pour les WADE
Non Karim, les Sénégalais ne sont ni des dupes ni des demeurés !
Les Sénégalais ont été sidérés de recevoir, par presse interposée, ta « Lettre ouverte » en date du 4 juillet 2011, dans laquelle, tu t’expliques sur le projet politique que ton père t’a destiné, tout en demandant « compréhension et compassion » face à « l’injustice » dont tu serais victime de la part de malfaisants. Cette sortie, à la place de ton père que les Sénégalais voulaient entendre depuis ce 23 juin historique, a fini de les convaincre définitivement que, désormais, tu t’es substitué à lui pour prendre en main les affaires de l’Etat, afin de mieux assurer la réussite du projet de dévolution monarchique du pouvoir qu’il a échafaudé pour toi. Tes dénégations véhémentes de la réalité de ce projet n’ont, en effet, pour objet que de masquer l’échec patent des deux premiers scénarii que ton père avait mis en œuvre à cet effet, pour mieux détourner l’attention sur le retour au scénario originel que ton père avait conseillé à Faure Gnassymbé, d’appliquer pour succéder à son défunt père.
Ton père avait essayé de te faire passer par la conquête de la Mairie de Dakar, mais il s’est heurté au rejet massif, dans les urnes, de ce scénario par les populations, jusque dans vos deux bureaux de vote lors des élections locales du 29 Mars 2009.
C’est alors le cœur gros d’amertume, qu’il a tenté, avec l’appui de vos amis à l’Elysée, de te faire passer à travers une révision de la Constitution pour instituer un « ticket » à la candidature à l’élection présidentielle de Février 2012, pour asseoir ton accès au pouvoir à travers son pouvoir de nomination du remplaçant du vice- président démissionnaire.
La ficelle était tellement grosse qu’elle a soulevé une levée de masse pour l’obliger, ce 23 juin historique, de le retirer sous la pression de la rue.
Ce fut le second et le plus terrible camouflet que le peuple lui infligeait dans sa stratégie de dévolution monarchique du pouvoir.
C’est donc dans ce contexte, que tu t’es autorisé, à la place de ton père, de t’adresser aux Sénégalais pour nier l’existence de ce projet, dans une ultime tentative de masquer la portée historique de ce second rejet qui a ébranlé les fondements du régime de ton père qui est devenu aphone et irritable depuis lors.
Mais, en vieux routier de la politique, ton père n’avait de cesse de te préparer à hériter de son Parti, de te faire une cagnotte, et de contrôler l’armée, pour en faire les piliers, en dernier ressort, de ton accession au pouvoir pour lui succéder.
Il avait pleinement conscience des énormes obstacles auxquels il devrait faire face pour dérouler, avec succès, ce scénario originel, au point de chercher des raccourcis institutionnels, qui ont tous, à son corps défendant, ont été rejetés massivement et sans équivoque par les Sénégalais.
C’est ce retour à ce scénario originel que tu as tenté d’annoncer à la fin de ta « Lettre ouverte » en ces termes : « En conclusion, il nous faut renouveler notre ambition pour le Sénégal, en compagnie de citoyens simples et droits, courageux et travailleurs, issus des centres urbains, de la banlieue et des zones rurales et avec tous les millions d’hommes, de jeunes et de femmes qui nourrissent autant d’amour et de passion pour notre cher Sénégal. »
Après avoir écarté Idrissa Seck et Macky Sall, ton père a mis en veilleuse les instances dirigeantes de son Parti pour lui substituer son « Directoire de Campagne électorale », pratiquement réduit à un « Comité des 9 », au sein duquel trônent tes plus proches soutiens.
Il vient, ensuite, de peser de tout son poids politique, institutionnel et financier, pour imposer tes hommes à la tête de l’organisation de la jeunesse du Parti, l’Ujtl.
Ainsi, pour ta prise de contrôle du parti de ton père lors du Congrès prochain, il ne reste que l’obstacle que constitue le « Mouvement des Femmes », que ton père compte rallier à ta cause, à travers un odieux chantage sur les femmes débitrices, dont des « femmes leaders », de 3,5 milliards sur le prêt de 4 milliards du Fonds Taïwanais, qu’il leur avait donné en crédit depuis 2005, dans sa quête de clientèle politique en direction des Législatives qui étaient initialement programmées pour Mai 2006, avant d’être reportées en juin 2007.
