Monsieur le président
Monsieur le président de la République, vous vous trompez lourdement…
(…) Depuis la grave controverse suscitée par le ‘fameux’ Monument de la Renaissance africaine, j’étais en train de réfléchir sur un texte pour donner mon point de vue. Il y a eu ensuite le grave incident, dont la Cathédrale de Dakar a été le théâtre et votre discours à la nation. Puis, deux faits m’ont poussé soudain à penser à cette lettre. D’abord, les propos rapportés par un organe de la place d’une dame âgée interrogée sur son appréciation de votre discours : ‘Nous sommes fatigués de Abdoulaye Wade, s’il gagne les élections, des gens se suicideront.’ Quand on voulut l’arrêter, elle ajouta : ‘En 2000, lorsqu’il a gagné, j’ai pleuré toute la nuit, tellement je l’aimais…’ Enfin, Monsieur le Président, en consultant un site sur le net, j’ai lu la réaction d’une jeune lectrice à ma contribution parlant de la mauvaise gestion du pays. Elle m’a dit que j’avais raison et qu’eux, les jeunes devaient s’engager davantage dans le combat politique…
Monsieur le Président, des gens, à longueur de journée, occupent les médias pour parler de choses inutiles, parfois dangereuses pour le pays. Pendant ce temps, d’autres, oh combien nombreux, dont les propos sauveraient le pays se taisent, soumis, indifférents, découragés. Et pourtant, notre pays traverse une situation de plus en plus pénible. Dans tous les domaines. A un niveau parfois incroyable !
Monsieur le Président, quand je viens à Dakar, où je n’aime pas aller comme beaucoup de Sénégalais, je ne peux manquer d’admirer les infrastructures. Elles sont belles, elles sont fonctionnelles ! Mais, le Sénégal, ce n’est pas seulement Dakar. Et ces infrastructures à quel coût ? Demandez aux usagers du transport interurbain ce que c’est que le ‘yakale’. Que votre ministre des Transports vous dise ce que c’est. Je suis sûr qu’il l’ignore.
Toutes nos communes sont d’une saleté incroyable. Les ordures rarement enlevées, sont déversées aux abords immédiats. Allez dans les gares routières pour voir la saleté qui y règne. Les usagers qui doivent forcément se nourrir, le font dans des conditions incroyables ! Au milieu de la saleté, des mouches. Allez voir les lieux où on doit nécessairement se soulager ! C’est parfois insoutenable. Moi-même, il m’arrive parfois, poussé par les pressions liées à l’âge, d’uriner partout où je le peux, loin tout simplement d’un regard… Parce que je ne peux faire autrement.
Monsieur le Président, je suis enseignant retraité, mais dispense toujours des cours dans mon collège privé. Nos enfants deviennent de plus en plus faibles, leurs enseignants aussi. Et ce n’est pas toujours leur faute. Nos élèves ne savent plus, ne peuvent plus, ne veulent plus apprendre. La réussite aux différents examens est de moins en moins due au seul mérite et les fraudes ne concernent plus seulement les candidats, mais aussi des enseignants, parfois à des niveaux de responsabilité élevés. En classe, il s’est développé chez nos élèves une véritable culture de la tricherie! Vous savez ce que c’est que le ‘xar màtt’ ? Demandez à vos collaborateurs. En tout cas, si l’on n’y prend garde, il va contribuer davantage à l’effondrement de la qualité des enseignements. A vous entendre parler, vous êtes satisfait de ‘votre’ école où vous dites mettre 40 % du budget, mais dans la réalité, en dehors du nombre d’établissements qu’on aime citer, il est temps de voir le contenu de plus près.
Monsieur le Président, si en 2000, j’avais voté pour vous, aujourd’hui, au soir de ma vie, mon vœu le plus ardent est que vous et votre majorité perdiez les élections en 2012. Et à la réalisation de ce projet, je consacrerai toutes les ressources physiques, intellectuelles et morales qui me restent. Je n’ai rien contre vous. Au contraire, nous avons beaucoup de ressemblances et quand j’entends des gens dire que ‘da nga naax’, je leur réponds qu’ils se trompent grandement et que vous avez encore, malgré votre âge, des ressources que des personnes bien moins âgées que vous, vous envient. Vous avez surtout le mérite de ne pas tricher, d’agir selon votre logique, selon votre bon vouloir !
