Le Sénégal otage d’une mythologie d’Etat
Le Sénégal otage d’une mythologie d’Etat
Si nous observons de façon approfondie la logique qui a sous-tendu le fonctionnement de l’Etat du Sénégal sous l’inspiration des libéraux, nous nous apercevons de l’existence d’une pensée dans laquelle sont transposées des représentations imaginaires qui relèvent de l’esprit surréaliste. C’est dire, en quelque sorte, combien notre Etat s’est trouvé au cœur d’un récit, mettant en scène des êtres «surhumains» aux commandes de la République dans lequel se projettent certains complexes individuels et certaines structures sous-jacentes de rapports familiaux.
En effet, le mode opératoire consécutif à cette forme de pensée à la base d’un style particulier d’exercice du pouvoir, s’articule à travers l’existence d’un reflexe primaire nihiliste qui se traduit par la remise en cause systématique de réalisations accomplies par les autres, sans la matérialité d’une alternative crédible de substitution (dissolution de la Sonagraine, rupture du contrat avec Hélio-Hydro-Quebec, modification de l’actionnariat des Ics et de la Sar etc.)
A ce titre, la préoccupation fondamentale de l’homme «surhumain» restera toujours de tenter de démontrer une position dominante dans l’action collective qui le place devant une posture permanente à la marge des réalités. Si bien que, la volonté politique qui en résulte s’écarte de l’ambition de réaliser des sauts qualitatifs par l’amélioration de l’existant dans la continuité pour dériver vers un culte de la personnalité, traduisant bien une faculté chez eux, que tout ce dont ils ne sont pas les auteurs n’est point pertinent, ou, à tout le moins, insuffisant. Il se trouve qu’à partir du moment où il est impossible de réinventer la roue et qu’en définitive, la réalité finira toujours par prévaloir, une sorte de jeu de cache-cache avec son monde sous le prisme de la ruse devient une méthode. La propension à apparaître toujours comme le dominant développe vers eux une paranoïa intellectuelle qui les place devant des positions qui relèvent d’un nihilisme historique. Avec eux, l’histoire devrait débuter et sa fin adviendra lorsqu’ils partiront. Dans l’ordre normal des choses, le déterminisme à la base de tout progrès d’une société ou de la science repose sur l’amélioration des acquis par l’homme du pouvoir comme l’homme du savoir, contrairement aux comportements des libéraux qui sont sur d’autres latitudes en complet déphasage avec la réalité. C’est pourquoi, tout le programme de gouvernance des libéraux se résume, soit à des opérations de reprise de l’existant sous d’autres formes, caractérisant cette tendance à tout remettre en cause pour finir à une appropriation indue des réalisations, soit à des transferts d’activités pour les mêmes causes, provoquant un lourd tribut à la communauté. Parfois, lorsqu’il y a le vide, l’irréalisme les pousse jusqu’à imaginer des projets mirifiques dont les réalisations conduisent à de vrais gaspillages de nos deniers publics (transfert de l’aéroport de Dakar, construction de tunnels et de statues, projets de bateaux taxis, de bissap, de manioc etc.) Ce serait aujourd’hui une tautologie d’affirmer que les investissements réalisés au Sénégal sous l’égide des libéraux sont inopportuns au vu de l’absence d’impacts positifs sur la vie des populations et du point de vue du développement économique et social de notre pays. La gabegie qui résulte de l’attitude paranoïaque de «l’homme surhumain» s’identifie, de ce fait, à la pratique d’une mauvaise allocation de nos ressources rares au grand dam du progrès social.
Au plan politique, en raison des échecs répétitifs consécutifs à la posture de «l’homme surhumain», la conservation du pouvoir avec la possibilité de le transmettre à ses héritiers par les phénomènes familiaux sous–jacents, devient une né-cessité absolue, devant le tribunal de l’histoire. De sorte que, la transgression des lois démocratiques au profit de lois scélérates constitue la règle, si l’on considère la suppression du ? bloquant, la suppression envisageable du 2e tour ou d’autres subterfuges similaires et même l’instauration carrément d’un système censitaire au Sénégal par le truchement du Sénat et de l’Assemblée nationale. Cette volonté de conserver le pouvoir à tout prix contre l’avis du peuple par le tripatouillage des bases sur lesquelles les libéraux sont arrivés au pouvoir, traduit une forfaiture historique et trahit l’idéal démocratique, faisant reculer le Sénégal à l’âge médiéval.
La séquence libérale dans l’évolution historique du Sénégal montre bien la présence d’un autisme profond chez eux, autisme dont les conséquences sont préjudiciables à l’équilibre de la Nation et à son progrès. Il se fait tard et les dégâts s’accumulent, il est temps de mettre fin à cet aventurisme de l’Etat idéaliste.
Kadialy GASSAMA - Economiste Rue Faidherbe X Pierre Verger Rufisque