De cette manière, avec le Parti sous ton contrôle, la cagnotte amassée, il ne te restera pour réunir les différentes composantes du scénario originel que la « loyauté » des Forces armées que ton père s’est chargé d’obtenir par tous les moyens à sa disposition.
Le projet de dévolution monarchique du pouvoir est donc bel et bien mis en œuvre, malgré tes dénégations véhémentes.
Mais le mépris envers les Sénégalais que tu as hérité de ton père, t’empêche de voir, à tes dépens, que les Sénégalais ne sont ni des « dupes » ni des « demeurés », mais des gens de grande culture politique historique, soucieux de leur souveraineté nationale, et profondément acquis à la République et aux valeurs de Démocratie et de Justice sociale.
C’est pour cette raison que ce scénario originel, comme ses prédécesseurs, va aussi lamentablement échouer.
En effet, la « loyauté » des Forces armées, la candidature à un troisième mandat pour ton père, et le système électoral sous le contrôle des hommes de ton père aux Ministères de l’Intérieur, de la Justice, et au Conseil Constitutionnel, constituent le véritable « tendon d’Achille » de ce scénario de dévolution monarchique du pouvoir.
À cet égard, tu te rendras amèrement compte que nos Forces armées et de sécurité ne sauraient en aucun cas, troquer leur réputation légendaire de « forces républicaines » attachées à son peuple, par une « loyauté » acquise à force de privilèges indus.
De même, le Mouvement du 23 Juin a d’ores et déjà déclaré sa résolution d’obliger ton père à renoncer à sa prétention à un troisième mandat illégitime, au moment où, l’opposition est sur le pied de guerre pour extirper du système électoral les hommes liges de ton père, pour libérer le suffrage du peuple sénégalais.
C’est parce que ton père est conscient de ces véritables obstacles au succès de son scénario originel, qu’il a décidé de prendre l’offensive en s’attaquant, par un projet de loi sur le Cnra, à la liberté de presse audio- visuelle, et de reconstituer ses « forces de violence », comme en attestent les récentes révélations sur l’arrivée- de « mercenaires » recrutés par ses hommes liges, pour semer la terreur et attenter à la vie et à la sécurité de tous ceux qu’il estime être un danger pour son projet de dévolution monarchique du pouvoir.
Ce tournant a été possible du fait de l’impunité totale qu’il continue de garantir aux agresseurs et autres assassins que l’on a découverts dans son camp, comme l’illustrent éloquemment la « grâce » et « l’amnistie » qu’il a accordées aux assassins de Me Sèye, et l’absence de poursuites judiciaires contre nombre d’agresseurs, d’assassins et de leurs « commanditaires », pourtant dûment identifiés.
Tu devrais donc dire à ton père, qu’il est suicidaire pour lui et pour toute ta famille, de persévérer dans cette direction, face à la détermination des Sénégalais et aux valeurs républicaines de nos Forces armées et de sécurité.
Ce n’est donc pas parce que tu te nommes « Wade » que les Sénégalais t’ont rejeté, mais c’est essentiellement à cause du projet de dévolution monarchique du pouvoir que ton père a concocté en ta faveur en violation des fondements républicains et démocratiques de notre Etat, de ton refus ostentatoire de rendre compte de ta gestion de l’Anoci, au point de faire limoger un président de l’Assemblée nationale, de ta volonté notoire de mettre à genou les entreprises nationales, comme Itoc dans le secteur pétrolier, Jean Lefebvre Sénégal dans le bâtiment, qui refusent de s’aligner sur ta pratique de « pots-de-vin », et, surtout, de la confusion que tu entretiens dans ta gestion des affaires familiales et des affaires de l’Etat, comme l’illustrent encore tes fonctions de Ministre, chargé de la coopération internationale, et celles de Trésorier, chargé de lever des fonds électoraux, au nom du Directoire de campagne que ton père a mis sur pied. Les conséquences néfastes de cette confusion de fonctions, pour la réputation internationale de notre pays, viennent d’être tristement illustrées par cette « affaire de 13 milliards » que le Qatar aurait remis à ton père en récompense de sa « visite » aux insurgés de Benghazi.
Dis donc à ton père de laisser tout tomber et de dégager avant qu’il ne soit trop tard pour ta famille.
