De l’absolue nécessité du dialogue national
De l’absolue nécessité du dialogue national
Le 31 juillet 2009, la presse nationale, dans sa quasi-totalité, a fait état du blocage du processus du dialogue politique national entamé depuis quelques semaines seulement par le pouvoir et l’opposition sur invitation du président Abdoulaye Wade. Les médias, notamment privés, ont imputé cette ‘crise’ à la lettre-réponse datée du 29 juillet 2009 du président Wade à celle en guise de termes de référence que des leaders de l’opposition regroupés dans le front Benno Siggil Senegaal (Bss) lui avaient adressée deux jours avant, c'est-à-dire le 27 juillet 2009. Certains ont vu dans la lettre du président de la République ‘une invitation au déballage’.
Malheureusement, la lettre de Benno écrite en premier lieu avait déjà tracé ce chemin, en faisant état de sujets pour le moins ‘délicats’, dont la mise ou la remise sur la table ne fera qu’exacerber les antagonismes. S’il est vrai que le peuple doit savoir ce qui s’est réellement passé, notamment pour ‘les crimes de sang’ et autres ‘pillages des ressources nationales’, je pense qu’il faut laisser à la justice, en toute indépendance, d’établir la véracité de ces faits et de décider des suites à leur réserver.
Je regrette vraiment que l’opposition n’ait pas saisi l’opportunité du nouvel appel du président Abdoulaye Wade au dialogue et à la concertation, pour former autour de lui un front uni contre les chocs exogènes qui éprouvent si durement les populations laborieuses de notre pays. De même, c’est là aussi sûrement une formidable occasion de regarder avec lui vers l’horizon 2012, afin de baliser un chemin de paix et de sérénité qui assurera, à n’en pas douter, des élections apaisées à l’issue desquelles il sera permis d’espérer que tous les perdants félicitent spontanément le vainqueur ! Aussi, pour en revenir à la rupture présumée du dialogue national, j’espère comme disent les halpoulars, ‘Wouri tann, kono roufani’, c’est-à-dire qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire !
Pour ma part, j’appelle de tous mes vœux à un dialogue national sincère et constructif, qu’il soit politique, social ou même religieux que je considère d’une impérieuse nécessité. Ce, il faut bien le dire, non point parce que le pays est bloqué et encore moins que notre économie soit au bord du gouffre ! De même, il est établi que le fichier électoral a fini de faire ses preuves et tout dernièrement avec les élections du 22 mars 2009, où l’opposition a remporté plusieurs collectivités locales très importantes. Il s’y ajoute que, même s’il est admis par beaucoup que ‘le pouvoir doit gouverner et l’opposition s’opposer’, je demeure convaincu que le dialogue national est impératif parce qu’à mon humble avis, ’un climat social apaisé est gage de tout développement’ !
C’est du reste persuadé de cette nécessité que, dès le début du ‘clash’ survenu après la proclamation des résultats de l’élection présidentielle de février 2007, avec la crispation du climat politique, je me suis engagé dans ce cadre à deux niveaux :
1- J’ai adressé au président Abdoulaye Wade, secrétaire général national du Pds, une lettre du 7 mai 2007 avec en objet ‘mon point de vue sur la situation politique nationale’. Dans cette correspondance, j’interpellais respectueusement le président de la République en ces termes : ’Monsieur le président de la République, je crois fondamentalement, qu’il vous appartient et à vous seulement de débloquer la situation politique actuelle de notre pays en conviant tous à la concertation’. J’affirmais que ‘ma conviction profonde est qu’un climat politique et social apaisé est à la base de tout travail positif’ et je disposais qu’’à mon humble avis, l’apaisement du climat politique doit être recherché par tous les moyens, même au prix du report des législatives..., car notre Parlement doit refléter la physionomie politique réelle de notre pays’ ! Et je soulignais en gras cette dernière phrase.
2-Devant l’échec de ma modeste ‘médiation’ consacré par l’organisation des élections législatives en juin 2007 sans une frange importante de l’opposition, j’ai commencé, dès juillet de la même année, à tracer les contours de ce que je considère un code de conduite politique que j’ai intitulé ‘Projet de charte nationale pour la démocratie et la bonne gouvernance’ (Cndbg).
Quelles ressemblances ne manqueront sûrement pas certains de chercher avec ‘la Charte de gouvernance démocratique’ des Assises nationales de l’opposition ! J’exposerai ultérieurement les principes fondamentaux de ‘ma charte’, en réservant cependant son contenu complet aux personnalités de référence pour son éventuelle prise en compte dans les prochaines ‘négociations’ entre le pouvoir et l’opposition que j’appelle de tous mes vœux ! Je fais noter qu’au moment où j’écrivais la lettre tout comme celle où je m’essayais à une ‘charte’, j’étais ministre dans le gouvernement.
Cela dit, je suis persuadé que tous les acteurs de la vie politique nationale ont un égal amour et une même ambition pour notre pays : conduire le Sénégal vers l’émergence et faire de notre démocratie le phare de l’Afrique ! Alors, que faut-il pour assurer un dialogue national constructif, c'est-à-dire permettant l’atteinte sans coup férir de ces deux objectifs majeurs et fondamentaux? Sans prétendre détenir des solutions miracles, je suggère quelques pistes pouvant y conduire avec la bonne volonté de tous, car l’essentiel à mon avis est de s’accorder au moins sur trois questions fondamentales : Le facilitateur, les termes de référence et les délais de mise en œuvre.
I - Le facilitateur
Je ne connais pas bien M. Serigne Mbacké Ndiaye, mais le considère a priori un homme de bonne volonté qui a pris à cœur sa mission. Cependant, son statut de ministre conseiller du président de la République, donc forcément partisan, le met mal à l’aise. Aussi, et à mon avis, le facilitateur principal (car il peut s’agir d’une équipe), doit être parfaitement neutre, d’expérience avérée, d’un nationalisme à toutes épreuves et totalement désintéressé par quelques prébendes que ce soit. A vrai dire, tous ces critères se retrouvent sans conteste auprès des honorables et respectables personnalités de très grande envergure que sont les Amadou Mahtar Mbow, Mamoudou Touré (il m’avait nommé Contrôleur des opérations financières - Cof - des Etablissements publics du Sénégal), Cheikh Hamidou Kane (j’ai été son directeur de cabinet), Iba Der Thiam, Doudou Ndoye, Mbaye Jacques Diop…
Malheureusement, tous ces honorables médiateurs potentiels se sont disqualifiés d’eux-mêmes du fait de leurs positions déjà partisanes ! Alors, je me tourne vers M. Famara Ibrahima Sagna pétri des mêmes valeurs morales et républicaines pour l’implorer de bien vouloir ‘reprendre’ son bâton de pèlerin et de s’impliquer sans tarder pour renouer les fils du dialogue ! Car il est constant que M. Sagna a eu, dans le passé, à jouer plusieurs fois ce rôle et avec succès, en particulier entre le président Wade et son prédécesseur au Palais, le président Abdou Diouf !
Je propose qu’il lui soit adjoint d’autres hommes de même valeur, entre autres, M. Youssoupha Wade, président du Comité national du dialogue social (Cnds) qui accomplit, avec beaucoup de bonheur, sa mission très délicate entre des acteurs spécifiques très exigeants ! De même que M. Alioune Tine, président de la Rencontre africaine des Droits de l’homme (Raddho) qui est constamment sur les fronts politiques et sociaux au service de la paix et de la démocratie. (A suivre)
Adama SALL Administrateur civil principal de classe exceptionnelle Membre du Comité directeur et du Secrétariat national du Parti démocratique sénégalais (Pds) Ancien ministre