la grosse erreur politique
Wade-Khalifa, la grosse erreur politique ( Par Jupiter Ndiaye TAMSIR )
Sall et son équipe municipale, le Président de la République est allé malheureusement trop vite en besoin et le Ministre de la Décentralisation a vite versé dans des fulminations maladroites qui cachent mal les clivages partisans entre le Pds et l’opposition victorieuse des Locales du 22 mars 2009.
C’est une très grosse erreur politique commise par Wade et son Ministre. Wade, Président de la République, destinataire privilégié des renseignements, aurait pu, en effet, avant d’accuser et de prendre une décision aussi grave, heureusement annulée, procéder à des enquêtes fouillées et détaillées aussi bien auprès de l’Administration que du Conseil municipal. Mais ce ne fut pas le cas. L’esprit politicien a pris le dessus sur la mesure nécessaire à tout homme d’Etat. D’ailleurs, son empressement confirme ceux qui ne cessent d’affirmer qu’il est mal informé et toujours abusé. Et dans ce bref conflit, Khalifa Sall en a tiré profit et le Ministre de la Décentralisation, « mandataire du Chef de l’Etat » y a perdu des plumes.
Premièrement, en parlant d’une gestion nébuleuse de terrains par la municipalité de Dakar, le gouvernement Wade oriente, à ses propres dépens, les regards aussi bien sur la boulimie foncière des libéraux qui se partagent insidieusement le domaine national que sur le bradage du domaine maritime national et le deal opéré avec le transhumant Mbackiyou Faye sur le terrain abritant le monument de la renaissance. Pire, en soupçonnant publiquement Khalifa Sall de « détournements de deniers publics », c’est toute l’opinion nationale et internationale qui rit sous cap.
Combien de scandales financiers y a-t-il eu dans ce pays avec l’actuel régime ? La première réaction des observateurs a été de rappeler à Wade le scandale des 46 milliards des chantiers de Thiès, la gestion de l’Anoci (432 milliards), les 7 milliards de Taiwan, la gabegie des finances publiques, l’affaire Sudatel (20 milliards), les primes de l’Artp (1, 6 milliards), les nébuleux dépassements budgétaires (91, 5 milliards) etc. et la liste est loin d’être exhaustive. Par conséquent, l’accusation contre Khalifa Sall de détournement de deniers publics s’apparente plus à la méthode d’un voleur qui crie au voleur.
Deuxièmement, l’acte d’accusation contre Khalifa Sall est plus une affaire politique qu’une affaire d’Etat. Pendant 9 ans, Pape Diop a dirigé librement la Ville de Dakar et c’est sous son magister que s’est manifestée la boulimie foncière des libéraux. Mais Pape Diop étant du dispositif libéral n’a jamais été inquiété. Et 1 an et 6 mois seulement après l’installation de Khalifa Sall et de son équipe issue de l’opposition, le pouvoir libéral fulmine et accuse un Conseil municipal qui n’est pas de son camp. Le soubassement politique est conséquemment flagrant. Et l’opinion publique n’y voit qu’un camp partisan qui, disposant de l’appareil d’Etat solde les comptes à un adversaire victorieux.
Troisièmement Khalifa Sall gène indubitablement. Sa décision de désengorger Dakar et de recaser les marchants ambulants est saluée. S’il l’exécute, il en tire des bénéfices politiques. Il gagnera l’estime des usagers de la circulation et celle d’une bonne partie de la jeunesse rurale. Politiquement, il est devenu pour Wade une équation.
Enfin, Khalifa Sall a réussi, devant les fulminations du Ministre de la Décentralisation et les attaques personnelles, à s’armer de mesure et d’esprit conciliant qui a même amené l’Association des Maires du Sénégal dirigée par le Ministre d’Etat Abdoulaye Baldé à se retrouver immédiatement pour neutraliser le casus belli dans lequel Wade s’est gouré. In fine, le gouvernement Wade constatant sa grosse erreur politique se dégonfle et retire son « information judiciaire ». Mais en politique, une faute politique se paie. Celle-ci sera-t-elle payée par Wade et son régime ? C’est une question.
DECLARATION DE L’ACAD SUR LES MOUVEMENTS CITOYENS
Depuis quelques mois, des forces nouvelles portées par la volonté de faire prévaloir un autre mode de gouvernance, mues par l’ambition de donner un autre cours aux choses, s’agitent, bruyamment, dans le champ politico-social de notre cher pays. Ces forces définissent leurs actions, directement, dans la sphère de la citoyenneté.