Ibrahima Sène
Citoyen Sénégalais
Membre du PIT/Sénégal
Lettre ouverte à monsieur Wade, fils de…
Depuis 2009, j’ai eu à vous suggérer à vous et à certains de vos collaborateurs d’adopter une autre démarche afin de vous faire accepter par les Sénégalais, mais aucune de mes propositions n’a été mise en œuvre. Vous avez mené, vous et vos comparses, la famille libérale aux désastres de mars 2009 et de juin 2011. «L’erreur est humaine mais y persévérer est diabolique.» Par conséquent, afin de faire chorus à tout ce qui a été déjà dit par rapport à votre missive du 03 Juillet 2011, je m’en vais «piller» Boris Vian. Non monsieur Wade, ne cherchez pas la haine et les attaques où elles ne sont pas et si vous les trouvez, sachez que c’est vous qui les y aurez mises. Aujourd’hui, je dis clairement ce que je veux dire ; et loin de moi l’idée d´insulter la famille libérale, ma famille de cœur. Famille dans laquelle je compte bien des amis. Lorsque j´insulte (et cela ne m’arrive guère) je le fais franchement, croyez-moi. Jamais je n´insulterai des hommes comme moi, des militants, que l’on veut pousser à s’en prendre à d’honnêtes citoyens seulement mus par la volonté de préserver notre République, en leur bourrant le crâne de mots d’ordre vides et de prétextes fallacieux.
A vous militants de l’Alliance sopi pour toujours (Ast), se battre sans savoir pourquoi l’on se bat est le fait d’un ignare et non celui d’un héros ; le héros c’est celui qui accepte la mort lorsqu’il sait qu’elle sera utile aux valeurs qu’il défend. A ces militants, je leur demande de «déserter» la confrontation physique.
Je suis resté, 10 ans durant, un ignare parmi tant d’autres - un qui ne comprenait pas parce que pour comprendre il faut qu’on vous explique. J’ai trente-six ans aujourd’hui, et je vous le dis : s’il s’agit de défendre ceux que j´aime, je veux bien me battre tout de suite. S’il s’agit de tomber au hasard d´un combat ignoble sous la fumée de lacrymogènes ou de chars à eau, pion obscur dans une mêlée guidée par des intérêts politiques, je refuse et je prends ma plume. Je ferai ma guerre à moi. Le pays entier s’est élevé contre la loi scélérate de dévolution monarchique du pouvoir lorsqu’il a fini par savoir ce qu’il en était, et les jeunes qui se sont sacrifiés pour la survenance de l’Alternance parce qu’ils croyaient servir à quelque chose - on le leur avait dit - je ne les insulte pas, je les pleure ; parmi eux se trouvaient, qui sait, de grands ingénieurs en énergie - de grands spécialistes en passation de marchés publics ; et à coup sûr, d´honnêtes gens. Lorsque l’on voit une loi être retirée en une demi journée par la volonté d’un peuple debout et qui n’est pas «transporté» à bord de «ndiaga ndiaye», on est forcés de croire, que ce peuple ne mérite pas ce qui lui arrive.
Jamais dans l’histoire du Sénégal, un homme public de surcroît fils d’un Président en exercice n’a reçu autant de pouvoirs et de privilèges de la République.
Votre père est certainement plus intelligent que feu Eyadéma mais le peuple sénégalais est plus exigeant que celui du Togo.
Si vous voulez comme vous le dites servir ce pays et si vous voulez éviter que votre père ne soit qu’une malheureuse parenthèse dans l’histoire du Sénégal, PARTEZ !
En effet, les Sénégalais vous ont entendu, jugé sur des actes vérifiés et donc probants et non sur des rumeurs sans fondement et le verdict a été sans appel (mars 2009 et juin 2011).
«Conformément à nos valeurs sénégalaises», nous vous demandons pardon de n’avoir pas dit assez tôt à votre maman que le Sénégal n’est pas un jouet à mettre entre les mains du premier enfant venu.
Ousmane NDIAYE
Un fils de Sénégalais à qui rien n’a été donné.
