du 02Juin 207
Vrais et faux enjeux d’une élection improbable
En république, l’enjeu principal d’une élection législative est évidemment d’obtenir la majorité, qui donne le pouvoir à la fois de voter les lois et de contrôler leur application par le gouvernement. De même, un régime de démocratie représentative se reconnaît autant par la souveraineté du peuple et la séparation des pouvoirs que par l’indépendance de la justice et le respect des droits humains. Voilà pour la théorie ; mais qu’en est-il dans la réalité politique concrète du Sénégal aujourd’hui ?
Quelques rappels s’imposent. Chacun sait que la date du 3 juin 2007, finalement choisie pour la tenue du scrutin, relève non pas du terme légal de la dixième législature (2001-2006), mais bien du fait du prince. Par diverses manœuvres et manipulations, le chef du Parti-Etat est parvenu à inverser l’ordre chronologique du calendrier électoral républicain, selon lequel le renouvellement de l’Assemblée nationale aurait dû précéder largement l’élection du président de la République.
Personne n’ignore non plus que chaque étape du laborieux processus ayant conduit aux consultations de l’an 2007 a donné lieu à de vives controverses entre la mouvance présidentielle (Cap 21) et l’opposition (Cpc, puis Cpa).
Depuis les contestations autour de la décision de refonte totale du fichier électoral et des modalités pratiques de sa mise en œuvre (discriminations à l’inscription, distribution sélective des cartes d’électeur etc.) jusqu’à la fixation du nombre de députés à élire avec leur répartition entre scrutins majoritaire et proportionnel, en passant par la nomination des membres de la Commission nationale électorale autonome (Cena) le vote des militaires ou le montant du cautionnement, c’est l’ensemble du processus électoral qui a été entaché d’irrégularités et de manquements liés au style unilatéral et autoritaire de Me Wade. L’attitude de ce dernier n’est pas seulement un reniement des promesses du ‘Sopi’, ni une simple violation de son serment de ‘respecter et faire respecter la Constitution’ ; elle atteste surtout de la suppression d’une règle non écrite, mais déjà bien établie sous Abdou Diouf : la recherche systématique du consensus des partis en matière électorale. Ce n’est pas le moindre paradoxe que le fossoyeur de cette tradition consensuelle se trouve être précisément celui qui en fut le premier bénéficiaire !
Cependant, le paradoxe n’est qu’apparent pour qui connaît tant soit peu les circonstances de la naissance du Parti démocratique sénégalais (Pds) et l’itinéraire politique antérieur de son fondateur qui, bien que s’étant engagé à ‘changer les structures, les politiques et les hommes’, n’a pourtant pas hésité, après l’alternance de l’an 2000, à perpétuer les structures à aggraver les politiques de façon caricaturale, tout en recyclant les déchets politiciens de l’ancien régime. A tel point qu’en lieu et place de ‘l’Etat de droit’ annoncé et attendu, est apparu un monstrueux ‘Etat de dégénérescence’, caractérisé par une ‘personnalisation outrancière du pouvoir’, une ‘transhumance tous azimuts’ et une ‘corruption envahissante’. (cf Wal Fadjri du 16/ 01/05).
C’est dans un tel contexte qu’est intervenu le scrutin présidentiel surréaliste du 25/02/07 avec ses résultats invraisemblables, sans oublier les nombreux ‘dysfonctionnements’ soulignés par le Conseil constitutionnel, juge des élections. Il s’est agi du premier test de faisabilité des nouvelles règles du jeu électoral, définies non pas d’accord parties, mais discrétionnairement par le seul ‘maître’ et à l’avantage exclusif de sa propre personne, de sa famille et de son parti. Comment s’étonner, dans ces conditions, que le maa tey présidentiel atteigne des proportions démesurées et sans précédent ?
Quoi qu’il en soit, à la suite de ce scrutin, considéré comme une ‘mascarade’, voire un ‘pickpocket électoral’ (Mamadou Dia), plusieurs partis d’opposition ont décidé de se retirer de la compétition législative et d’appeler le peuple sénégalais à s’abstenir de prendre part à une élection piégée et improbable. Le ‘boycott actif’ des partis membres du ‘Front Siggil Senegaal’, représentant une part substantielle de l’électorat et principal challenger de la ‘Coalition Sopi 2007’, car seuls capables de la mettre en échec, signifie-t-il l’absence de tout enjeu réel de pouvoir ?