Ainsi, Monsieur le Président, vous avez votre style. Et le style pour moi, c’est l’homme. C’est pourquoi, à présent, je remercie Dieu, de vous avoir approché au moins deux fois sans me lier à vous. En effet, j’ai eu à militer au Pds bien avant l’alternance, j’ai eu à faire partie d’une délégation de Meckhé, en compagnie de personnes âgées, pleines d’admiration pour vous ! Principal de collège à Meckhé, je faisais partie des rares cadres dont le parti manquait terriblement alors. (…)
Monsieur le Président, si en 2000, le peuple vous a élu, ce n’est pas parce que vous étiez le meilleur, mais celui sur qui, parmi ceux qui étaient candidats, on avait le plus espoir. La fonction d’un père de famille est de faire de son mieux pour la mettre dans les meilleures conditions de vivre, selon les moyens dont il dispose. Pour cela, vous êtes responsable du bien-être de tous les citoyens sénégalais. Bien-être sur tous les plans : ‘Bu Yàlla waccoon fii, di seet yaw lay jëkk woo nga toog’.
Monsieur le Président, vous êtes intelligent, généreux, mais ce qui vous perd, c’est votre style ! Vous ne croyez qu’en vous et cela est grave. Le pouvoir se partage ! Car l’homme est mortel et tout projet, quelque pertinent qu’il soit, ne peut aboutir s’il n’est pas partagé. Quand j’entends des gens de votre entourage vous qualifier de ‘constante’, je frémis pour vous et pour eux. Ils se perdent, ils vous perdent. Si j’avais fait partie de vos ‘collaborateurs’, que vous le demandiez ou non, je vous aurais dit chaque fois que je le penserai nécessaire que vous vous trompez parce que… Hélas, il semble que vous n’aimez pas cela.
Pour le fameux Monument de la Renaissance africaine, qui a mis le Sénégal dans tous ses états, si vous aviez partagé avec des collaborateurs loyaux de votre majorité comme de l’opposition, on n’en serait pas là. Pour sa conception, comme pour sa réalisation, ce monument ne nous aurait pas autant coûté, financièrement et moralement ! Il ne valait pas la peine de faire des débats ‘douloureux’ où l’on a entendu des islamologues se contredire, se disputer violemment devant des spectateurs médusés ! Pour le défendre vaille que vaille, il ne valait pas la peine de blesser les frères chrétiens, dont la communauté est si admirable dans sa discipline, son sens de la solidarité. Je les admire si bien que, très souvent, quand je vois quelqu’un de courtois, de poli, d’intègre, je le prends spontanément pour un des leurs.
Monsieur le Président, si le Monument de la Liberté, à l’approche de New York a tant de signification, ce n’est pas, à mon humble avis, sans rapport avec la grandeur du peuple américain, à travers aussi certains de ses grands hommes d’Etat. Après des années d’indépendance, les peuples africains souffrent aujourd’hui surtout à cause de la mal gouvernance qui est le fait de la plupart des chefs d’Etat. Si l’Afrique doit renaître, ce sera par l’apparition de chefs d’Etat de type nouveau qui se mettront rapidement à l’école de la bonne gouvernance. Laquelle a ses règles que tout le monde connaît. Il suffit de prendre conscience et d’avoir la volonté de les appliquer.
Monsieur le Président, votre discours du 31 décembre 2009 a été parmi les meilleurs. Au plan de la forme, vous avez été calme, serein, malgré ce qui s’est passé la veille. Vous avez été long pour aborder presque tous les secteurs. Et surtout, vous avez eu la grandeur de présenter vos regrets. Mais cela suffira-t-il pour panser la blessure ? Comme d’habitude, vous vous êtes évertué à montrer que vous avez fait mieux que le régime Ps. Monsieur le Président, il y a un Sénégal ‘réel’ qui souffre… où le comportement des citoyens est moins ce qu’il doit être. Un peuple, on l’éduque. Et dans ce pays, que de laisser-aller ! La grande question que je me pose souvent, c’est d’où ce peuple tire-t-il sa capacité de résistance face aux agressions de toutes sortes.
Monsieur le Président, je me force à m’arrêter, car je suis déjà assez long et attendrai une autre occasion pour m’adresser à mes concitoyens, car il s’agit essentiellement de bonne gouvernance qui n’est pas seulement l’affaire des élus, mais aussi et surtout celle des citoyens. Si vous le permettez, une dernière suggestion : l’opposition dit que vous êtes atteint de sénilité ! En appréciant bien votre prestation au soir du 31 décembre, je pense que les leaders de l’opposition ont changé d’avis : ‘Ndax demuloo bay naax ! xanaa gëm li nga gëm def ci sa fula ju mat sëkk.’ Donc ne parlons pas de démission.
C’est dur pour l’opposition, ‘na nu jaar faneen’. 2012 n’est plus loin. Ne parlons même plus de dialogue. Ce n’est pas dans votre style. Le spectre du 2ème tour est enlevé, jeex na. Que tous ceux qui veulent véritablement le sopi du sopi, se mettent déjà à préparer les élections te bayi la nga liggeey.
Babacar BARRY Enseignant retraité à Meckhé babacar_barry@yahoo.fr