Plusieurs, parmi ces mouvements « citoyens » très actifs et très médiatisés, revendiquent une « pureté » morale, intellectuelle, idéologique et même politique pour fonder les actes d’allégeance dont ils doivent être les objets. Ils prétendent à une mobilisation très large dans de nombreux segments de la société pour combattre le régime des Wade. Tous les thèmes sont capturés pour servir de base et de raison à leur propagande : campagnes pour la bonne gouvernance et la transparence dans les affaires de l’Etat, attribution d’une chaîne de télévision (TFM), pétitions pour la reprise des chantiers routiers perdus et, pour certains, réaction contre un limogeage du gouvernement que l’on trouve injuste, en plus du sentiment qu’on jouit d’une dimension qui doit être rétribuée à travers des dithyrambes incessantes.
La convergence de ces campagnes disparates, a modifié négativement le décor du champ citoyen traditionnel, tel qu’on l’a connu jusqu’ici.
De Dakar à Montréal ou Brescia en passant par Paris, Madrid, New York, Washington, Nice, certaines populations sénégalaises innocentes éprouvent beaucoup d’autosatisfaction en entendant ces nouveaux parangons et hérauts d’un idéal surmédiatisé.
Cette propagande se lit dans la pratique et dans les formes de mobilisation orchestrées par des médias alimentaires, plutôt sensibles à leurs bedaines qu’au nationalisme véritable dont l’engagement ne peut être suspecté de se fonder sur des intérêts personnels.
Ce sont les mêmes noms qui reviennent : Cheikh Tidiane Gadio, Youssou Ndour, Bara Tall, Mansour Sy Djamil et compagnie. Ce sont les mêmes slogans qui sont repris jusqu’à saturation. Individus et slogans sortis « magiquement » de leurs coquilles s’érigent en défenseurs hardis et impénitents des sénégalais meurtris par le régime abusif des sopistes.
Voilà les nouveaux « porteurs de nos voix ». Bizarrement, ils se ressemblent tous, par les fondements de leurs motivations. Ils ont, tous, été victimes, d’une façon ou d’une autre, des lubies de leur ancienne idole, patron ou complice : Le Président Abdoulaye WADE. Il n’est pas nécessaire de redire leurs parcours de ces dix dernières années, ces parcours sont de notoriété publique.
Il est aisé d’accorder leurs : « déclarations patriotiques identiques » dans leurs communications. Leurs ressemblances sont plus visibles dans leur complicité, leur alliance et les personnes qu’ils mobilisent.
Nous saluons, au passage, la prise de conscience citoyenne du peuple sénégalais. Cette prise de conscience illustrée lors des dernières élections municipales de Mars 2009, gagnées par les citoyens abandonnés à eux-mêmes.
Ce phénomène est incontestable. Aucun parti politique ne peut revendiquer, à lui seul, cette victoire qui leur a été offerte par le Peuple sénégalais. Ce réveil citoyen résulte de la rupture du lien de confiance qui unissait le peuple à ses politiciens, au constat, de la situation maléfique dans laquelle il est plongé, et de l’évolution nationale qui suscite toutes les interrogations. La vie au Sénégal est devenue insupportable et c’est l’échec du modèle dominant proposé par Wade. Aujourd’hui, l’action citoyenne semble être la seule alternative pour sortir notre pays du gouffre dans lequel Wade et sa cohorte l’ont enseveli.
L’échec de la politique libérale du Président Wade, qui a régné sans partage sur l’économie nationale, est patent et, maintenant, largement admis. En dix ans, on a assisté à l’effondrement de notre croissance donc, à une baisse du niveau de vie. Une baisse plus importante et plus durable que tout ce qu’a pu connaître notre pays avant l’alternance de l’an 2000. Plus de la moitié de la population sénégalaise vit plus mal qu’au début des années 1990 avec moins d’un dollar par jour.
Cependant, cette situation est loin de signifier que les Sénégalais adopteront tous ces nouveaux messies, qui après avoir sympathisé et/ou participé, d’une façon ou d’une autre, au pillage de notre pays, prennent ou prendront avec malin plaisir le peuple comme valeur d’échange pour régler leurs comptes avec leur ancien mentor.
Les modalités de leurs démarches sont loin d’être citoyennes et même loin de servir le peuple Sénégalais.
Ce peuple qu’ils avaient abandonné, oublié durant dix années pendant lesquelles, avec leurs silences complices, le Président Wade et sa famille semaient la désolation et la terreur dans ce pays, nôtre.