Pour certains, le peu d’intérêt accordé par nos concitoyens à la campagne électorale en cours résulterait du sentiment diffus que, les jeux étant déjà faits, cette compétition est devenue sans objet. Un scepticisme justifié autant par les artifices du mode de scrutin et du découpage électoral (qui garantissent une majorité qualifiée à la liste du Parti-Etat, même en cas de quasi-égalité des suffrages entre pouvoir et opposition, comme en 1998 et 2001), que par le fait que depuis l’avènement du ‘cycle présidentialiste’ en 1963, l’Assemblée nationale est domestiquée et vassalisée par l’exécutif, au même titre que le judiciaire…
Pour d’autres, l’enjeu véritable du prochain scrutin résiderait plutôt dans le taux de participation (ou d’abstention) des électeurs, un bon indicateur de vitalité démocratique. Mais là encore, plusieurs facteurs conjoncturels peuvent faire douter de la validité de ce paramètre, du fait notamment des votes multiples avérés, des transferts massifs de votants et surtout de la tutelle étouffante d’un ministre de l’Intérieur ouvertement partisan sur l’administration territoriale chargée de l’organisation matérielle du scrutin. D’ailleurs, un taux d’électeurs supérieur à celui de l’élection présidentielle (plus de 80 ainsi qu’une ‘victoire’ à 100 e la Coalition Sopi 2007 ont déjà été annoncés… !
En l’absence de tout enjeu véritable de pouvoir ou de participation, vu la disproportion des forces en compétition pour le suffrage et la partialité de l’administration, quel autre type d’enjeu pourrait se dissimuler derrière la configuration électorale actuelle où les adversaires potentiels crédibles sont hors course ?
De notre point de vue, l’enjeu essentiel de l’élection à venir réside dans la nécessité vitale de mettre un terme définitif au maa tey présidentiel, dont le quinquennat débutant risque de se révéler encore pire que le septennat finissant, à en juger par la multiplication des provocations du chef du Parti-Etat : rétablissement du Sénat avec modification de l’ordonnancement institutionnel, prorogation du mandat des élus locaux, implication personnelle directe dans la campagne législative, au mépris affiché de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel etc. Ces multiples preuves de la régression démocratique imposée au Sénégal par un régime prétendument ‘libéral’, mais en réalité usurpateur et prédateur, font craindre le pire pour l’avenir immédiat. En effet, l’incurie et l’impéritie du régime de l’alternance trahie ont eu pour résultat d’une part, de corrompre la démocratie en démocratisant la corruption, et d’autre part, de banaliser les crimes de sang en légitimant le recours à la violence politicienne, y compris dans le règlement des conflits internes au Pds.
C’est dire la gravité des menaces multiformes que ce régime fait peser sur le pays et ses habitants, mais aussi et surtout l’urgente nécessité de résister à la violence comme à la corruption, ainsi qu’aux abus de toutes sortes, pour défendre la paix civile et assurer le salut public national. C’est pourquoi, en s’abstenant massivement d’aller voter le dimanche 3 juin 2007, nos concitoyens adopteraient une forme pacifique appropriée de protestation contre le recul de la démocratie, le trucage des élections et les dérives monarchistes du Président de la République. Ce faisant, le peuple sénégalais administrerait la preuve irréfutable de sa maturité politique, qui représente au fond l’enjeu majeur de tout processus de démocratisation effective des institutions en Afrique comme dans le reste du monde. Notre avenir est dans nos propres mains et dépend de chacun d’entre nous.
Ku bëreey daan !
Dialo DIOP NB : Cet article est tiré d’une conférence-débat publique organisée par le Front Siggil Senegaal, le 20 mai 2007, au Relais de l’avenue Cheikh Anta Diop, à Dakar.
RENOUVELLEMENT DES ELITES POLITIQUES AU SENEGAL : A quand le grand coup de balai ?
