Pourquoi Wade doit partir
Pourquoi Wade doit partir
Article Par Sabeye NIANG Professeur de Lettres Modernes à Sandiara ,
Paru le Lundi 21 Déc 2009
L'aube de l'alternance s'est levée sur un Sénégal plein d'espoir. Sa maturité politique, fille d'une présidentielle transparente, était chantée partout. Mais le travail nécessaire à la consolidation de cet acquis démocratique n'a pas suivi. C'est plutôt beaucoup de scandales, un tunnel et une floraison de discours qui nous ont été servis. Le bruit assourdit le champ politique. «Seul le silence est grandeur, tout le reste est faiblesse» a dit Vigny. Son assertion devrait bien faire écho sous nos tropiques où la parole, surtout celle du chef, a perdu sa valeur. Trop lourd, le propos du roi ne pouvait pas arriver directement à l'auditoire. Il devait passer par un stentor qui se chargeait de l'ébruiter. Mais, sous l'alternance, il s'est banalisé par une absence de congruence entre le dire et le faire. Les promesses succèdent aux promesses et les désillusions se pourchassent et s'entrelacent.
Depuis 2000, la ruse, propre au lièvre, est devenue le vade-mecum. Les Très Grands Projets promis à Très Grandes Pompes à la banlieue dorment toujours dans les tiroirs de l'oubli du Très Grand Patron. Mais, il y a pire. Les consciences sont sur les rayons des centres commerciaux. Elles se vendent à coup de millions. Ceux qui, hier, étaient allergiques à Wade ont trouvé, par on ne sait quelle ordonnance, une thérapie (peut être financière) auprès du pape du «sopi». «Fantomas» devient bel homme et «le député du peuple» clame dans toutes les assemblées que «Abdou (laye) Moko doy» (Il a confiance en Abdou (laye)).
Que valent les convictions politiques ?
Les contre modèles s'improvisent moralistes et sous leurs oripeaux qui puent la honte ils pensent s'être baigné au lac de la purification. Hier contempteurs, aujourd'hui ils sont contemplateurs de Wade. L'éthique se noie dans les eaux de l'étiquette et de l'épithète riche. Pauvre de vous qui pensez nous convaincre de votre militantisme libéral ! Votre «beau» lendemain ne nous fait point oublier votre hideuse veille. Nous restons en veille parce que nous savons que le maître d'orchestre de tout cela est l'avocat Wade. Il plaide toutes les causes et porte la robe pour défendre, par un silence assourdissant, toutes les toilettes que prend la constitution du pays. Maître du jeu, il change toujours les règles du jeu au cours du jeu en ne se préoccupant que de l'enjeu du maintien au pouvoir. Le jour des subterfuges est à son crépuscule. Le chef dont le Sénégal a besoin est un homme au-dessus de la mêlée et non un président qui laisse tout l'espace politique et toute la surface publique à la merci des rumeurs et de ses humeurs. Il suffit d 'un «il parait» pour que le gouvernement change ou que l'on renvoie un Directeur ou un Conseiller. Les portefeuilles ministériels se négocient sur la place publique. La fonction de ministre s'est dévalorisée. Le charisme n'est plus à la mode chez nos gouvernants. C'est donc sous l'autel de l'informel que se manage (ou déménage) l'État.
En outre ce qui a sauvé jusqu'ici le Sénégal des conflits religieux et inter éthniques c'est sa promptitude à donner de la valeur à chaque citoyen sans tenir compte des appartenances religieuses. Sous ce rapport, la liberté de culte permet au président de la République de pratiquer la religion de son choix, mais la laïcité de l'État lui interdit d'afficher sa préférence pour une confession ou pire encore pour une confrérie. Cette démarche maladroite parfume l'air d'un populisme qui commence à donner la nausée.
L'opportunisme s'invite dans la kermesse politique. Et, comme dans une tombola, tout le monde revendique un numéro et attend le tirage au sort. Au même moment, les imams égrènent leur chapelet de doléances. Le clergé sonne la cloche pour exiger moins de discrimination. Où allons nous?
C'est une question à ne plus poser.
Alors que faut-il faire ?
Souffrir? Rire ? Sourire ?
Non ! La question est trop grave. Malgré tout, le Sénégal continue à offrir l'image d'un enfant qui tombe dans un puits. Les témoins de la scène s'arrêtent à la margelle et personne n'ose entrer dans le puits pour sauver le pauvre innocent. Le pays est à sauver. Pour ce faire il faut réaliser le «sopi du sopi». Cela passe par le départ de Wade en 2012.