Agir avant qu’il ne soit trop
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* Passage au numérique : Passage au numérique : Agir avant qu’il ne soit trop
tard
Malgré la signature par le Sénégal, le 17 juin 2006 à Genève (Suisse), de
l'Accord régional relatif à la planification du service de radiodiffusion
numérique de Terre dans la Région 1 dans les bandes de fréquences 174-230 MHz
et 470-862 MHz (GE06) et de l'Accord régional régissant l'utilisation de la
bande de fréquences 47-68 MHz par le service de radiodiffusion et d'autres
services de Terre à titre primaire dans la Zone africaine (GE89) qui
programment l’arrêt de mort de la radiodiffusion analogique à l’horizon 2015
pour la bande UHF (utilisée par la télévision) et 2020 pour la bande VHF
(utilisée par les stations FM), rien n’indique que le Sénégal se prépare
sérieusement à faire face aux mutations qui en découleront pour le paysage
audiovisuel. Qu’il s’agisse des autorités publiques impliquées, directement ou
indirectement, dans la gestion de ce dossier (ministères de la communication et
de la culture, ARTP, CNRA, etc.), des professionnels des médias, des producteurs
audiovisuels, des vendeurs d’appareils électroménagers, des associations
consuméristes comme des citoyens, c’est en effet le grand silence en la
matière. Pourtant, le passage au numérique pose des enjeux fondamentaux pour le
Sénégal et l’Afrique qui ne fabriquent ni les équipements de production et de
postproduction numériques (caméras, magnétoscopes, consoles, moniteurs,
mélangeurs, logiciels, etc.), ni les programmes (surtout les films et les
programmes de télévisions) ni les appareils permettant leur réception (postes
de radio, téléviseurs, téléphones portables, etc.). Alors que dans nombre de
pays, le déploiement de la télévision numérique a débuté depuis plusieurs
années et doit s’achever à l’horizon 2011, l’inertie constatée en la matière au
Sénégal risque de priver, d’une manière ou d’une autre, des millions de
téléspectateurs d’images de télévision et donc d’informations. En effet, si la
télévision numérique présente de nombreux avantages tels une meilleure
utilisation des ressources en fréquence, la réception d’un plus grand nombre de
programmes, une baisse des coûts de transmission, une meilleure qualité des
images et du son, la possibilité d’offrir des services et des programmes
interactifs, etc., elle nécessite l’adjonction d’un adaptateur externe à tous
les téléviseurs n’ayant pas été conçus pour recevoir des signaux numériques. De
plus, la convergence entre le contenu et le contenant qu’elle implique, compte
tenu des rapprochementS qui s’opèrent entre l'industrie du contenu, les
éditeurs, les diffuseurs et les opérateurs audiovisuels ainsi que les
opérateurs de télécommunications, nécessite l’adaptation du cadre légal et
réglementaire régissant l’allocation des fréquences, la régulation des
différents modes de communication et des contenus, le fonctionnement des
réseaux, la publicité, etc. Au-delà, elle requiert également une mise à niveau
des entreprises de production audiovisuelle afin qu’elles s’adaptent pleinement
à cette nouvelle donne. Comme chacun peut le constater, la migration vers le
numérique est donc loin de se résumer à une problématique technique relevant de
la seule compétence des experts. Elle soulève au contraire une multitude de
questions d’ordre politique, économique, culturel, social, juridique voire
sociétal et les réponses apportées doivent prendre en compte l’avis du plus
grand nombre et surtout protéger l’intérêt général. Dès lors, il urge
d’organiser le débat sur ce sujet afin que les problèmes soulevés puissent être
largement et sérieusement débattus, dans toutes leurs dimensions, par l’ensemble
des acteurs impliqués et au-delà par les citoyens, organisés ou non dans les
formations politiques, les syndicats, les associations, etc. Compte tenu de la
lenteur avec laquelle les nouveaux textes législatifs et réglementaires sont
élaborés et surtout adoptés, et les orientations politiques traduites en actes
concrets, les cinq années qui nous séparent de la date butoir de juin 2015 ne
seront pas de trop pour conduire les consultations nécessaires, mener à bien la
réflexion, concevoir une stratégie cohérente et réaliste de passage au
numérique, élaborer de nouveaux textes, mettre en place les instruments de
politiques nécessaires et accompagner le processus comme il se doit. Le sujet
est d’autant plus sensible que 80% des ménages sénégalais possèdent un poste de
télévision. Il ne faudrait donc pas qu’au détour d’une mutation technique mal
préparée ceux-ci rejoignent et accroissent par la même occasion le nombre des
victimes de la fracture numérique.
Olivier Sagna
Secrétaire général
BATIK
Bulletin d'analyse sur les technologies de l'information et de la communication
Lettre d'information électronique mensuelle publiée par OSIRIS
l'Observatoire sur les systèmes d'information, les réseaux et les inforoutes au
Sénégal
n° 128 Avril 2010