BSDA et propriétés intellectuelles
Régulation : Faire prévaloir la force de la raison sur la raison de la force
Après la fermeture de toutes les stations de radio de Sud Fm, la saisie du
journal Sud Quotidien et l’arrestation d’une trentaine d’employés du Groupe Sud
Communication en octobre 2005 pour « atteinte à la sureté de l’Etat » suite à la
diffusion d’une interview d’un des responsables du Mouvement des forces
démocratiques de Casamance (MFDC), la suspension de Première Fm, au lendemain
de son démarrage en mai 2007, au motif qu’elle utilisait une fréquence qui ne
lui avait pas été officiellement attribuée, la fermeture des radios
communautaires Afia Fm, Djoloff Fm et Oxyjeunes par le Conseil national de
régulation de l’audiovisuel (CNRA) en mars 2009 pour non respect des règles du
cahier des charges les régissant en matière de diffusion d’informations à
caractère politique, la décision avortée de l’Agence de régulation des
télécommunications et des postes (ARTP) du 22 mai 2009 de suspendre toutes les
stations de radios et de télévisions ne s’étant pas acquittées de leurs
obligations financières, la suspension pendant quelques heures Walf TV le 4 mai
2009 dans le cadre du différend commercial l’opposant à la chaine de télévision
RDV, les émissions de Walf Fm et de Walf Tv ont été interrompues pendant une
huitaine de jours entre le 27 août et le 3 septembre 2009 suite à une décision
de justice relative au contentieux opposant le Bureau sénégalais du droit
d’auteurs (BSDA) au Groupe Wal Fadjri. Si l’on ajoute à cela, les attaques
informatiques contre certains sites web (Rewmi et Senweb), les violences
exercées contre les journalistes en diverses circonstances, la censure d’un
certain nombre de livres ainsi que les multiples convocations devant la
justice voire les emprisonnements de journalistes, il apparaît que les
autorités sont dans une logique de confrontation dans leurs rapports avec les
médias nationaux notamment lorsqu’ils expriment un discours critique à leur
égard. S’il n’est pas question de cautionner les violations de la loi par les
journalistes et les groupes de presse qui les emploient, il n’est pas pour
autant tolérable que ceux-ci se voient réduire brutalement au silence du jour
au lendemain comme cela a été le cas à plusieurs reprises par le passé. Dans
cette affaire opposant le BSDA au groupe Wal Fadjri, de nombreuses voix se sont
élevées, à juste titre, contre la nature et la sévérité de la sanction jugées
totalement disproportionnées par rapport au délit commis. En effet, du point de
vue des principes, il est tout à fait inadmissible que l’Etat et ses
démembrements portent ainsi atteinte à la liberté d’expression et au droit à
l’information inscrits dans la Constitution du Sénégal après les longues et
âpres luttes menées par les forces démocratiques pour le renforcement des
libertés individuelles et collectives. Tant que l’attribution des fréquences de
radio se fera sur la base de considérations politiques, pour ne pas dire
politiciennes, comme cela a été le cas ces dernières années pour la création de
stations Fm, tant qu’il sera possible d’obtenir l’autorisation de lancer une
chaine de télévision privée suite à une audience avec le Président de la
république ou que l’attribution des licences de télécommunications se fera dans
l’opacité, la mise en place d’une régulation adaptée, transparente et équilibrée
restera un vœux pieux. Compte tenu de ses dimensions démocratiques, éthiques,
économiques et de ses enjeux sociaux, la régulation de la Société de
l’information, qu’elle porte sur les infrastructures de télécommunications
comme sur les contenus, doit s’inscrire dans des rapports policés entre les
différents acteurs reposant sur des règles élaborées et acceptées par tous.
Seule une telle démarche peut permettre, le cas échéant, de faire preuve de
toute la fermeté nécessaire dans l’observation de la loi sans pour autant
tomber dans la brutalité. A l’heure où l’on parle de société de l’information
et de la connaissance, il est grand temps de privilégier la force de la raison
plutôt sur la raison de la force.
Olivier Sagna
Secrétaire général d’OSIRIS