Oussane_ndiaye@yahoo.fr
Réponse d’un citoyen à Karim Wade
Votre lettre à la Nation ressemble plus à une rentrée politique qu’à un message sincère adressé aux Sénégalais. Aussi bien dans son contenu que dans sa forme, elle renseigne, à degré suffisant, votre intention réelle. Vos services de communication nous semblent être aussi médiocres que leur patron en question. Et comme disait l’autre, quand un pouvoir sombre dans la déchéance, tout acte qu’il pose se retourne contre lui et l’enfonce davantage. Première faute : moins de 15% des Sénégalais utilisent régulièrement et correctement l’Internet, donc ce moyen de communication est inapproprié pour une large diffusion de votre message. La télévision et la radio étaient mieux indiquées pour faire passer effectivement votre campagne de martyr. Cependant on vous comprend, car non seulement vous ne maîtrisez pas le wolof, mais aussi vos yeux risquaient de trahir vos vraies motivations et votre culpabilité dans tous les problèmes que nous rencontrons actuellement.
Deuxième faute : ce n’est pas à vous de vous adresser au peuple sénégalais, compte tenu de la situation grave qui sévit dans le pays actuellement, mais c’est bien au chef de l’Etat de le faire. A ce qu’on sache vous n’êtes encore qu’un super ministre de la République et pas encore notre Président.
Troisième faute : vous vous sentez érigé en bouc-émissaire à chaque fois que des difficultés surviennent dans ce pays. Et bien, la raison est très simple monsieur le ministre. Déjà en voulant vous adresser aux Sénégalais, vous vous mettez dans une posture de d’homme providentiel pour la République, au moment où il y a encore un chef d’Etat dans ce pays, un Premier ministre et un ministre de l’Intérieur. Si vous acceptez de prendre en charge les portefeuilles ministériels des Infrastructures, de la Coopération internationale, celui des Transports aériens, de l’Aménagement du territoire, de l’Energie, ne soyez pas surpris d’être, indexé, ipso facto, quand un quelconque problème survient sur l’étendue du territoire national. Votre «expertise» est directement sollicitée, car vos responsabilités sont démesurées. D’autant que vous gérez officieusement le ministère des Affaires étrangères et dernièrement vous avez snobé et ignoré maître Ousmane Ngom en demandant l’intervention de l’Armée française lors des évènements du 23 juin, alors que vous l’aviez expressément expulsée du territoire sénégalais comme un vieux démon.
Quatrième faute : on vous cite : «Je suis l’homme le plus détesté du Sénégal.» Si vous pensez que l’on vous déteste autant, de grâce rendez votre tablier et démissionnez de toutes les charges et responsabilités publiques. Vous avez l’impression d’être vomi par la majorité des Sénégalais parce que vous avez accepté que votre père injure un peuple tout entier en jurant que son fils est l’homme le plus intelligent du Sénégal.
Vous n’êtes pas sans savoir que dans les pays qui se respectent par leur démocratie et que vous avez cités, Etats Unis, Angleterre, France ; dans ces pays-là, quand un ministre est jugé responsable d’une quelconque faute de gestion, il démissionne automatiquement, a fortiori vous qui pensez être à l’origine de toutes nos difficultés. On ne vous l’a pas fait dire.
Soyez courageux monsieur Wade, prenez vos entières responsabilités et mettez-vous à l’écart de la gestion des affaires publiques de ce pays.
Cinquième faute : Si vous pensez à travers cette sortie, gagner un peu plus d’estime des Sénégalais encore réticents à votre égard, c’est parce que vous ignorez la psychologie sénégalaise. Certes nous réfutons l’injustice et les martyrs sont toujours les bienvenus dans ce pays. Malheureusement votre personnage est l’incarnation ostensible de l’injustice vis-à-vis des autres fils de ce pays qu’on a souvent écartés et méprisés à votre profit.
Votre énième tentative de coup de com est une grande méprise, car elle n’est pas sincère et les Sénégalais sont assez intelligents pour en décortiquer toutes ses subtilités et ses vrais desseins.
Si vos conseillers pensent vous aider en réussissant à gagner le pari de vous propulser à la Une de tous les journaux de ce lundi passé, cependant ils ignorent qu’il y a des analystes et spécialistes sénégalais capables de faire une lecture intelligente et approfondie de vos ambitions inavouées. Et croyez nous, cette lettre ne fera que vous enfoncer d’avantage. Même si, au même moment le magazine Jeune Afrique, vient parallèlement, à votre secours, en vous mettant à sa Une, nous connaissons bien comment fonctionne cette société familiale et vos liens personnels avec Marwane Ben Yahmed.