La typologie de la classe politique sénégalaise, résultante d'une difficile alternance au sommet, invite à s'interroger sur la réalité d'une articulation entre la démocratie réclamée, à cor et à cri, au niveau de l'Etat et celle interne aux partis politiques. Le constat est alarmant : à plus de 90 les formations politiques sénégalaises n'ont jamais connu d'alternance. D'autre part, l'on note un vieillissement des élites politiques qui, pour le moment, évitent par tous les moyens que soit posé le débat sur leur succession. Mais le renouvellement de générations étant une donnée naturelle, il est légitime de se poser la question : à quand le grand coup de balai ?
Dossier réalisé par Ibrahima ANNE
Leaders inamovibles de partis politiques : Profession… secrétaire général
Avenir de WADE à la tête du Pds : Une alternance forcée ?
Seconds coûteaux : L'inévitable choc des ambitions
Trois questions à...
Abdou Aziz DIOP, analyste politique : ‘Partout, on peut pressentir un renouvellement sauf au Pds’
La deuxième session ordinaire de la Conférence épiscopale inter-territoriale du Sénégal, Mauritanie, Cap-Vert et Guinée-Bissau s’est tenue du 29 mai au 1er juin. Une conférence de presse tenue le vendredi au Foyer de Charité du Cap des Biches, a permis de communiquer sur la situation économique, politique et sociale du pays, entre autres dossiers.
Fidèles à leur habitude, les évêques de la Conférence épiscopale inter-territoriale se sont retirés après le pèlerinage de Popenguine au Foyer de Charité du Cap des Biches, afin d’examiner les questions et les dossiers spécifiques à l’Eglise du Sénégal et pour rencontrer leurs proches collaborateurs. Ils ont étudié la situation politique, économique et sociale du pays, et ont diagnostiqué chez certains de leurs compatriotes un civisme et une citoyenneté réelle, mais déplorent chez beaucoup d’autres, des «attitudes qui ternissent la dignité de l’homme et le sens du bien commun». L’évêque de Tambacounda, Mgr Jean Noël Diouf, qui a présidé la séance, précisera qu’il s’agit entre autres, «du manque de retenue face au pouvoir de l’argent corrupteur, de la tendance à la flatterie effrénée qui tue l’esprit de critique constructive». Conscients de leur mission pastorale qui fait d’eux «des veilleurs et des éveilleurs de consciences», les évêques n’ont pas manqué de rappeler cette situation lors de la rencontre qu’ils ont eue avec le président de la République, et appellent «le gouvernement et tous les citoyens au respect sincère des institutions et à la promotion du bien commun».
Les membres de la Conférence épiscopale se sont penchés aussi sur les difficultés croissantes de la gestion des vocations sacerdotales et religieuses, et ont décidé de mettre en place une coordination nationale de la pastorale des vocations, dont le but sera «d’harmoniser les activités et animations des groupes au niveau national, diocésain et paroissial».
Dans un autre cadre, même s’ils sont satisfaits du nombre de plus en plus importants de pèlerins aux lieux saints de la chrétienneté, ils déplorent l’organisation de marches parallèles sans concertation avec le Comité interdiocésain national pour les pèlerinages catholiques. En plus de l’examen de ces dossiers, les évêques ont rencontré l’Association des postes de santé privés catholiques du Sénégal, le secrétariat national de Caritas Sénégal qu’ils ont encouragé, après la longue période d’épreuves que la structure à connue, à soutenir cette reprise. Les évêques ont reçu par ailleurs, l’association Présence chrétienne, les responsables des grands séminaires et du centre St Augustin. La rencontre avec ces formateurs a porté sur la qualité de la formation, la baisse des effectifs, la relance d’une pastorale plus dynamique des vocations et la prise en charge par tous de la formation des futurs prêtres.
Maxime Déthié SENE -
LEGISLATIVES 2007 / DEFI - Le taux de participation comme enjeu principal : Le deuxième référendum de Me Wade
Si les civils suivent les pas des militaires dans leur comportement électoral du week-end passé, il va sans dire que ce sera un gros camouflet pour le président de la République. Dimanche, c’est le référendum.