Non, nous ne l’accepterons pas !
Leurs discours sont en retard et ne sont guère en phase avec le code institutionnel correspondant aux principes de la citoyenneté.
Le mouvement citoyen était là aux moments où ils servaient, ou flirtaient avec ces gens mêmes qu’ils combattent aujourd’hui. Cette force citoyenne a déjà obtenu des résultats visibles et palpables dans les banlieues et les coins les plus reculés, les plus démunis du pays. Cette force citoyenne a permis d’éclairer la monarchisation du pouvoir à laquelle ils ont assisté avec lâcheté, sans aucun égard pour le peuple. Au contraire ils ont favorisé cette monarchisation.
Pourquoi ne l’ont-ils pas dénoncé dès le début de sa conception ?
Où étaient-ils en 2002, 2003, 2004 jusqu’en 2009, lors des modifications successives de notre constitution pour des enjeux politiciens. Où étaient-ils lors du bradage des ICS aux Indiens ?
Où étaient-ils lors des multiples bradages des parts importantes de notre patrimoine national, en vue d’accumuler des fonds de campagne électorale, en vue de s’offrir des voyages luxueux à l’étranger ? Où étaient-ils quand on construisait un monument onéreux, inopportun dans le mépris des besoins urgents des populations ? Où étaient-ils durant toutes ces années de délestage, de pénurie de gaz, de cherté du pain, de rareté du sucre, de l’augmentation arbitraire des prix des denrées de première nécessité, de manque de médicaments dans les hôpitaux ? Où étaient-ils quand ce régime abusif violentait les journalistes, quand il acculait les honnêtes citoyens, quand il poussait les enseignants à des grèves sans retenue, quand élèves et étudiants étaient martyrisés ? Cette énumération n’est pas exhaustive.
Aucun de nos nouveaux Solon et Lycurgue ne s’avisa alors de s’ériger en rempart devant le peuple. Aucun d’entre eux ne prit le parti de dire non, de défendre les principes Républicains. Aucun d’entre eux ne se démarqua du système, n’osa contredire Wade. Aucune de leurs voix ne s’éleva, ne retentit. Ils applaudirent à toutes les injustices. Ils se turent devant toutes les exactions. D’où la légitime question :
Pourquoi notre peuple devrait-il, aujourd’hui, les élever au rang de vigiles insomniaques des intérêts du peuple et de la Nation ?
Pourquoi devraient-ils être perçus comme les représentants des forces citoyennes populaires ?
En mettant l’accent sur ses responsabilités, la mobilisation citoyenne a recréé un vaste élan d’espoir dans notre pays. Elle a redonné souffle à l’idée qu’un autre Sénégal est possible si nous y croyons. Cette évolution de la conscience citoyenne est perceptible dans la floraison d’idées et de propositions nouvelles postulant à de meilleures conditions de vie. Elle s’appuie sur la montée d’une expertise citoyenne qui s’ancre petit à petit dans les consciences. Elle transparait lors des marches des marchants ambulants, au cœur des lassitudes des ménagères, des protestations des imams, des jeunes, des handicapés, des travailleurs syndiqués ou non. Ces mouvements sont dirigés par des responsables de toutes les couches, dans tous les horizons de notre pays. Voila les mobilisations qui sont aujourd’hui porteuses de la demande sociale et politique qui commence à peser sur les institutions de l’état. Et cette force dans sa constitution et son évolution a des échos sonores chez nos partenaires financiers, chez les pays supporters de l’avancée de la démocratie dans le monde, dans les écoles et les universités et sur le débat intellectuel à travers les média.
Nous ne laisserons jamais ces « nouveaux arrivants » squatter tous ces efforts consentis durant toutes ces années d’un combat entamé au moment où ils humaient les efflues émanant du Palais Présidentiel.
Nous disons non à leur démarche politicienne de Récupération. Le nouveau modèle citoyen est, en fait, un modèle de reconquête nationale. Il démontre que la bataille intellectuelle n’est pas la seule forme de lutte sociale. Il a tiré les leçons des échecs et des faiblesses des modèles précédents des sociétés civiles et des politiciens. Le nouveau modèle propose une nouvelle cohérence nationale comme alternative incontournable quant à la recherche de solution à nos problèmes. Il a tiré profit de la contestation géosociale du système politique qui s’est effondré progressivement depuis 2000. Le mouvement citoyen sénégalais construit une alternative incontournable autour d’une ligne directrice, celle du respect des populations. Dans chaque quartier et chaque village du pays, on voit progresser la prise de conscience de l’impasse portée par le régime du Président Wade. Une contre-tendance montre qu’il est possible de réguler les complots politiciens, l’injustice, le gaspillage, la corruption, les abus de pouvoir qui doivent désormais être combattus par un engagement citoyen pour obtenir le respect des droits du peuple.
