journaux : le post des contributions!
Prières
A la mémoire de toutes les
victimes du bateau Le Joola
Pardonne-nous Seigneur, notre vie est angoisse et frayeur
Sur l’Océan, nous avons déroulé un tapis de douleur
De notre mollesse, tiré vanité et hardiesse
Nous sommes de pauvres hères, victimes de notre faiblesse.
Seigneur pardonne nos erreurs
Nous avons voilé notre ciel du manteau de l’horreur
Par notre insouciance, nous vivons la souffrance
Les uns sans violence, les autres en errance.
De tous ces disparus que nous pleurons
Et dont le souvenir en nous est comme un fleuron
Nous ne saurons jamais quel aurait été leur avenir ;
Ce trou béant et noir sur notre chemin nous fait frémir.
Auraient-ils été des hommes au destin plein de gloire
Faisant la fierté et la renommée de leur terroir
Des êtres puissants, mais humbles, au visage que colorent,
Chaque matin, les rayons nourriciers et vivifiants de l’aurore.
Seigneur, donnez-moi la force d’accorder le pardon
Je veux rester Amour, faire de ma vie un Don
Et sur le drap de détresse qui me recouvre le corps
Faire des prières en écrivant, pour vaincre la mort.
Ibrahima NDAW - Ancien Conseiller en Organisation de la Société Africaine de Raffinage - Cité Shs N° 37 malima_sn@yahoo.fr
Le Joola, cinq ans après
“La tragédie des peuples révèle de grands hommes, mais ces tragédies sont causées par de petits hommes.” Cette assertion plus que juste du regretté Président burkinabè Thomas Sankara résonne encore ou doit encore résonner dans les oreilles de tous les Sénégalais à quelques encablures de la célébration du cinquième anniversaire du plus grand naufrage maritime que l’humanité ait jamais connu.
Oui, cette grande tragédie a sans conteste révélé de grands hommes à l’image d’Ali El Aïdar, ainsi que toutes les personnes qui avaient réagi avec promptitude pour aller sauver ce qui pouvait l’être encore lorsque Le Joola coulait.
Mais, autant cette catastrophe avait révélé de grands hommes, autant elle avait révélé de très petits hommes. Il s’agit, en l’occurrence, de tous ceux dont la responsabilité était engagée dans cette “affaire”. Ceux qui, par insouciance, mais aussi par légèreté et irresponsabilité, avaient décidé de lancer ce bateau déjà “infirme” d’un de ses moteurs. Ces responsables-coupables sont nombreux et sont de gros bonnets de la République qui, cinq ans après, sont en train de se la couler douce dans les lambris dorés du pouvoir, oublieux qu’ils sont de ces deux mille âmes qu’ils ont fait périr en mer. Non, cela est inacceptable.
Ce rappel qui, au demeurant, n’est pas mon propos ici, mérite d’être fait, car ces milliers de Sénégalais qui avaient péri lors du naufrage étaient et demeurent des êtres très chers ou des êtres humains tout court qui avaient droit à la vie comme nous tous. Or, le droit à la vie est un droit fondamental.
Après ce rappel donc, je voudrais poser ces questions-bilans : cinq ans après le naufrage du Joola, où est-ce que nous en sommes ? A-t-il eu un impact sur le plan comportemental ? Qu’est-ce qui a changé dans nos habitudes ? Le naufrage a-t-il ouvert les yeux aux uns et aux autres ? Une réponse négative me semble réservée à toutes ces interrogations qui auraient dû constituer le noyau dur d’un questionnaire-guide devant nous aider à changer progressivement nos comportements inacceptables et indignes.
Ce n’est pas que je veuille comparer (pour ceux qui pensent que comparaison n’est pas raison), mais après s’être rendu à l’évidence de la haute sismicité de leurs îles ainsi que la tragédie qui va toujours avec, les Japonais, loin de verser dans des considérations fatalistes ou de penser que les tremblements de terre qui les frappent régulièrement relèvent de la fatalité, ont au moins réagi à travers l’adoption de comportements plus ou moins adaptés, mais aussi et surtout à travers des constructions antisismiques. Ce qui a permis de réduire sensiblement les dégâts. Voilà au moins une réaction positive.
