Du programme commun de ‘Benno Siguil Sénégal’
Bourgui Wade
Si l’ex-président tunisien, dont une des avenues de notre capitale porte le nom, était Sénégalais, on aurait sans doute fait de Ba son patronyme. Il fut un grand homme bien que n’arrivant pas à la cheville de notre ‘buur’, son excellence Me Abdoulaye Wade, le ‘vieux sage’ de l’Afrique, qui tient à laisser sa trace dans le pays et dans le reste monde. Bourgui Ba a marqué l’Histoire avec les bourdes que sa sénilité lui dictait. Bourgui Wade est décidé à lui ravir la vedette, lui qui est le meilleur dans tous les domaines.
Après ses projets utopiques pour faire du Sénégal un pays émergent et exportateur de pétrole, le voilà réduit à proposer l’aumône (zakat) et l’usure (ribaa) pour sortir l’Afrique de la pauvreté. Il explique : ‘Personne ne m’a rappelé que je devais verser la zakat. Vous devez, vous les Oulémas, rappeler aux gens qu’ils doivent verser la zakat. C’est votre faute, vous les oulémas du Sénégal, si je ne verse pas la zakat. Ça fait partie de la solidarité islamique et pourrait aider les plus démunis.’ Faut-il en rire ou en pleurer ? Il pouvait, pendant qu’il y était, leur dire que c’est à eux de lui rappeler que Muhammad (Psl) est le prophète d’Allah. Est-ce son passé de franc-maçon qui lui a fait oublier que la zakat est le troisième pilier de l’Islam ?
Quant à l’usure (ribaa), ce que l’Islam en dit, est sans équivoque : N’y touchez pas. (Les oulémas doivent se demander de quelle religion est le président en exercice de l’Oci.) Et comme si cela ne suffisait pas, il ajoute : ‘Au Sénégal, nous avons radicalement éradiqué la pauvreté par un geste. C’est une question de volonté et d’organisation.’ Avec 54 % de la population sous le seuil de pauvreté, c’est certainement un bien petit geste.
Et il fait sourire les plus courtois de ses auditeurs quand il laisse entendre que ceux qui ont peur de la vérité (certains dirigeants occidentaux), ont peur de lui. Sacré Wade ! Mais bon, ils sont contents, les oulémas, parce qu’il leur a offert un siège à Dakar, avant d’aller verser 32 millions de nos francs pour la finition d’une mosquée à Marseille. Si l’on y ajoute les 75 millions balancés aux Ivoiriens pour leur case des tout-petits et tant d’autres dons distribués çà et là, il a raison de dire que la pauvreté est éradiquée au Sénégal.
Sur les ‘20 milliards de Sudatel’, il nous sort une explication bien tordue. Il révèle qu’en 2007, les responsables de Sudatel avaient ‘payé cash 200 millions de dollars, qui correspondaient à l’époque à 100 milliards de francs Cfa, somme encaissée par le Trésor public’. Seuls 87 milliards ayant été déclarés, il avance que cela n’est pas son problème car ‘il y a eu, paraît-il, des différences de change’. En 2007, nous apprend le journal La Gazette, 200 millions de dollars correspondaient à un peu plus de 96 milliards de francs Cfa. Il y a donc de quoi se poser des questions.
Après avoir fait construire son ‘Monument de la renaissance africaine’ par des Nord-Coréens, Wade avait nommé un Français aux oreilles rouges producteur délégué de son ‘Festival mondial des arts nègres’, nous poussant à nous demander s’il se rend compte de ce qu’il dit et fait. Pendant ce temps, dans le reste du monde, on rit aux éclats.
Maintenant, il annonce que le Sénégal va, grâce au Soudan, monter ‘de très, très grands camions, des camions poids lourds de plusieurs tonnes et de toutes catégories, le premier projet de ce genre en Afrique de l’Ouest.’ Y a-t-il encore des gens capables de le croire ?
Des journalistes français le qualifient de ‘grand spécialiste des promesses non tenues’ et relatent ses ‘waderie ’ qui font glousser du pôle Nord au pôle Sud. Sur l’affaire Segura, il avait déclenché une hilarité planétaire en déclarant que son aide de camp avait confondu la valise présidentielle et celle à offrir au représentant du Fmi pour respecter une tradition africaine. Auparavant, il avait raconté que son aide de camp s’était trompé de somme et aurait ainsi donné 87 millions de nos francs comme cadeau d’adieu. Sur l’affaire Clotilde Reiss, un journaliste européen trouve que Wade est ‘hors normes’. C’est pour dire le moins. Dans le journal Le Monde, on le compare à l’empereur Bokassa, suite à ses sorties contre les ambassadeurs de France et des Etats-Unis. ‘Ndeysaan !’ Le ‘visionnaire’ est devenu la risée de la communauté internationale.
