BLOC
Adresse de l’Acr pour la formation du Bloc de la nouvelle opposition
Ce que nous attendons des destinataires de cette Adresse, peu importe qu’ils soient des personnalités individuelles, un parti, un groupe, un courant ou une sensibilité, ou encore des associations, c’est de prendre acte de l’existence d’une volonté affirmée de rupture avec les vieilles pratiques surannées de la classe politique, pour examiner avec nous, sans sectarisme aucun, ni exclusive, l’opportunité et les conditions de la formation d’un Bloc de la nouvelle opposition, pour prévenir la déconstruction anarchique programmée de la démocratie multipartisane sénégalaise, comme conséquence du retard grave dans le renouvellement du personnel politique, et son corollaire, le défaut de circulation ascendante et descendante des élites exprimé par le déphasage constant entre la classe politique et les citoyens, le discours des hommes politiques et les préoccupations des populations civiles et non civiles.
L’équation que nous voulons résoudre est la suivante : Comment surmonter la défection de l’Opposition aux législatives , laquelle laisse le pouvoir actuel sans régulateur ni contrepoids, pour faire des pas dans le renouvellement de la classe politique en général et de l’opposition en particulier au moyen de la participation active à ces mêmes élections ?
A quoi nous avons répondu par la Formation du Bloc de la nouvelle opposition, étant entendu que le propre d’un Bloc est de réunir sur une plate-forme élémentaire et une orientation, des groupes, des sensibilités et des courants qui mettent en commun leurs forces et leurs ressources pour résoudre une ou deux questions, sans forcément fusionner ni perdre toute identité ou toute originalité.
Il va de soi que ce boycott des législatives, par des partis qui avaient recueilli entre 35 et 40 % ou plus des suffrages à la présidentielle, a donné naissance à une situation spécifique, inédite, difficile à prévoir par le passé et dont les conséquences sont nombreuses. L’hypothèse que nous considérons est celle-ci : les électeurs ne sont pas mariés aux appareils pas plus que les bases et les militants et les groupes intermédiaires qui organisent les masses ou les partis à la base ne sont en phase avec cette consigne de boycott et, vont voter pour exercer un droit et sanctionner une politique, de même que l’esquive peu glorieuse de “l’Opposition significative”. Mais, à quelles conditions ? Si la masse des électeurs dispose d’un nouveau cadre oppositionnel crédible, par suite de la réunion de plusieurs segments eux-mêmes crédibles, la liste Sopi aura face à elle non pas tel ou tel parti, mais un ensemble de partis et de sensibilités capables de drainer un vote de masse en offrant une alternative que l’ancienne Opposition n’a pas su offrir, parce que soit elle est atteinte par la limite d’âge ou bien parce qu’elle est trop liée de quelque manière à Wade et à son système…
Aussi, sommes-nous en droit de penser que le Pôle formé par ceux qui comme les débris de l’ancien mouvement révolutionnaire des années 50, 60 et 70, le Groupe de Robert, tout ou partie d’AJ, les patriotes de tous les partis contre le boycott, JJ, Fsd Bj, les syndicalistes, les intellectuels, les sociétés civiles indépendantes, et toutes les forces qui suivent encore les défaitistes de l’ex-Opposition (elles sont très nombreuses et déterminées en vue des législatives et de locales,). Eh bien, ces forces devraient être en mesure, si nous nous y prenions comme il faut, de faire surgir un nouveau pôle porteur capable sinon de l’emporter face au Sopi du moins de reformater le paysage politique et parlementaire, non sans, du même coup, promouvoir les nouvelles générations qui peinent à trouver jusqu’ici les formules concrètes (politiques et organisationnelles) de la relève générationnelle d’une classe politique qui est amortie depuis longtemps, mais qui survit parce qu’il n’y a encore de modalité appropriée ou de matrice signifiante d’incubation de la nouvelle Opposition citoyenne dont les énergies sont dispersées soit dans des organismes partisans de forte conviction, mais de faible amplitude, soit dans des structures de jeunes ou d’Ong qui manquent de détermination et de moyens ou de courage sinon d’expérience pour rompre le noeud gordien de l’ancienne classe politique.
