Serigne, tu ne peux plus te taire !
LETTRE OUVERTE AU PR SERIGNE DIOP
Serigne, tu ne peux plus te taire !
Je m’adresse plus au professeur puis à l’ami de la période estudiantine qu’à l’institution. Pour dire d’abord à l’universitaire qu’il est porteur d’un éclairage fondamental qu’il ne peut plus taire. Qu’à cinq mois de la présidentielle de 2012, il est obligé de donner son avis d’expert sur la candidature du Président sortant, sous le manteau de la seule profession qui lui soit connue, dans laquelle il a formé nos juges, magistrats et avocats et à laquelle il doit tout. Je ne le dis pas au nom du droit –nombre de juristes se sont prononcés-, ni n’utiliserai-je ces envolées dithyrambiques parlant du « devoir historique ». Je dis plutôt qu’au moins pour trois segments sociaux, ce silence est devenu incongru.
Quel que soit votre avis professeur, du fait de l’impasse vers laquelle s’achemine le pays, le devoir de réserve évoqué serait simplement perçu comme un silence coupable et taire votre avis expérimenté friserait, à terme –quelle que soit l’issue du scrutin-, le mensonge par omission. Vous devez parler pour éclairer votre famille, pour la sauvegarde de votre réputation et, surtout, pour soulager la conscience de tous ceux que vous avez amenés dans votre sillage dans les années 70.
Parlant de votre famille, je ne fais pas allusion à vos proches, car nous savons quel père exemplaire, quel voisin modèle et quel sens de l’humain se cachent sous cette bonhommie. Ce ne sont pas des compliments : c’est notoire !
Professeur, il est notoire que vous faites partie de cette élite de plus en plus rare ici, dont ni le pouvoir, ni l’argent n’ont pu rogner l’humilité et l’humanisme. C’est donc plutôt au niveau de la famille professionnelle qu’ils ont besoin de vous entendre. Non pas que cet avis sera parole d’Evangile. Mais parce que tant pour vos anciens étudiants que pour les futurs juristes et pour tous les professionnels du droit (y compris dans les plus hautes instances concernées), cet avis que vous avez (oficiellemnt) jusqu’ici tu -au motif que votre position actuelle vous y oblige- aura le poids de la montagne arrachée à la terre. Je pèse mes mots.
Quelle que soit la direction dans laquelle ira votre lecture, elle aura l’effet d’un météore dans la galaxie des avis divergents, que rend plus nébuleuse encore, l’immixtion dans cette sphère d’une gente davantage intéressée que professionnellement engagée. Votre avis, professeur, aura même plus de poids que celui de bien des constitutionnalistes, nationaux comme étrangers, parce que le Sénégal aura entendu la voix d’un Maître reconnu et reconnu, à côté d’autres Maîtres qui n’ont pas autant professé et théorisé et exercé, comme vous, dans toutes ces hautes sphères où seule la rigueur scientifique permet de se faire une place au soleil. Mieux, votre éclairage est attendu par tout un peuple subitement devenu soupçonneux de la valeur du droit qu’on semble malmener aujourd’hui pour des intérêts partisans. Croyez-le : tout le monde vous écoute !
Parlant de votre réputation, nous savons quelle somme de connaissances, combien de sacrifices et de renoncements, il a fallu pour la construire. Elle ne saurait donc être sapée d’un revers. Mais la situation actuelle est lourde de dangers autant pour la démocratie sénégalaise et la paix sociale que pour l’unité nationale. Au point que la réponse à la question de la candidature et l’issue de cette échéance électorale pourraient durablement miner la confiance que ce peuple a placée en son élite intellectuelle. Ce qui en est jeu, c’est en définitive la notoriété de l’intelligentsia formée à l’école française (à la quelle vous appartenez) dont les tergiversations n’ont que trop agacé le citoyen Lambda qui s’impatiente de voir le pays durablement ancré sur les rails du développement économique, en lieu et place de ces sempiternels débats qui ne garantissent pas le poisson au pêcheur, ni la graine au paysan, ni la denrée à la ménagère. Encore moins la connaissance à l’étudiant qui ne sait plus à quelle école se vouer.
La force de votre expertise tient en outre, professeur, au fait que toutes les positions que vous avez occupées (Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Médiateur) sont, par essence, trempées dans le sens le plus élevé de l’éthique et de la morale. C’est alors au nom de ces principes universels que vous vous prononcerez. Car Lacan a écrit : « le maître n’enseigne pas ex-cathedra, il apporte la solution quand les étudiants sont sur le point de la trouver ». Nous sommes en attente d’une direction. Ni plus, ni moins.