Vous avez évoqué la date historique du 23 juin mais pas de manière intelligente. D’abord vous en parlez dix jours après. Ensuite cette date vous semble importante après que vous avez montré une arrogance inouïe aux Sénégalais chez Serigne Mbacké Ndiaye, ignorant parfaitement que les évènements du 27 sont le prolongement logique de ceux du 23.
A travers ce message, nous voyons un courtisan d’estime aux abois, nous voyons un marchand d’illusions, un affairiste en banqueroute. Nous lisons à travers ces lignes une déclaration de candidature à la prochaine élection. C’est une opération de charme, d’un futur perdant, de très mauvais goût. Votre sortie est une bombe à retardement.
Dans votre message, vous avez, sans le savoir, fait montre d’un narcissisme et d’une suffisance à votre personne. Vous vous êtes élevé à un niveau d’importance sans égal, par moments, en invoquant une fausse modestie qui en dit long sur votre personnalité. En voulant montrer votre amour pour le Sénégal, vous avez abaissé ses populations en un bas peuple.
Ce que vous devriez faire actuellement, si comme vous le prétendez, vous aimez le Sénégal, c’est convoquer une conférence de presse pour démissionner de toutes vos charges et responsabilités étatiques. Ensuite si vous croyez à la démocratie et au sens de la République, si vous aimez le Sénégal, dites à votre père qu’il y a une vie après le Palais. Demandez-lui à son tour et de manière solennelle de renoncer à sa candidature en 2012.
Si vous ne le faites pas, tout ce que vous entreprendrez d’autre publiquement sera considéré comme une nouvelle tentative de ruse pour détourner le vœu des Sénégalais qui vous ont déjà assez montré, dans leur majorité, pas une haine, comme vous le prétendez, mais un rejet tout simplement. Faîtes le pendant qu’il est encore temps. Sinon vous aurez une grande responsabilité devant l’histoire, sur tout ce qui pourrait arriver à notre cher Sénégal d’ici 2012.
Moctar BA - Citoyen, Etudiant en sciences. Po - bamocstar@hotmail.com
Réponse ouverte à Monsieur Karim Wade
Monsieur le Ministre d’État, Ministre de la Coopération internationale, des Transports aériens, des Infrastructures et de l’Énergie
Puisque votre lettre est adressée à tous les Sénégalais, je m’inclus parmi les destinataires et m’autorise à vous répondre. Je sais que nous serons nombreux à sacrifier à cette obligation pour vous rappeler quelques faits concrets dont l’omission enlève à votre missive sa prétention affichée d’être « un message de vérité, de fraternité et de sincérité ». Je vous rappellerai en tout premier lieu que l’omission peut tenir du mensonge.
Votre courrier n’a en rien démontré que les attaques dont vous êtes la cible sont « profondément injustes ». En lieu et place de faits concrets, vous nous servez des professions de foi et de belles intentions qui pavent l’enfer où vivent nombre de Sénégalais, du fait des choix du régime dont vous êtes dans une très large mesure comptable.
Je veux tout d’abord vous signaler que vous êtes entré tardivement dans l’espace public pour y occuper immédiatement et aussi indûment des places que votre parcours politique ne justifie aucunement. De 1974 à l’année 2000, des hommes et des femmes de votre génération se sont battus au côté du président Wade, alors que vous étiez inscrit au registre des abonnés absents. Vous n’avez jamais humé l’odeur âcre des gaz lacrymogènes, défensifs et offensifs, qui ont nourri toute une génération de combattants de la démocratie et de la liberté. Que vous disent le Parc à mazout, le triangle Sud (actuel siège de la RTS), les chassés croisés avec la police à Niari Talli, la bataille de Thiès en 1988, les luttes acharnées dans le campus de l’UCAD ? Certainement rien ! Vous avez attendu la 25ème heure pour venir vous installer douillettement dans le giron du président Wade et prétendre travailler pour le développement de votre pays que vous aviez tranquillement déserté au cours des années de combat. Une telle posture s’appelle la facilité. Qu’est-ce qui fonde votre légitimité à occuper autant de portefeuilles ministériels ? A quoi et à qui le devez-vous ? Vos compétences techniques ? Vos galons de militant conquis dans les rues du Point E, ou au couloir de la mort ?