Tout récemment, lorsque la Jamaïque devait recevoir le passage d’un ouragan de catégorie 4 (très dangereux), des mesures avaient été prises au point que, malgré les inévitables dégâts, le pire avait été évité. Voilà une autre bonne réaction. Sur le même registre, lorsque la province mexicaine du Yucatan devait recevoir les furies amplifiées du même ouragan avec cette fois la catégorie 5 de capacité dévastatrice plus grande, la réaction d’évacuation avait permis d’éviter carrément les dégâts. Dire que pour ces deux cas la réaction s’est faite avant même que la catastrophe ne se soit abattue sur eux, voilà des comportements à cultiver avec beaucoup de fertilisants chez nous.
Justement, qu’est-ce qui se passe chez nous cinq ans après le naufrage du Joola ? Dès les premières heures du drame, on s’est empressé d’incriminer la surcharge afin d’étouffer la défaillance d’un moteur qui a été plus déterminante que la surcharge et qui, pourtant, était connue d’avance. Soit. Puisque la faute, disait-on, venait de la surcharge, parlons alors de la surcharge.
Cinq ans après le naufrage, la surcharge s’est confortablement et impérialement installée partout au Sénégal. Les “cars rapides”, ces engins de la mort sont tout le temps bondés de monde et passent toujours sous l’œil “vigilant” des agents de la compagnie de circulation comme si la surcharge était devenue la règle.
Les bus de Ddd sont toujours pleins comme des pots de sardine, mais le comble ici, c’est que ce sont les “hommes de loi” qui garnissent aussi le décor de la surcharge, puisque c’est gratuit pour eux.
La palme semble être remportée par les minibus dont les clients se plaignent à longueur de journée de l’indescriptible surcharge qui les incommodent dans un véhicule aux dimensions déjà très petites. Le choc psychologique du naufrage du Joola aurait bien pu être atténué si la perte de ces milliers de vies avait constitué un déclic au changement de nos comportements.
Malheureusement, tel n’est pas le cas. Je ne terminerai pas sans dire, n’en déplaise aux religieux qui avaient vite fait de parler de volonté divine dans cette catastrophe, que la responsabilité humaine est plus qu’avérée ici. Et justement, nous ne changerons jamais tant que nous continuerons à nous complaire dans ces fatalismes destructeurs. Car, si à chaque fois nous imputons nos propres fautes à Dieu, nous n’assumerons jamais nos responsabilités et nous ne punirons aucun coupable pour servir d’exemple à tous. Or, assumer sa responsabilité suppose au préalable qu’on la reconnaisse, faute d’une volonté de la situer.
“Personne n’est responsable, c’est Dieu.” Ni Yankhoba Seydi, ni Daouda Faye encore moins Matar Tine ne sont jamais responsables de quoi que ce soit. C’est toujours Dieu. Quelle antinomie ! Car si Dieu est Bon (n’a-t-on pas l’habitude de dire le Bon Dieu ?) et Miséricordieux (j’y crois moi), comment peut-Il toujours être responsable de ces carnages ?
Non, le mal du Sénégal c’est ce fatalisme viscéral, voire ontologique qu’il faut combattre à tout prix, car aucun progrès ne sera possible avec lui. Ceci est un défi.
Yankhoba SEYDI - couraj@yahoo.fr
Anniversaire du Joola : Parents de victimes et rescapés dénoncent l'indifférence de l'Etat
Depuis 5 ans, les familles de victimes s’adonnent à la traditionnelle cérémonie de recueillement au cimetière de Mbao. Orphelins, rescapés et parents des victimes sénégalaises et européennes ont, encore une fois, prié pour les morts. Les autorités ont, elles, fait faux-bond.
La chaleur n’a pas empêché les familles des victimes du Joola et les rescapés de s’adonner à la traditionnelle cérémonie de prières pour les 139 corps qui reposent au cimetière de Mbao. Malgré l’absence des officiels à la cérémonie, les familles des victimes et les rescapés ont tenu à prier pour leurs proches disparus. Les prières se sont déroulées dans la plus grande ferveur. Ce sont d’abord les chrétiens qui ont ouvert le bal en s’adonnant à une longue prière entrecoupée de chants religieux. Puis, ce fut le tour des musulmans, sous la direction de Sérigne Issa Touré. Sous un soleil de plomb, le marabout a dirigé la prière dédiée aux morts. ’La mixité dans ce cimetière est un bon signe.
Cela prouve encore une fois la grandeur de Dieu’, a lancé le guide spirituel, Issa Touré. Au même moment, femmes et orphelins n’ont pu retenir leurs larmes. Certains sont même évacués par des personnes de bonne volonté en l’absence des sapeurs-pompiers.