Serigne –tu permets ?-, pour en venir à ceux que tu as convaincus dans le combat pour la démocratisation au Sénégal, je suis tout aise pour témoigner que tu as eu l’entregent nécessaire dans les années 70, pour amener l’élite de l’université et des écoles supérieures à se mobiliser pour concrétiser le projet du « parti de contribution » devenu parti de masse. Même si nous ignorions à l’époque cette subtilité du « génie politique », c’est ton travail inlassable –que le Pds doit reconnaître- qui a arraché nombre de partisans d’autres bords, Cheikh Anta Diopistes que nous étions ainsi que d’autres moins engagés, à se mobiliser pour sortir de l’anonymat le futur Président Wade qui venait de perdre une élection mineure dans sa ville.
Tu nous avais convaincus des bonnes relations internationales et de l’expertise d’un « illustre inconnu » pour nous amener à coucher sur le papier lors de vos « thé débats » dans le campus, ces idées de la première mouture du programme du PDS. Ibra Diouf Niokhbaye, Mbaye Diouf, Cheikh Haguibou Soumaré (lorsqu’il était de passage) peuvent en témoigner. Ceux-là, Serigne, sont aujourd’hui dans le désarroi et veulent apaiser leur conscience. Car ils se demandent, après avoir rendu possible le Congrès de 1976, ce qu’ils ont réellement contribué à « créer ». Est-ce l’instrument d’une entrée du Sénégal dans une gouvernance moderne et vertueuse ? Ou l’enfer d’un cercle vicieux, d’une impasse permanente qui empêche le génie de ce peuple de prospérer pour mettre fin au calvaire de sa jeunesse qui rejoint les « boat people », de ses paysans victimes de l’accaparement des terres, de ses ouvriers confrontés aux fermetures d’usines sans nouvelles créations et de ses citoyens abonnés aux souks de pacotille qui ont envahis même les ruelles de l’université et les alentours des mosquées ? Pour tous ceux-là, Serigne, tu n’as plus le droit de te taire.
Fara SAMBE
(journaliste)
2012 : L’intelligence collective citoyenne décrypte le pré combat
Après cinquante et une années de mal gouvernance et, comme on le dit, de mission d’utilité douteuse le peuple aura des élections en 2012. Elections qui marqueront, après l’alternance 2000, la réelle émergence citoyenne. Qui, désormais, assumera sa responsabilité en gouvernance et en encadrement de la démocratie. Surtout en luttant contre l’enrichissement illicite, la corruption, le népotisme et l’impunité.
Le peuple n’attend, certes, d’aucun candidat un programme prospectif. Mais exige, entre 2012 et 2017, une mise en œuvre d’une politique radicale de redressement. Pour qu’enfin le train puisse retrouver ses rails.
Il convient, de ce fait, d’éliminer toutes les candidatures qui émanent des acteurs politiques qui ont aliéné nos ressources et empêché notre émergence pour une modernisation économique et sociale.
D’ailleurs, les élections de 2012 seront une offre citoyenne qui aideront le citoyen à recouvrer son pouvoir délégué à des compatriotes qui n’ont fait que se servir au lieu de servir la patrie et la nation.
Attention, car propagande et populisme ne sont plus de saison. D’autant que, chose non négligeable, les populations ont gagné en maturité. Et ne cèdent plus, en cette période, aux alchimies de la pédagogie politicienne. L’emploi, le travail, le cadre de vie et demain sont les problématiques avec lesquelles les populations restent confrontées. Convaincre et non vaincre devrait être le credo de tout leadership en Afrique.
Ce pré-requis solide, en pertinence citoyenne, aide l’électorat à exiger une sélection rigoureuse pour qu’aucune candidature inacceptable ne puisse passer au travers des mailles du filet. Or, la sanction du Conseil Constitutionnel tranche et valide la candidature par confirmation. Les faits enregistrés entre 2000 et 2011, au plan de la gouvernance, de l’encadrement de la pratique de la démocratie et de la lutte pour éradiquer ses effets, révèlent une incompétence notoire des acteurs politiques. Qui ont, au lieu d’améliorer les conditions de vie des populations, accentué le mal vivre ou son corollaire, le sans-emploi.