Je ne suis pas du camp du libéralisme même tropicalisé qui nationalise pour mieux piller. Je ne suis pas d’accord avec les orientations politiques de Modou Diagne Fada, d’Idrissa Seck, de Mbaye Ndiaye, d’Aminata Tall, de Macky Sall, d’Abdoulaye Faye, d’Ousmane Ngom. Mais force est de reconnaître qu’ils ont fait le PDS avec leur sueur et les larmes et angoisses de leurs familles, durant les années de braise. Je pourrais aussi vous citer ceux qui sont tombés au champ d’honneur avant eux, ceux qui ont fait mai 1968, les militants de la clandestinité : PAI, LD, AJ, RND, PIT, les syndicalistes de l’UNTS, le mouvement étudiant et j’en passe.
Monsieur le ministre d’État, toute personne honnête reconnaîtra, sans partager leur opinion, que le parcours politique des hommes et des femmes, qui ont conquis la démocratie qui verra naître le PDS comme fruit de leurs luttes acharnées, n’a rien de comparable au vôtre. Avec un esprit de suite remarquable, en votre absence, des jeunes de votre génération ont repris le flambeau pour produire mars 2000. On ne voit pas comment un grand absent de ces années-là a pu se retrouver au centre de la scène avec la prétention d’en être un des chefs d’orchestre. Chez moi on appelle cela « picc beyul di mboolu ! » [Absent au moment des cultures, le moineau arrive à la récolte] Dois-je croire que vous êtes le seul Sénégalais à ignorer à quoi et à qui vous devez votre fulgurante ascension politique. Probablement, vous êtes seul aussi à ne pas l’interpréter comme une volonté de « dévolution monarchique du pouvoir ». Les Sénégalais ne s'y trompent pas. Ce n’est pas votre lettre, aussi pathétique soit-elle, qui pourra les convaincre du contraire, mais des actes concrets du démiurge de ce scénario sans envergure historique.
Oui, monsieur le Ministre, le président Wade n’a jamais dit et ne dira jamais qu’il a un projet de « dévolution monarchique du pouvoir ». Sans vous faire un procès d’intentions, nous savons par expérience que partout ailleurs où cela s’est fait, les actes nécessaires à son accomplissement ont été posés et nul ne s’y était trompé sauf ceux qui sont de mauvaise foi. Il est parfois inutile de dire tant les faits parlent d’eux-mêmes !
Je me contente juste de vous parodier pour vous faire comprendre ce qui vous arrive. Jamais dans l’histoire du Sénégal un homme n’aura fait une ascension politique aussi fulgurante dans un parti au pouvoir avec, pour seule et unique référence politique, son élection comme conseiller municipal d’un scrutin perdu par sa coalition. Ce n’est que dans les républiques bananières que l’on voit de telles situations. Dans les « Républiques non abîmées », quand un responsable politique perd les élections locales, il en assume les conséquences. Or, à cette occasion, vous avez été le seul Sénégalais à ne pas considérer ces élections comme une rampe de lancement pour un projet caché. Ce pourquoi Pape Diop, à juste titre, vous en a voulu certainement de lui avoir fait perdre la mairie de Dakar. Cette défaite est la vôtre. Mais surtout, elle était le signal fort, que l’électeur sénégalais voulait donner au pouvoir, de son interprétation de cette candidature vers le sommet qui cachait mal le projet monarchique.
Du fait de votre candidature et de l’implication du président de la République, le scrutin local de 2009 s’est transformé en référendum. Les résultats ont été une véritable débâcle pour votre camp. Pourtant vous n’en avez pas tiré les conséquences républicaines. Quelques semaines après cette raclée électorale, en lieu et place d’une bavette, le président vous a taillé un énorme boubou ministériel qui dépasse trop largement vos épaules. Vous êtes un des rares Sénégalais à ne pas y voir un coup de pouce supplémentaire mais tout aussi inacceptable pour vous hisser vers le sommet. Après cette défaite électorale, vous n’auriez même pas dû être un secrétaire d’Etat. Apparemment vous semblez ignorer pourquoi vous êtes alors devenu « Ministre d’Etat, Ministre de la Coopération internationale, des Transports aériens, des Infrastructures et de l’Energie » ! C’est au président de la république que vous auriez dû adresser une lettre ouverte pour qu’il vous explique politiquement les raisons de votre fulgurante ascension.