Vous souvenez-vous de son discours en anglais lors de la signature du contrat du Mca ? Cnn n’avait jamais fait un tel tabac. Canal Plus remporte quand même le trophée avec les délires d’Abdoulaye Wade, celui qui voulait offrir une région entière de son royaume aux sinistrés haïtiens, celui qui préparait un projet de loi pour un prélèvement obligatoire de trois jours sur les salaires des agents du public et du privé, pour soutenir Haïti, celui qui a promis d’installer un tramway à Dakar et sept Tgv pour rallier les villes du Sénégal, celui qui veut doter son pays d’une centrale nucléaire et installer dans le Sahara une centrale solaire de 100 000 mégawatts estimée à plus de 160 000 milliards de francs… (Heureusement qu’ils ne sont pas au courant de tous les ‘grands projets’ de notre Bourgui national.)
Les chaînes de télévision du monde entier sont friandes des Bourgui-shows. Seule la coupe du monde de football attire autant de téléspectateurs. D’après Radio-Fann (de l’endroit où l’on interne certains déséquilibrés mentaux), Saa Neex, Koutia et le jeune ‘taasukat’ (boroom paxum kaña) vont organiser une marche de protestation contre cette concurrence qu’ils jugent déloyale.
Bourgui, dolli ñu, waay ! Un troisième mandat à 86 ans ‘ak lu tegal’ ne nous fera que du bien. Vos petits-enfants ont besoin de rire pour oublier vos promesses non tenues. A défaut de leur ouvrir les portes d’un avenir radieux, continuez à multiplier les bourdes pour qu’ils puissent se dilater la rate. Mais ne leur racontez pas comment Bourguiba a quitté le pouvoir, car cela pourrait leur donner des idées.
Bathie Ngoye THIAM bathiesamba@hotmail.com
Il est pertinent de changer le système électoral au Sénégal
Écrit par Djidiack Faye
Mardi, 15 Juin 2010 12:39
Le Sénégal est un pays qui a adopté un processus de décentralisation irréversible. Aujourd’hui il existe deux niveaux de gouvernance publique qui sont d’une part les collectivités territoriales et d’autre part l’Etat central. Ils sont chargés du développement économique, social, culturel….dans un soucis de durabilité. A tous ces deux niveaux des stratégies de développement sont définies, toutes dans une parfaite harmonie qui est garantie par le dernier précité : l’Etat.
Le 29 mars 2009 les Sénégalais ont voté massivement contre le pouvoir libéral en place mais sans se soucier de l’avenir de la gouvernance et du développement de leur territoire. Furieux contre les responsables politiques du régime de l’alternance à cause de leurs attitudes et actes, les sénégalais sans réfléchir ont voté contre les listes libérales. Mais ils n’ont pas choisi de façon réfléchie des équipes aptes et préparées avec une vision claire du développement de leurs collectivités locales. L’exemple le plus partagé et cité est la mairie de Dakar où Pape Diop a fait des réalisations colossales et il a été battu.
Alors, l’objet de cette réflexion ce n’est pas de critiquer la décision de sanction des populations locales mais c’est de savoir pourquoi elles étaient obligées de plonger l’avenir de leurs collectivités locales dans le hasard, l’inconnu.
Aujourd’hui des personnes sont maires, Président de Conseil rural ou de Région sans aucune légitimité populaire. En effet, votant avec une seule idée en tête, sanctionner le leader du PDS et ses troubadours, les populations ont donné la victoire à une liste hétérogène en mars 2009 dans beaucoup de collectivités locales. Une fois ces listes reconnues victorieuses, il fallait choisir parmi ce groupe hétérogène une personne pour être le chef de l’exécutif local. Pour ce choix, la seule règle valable était le partage équitable du butin ramassé. Chaque parti de BENNO devait avoir un certain nombre de poste à occuper dans ces collectivités locales, bien que certains partis aient eu à bafouer la règle.
De ce partage de responsabilités et de gestion, les conflits ont surgi. C’est pourquoi aujourd’hui dans de nombreux conseils c’est un climat délétère où le parti ayant le poste de chef de l’exécutif essaie de s’accaparer de tout. Mais le plus grave c’est que, des personnes ne pouvant même pas gagner un bureau de vote, sont devenues maires ou PCR. Ils sont élus par les conseillers et non pas par la communauté tel que prévu dans le code électoral.
Ces élus locaux ont de sérieuses difficultés pour remplir les missions et rôles qui leur reviennent. Ceci a pour causes leur manque de leadership, et des conflits d’intérêts de ces personnes victorieuses de partis différents composant les conseils locaux. Ainsi, sur le terrain, il se pose réellement un problème de bonne gouvernance locale par rapport à la mobilisation sociale sur la définition de stratégies et la mise en oeuvre d’un développement durable par les différents acteurs locaux. Autrement dit la participation qui est l’âme de tout processus de développement durable à la base est mise à rude épreuve. La seule cause est alors non pas ce vote sanction des populations envers le pouvoir en place, mais le mode d’élection des présidents et maires de nos collectivités locales : le suffrage indirect.