Une victoire certaine et large, c’est la promesse d’ores et déjà faite à la coalition Sopi 2007 à l’issue des élections législatives de ce dimanche 3 juin. Le raz de marée bleu va donner au président Abdoulaye Wade l’instrument législatif qui devra accompagner son second mandat à la tête du Sénégal. Plus que dans la défunte Assemblée nationale, le règne parlementaire des libéraux sera autrement plus écrasant dans la nouvelle configuration qui sortira des urnes. Des moyens financiers colossaux, le poids pratique de l’argent chez une bonne frange de Sénégalais, un maillage absolu du territoire national, un pouvoir d’influence énorme à travers les relais de l’administration d’Etat et une maîtrise quasi achevée des termes du fichier électoral auront constitué les fondements de la victoire du Parti démocratique sénégalais. On peut saluer la perspicacité des partis et coalitions d’opposition ayant pris part à la compétition pendant trois longues semaines, leur détermination à animer l’espace politique par leurs propositions certes pas toujours articulées, mais les jeux sont faits. Il faut se rendre à l’évidence.
Les législatives de dimanche sont en effet une équation à double inconnue : l’ampleur de la victoire des libéraux et, surtout, le taux de participation. Ce paramètre, dans le contexte du boycott des scrutins par l’opposition significative, sera le véritable enjeu de la bataille, celui qui attribuera ou non à la mouvance présidentielle le quitus de la légitimité démocratique et populaire. Sans doute, le président Wade sera, sinon affaibli, du moins politiquement atteint par une faible mobilisation de l’électorat. Ce serait une situation de défi qui donnerait crédit aux revendications fondamentales de la coalition Siggil Sénégal relatives aux conditions d’organisation de la présidentielle de février dernier. C’est en cela que les scrutins de ce dimanche sont un véritable référendum pour le Chef de l’Etat. En plus de l’aspect strictement électoral, c’est la gouvernance libérale dans son intégralité que les opposants radicaux mettent en cause.
La douche froide qu’a été pour le président de la République et ses alliés, le week-end passé, le vote des militaires et paramilitaires n’annonce pas forcément le pire pour le pouvoir en ce qui concerne le vote des civils. Rien n’est joué à ce niveau, mais il faudrait bien craindre un effet de contagion qui clouerait un fort pourcentage de Sénégalais chez eux. La crédibilité perdue de l’Assemblée nationale, le poids politique de l’opposition boycotteuse et la certitude ambiante que les dés sont pipés ne militent pas en faveur d’une mobilisation exceptionnelle. Sur ce plan, la guerre d’opinion ou de conditionnement est ouverte, avec des sondages qui renvoient plus à la fantaisie arithmétique qu’au sérieux de leur production.
Cette campagne électorale, sans densité ni mordant, morose à nulle autre pareille sur ces dernières années, ne sera pas inoubliable. L’appel au boycott du Front Siggil Sénégal y est évidemment pour quelque chose, sans tout expliquer cependant. Même la coalition Sopi 2007, en dépit des gros moyens dont elle a disposé, a souvent peiné à organiser de grands rassemblements. Plus modestes, ses adversaires ont été contraints à se rabattre sur des visites de proximité encadrées par des caravanes avec le minimum de véhicules. Pour faire ambiance.
Momar DIENG -
THIES - Fin de campagne pour le Jëf-Jël : Talla Sylla s’en prend à la Génération du concret
Par Birane GNING(Correspondant) - Comme il l’avait fait pendant l’élection présidentielle, le leader du Jëf-Jël, Talla Sylla, a clôturé, par la ville de Thiès, la campagne de son parti. Une occasion pour lui de se rappeler les événements de 1988 et du rôle joué par sa génération dans la décision de l’autorité d’alors, d’interdire à l’actuel Président du Sénégal de tenir meeting sur l’emplacement actuel de la Promenade des Thiessois. Selon Talla Sylla, cette attitude de refus face à l’arbitraire germe toujours chez lui, au point qu’il voit d’un mauvais œil le travail qui est fait présentement sur la corniche-ouest de Dakar par Karim Wade et sa Génération du concret. «Ce qu’ils construisent est loin de là où se réveillent les Sénégalais», a notamment dit Talla Sylla qui assimile sa génération à celle «du salut» et «du refus» et qui fait face aujourd’hui à la Génération du concret.