Il faut vous convaincre que les attaques dont vous êtes l’objet sont à la hauteur de l’injustice qui vous place, au-delà de vos mérites personnels et du fonctionnement normal d’un Etat républicain, à des positions que vous ne devez qu’à votre relation filiale avec le président. Ce n’est pas de la haine que nous avons pour vous, c’est de l’amour pour notre patrie et notre sens de la justice et de l’équité. Dans le PDS et dans l’appareil d’Etat, on essaie de vous faire place nette et on abat les uns après les autres vos adversaires avec une distribution inéquitable des armes. Libre au PDS et à ses militants d’accepter les décisions de la Constante puisqu’ils ont accepté d’être des variables. Mais les citoyens que nous sommes ont en partage la République, avec les mêmes droits. Nous ne vous y laisserons pas agir comme s’il s’agissait d’un patrimoine privé. Ce n’est pas de la haine, encore une fois, Monsieur le ministre, c’est le combat que le président Wade a porté, pendant un quart de siècle, contre vents et marées. Et quand il a atteint le sommet, l’Afrique et le monde ont salué sa victoire. Dommage pour lui, il a recyclé les rapaces qui avaient ruiné le crédit d’Abdou Diouf auprès de l’opinion sénégalaise. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il a déçu l’attente de ses concitoyens.
Oui monsieur le ministre, la République n’est pas un bien dont on hérite pour services rendus par nos pères. Les Sénégalais sont des passionnés du mérite et ils haïssent les privilèges, la veulerie et les prébendes et non les individus. Ils ont combattu ces tares sous la colonisation et sous Senghor. Après son passage au palais Bourbon, Abdou Diouf avait utilisé à tort le terme de haine parlant de l’opposition alors conduite par l’actuel président de la République. Lui non plus ne comprenait que les Sénégalais étaient fatigués d’être ajustés au moment où certains de ses collaborateurs, aujourd’hui dans votre camp, l’encensaient et s’adressaient aux Sénégalais avec morgue, suffisance et arrogance. Le couperet est tombé le 19 mars 2000! Bu geen defe la geen defoon nu defati lanu defoon ! [Vous continuez d’agir à votre façon, nous vous apportons la même riposte].
Monsieur le ministre, vous avez raison, je vois des routes et des ponts, très souvent même sur des voies déjà existantes que vous avez eu le mérite d’élargir ou de prolonger, plus d’écoles, de collèges et d’universités toutefois avec moins d’éducation. Je vois aussi des inondations, des coupures d’électricité, des détournements de milliards, le pillage des ressources foncières, la bamboula peu raffinée d’une classe de parvenus. Je vois des jeunes diplômés qui battent le macadam pour vendre de la pacotille et par milliers embarquent dans des pirogues pour se noyer dans l’Atlantique. Cela me rappelle quelques pages macabres de notre histoire. Quand celles-ci se répètent, c’est qu’on n’en a pas tiré les leçons. J’avais entendu dire en 2000 que l’Afrique a plus besoin de ses jeunes que des milliards de l’étranger ! Je continue de souscrire à cette affirmation. La colonisation nous a laissé des écoles, des universités, des routes, des chemins de fer, des ponts. Que sais-je d’autres ? Ce legs ne lui a donné aucune légitimité, et elle a été vigoureusement combattue partout en Afrique, parfois les armes à la main. Ce que nous perdions avec ce régime ne valait pas ce qu’on y gagnait, pour répondre à la question des Diallobés !
Monsieur le ministre, vous vous plaignez d’être condamné sans être entendu, et demandez le droit à la présomption d’innocence, qui serait ignorée par vos contempteurs. Êtes-vous réellement prêt à être entendu ? Apparemment non. L’un des vôtres a tenté de vous prendre au mot, avant la lettre. Mal lui en a pris. Il y a laissé sa tête politique. Bien sûr que vous n’y êtes pour rien car ku am kuddu du lak [Nul besoin de peiner quand on a des serviteurs] ! Aujourd’hui, il croise le fer contre votre régime alors qu’il était là au moment vous étiez loin du pays et de ses problèmes.
Jamais dans l'histoire du Sénégal, un homme public sans passé politique n’aura occupé simultanément et indûment autant de portefeuilles ministériels. Tant que vous étiez une personne privée, entre Londres et Paris, personne ne vous avait attaqué. Mais, à ce que je sache, vous n’étiez pas le ministre des Affaires étrangères du Sénégal, lorsque vous êtes allé vous montrer publiquement lors du sommet du G20. Où était alors le titulaire du poste à Deauville ? Scrutez donc vos pratiques avant d’accuser les Sénégalais.