Le cimetière de Mbao a été érigé pour abriter les 139 corps des victimes non identifiées. Seuls quelque quatre corps l’ont été juste avant l’enterrement, grâce à leurs pièces d’identité. ‘Nous qui n’avons pas vu nos enfants pensons qu’ils peuvent bien être là’, confie Idrissa Diallo, du collectif des victimes du Joola. Pour le responsable de l’association des victimes du Joola, l’absence des autorités à la cérémonie de Mbao n’est pas gratuite. ‘Elles veulent encore saboter notre journée de prière. C’était prévisible pour des gens qui ne peuvent même pas s’occuper d’un cimetière et qui ne tiennent pas leurs promesses’, lance Idrissa Diallo.
Les familles des victimes françaises étaient également de la partie. Nadine Verchatse essaie de résister à la chaleur, mais en vain. Elle s’asseoit sur une tombe pour s’asperger de l’eau sur le visage, une pommade anti-chaleur à la main. ‘Je dois rester forte pour accomplir cette mission’, dit-elle. Nadine a perdu sa fille dans le naufrage. Membre de l’association des familles des victimes françaises, Nadine a également parlé au nom de ses pairs. ‘Ce sont des moments de découragement. Car, nous ne sommes pas aidés, c’est difficile. Il faut être solidaire parce que nous sommes abandonné’ , lance t-elle aux parents de victimes présents sur les lieux. Elle s’étonne que Saint Lazare ait pu avoir un lieu de recueillement et que Mbao n’ait même pas d’arbre pour s’abriter. Par ailleurs, Nadine pense que les familles attendent du président Wade qu’il réalise ses promesses. ‘Il nous faut un mémorial. Regardez ce qui existe à Saint Lazare, c’est l’œuvre de l’Eglise catholique. Pour un drame qui a fait presque 2 000 personnes, 5 ans après, on est toujours dans l’attente du renflouement alors que le bateau n’est qu’à 18 mètres de profondeur. Donc, c’est faisable. Cela a été fait dans d’autres pays’, clame Nadine.
Poursuivant son propos, la représentante des familles françaises pense que l’on doit laisser la justice faire son travail. ‘Nous avons porté plainte depuis 2002. La nouvelle ministre de la Justice, Rachida Dati ainsi que Rama Yade sont sur le dossier’, déclare Nadine Verchaste.
Pour Ibrahima Thiam, un des rescapés, la tristesse et la peur continuent d’habiter son esprit chaque fois que l’anniversaire s’approche. ‘J’ai encore pitié de ces orphelins. C’est comme si le naufrage est tout frais dans mon esprit. J’ai vu la même scène d’abandon, les mêmes cris et pleurs. C’est horrible !’, crie Ibrahima Thiam. Sans jeu de mots, les rescapés soutiennent que les promesses de l’Etat sont restées à l’état de promesses. ‘Nous sommes la mémoire de ce naufrage. Nous sommes les seuls à pouvoir le raconter aux générations futures. Mais aujourd’hui personne ne parle de nous. Nous sommes abandonnés. Peu de rescapés restent parmi les treize. Beaucoup sont morts où sont dans une situation telle qu’ils ne peuvent plus se prendre en charge.
Ils sont déments ou malades. Même le suivi psychologique est arrêté’, regrette Ibrahima Thiam.
Trois questions à…
Moussa Touré, producteur du film sur le naufrage du Joola : ‘L’histoire du Joola n’a pas de fin’
En tant que cinéaste, quel sentiment vous anime aujourd’hui ?
Le sentiment qui m’anime est le même que celui des parents des victimes : c’est le regret par rapport à l’absence d’aide et de soutien. Les parents des victimes demandent que l’anniversaire soit une fête nationale, que l’on arrête le travail et que les gens prient et réfléchissent sur la plus grande catastrophe maritime du siècle. Même moi en tant que cinéaste qui tente de faire quelque chose dans cette affaire, je suis abandonné. Je suis ce drame depuis longtemps, je suis comme une victime abandonnée.
Mais les Sénégalais attendent impatiemment le film sur le Joola ?
Mais ce film-là sera très difficile à terminer. Un film en général a une fin, mais je crois que l’histoire du Joola n’a pas de fin. Cette histoire n’est pas encore finie. Mais en fait, j’ai vraiment un problème de conscience par rapport à ce film. En le tournant, je vois des enfants qui ont entre 6, 7 et 8 ans, je me pose des tas de questions. Et c’est cela le problème de mon film. Quand je suis en face de ces enfants, je me demande s’il ne faudrait pas arrêter ce film pour ne le continuer que quand ils seront grands.
Croyez-vous que les autorités vous laisseront sortir tranquillement ce film ?