Si, en effet, Cheikh Bamba Dièye et Talla Sylla, Kaly Niang et Arona Moreau, Anoune Mody Ndiaye et Abdoulaye Vilane, Modou Diagne Fada ou Yankhoba Diattara, Cheikh Sar et Abdou Khadre Ndiaye, Soulèye Kidiera, etc., étaient partants pour des discussions sur la Nouvelle opposition avec Mody Guiro, Alioune Sow, Sidya Ndiaye, Mademba Sock, pourquoi s’en offusquer au lieu de s’en réjouir ? Car, en fin de compte, la raison d’être du Bloc n’est-elle pas l’émergence d’un Contre-pouvoir civil et démocratique, dont l’absence reste la principale carence et l’échec indiscutable de la classe politique traditionnelle et de l’Opposition actuelle ? C’est en effet, la fonction d’un Bloc d’embrasser partis et syndicats, associations et courants en provenance de l’Opposition actuelle comme de la Mouvance présidentielles (dissidence), de même que les indépendants et les sociétés civiles, etc. Quant à la «No» qui est un nouveau concept de traitement de la crise politique actuelle afin de soumettre l’Etat au Droit, et les partis aux Citoyens, tout ce qu’elle prétend, c’est que l’ancienne a baissé les bras et que le pouvoir actuel privé de tout contrepoids sérieux et crédible, est devenu encore plus que par le passé, une menace immédiate et directe pour lui-même, pour l’Etat et la société, l’économie, les valeurs et les croyances, etc.. Moyennant quoi, il est de la plus haute instance qu’une nouvelle force susceptible de contenir ses assauts et de modérer ses excès soit constituée dans les délais les meilleurs pour éviter tout retour en arrière et toute entropie.
Aussi, tout le monde comprendra-t-il, aisément, que la première tâche soit, dans cette voie, de faire échec au boycott et aux boycotteurs, d’une part, et d’autre part, de poursuivre hic et nunc, mais du dedans principalement, les luttes démocratiques pour les réformes dans la continuité de celles qui ont été menées, avec des hauts et des bas, des avancées et des reculs, depuis l’ouverture démocratique de 1974 notamment. Il n’y a aucun tabou à faire appel et à s’associer à toutes les forces démocratiques pour cette œuvre de salut démocratique : La Nouvelle opposition est non seulement citoyenne, mais transpartisane. Elle ne gère pas les clivages antérieurs ni les trajectoires du passé : elle regarde l’avenir, non le rétroviseur. Elle regroupe tous ceux qui pensent qu’une époque s’achève avec ce boycott, qui discrédite et sanctionne une manière surannée de faire de la politique, et ouvre une nouvelle période politique : celle de la maturité de la démocratie sénégalaise, laquelle nécessite les efforts conjugués de tous et de chacun pour un nouveau départ.
Le Bno est, sous ce rapport, une question nationale. Il concerne, aussi bien, les membres et les adhérents ou sympathisants de l’opposition actuelle qui sont restés fidèles à l’éthique combative de la Gauche et du nationalisme africain que les secteurs démocratiques de la Mouvance présidentielle, tout comme les centristes (intermédiaires) et les sociétés civiles indépendantes qui ont compris la faillite du régime des partis.
Voilà l’économie de cette Adresse dont le volet pratique consiste à pallier l’effondrement programmé de l’ancienne opposition, par la mise sur orbite d’une nouvelle capable de soutenir le projet démocratique sénégalais en jouant le rôle de contrepoids vis-à-vis de l’Etat, par la défense de notre projet de société et des valeurs qui les soustendent, au-delà des différences de trajectoire et d’idéologies, de même que les institutions démocratiques actuelles. Si, comme nous le pensons, ces dernières ont besoin de réformes urgentes, c’est par la méthode démocratique que celles-ci devraient être conduites, non par la pratique ultimatiste du boycott-coup-de-poing, les tournées des ambassades étrangères et des chancelleries occidentales, etc. Il est, donc, question de regrouper les oppositions légitimes civiles, partisanes, citoyennes, intellectuelles, syndicales et autres, quel que soit le bord au demeurant, pour former le Bloc d’une Nouvelle opposition, ouverte par principe, sur la base des données nouvelles. Ni frileuse ni concubine, mais citoyenne et démocratique, et surtout moderne. Evidemment, il reste la question de savoir comment concilier ce Bloc avec l’existence de plusieurs listes. Nous y avons travaillé, et nous avons, bien entendu des propositions pour résoudre cette manière d’éparpillement et promouvoir toutes les listes du Bloc par des signes distinctifs sans gêner aucunement la personnalité de chaque membre. Les acquis de la démocratie multipartisane fonctionnent comme une valeur et un modèle dans la sous-région en particulier, et le pouvoir n’a pas le monopole du civisme et du patriotisme : les oppositions et les résistances multiples ont le devoir de s’élever contre le boycott au nom de la citoyenneté émergente. Sans complexe. Pour réaliser une telle tâche de sauvegarde des acquis, il faut renouveler la classe politique, or les seules idées généreuses de même que les élans de joie ou les poussées de pessimisme; il faut opposer à la vieille société bureaucratique et féodo-monarchique une force organisée et des actes, des pratiques et des valeurs. En un mot, une nouvelle praxis citoyenne pour laquelle l’Adresse invite à la formation d’un Comité provisoire pour le Bloc de la nouvelle opposition (CP- BNO)
Pr Malick NDIAYE - Sociologue -