Cet engagement est essentiel pour rappeler les valeurs et les principes, pour exiger des garanties, pour contrôler toute mise en œuvre de politiques ou décisions visant le contraire des intérêts du peuple sénégalais. Cependant, il est nécessaire de prendre des dispositions pour contrecarrer les visées des mouvements « carnivores » politiciens récupérateurs. Des initiatives pour protéger l’autonomie des vrais mouvements citoyens sont absolutoires.
Aujourd’hui, le mouvement citoyen sénégalais a, chemin faisant, défini les principes nouveaux devant fonder les politiques économiques et sociales de notre pays.
Le vrai mouvement citoyen refuse la subordination de la justice. Il veut renforcer l’égalité, le contrôle démocratique des instances de régulation, la garantie et l’approfondissement des droits fondamentaux, la prise en charge des problèmes des Sénégalais, trouver des solutions sénégalaises proposées par les Sénégalais eux-mêmes.
A l’idée simple, voire simpliste, qu’une bonne gouvernance et une transparence assurées par des institutions démocratiques permettent de résoudre tous nos problèmes, on peut répondre que la conscience citoyenne est la seule voie de l’assurance d’une politique économique adéquate qui peut garantir, équitablement, l’accès aux services de base et la satisfaction des besoins fondamentaux pour tous les Sénégalais.
Combattons pour préserver l’honneur et la dignité du peuple Sénégalais qui souffre toujours la misère. Ce combat, certes, est plus difficile, dès lors que le pouvoir corrompu et corrupteur a su mettre en place, en accompagnement, au décor démocratique de façade, une société civile virtuelle et une opposition mal gérée, chargées toutes deux de polluer l’environnement de la lutte politique et sociale. Mais il est possible de gagner la bataille, de remporter la victoire. Nous n’avons pas d’autre choix que de nous auto-organiser et de nous mobiliser pour défendre notre République démocratique et unie, consacrée aux valeurs de la citoyenneté.
A cet effet, l’Alternative Citoyenne And Defar Sunureew (ACAD) exige de toutes les forces citoyennes réelles plus de lucidité et de responsabilité allant dans le sens de la dynamique de lutte pour la citoyenneté, en œuvrant dans une démarche constructive de rassemblement citoyen. Il appelle la population à resserrer les rangs, en faisant de ces moments difficiles qu’ils vivent, des moments de fraternité ; en faisant de la redynamisation du combat citoyen un credo pour le recouvrement de nos droits démocratiques, allant tous dans le sens de briser le joug esclavagiste qui nous est imposé par un régime totalitaire squatteur de la souveraineté populaire.
Enfin, l’ACAD., tout en rendant hommage aux martyrs et victimes du régime abusif du Président Wade, tient à réitérer sa détermination inébranlable à faire aboutir les idéaux véhiculés par sa plate-forme ratifiée lors de son dernier Congrès extraordinaire de Bologne, en Italie.
Citoyennement.
Vive le Sénégal
Vive le peuple Sénégalais
Vive l’ACAD.
www.acadsenegal.com
Lettre aux écrivains ou quand le voyage est mal compris !
Chaque fois que l’occasion se présente de proposer des écrivains et des éditeurs pour représenter le Sénégal à une foire ou à un salon du livre, à des journées culturelles à l’étranger, le ministère de la Culture et des Loisirs, par le biais de ses services compétents, adresse une correspondance aux présidents des structures constituées regroupant les acteurs intéressés. Si, du côté des éditeurs, les choses tournent rondement, ça coince irrémédiablement du côté des hommes de la plume où ce sont invariablement les mêmes personnes qui sont favorisées. Le bureau exécutif de l’Aes se réunit-il pour désigner de façon transparente, suivant des critères objectifs, les membres qui vont représenter la structure ? Je ne saurai répondre à cette question. Venant de quelqu’un qui, en principe, est vice-président de l’Aes en charge de la diversité culturelle, un tel aveu peut paraître paradoxal. Pourtant, le paradoxe est le lot que tout homme et toute femme de bonne volonté doivent se résigner à gérer pour espérer apporter une modeste contribution à une animation littéraire, culturelle et intellectuelle plus ou moins attrayante à Keur Birago, dont le défunt propriétaire est sûrement en train de se retourner dans sa tombe, de tirer nerveusement sur son éternelle pipe et d’envoyer des bouffées provocatrices à la face du Créateur Suprême, en bougonnant : ‘Grand Dieu, que Vous ai-je donc fait pour que Vous abandonniez mon logis autrefois fréquenté par la crème du monde pensant et créatif à une engeance inclassable ?’
