allez voter
AUX URNES, CITOYENS !
Article Par Pr. Iba Der THIAM, Agrégé de l’Université, Docteur d’Et,
Paru le Jeudi 31 Mai 2007
Le scrutin législatif du 03 Juin 2007 sera un test majeur pour notre démocratie. Notre pays s’est forgé, au travers d’une histoire pluriséculaire, une solide tradition démocratique. Même pendant l’ère précoloniale, avec, il est vrai, des hauts et des bas. Elle a grandi, à l’époque coloniale, avec des limites, certes, mais aussi, des avancées audacieuses, qu’il serait injuste de ne pas reconnaître.
Dès 1833, un Décret en date du 04 Avril avait conféré la citoyenneté aux ressortissants de Saint-Louis et de Gorée. Cet accord avait été précédé, 3 ans plutôt, dans les deux pôles de la colonie, du Décret du 30 Novembre, rendant applicable le Code Civil Français aux ressortissants de Dakar et de Gorée. En 1848, ce processus s’est amélioré avec l’instauration du suffrage universel, bien qu’il ne concernât que les électeurs de sexe masculin. En 1872, deux Communes du Sénégal, Dakar et Gorée, étrennent, au terme d’un combat héroïque mené par nos ancêtres, le statut de Commune de Plein Exercice. Huit années plus tard, Rufisque accède au même statut, suivie, en 1887, par Dakar. Si on ajoute à cela, le fait que notre pays disposait, dès 1856, d’une Imprimerie et d’un Journal et qu’entre cette date et 1884, nos populations relevant de la mouvance française avaient obtenu dans les Communes, le droit de réunion, le droit d’association, le droit d’expression (près de 60 journaux entre 1919 et 1939) et le droit syndical, on a l’exacte mesure du chemin qui a été parcouru, même si les avancées qui viennent d’être citées ne concernaient, pour la plupart, qu’une minorité. Faut-il rappeler, ici, que dans la Grèce Antique, la démocratie matinale n’a jamais été l’apanage de tous les êtres humains. La démocratie athénienne, on l’oublie souvent, a été, non seulement sexiste, puisque les femmes en étaient exclues, mais aussi, xénophobe (elle ne concernait pas les étrangers), et surtout, esclavagiste, puisqu’elle s’accommodait de l’esclavage. Elle était, donc, loin d’être un modèle achevé, bien qu’elle représentât pour son temps une mutation historique d’une ampleur auparavant inconnue. D’ailleurs, quel pays au monde, sur les 225 Etats souverains et territoires encore dépendants que compte la planète, peut se prévaloir d’avoir atteint l’optimum de réalisation dans le processus de construction de sa démocratie nationale ? Aucun.
Depuis l’indépendance, notre pays a fait de sérieux progrès sous le défunt régime, sous la houlette des combats multiples menés par toutes les catégories sociales, au nom de la liberté, de la dignité et de la justice. Avec l’Alternance, elle a encore fait des enjambées considérables, que toute l’humanité reconnaît. Par sédimentations successives, nous avons conçu un modèle que tous considèrent comme une référence. Le Sénégal, aujourd’hui, appartient à la catégorie des démocraties consolidées. C’est une réalité désormais irréversible. Une citoyenneté élargie y a pris souche, fécondée par un pluralisme foisonnant, au triple plan politique, social et citoyen. La liberté d’expression y connaît quelques-unes de ses plus belles lettres de noblesse. C’est tout ce patrimoine-là, que nous devons, ensemble, préserver, pour la gloire de notre pays et l’immense espérance qu’il représente pour les populations africaines au Sud du Sahara. Sous ce rapport, s’acquitter de son droit civique, le 3 Juin prochain, devient un devoir sacré. Nous devons aller voter pour consolider l’image de marque, dont notre patrie jouit dans le monde et faire justice aux sacrifices multiples, que des hommes politiques, des syndicalistes, des élèves des femmes, des jeunes, des adultes ont consenti, à des époques inactuelles, au prix, quelquefois, de leur vie, pour nous aménager l’espace d’épanouissement au sein duquel, nous évoluons aujourd’hui. Pour tout cela, nous devons aller voter, Dimanche prochain. Nous le devons à nos prestigieux devanciers. Nous le devons à tous ceux qui s’investissent, quotidiennement, dans le champ démocratique, pour faire avancer notre projet sociétal. Nous le devons aux générations futures auxquelles, nous avons la mission de léguer un héritage d’humanisme et de grandeur.
Nous devons aller voter, parce que la citoyenneté ne se refuse pas
Nous devons aller voter, pour prouver à ceux qui prêchent le boycott, qu’ils ont, toujours, confondu le pays réel et le pays virtuel, que le Sénégal des profondeurs est un peuple épris de légitimité, de clairvoyance et de lucidité, de sagesse et de paix, qui a, toujours, refusé l’aventure et la déraison. Chaque électeur, chaque électrice doit s’assigner l’obligation de contacter son entourage immédiat, pour gagner à la cause de la participation au scrutin du 3 Juin, au moins 5 à 10 personnes.
Cela veut dire que nous devons investir les chantiers, les ateliers, les bureaux, les domiciles, les gares routières, les gares, les lieux de vie et de contact, que sont les manifestations sportives, les Asc, les Stades, les Arènes, les Groupements Féminins, les Associations de Retraités, les Syndicats, le milieu associatif, les partis politiques, les transports en commun, les quais de pêche, les écoles, les cérémonies religieuses ou traditionnelles, les grand’ places, les marchés, les étals des artisans, les écoles, lycées, collèges et «daaras», les lieux de culte, que sont les Mosquées et les Eglises. Nous ne devons laisser aucune place, « où la main ne passe et repasse », comme aimait à le conseiller à ses fils, le laboureur de La Fontaine. A tous, nous devons apporter, par une démarche de proximité, d’ouverture et d’écoute, le message de la raison, du bon sens, du devoir civique, du nécessaire engagement citoyen, du sens élevé des responsabilités, de la claire conscience des enjeux en cause.
Il s’agit de convaincre et non de contraindre
A tous, nous tiendrons un langage serein, calme, courtois, explicatif démonstratif, constructif, qui soit un appel au cœur et à la raison, sous la forme d’un exercice de convivialité, qui ne laisse de place à aucune violence verbale, à aucun propos déplacé, à aucune caricature grossière, à aucune simplification injuste, à aucune tension sociale, à aucun affrontement partisan. Celui qui détient un bon dossier, fondé sur un argumentaire invincible, n’a nul besoin d’invective ou de procès d’intention. Armés de notre foi dans un Sénégal meilleur, de notre confiance en notre démocratie, de notre foi patriotique, de notre volonté de donner à l’Afrique et au monde un exemple achevé d’un modèle bâti sur le dialogue, la concertation, la tolérance et le respect des opinions de chacun, nous irons accomplir notre devoir civique, le cœur léger, avec un sentiment sincère du devoir pleinement accompli. Il ne s’agit, ni de sanctionner un régime, ni de le sublimer. Il s’agit de défendre une valeur suprême, qu’on appelle la démocratie, gage de notre bien-être et condition sine qua non de notre raison d’être. La démocratie sénégalaise n’appartient plus aux seuls Sénégalais. Elle appartient à tous les démocrates africains, à tous les démocrates du monde entier.