Il ne s’agit, guère, de boire dans le miel du nihilisme, encore moins dans le fiel de la stigmatisation. Mais d’appeler l’attention des citoyens sur la nécessité de bien définir, avant la confirmation que le Conseil Constitutionnel doit effectuer, des règles saines opposables aux candidats.
Certains leaders sont de réels produits de l’enrichissement illicite, de purs prévaricateurs pris la main dans le sac, des experts talentueux en blanchiment d’argent, enfin, de véritables détourneurs de deniers publics des satellites du capitalisme financiers connus, identifiés et fichés. Ils sont à combattre avant la fin de la période de pré positionnement qui se situe entre septembre et décembre 2011.
Peut-être, une présentation critique ou analytique, pour ne pas dire le portrait robot de certains candidats, devient une nécessité.
Car cinquante et une années de gouvernance vont permettre, cette ultime fois, c'est-à-dire la Présidentielle 2012, de sanctionner (positivement ou négativement) sans état d’âme.
Il reste évident qu’un déploiement en communication politique de haut vol est engagé avant la campagne électorale. Un matraquage médiatique d’échelle, des duels musclés entre leaders stars et une mobilité géostratégique inédite inaugurent, avec force tapage, le pré combat politique.
D’ailleurs pré combat politique ne change en rien la conduite citoyenne des populations. Car la candidature actuelle révèle un nombre important d’hommes de réaction. Dont certains ont eu à occuper entre 1968 et 2011, des positions comme celles de Directeur de Cabinet du Président de la République, Ministre d’Etat et Premier Ministre du Sénégal. Donc de véritables acteurs qui ont participé à la mise en œuvre de politiques dont l’échec installe, effectivement, le Sénégal dans une souffrance quasi inédite. D’autres, véritables continuateurs des puissances occidentales, estiment pouvoir acheter des voix et remporter l’élection présidentielle du fait des fonds mis à leur disposition par leurs sponsors tapis dans l’ombre.
La France Afrique et ses démembrements, l’influence des obédiences philosophiques et religieuses occidentales, l’anti islamisme et ses nouveaux adeptes ont, également, leurs satellites qui déposent une candidature. Enfin celles venant du pouvoir et du contre pouvoir sont à ajouter dans le lot de ceux qui veulent briguer le suffrage des Sénégalaises et des Sénégalais.
C’est pourquoi l’attention des candidats est appelée sur le fait que le peuple les observe. Et reste totalement indifférent aux duels musclés par média interposés, aux battages organisés par des directeurs de campagne sans lignes d’action, sans programme ; avançant comme des navires sans boussole, sans cap et sans port.
Attention ! Les consciences collectives citoyennes observent ; en gardant, à la fois, circonspection et distance critique. Enfants-rois, leaders stars, agents des capitalistes financiers et nouveaux riches, le peuple vous enverra, sans réserve, dans le mur. Car vos turpitudes, leurs conséquences et l’expression de la conspiration permanente de 1960 à 2011, demeurent, assurément, un motif noble pour demander l’élimination pure et simple de ces candidatures sans relief et sans épaisseur.
Il ne s’agit, ici, que d’un simple point de vue car le citoyen doit, avant de choisir, pouvoir fonder son option afin de ne pas conférer une légitimité sans faire un discernement. Le volontarisme aveugle est, désormais, tout comme un crime en matière de compétitions électorales surtout.
Une candidature ne devrait, en aucun cas, partir que de la seule volonté du candidat mais la participation à une élection, en qualité de challenger, devrait exiger une critériologie bien explicite. Il est à noter, compte tenu des graves effets négatifs résultant de la pratique de la démocratie, la nécessité d’un encadrement judicieux du jeu politique. Pour éviter, dans une grande mesure, l’inflation des dysfonctionnements dans une république devenue la proie de la peur et de la précarité.
L’élection de 2012 ne devrait, en aucune façon, être la victime de l’électoralisme et du suffragisme. La politique spectacle commence à s’installer en ce moment où toutes les formes de lutte, licites et illicites, sont déployées. Avec, en écharpe, malheureusement, la présence de leaders sans fondamental programmatique. Le pays a, heureusement, gagné en intelligence collective citoyenne et en pertinence démocratique. Un socle de pré requis, somme toute, inaliénable.
Wagane FAYE
Professeur d’Anglais
Coordonnateur des Cadres du F.A.P
Expert Associé à CARED Afrique
Email : ngenbale@hotmail.fr