C’est dire que les récriminations ne manquent pas au sein de la structure nationale réunissant les auteurs de fiction et sont le fait de beaucoup d’associés. Malheureusement, ces derniers protestent dans la rue, dans les bureaux, dans les salons. Jamais là où il faut et devant qui il faut ; jamais en réunion ou en assemblée générale, même si on peut m’opposer que ces occasions sont si rares qu’on ne se souvient plus de la date de la tenue de la dernière.
Que faire pour que le Sénégal soit représenté comme il se doit à l’occasion des rencontres internationales autour du livre, quand chaque pays délègue ses meilleurs porte-drapeau dans le domaine littéraire ? En tout cas, l’Etat, à travers le ministère de la Culture et des Loisirs, ne peut rien, absolument rien en dehors de ce qu’il fait et pour lequel il doit être remercié et encouragé : saisir les structures reconnues s’occupant d’écriture et d’édition, puis assurer les meilleures conditions de déplacement à ceux et à celles qui ont été choisis par leurs pairs. Hé oui, le ministère de tutelle ne peut intervenir si les membres constituant une structure organisée et grassement appuyée par l’Etat n’ont ni le courage de prendre leurs responsabilités au sein de l’instance censée les gérer dans la transparence et la démocratie, ni celui de dénoncer ouvertement et à visage découvert le mal qui fait de cette instance un instrument au service d’un individu ou d’un gang d’un genre nouveau, plutôt qu’un cadre d’épanouissement collectif, d’échanges et de solidarité. A mon humble avis, les protestataires ambulants doivent au moins avoir la sagesse de se taire, comme ils le font quand l’occasion qui ne peut manquer, leur est donnée de parler là où il faut et avec qui il faut. Personne, à leur place, ne fera le ménage inévitable.
Si j’écris ces lignes, c’est tout juste pour tenir une promesse faite à ceux qui imaginent que je suis de bon conseil et que j’ai l’oreille attentive du président de l’Aes à qui je ne cache jamais le fond de mes pensées. Croyez-moi : le bonhomme a bon esprit et un sens inouï des relations humaines ; il veut certainement bien faire. Mais il est victime d’une situation dont il n’est pas, du fait de sa vulnérabilité compréhensible, le maître ; où ce qu’il récolte est périssable et ce qu’il sacrifie irremplaçable.
Pour me provoquer, un défunt aîné, illustre dramaturge dont je salue la mémoire, me traitait d’’écrivain sénégalais’. Ma colère, alors, n’avait d’égale que la pernicieuse insinuation embusquée derrière l’épithète qui ironise sur la compression ou l’expansion à outrance de l’heure que les Sénégalais partagent avec les nations ponctuelles. ‘Ecrivain sénégalais’, pour être clair, et ce n’est, du reste, plus un secret pour personne, signifie : prétention, médisance, dénigrement et chantage. Que mes confrères se rassurent : ce n’est pas une donnée récente. En effet, il m’a été donné de lire les mots ‘méchanceté’ et ‘jalousie’, dans une correspondance, sous la plume de l’illustre président-poète Léopold Sédar Senghor, déplorant les maux qui pourrissent les relations entre écrivains associés.
Je veux dire qu’aucun écrivain digne de ce statut n’élèvera la voix ni ne lèvera le petit doigt pour dénoncer la désignation arbitraire d’auteurs devant représenter l’Aes à un rendez-vous littéraire international. Pourquoi ? Ce n’est nullement par crainte d’être taxé de mécontent ou de mauvais perdant, mais pour l’unique et simple raison qu’un écrivain se soucie d’abord d’écrire, s’applique surtout à écrire, avant de songer à voyager. Car un écrivain ne voyage pas pour voir du pays, mais pour remplir une mission au nom de la littérature, pour aller à la rencontre d’autres écrivains et découvrir le cadre de floraison d’autres écritures. Et la dignité exige qu’à cette occasion, il puisse montrer ses œuvres de qualité et participer activement aux débats organisés, surtout lorsque l’Afrique qui doit s’affirmer davantage, est attendue. En outre, lorsqu’il voyage, l’écrivain préfère que ce soit non pas sur proposition discutable, mais sur invitation personnalisée, compte tenu de sa production.
