LE DG DU FMI SE SAISIT DU DOSSIER
PROLONGATIONS DANS L'AFFAIRE ALEX SEGURA / ETAT DU SENEGAL LE DG DU FMI SE SAISIT DU DOSSIER
Article Par SERIGNE SALIOU SAMB,
Paru le Mardi 13 Oct 2009
L'affaire Alex Ségura, ancien Représentant-résident du Fonds monétaire international (Fmi) au Sénégal continue toujours à défrayer la chronique. De même qu'elle n'a pas encore fini de livrer tous ses secrets. L'ancien Représentant-résident du Fmi au Sénégal a reçu un «colis» de 100 mille Euros (environ 65 millions FCfa) de la part de hautes autorités sénégalaises. Pratiques que réprouve le Fmi qui voit d’un mauvais œil qu’une autorité sénégalaise pousse le rubicond aussi loin. D’ores et déjà, on nous apprend que Dominique Strauss-Kahn, en tant que personne morale de la structure, compte monter au créneau, pour sauver la bonne réputation de l’Institution qu’il dirige.
C'est ainsi que, du côté de Brettons Woods où se trouve le siège du Fmi en même temps que celui de la Banque mondiale, l'affaire est prise très au sérieux. Le Directeur général du Fmi, le Français Dominique Strauss-Kahn a décidé de suivre ce dossier personnellement. Habituellement, une affaire de ce genre est gérée simplement par le département Afrique du Fmi, d'où relève Alex Ségura. Si le boss du Fmi monte ainsi au créneau, c’est parce qu’il estime que le sujet est assez sérieux pour mériter un suivi au sommet. Cette posture est adoptée au moment où l’Etat du Sénégal semble jouer balle à terre, après les sorties fracassantes de son Porte-parole, M. Guirassy.
Il n'y a pas que le Fmi qui surveille de très près ce dossier qui vient ternir l'image de marque du Sénégal. Le Congrès américain s'intéresse également à toutes les questions relatives à la transparence. C’est un secret de Polichinelle de dire que si le Sénégal a été admis dans le cercle des pays qui ont bénéficié du programme spécial d’aide aux pays pauvres, c’est surtout du fait du lobbying intense enclenché par le Sénégal qui a ainsi réussi à forcer la main aux Américains, après les mauvais souvenirs de… Jafza. Par le programme du Millenium challenge account (Mca), les États-Unis d'Amérique allouent au Sénégal, la somme de 270 milliards de FCfa durant les quatre années à venir. Mais, parmi les conditions pour continuer à bénéficier de ce programme américain, figure la bonne gouvernance. D'ailleurs, la Secrétaire d'État américaine, Mme Hilary Clinton, avait beaucoup insisté sur cet aspect, lors de la cérémonie de signature de cet accord qui avait enregistré la présence du chef de l'État, Me Abdoulaye Wade, et de plusieurs autres autorités sénégalaises.
Pour ne rien arranger, cette affaire Alex Ségura, qui constitue décidément une patate chaude entre les mains des autorités sénégalaises, figurait au menu des discussions au cours du déjeuner entre le ministre d'État, ministre de l'Economie et des Finances, M. Abdoulaye Diop qui recevait le corps diplomatique accrédité à Dakar, hier lundi. La réponse servie par le ministre d'État Abdoulaye Diop aux diplomates de l’Union européenne, qui l'interrogeaient sur cette affaire, montre à quel point celle-ci est embarrassante. M. Abdoulaye Diop aurait tout simplement répondu à ses interlocuteurs qu'il était absent du Sénégal au moment où se passait l'affaire.
Quoi qu'il en soit, nous assurent des sources bien au fait de ce dossier, les résultats de l'enquête initiée par le Fmi pourront être disponibles au courant même de cette semaine. Toutefois, nous indiquent ces mêmes sources, des sanctions contre Alex Ségura ne sont pas encore à l'ordre du jour. Ce dernier devrait effectivement prendre fonction ce mardi, en attendant de voir la suite que sa hiérarchie va donner à cette affaire. D’ores et déjà, même si les conclusions de l’enquête ne sont pas encore tout à fait connues, on estime que le coup de fil qu’Alex Ségura a envoyé au Comité d’éthique du Fmi est déjà une preuve de bonne foi. Alors que le fait d’avoir voyagé avec les fonds incriminés, constitue le point faible de son dossier.
