Monument de la Renaissance africaine, quand t
Monument de la Renaissance africaine, quand tu nous tiens !
Le vendredi 18 décembre 2009, vers 21 heures, beaucoup de Sénégalais ont suivi avec intérêt le débat, sur la chaîne de Radio télévision nationale (Rts), relatif -du point de vue islamique- à la statue de Abdoulaye Wade. Nous avons assisté à un coup de force théorique d’alliés inconditionnels du pouvoir pour imposer aux Sénégalais des «preuves textuelles». Un débat dont la partialité du modérateur gênait plus d’un Sénégalais. Mais pourquoi tout cet intérêt ? Les inconditionnels défenseurs, larbins du pouvoir en place, sont aujourd’hui prêts à défendre toute entreprise, fusse-t-elle mauvaise. Compte tenu de ce phénomène, nous osons dire, qu’au Sénégal, même si le diable (Iblis) apparaissait parmi nous, il y en a des hommes qui n’auraient pas manqué de lui faire une plaidoirie digne d’un prophète.
Les positions religieuses importent certes, mais il nous semble important de questionner –même sans l’avis religieux- la conscience commune et le sentiment des Sénégalais. Le monument a suscité des questions et des désarrois par rapport auxquels les Sénégalais n’ont pas jusque-là des réponses convaincantes. Mais là n’est pas le vrai débat. Même si la religion musulmane avait tranché favorablement là-dessus, le contexte socioéconomique dramatique des Sénégalais aurait pu inspirer à Wade le sens du retenu.
Nous avons donc convenu, avec beaucoup de Sénégalais, que le débat sur la légitimité religieuse de ce monument impopulaire a été un dilatoire béat cachant mal les craintes du concepteur. La question du monument –bien qu’importante- divertit les Sénégalais et leur fait oublier d’autres questions plus urgentes pour la survie de notre peuple. Il s’agit, entre autres, du coup de force sur la question du Code électoral, de la recrudescence de la violence, du manque de sécurité grandissant, des nouvelles formes de prostitution chez les mineures (élèves), des grèves répétitives dans le système éducatif, de la pauvreté galopante et inquiétante. Et il (le débat) cache bien d’autres maladresses.
Commençons par interroger le nom donné au monument. On nous parle de «Renaissance». De quelle renaissance s’agit-il ? Existe-t-il vraiment une naissance d’abord ? L’Afrique a-t-elle la légitimité de crier sur tous les toits l’aspiration à la «renaissance», si l’on en juge présentement le comportement de la majorité de ses dirigeants ? Le challenge qui se pose à elle, au-delà des milliers de maux dont elle souffre, réside dans l’impératif de rompre avec des Présidents despotes et qui excellent dans l’art de fonder des dynasties. Autrement dit, chaque Président ruse pour léguer la confiance de tout un peuple à son fils. On peut évoquer dans ce sens le Togo, la Rdc, le Gabon sans oublier les rumeurs qui courent chez nous au Sénégal. Finalement, nous considérons, par rapport à cette question, que cette race de Présidents est mal placée pour faire le plaidoyer de la «renaissance africaine». A vrai dire, l’Afrique est malade de ses dirigeants.
A un autre niveau, le contexte socioéconomique des Sénégalais ne peut guère justifier le financement - à coût de milliards – du monument. Il est inutile d’énumérer ici les calvaires des Sénégalais. Mais cette somme faramineuse aurait bien servi à régler l’épineux problème des inondations dans certaines zones de Dakar, les canaux à ciel ouvert de Rufisque, à solder les dettes de l’Etat et/ou à éviter les injustifiables dépenses extrabudgétaires.
En conclusion, il importe de dire, à l’endroit de ceux qui se considèrent «bâtisseurs» pour encombrer nos villes avec des statues, des idoles, des monuments ; qu’il serait mieux de changer d’orientation.
Un pays ne peut pas se développer sans un bon système éducatif, une politique de santé performante, une promotion de la culture de l’excellence au détriment de la médiocrité, une bonne politique sociale et culturelle. C’est véritablement sur ce terrain que les populations attendent leurs dirigeants. Espérons que les pluies de souffre et de feu de Gomorrhe ne nous viennent après la problématique question de l’inauguration du contesté monument.
Iba FALL- Professeur de philosophie / Adhame_fall@yahoo.fr