Amis écrivains, il faut écrire, seulement écrire et renoncer avec grandeur à tout ce qui revient aux plus performants d’entre vous et à quoi votre écriture ne vous autorise pas, pour le moment, à prétendre. Ecrivez, et grâce à votre talent qui se confirmera d’une œuvre à l’autre, vous vous ferez une place dans la conscience de tous ceux qui aiment la lecture et l’écriture. Alors, les collèges, les lycées, les universités, les associations et groupements de jeunes ou de femmes trouveront de l’intérêt à vous inviter à l’intérieur du Sénégal et à travers le monde. Vous voyagerez sans compter sur les billets mis à disposition d’une association qui les distribue sans mesurer les conséquences d’une représentation au pif de notre pays aux rendez-vous internationaux de la Culture et des Lettres.
C’est sans doute parce qu’elle n’est pas sans un enjeu de taille que la question mérite une attention particulière de l’Etat, en dépit de son obligation de réserve et de neutralité. En effet, tout le monde s’inquiète de la piètre image du Sénégal littéraire qui est en train de se répandre comme tache d’huile et d’émouvoir les observateurs avertis d’ici comme d’ailleurs.
Bien sûr, en dehors de ceux qui ne voyagent que sur proposition injustifiable, il y a les écrivains régulièrement sollicités à l’extérieur parce qu’ils ont acquis une notoriété grâce à une poésie qui fait rêver le monde, une dramaturgie qui donne à toute communauté l’occasion de se situer parmi la diversité des habitants du village planétaire ou une production romanesque qui illustre à la fois la différence et la proximité des peuples. Je ne citerai pas un seul nom, car je défends des principes. Loin de moi la tentation d’encenser ou d’avilir qui que ce soit. Chacun sait parfaitement qui il est et, dans notre pays, tout le monde sait qui est qui, comme dit le commun des citoyens.
Je finirai, cependant, par quelques remarques qui sont, en fait, des constats sans état d’âme. D’abord, il est rare qu’une seule association représente tous les écrivains d’un pays. Donc, cela n’étonnera personne si, demain, des auteurs se regroupent soit par affinités soit sur la base du genre littéraire qu’ils cultivent et se signalent à l’attention du ministère de tutelle qui devra alors prendre acte et en tirer toutes les conséquences. Ensuite, force est d’admettre qu’une association, dans un pays moyennement avancé, est souvent un cadre où s’agitent des activistes qui constituent un groupe de pression pour obtenir des facilités (fonds et postes) de l’Etat sans lesquelles ils seraient démunis et anonymes. Enfin, le seul conseil que je puisse donner à mes amis écrivains tient en une phrase. Ecrire, c’est jouer à qui perd gagne ! Il faut apprendre à dédaigner les faveurs car, en art, le succès n’est jamais donné mais conquis. Si vous avez compris cela, vous gagnerez à coup sûr la dignité d’être vous-mêmes et la liberté d’écrire ce que vous êtes, l’estime de vos contemporains et, plus tard, la reconnaissance de la postérité.
Ecrivez donc, raturez, écrivez encore, puis déchirez, mais remettez-vous à écrire sans jamais accepter une critique subjective ou un article complaisant ; évitez aussi l’auto-promotion. Contentez-vous d’écrire et ayez de la patience car, comme le dit Baudelaire, ‘l’Art est long et le temps est court . Si le feu sacré est en vous, il s’allumera bien un jour. Alors, le monde vous lira et entendra parler de vous. Comme bon nombre de vos aînés que vous voyez rarement au petit écran et que vous n’entendez presque jamais sur les ondes, vous voyagerez par la seule grâce de votre mérite personnel parce que le monde aura besoin de vous connaître pour saisir davantage le sens de vos œuvres et, à travers elles, découvrir les richesses cachées du pays dont l’histoire et les cultures, le ciel et les cours d’eau, les hommes et les femmes vous ont inspirés.
Et puis, tant pis, si vous n’avez pas l’occasion de voyager. L’écriture, quand on n’a pas contourné le passage obligé de la lecture, n’est-ce pas le plus merveilleux, parce que le plus reposant et le plus enrichissant, des voyages ?
Dakar, le 6 septembre 2010
Marouba FALL Professeur de Lettres Modernes E- mail : fallafall50@yahoo.fr / marouba_fall@yahoo.fr Site perso : www.e-monsite.com/maroubafall