DEGATS COLLATERAUX DE L’AFFAIRE SEGURA: Le malaise gagne la Douane sénégalaise
Une semaine après son éclatement, l’onde de choc de l’affaire Ségura continue de se faire sentir. Jusqu’au niveau des Douanes sénégalaises, qui sont désormais dans le collimateur de ceux qui s’interrogent toujours sur la facilité avec laquelle une mallette bourrée d’argent a pu transiter par le Salon d’honneur de l’aéroport de Dakar.
On est loin de l’épilogue du feuilleton Etat du Sénégal-Alex Ségura. Et pour cause, des voix s’élèvent au sein des Douanes sénégalaises, pour flétrir le laxisme qui a abouti à ce scandale. «Si des autorités ont pu remettre des espèces sonnantes et trébuchantes à des personnes qui ont embarqué via le Salon d’honneur de l’aéroport international de Dakar, c’est parce que les agents de la Douane n’ont pas accès à ces lieux», expliquent des sources établies chez Jean Jacques Armand Nanga. Et nos interlocuteurs de poursuivre : «Nous avons toujours réclamé un poste permanent au Salon d’honneur, car beaucoup de marabouts, d’officiels et de diplomates y font transiter des choses illicites.» Mais, à en croire nos interlocuteurs, les policiers et les gendarmes en service dans ce domaine ne vont pas très loin, dans leurs «fouilles» des bagages des personnes bénéficiant d’une immunité.
«Cette nuit, aucun agent des Douanes n’était au Salon d’honneur»
Comme pour dégager en touche toute accusation contre ses collègues, dont on signale la présence cette nuit-là à l’aéroport, Nicolas Sarr du service de communication des Douanes affirme que le jour du voyage de Alex Ségura, aucun douanier n’était en poste au Salon d’honneur. Ce qui veut dire que les éventuels complices sont à chercher au niveau de la Police ou de la Gendarmerie qui ont toujours pignon sur rue sur les lieux. Mais, ces deux corps peuvent-ils défier leurs supérieurs, si ces derniers veulent protéger des bandits à col blanc et des délinquants enturbannés ? La réponse est bien sûr négative. Surtout quant on sait que des détenteurs de passeports diplomatiques se livrent le plus souvent à des trafics de devises, de drogues…
Le Directeur des Douanes interpellé
Une semaine après l’éclatement de cette affaire, l’amertume est très perceptible chez les soldats de l’économie. D’autant plus que, soutiennent nos sources, «la nécessité de la présence permanente au Salon d’honneur» a toujours été évoquée lors des réunions de coordination des services des Douanes. Des correspondances ont même été adressées aux autorités de l’Aéroport. Mais, elles sont restées sans suite. Nos interlocuteurs, qui interpellent le Directeur Jean Jacques Armand Nanga, estiment qu’il y va de la crédibilité de cette Institution qui permet à l’économie nationale de gagner chaque année plus de 400 milliards de FCfa. De son côté, le patron des Douanes, que nous avons interrogé sur la question, s’est montré très avare en paroles. Armand Nanga nous a gentiment demandé de nous rapprocher de Nicolas Sarr du service de communication des Gabelous. Ce que nous avons fait bien sûr…
Et si le Salon d’honneur était une zone de non-droit ?
Après la rocambolesque affaire de la mallette d’argent qui a éclaboussé Alex Ségura et l’Etat du Sénégal, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur le statut du fameux Salon d’honneur de l’aéroport de Dakar. Pour en avoir le cœur net, nous avons interrogé de hauts responsables de l’Aéroport. Sous couvert de l’anonymat, l’un deux nous confie qu’avec le Pavillon présidentiel, il est l’un des deux entités qui ne dépendent ni de l’Asecna, ni de la Haute autorité de l’Aéroport. « Le Pavillon présidentiel est régi par le protocole présidentiel alors que le Salon d’honneur est sous le contrôle du ministère des Affaires étrangères », ajoute notre source. Pour le cas spécifique du Salon d’honneur, notre interlocuteur souligne qu’il reçoit régulièrement la visite de la Police et de la Gendarmerie. « Mais j’avoue que j’y vois rarement des éléments de la Douane », ajoute-t-il. Avant de préciser que, de nos jours, à cause du laxisme et du copinage n’importe quoi peut transiter par le Salon d’honneur.
L'Observateur