Je pense que oui. Au fait, je n’attaque personne. Je raconte un drame qui a eu lieu en rencontrant les victimes, les parents des victimes, les rescapés, les blessés, les gens traumatisés, etc, j’en parle. C’est tout. J’emprunte le bateau, je vais partout en Casamance comme je vais à Kédougou. Je suis traumatisé, comme tous, comme eux. Je suis sûr qu’ils vont me laisser sortir le film.
Propos recueillis par N. SAGNA
Quelle Condescendance !
SUD QUOTIDIEN | jeudi 27 septembre 2007
Les Sénégalais, se remémorant, pour la cinquième année, la tragédie du Diola, auraient sans doute souhaité vivre toute sorte d’évènement sauf celui qui leur a été concocté par le régime en place, notamment l’installation du Sénat. Sans doute conscients du manque d’à propos d’une telle initiative, certains hérauts de la conscience du Chef ont vite essayé d’anticiper en maquillant la maladresse du geste en parlant de « cérémonie sobre. » Au fait, il y a eu toute une panoplie de folklore, dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale, apprêtée par la même occasion pour servir de lieu de rencontre des nouveaux sénateurs. L’anticipation d’une « cérémonie sobre » finissait ainsi d’accoucher des bruits et tintamarres habituels dont se nourrissent les larbins et leurs seigneurs. Pour faire la fête, pensent-ils, l’instant et le lieu ne sont point tabous, l’essentiel étant de ronger l’os jusqu’à la moelle. L’interdit spatial ayant peu d’importance ici, il est à noter, avec force, que le moment ne se prêtait pas à une pareille fiesta.
En effet, le moment était plutôt au recueillement et à la formulation de prières pour tous ceux et celles qui ont péri dans le naufrage du bateau le Diola, le 26 Septembre 2002, là-bas, aux larges des côtes gambiennes. Un moment de prières, certes, pour ceux qui nous ont quittés ; mais aussi un moment de « solidarisation » avec ceux que la Fortune à eu à épargner de ce terrible accident. A réentendre les témoignages des rescapés, on pense mesurer la gravité de leurs souffrances qui, très probablement, ne seront jamais complètement éradiquées de leur être profond. Essayer de comprendre cette ineffable expérience invite sans doute à faire un pas vers le secret de la souffrance et de la mort qui ne cesse de nous mettre devant notre vulnérabilité fondamentale. Naturellement, l’accident du Diola est non seulement un évènement qui ouvre des sentiers vers la conscience responsable de soi-même d’abord et par rapport aux autres ensuite, mais encore, il représente un « lieu » où se retrouvent nos finitudes respectives et s’entrecroisent nos nombreuses interrogations sur l’existence humaine.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est tout au long de la vie qu’il faut apprendre à mourir. Et apprendre à mourir, en vivant, revient à honorer les morts et respecter les vivants. Or, il est difficile de croire qu’en organisant la cérémonie d’installation du Sénat le jour même de l’anniversaire du naufrage du Diola, que le pouvoir soit regardant avec les préoccupations de son peuple. Car, tout ce dont le peuple avait besoin, c’était du silence, ne fusse que pour le temps d’une seule journée !
Je passe sous silence le fait que l’installation du Sénat n’est pas une urgence. Je passe sous silence le fait que jusqu’à présent toutes les victimes n’ont pas été indemnisées, car il ne faudrait point réduire le problème à des considérations financières. Je passe sous silence les promesses non tenues de faire des enfants des victimes des pupilles de la Nation, ce qui leur assurerait un minimum d’existence et d’épanouissement. Je passe sous silence le fait que le bateau n’a pas été renfloué. Ce qui est difficile, cependant, de passer sous silence, c’est cette condescendance qui essaie de noyer l’évènement tragique – mais ô combien instructif – pour promouvoir les appétits gargantuesques de certains « homme de peu » qui, pour reprendre Confucius, ne font qu’ « excéder en dureté de cœur. »
Il y a des coïncidences qui sont heureuses comme il y a en qui sont malheureuses. Celle-là qui vient de nous être servie, n’est sans doute pas heureuse, encore moins malheureuse. Elle est tout simplement tragique. Elle est le fruit d’une condescendance qui est d’autant plus incompréhensible qu’elle est très dure à avaler. Vivement le ressaisissement ! Et, surtout, vivement l’humilité qui amènerait les protagonistes de cette maladresse à dire pardon au peuple !
Prénom et nom : Dr. Cheikh Mbacke Gueye
Adresse e-mail : cmgueye@hotmail.com