des procédures de garanties nouvelles, cette fois-ci par amputation des biens nationaux, relevant de la nation.
Cette procédure d’immatriculation au nom d’un débiteur réel, ou débiteur supposé, ou débiteur.organisé, ou débiteur fictif, sera placée dans le cadre de l’acte uniforme de l’Ohada sur les procédures de recouvrement.
Ce texte supérieur à nos lois autorise un débiteur à vendre lui-même le bien saisi (article 115 et suivants de l’Acte Uniforme Ohada)
Exemple: un bien du domaine national attribué par le Conseil rural à cette personne qui est poursuivie ou «se fait poursuivre». Le bien est immatriculé à son nom.
Il pourra alors vendre le titre foncier aux conditions que nul ne pourra réellement connaître. Il pourra aussi simuler le paiement de sa dette organisée et devenir ainsi le propriétaire d’un titre foncier sur le domaine national.
Exemple : Quoi, dans ce cadre, de plus inopportun que de consacrer les errements de certains décrets, décrets n° 2005-677 et 2006-374 déclarant d’utilité publique l’immatriculation de terres du domaine national au nom de l’Etat en vue de leur cession à des personnes physiques ou morales de droit privé.
L’Etat a t-il droit, par décret, de céder un titre foncier provenant de l’immatriculation du domaine national ? Non.
Chacun imaginera à sa convenance. Les scénarii de fraude à la loi par les créanciers, pseudo-créanciers, débiteurs et esprits malins !
• Quel sera le patrimoine à gérer par les conseils ruraux ? quand tout aura été immatriculé et privatisé ....
• Que deviendront les paysans du Sénégal ? lorsque toutes les terres de nos villages auront été
titrées et vendues .... à qui ...
• Que deviendront les commerçants et hommes d’affaires sénégalais à qui il est demandé de retourner à la terre ? à qui il est suggéré de construire des maisons hors de Dakar ? lorsque toutes ces maisons et terres relevant des conseils ruraux auront été rattrapées, titrées et vendues, à l’aide d’une loi nouvelle qui vient rompre le principe d’égalité.
Un projet de réforme de cette envergure ne peut être fait à partir d’un séminaire de fonctionnaires.
B/ A l’heure actuelle, les conseils ruraux ont affecté à des paysans traditionnels ou à des citoyens tout court, des terres du domaine national qu’ils ont mis en valeur ou sont entrain de les mettre en valeur.
• Si l’Etat peut permettre par sa loi à un créancier pour la protection de son argent de se retrouver propriétaire d’un titre foncier sur le domaine national, rien ne peut exclure sur le plan politique, moral et historique que les paysans et citoyens ne puissent eux aussi pour la protection de leur épargne se retrouver propriétaire d’un titre foncier sur le même domaine dit national?
• Si une personne bien informée ou bien gratifiée peut, par le jeu de l’article 35 de cette future loi, se retrouver propriétaire d’un titre foncier, en utilisant des procédures légales de recouvrement Ohada, qu’est - ce qui peut justifier que le paysan honnête et le citoyen honnête ne puisse directement transformer leur maison rurale ou leur champs en titre foncier ?
La consolidation de la propriété foncière, motif du projet de réforme, ne doit-elle profiter qu’aux créanciers institutionnels, banques, mutuelles, etc. ? et créer aussi de nouveau gros propriétaires ? J’ai publié «l’injuste misère du monde rural».
Je voudrais ouvrir l’œil du législateur au sens le plus large du terme pour l’équité et pour la justice. Une réforme de la propriété foncière, oui !
Il est temps
Mais faite par qui ? Mais faite pour qui?