Demandez plutôt pardon aux Sénégalais et remerciez-les d’avoir toléré autant de dérives et d’indécences dans la République. Le supposé projet de dévolution du pouvoir de « père en fils » n’explique pas tout, mais permet de comprendre beaucoup d’actes posés par le pouvoir sénégalais : la tentative cachée, mais avortée de vous faire maire de Dakar, le nombre inexpliqué de ministères confiés à un seul individu, la chute de ténors du régime qui ne demandaient qu’un traitement équitable. Ce sont de tels actes, loin des rumeurs, qui font prospérer cette idée saugrenue au regard de l’histoire. Vous êtes un des rares Sénégalais à douter de sa mise en œuvre systématique depuis des années. Du reste, le projet ne relève plus du futur. Qui dans ce pays détient autant de pouvoir que vous ? A quel titre ? Si votre ministère mettait à la SENELEC autant d’énergie que celle mobilisée par le pouvoir pour faire passer cette idée dans l’opinion, les délestages - aujourd’hui notre quotidien - seraient depuis longtemps considérés comme de très mauvais souvenirs, après avoir causé tant de dommages et de pertes à nos concitoyens.
Certains journalistes ont bon dos. C’est le président lui-même qui a allumé le feu, dégageant cette fumée qui a obscurci l’horizon de son régime, éliminé ses cadres politiques expérimentés et anesthésié ses capacités d’action. Même si j’en doute au regard de la teneur de votre lettre, j’espère que le 23 juin a réussi ce que mars 2009 n’avait pu réaliser : vous ouvrir les yeux. Vous prêchez en terrain converti, nul besoin d’apprendre aux Sénégalais qui ont depuis fort longtemps tiré les leçons de l’expérience de l’article 35 de Senghor. Ils savent de science certaine que s’opposer à tout projet de dévolution du pouvoir autre que démocratique, c’est défendre notre long héritage républicain et démocratique, acquis au prix fort du sang, des larmes et de la sueur, pour défendre l’espérance d’un Sénégal démocratique.
Monsieur le ministre, la grande confusion que les Sénégalais aimeraient voir disparaître de leur espace public, c’est celle qui dissout l’Etat dans la famille. L’insupportable intoxication à laquelle il doit être mis fin, est celle qui distille à petites doses, dans les médias d’Etat devenus patrimoine familial, l’idée qu’il y a un Sénégalais par naissance au-dessus de ses concitoyens. Une génération des combattants a porté Abdoulaye Wade au pouvoir, elle vaincra celle des profiteurs, en faisant la jonction avec celle, plus jeune, qui en a absolument marre !
Les millions de Sénégalais vous demandent moins que tout ce que vous promettez, juste de l’énergie électrique. Il est triste que 50 ans après les indépendances, les préoccupations majeures de « l’ensemble des responsables de ce pays » se fixent sur une question du XIXe siècle : « la fourniture régulière et suffisante de l’électricité dans les ménages et les entreprises ».
Au lieu de vous focaliser sur les conséquences, il vaudrait mieux vous concentrer sur les causes des « scènes de pillages, des actes de banditisme et de profanation des lieux de culte ». Occupez-vous de ceux qui ont pour principale activité le saccage quotidien des biens que nous avons en partage. C’est cela qui est à l’origine des rancœurs, de la violence relativement mineure au regard de celle perpétrée par les pauvres chômeurs de 2000 qui sont subitement devenus multimilliardaires. Faites un tour au CICES, à la corniche, à Mbane et vous verrez des exemples édifiants de la rapacité des vôtres sur les biens collectifs. Aimer notre cher Sénégal, c’est s’interdire, sans populisme, de circuler en jet privé, quand des pans entiers de notre peuple continuent d’user des moyens de transport du néolithique.
M. le ministre d’Etat, on vous a tout et trop donné, et vous nous demandez le reste. Kajoor ken dufa jël peb jël pefet ! [Au Kajoor on s’interdit de prendre le dû et l’indu] Votre camp a été aveugle et sourd au message de 2009. Le peuple vous a fait une piqûre de rappel le 23 et le 27 juin 2011. Il est grand temps de comprendre, avant la grande chirurgie de février 2012.
Patriotiquement vôtre,
Ibrahima Thioub