Il est plus démocratique, plus efficace pour une meilleure gouvernance de nos collectivités locales d’élire désormais les maires et Présidents de conseil par un suffrage universel direct.
L’autre conclusion qu’on doit tirer de cette expérience est aussi très pertinente et la question est à l’ordre du jour dans notre République. En réalité, les collectivités locales peuvent être vues comme l’image en réduit de l’Etat central. Les difficultés de gouvernance locale dont nous faisons actuellement cas dans beaucoup de collectivités locales vont se reproduire au niveau central si ce même BENNO parvenait à installer un de ses leaders au palais de la République.
En effet, dans tout ce groupe, il n’y a aucun parti ou un leader reconnu par ses pairs comme étant la tête de l’opposition ni figure sublime de ces leaders. Dans leur collaboration, les résultats de demain devront être gérés de façon collégiale et équitable même si c’est la Présidence de la République. Or cette première institution de la république est une et indivisible et ne peut être incarnée que par une seule et unique personne. J’ajoute alors s’il y a un souci d’équilibre entre pouvoirs c’est la constitution qui pourrait le régler ou une cohabitation politique mais ce n’est pas possible par une hypothétique gestion collégiale de partis et de leaders aux ambitions différentes à la limite contradictoires. L’expérience du FAL et de la CA 2000 est intéressante. Les causes de la séparations des partis qui les composaient sont à la fois du PDS et son leader mais également des autres partis membres qui ont été écartés de la gestion du pouvoir. Si ces partis sont sortis du gouvernement sans problème majeur c’est parce que les rapports de force étaient inégaux et ces partis ou leaders de parti reconnaissaient en Wade l’incontournable et seul patron autour duquel pouvait se retrouver l’opposition d’alors. Ce n’est pas le cas pour les partis de l’opposition actuelle.
D’autre part cette pratique de coalition de parti que l’on vit avec le régime libéral et qui se forme avec le BENNO est malsain en ce sens qu’il encourage des affairistes politiques qui ont fini de créer plus de 100 partis politiques dans ce petit pays pour juste aller marchander des postes de responsabilité au niveau de l’Etat.
Le président qui serait élu parmi ces chefs de parti à la suite d’une alliance comme celle des locales nous mènerait à des blocages de la marche de l’Etat central et/ou à une succion des richesses du pays au nom du partage du gâteau par une minorité comme nous le vivons aujourd’hui. Mais par contre il est concevable qu’un candidat qui est le plus représentatif et qui gagne les élections ouvrent son gouvernement à ceux qui reconnaissent et approuvent la politique mise en œuvre.
Alors, il faudra désormais un vote plus utile qui peut permettre à la fois de sanctionner mais aussi de bien cibler son choix. Alors la seule condition qui nous le permettrait et que semble rejeter les sénégalais c’est une élection présidentielle à un tour. C’est aussi le seul moyen de décourager des partis et leaders de type ‘bana bana’ et de donner entière responsabilité dans l’orientation politique mais aussi de bilan au Président. Cette option pourrait également favoriser un contrôle efficace par l’avènement facile d’une cohabitation avec une assemblée nationale et un sénat non acquis au Président de la république pour en faire une majorité mécanique.
Du programme commun de ‘Benno Siguil Sénégal’
Les partis politiques membres de ‘Benno Siguil Sénégal’ ont décidé de tenir une série de séminaires, en vue de baliser la voie à la constitution d’un front commun destiné à cordonner leurs démarches pour les prochaines élections présidentielles. Le premier séminaire, tenu le 6 juin 2010, a permis d’échanger sur les grandes lignes de la nouvelle architecture institutionnelle qu’il faudrait mettre en place après 2012 et d’engager la réflexion sur la rédaction d’un projet de nouvelle Constitution qui serait soumis à référendum populaire. Le second séminaire, prévu en juillet, devrait se pencher sur le programme commun de ‘Benno’, tandis que la question de l’éventuelle candidature unique ne serait abordée qu’en septembre 2010.
Cet agencement des thèmes de discussion paraît a priori cohérent, en ce qu’il force les membres à s’entendre d’abord sur le fond, avant d’aborder le sujet de la forme des candidatures. Il s’y ajoute qu’en procédant ainsi, le ‘Benno’ facilite son appropriation politique des riches conclusions des Assises nationales. Cependant, un certain nombre de points demeurent des sources d’interrogation.
D’abord, la nature du régime politique à mettre en place. Pour une question aussi sensible, l’on peut penser que ce n’est pas un séminaire d’un week-end qui permettrait d’emporter l’adhésion de tous les partis membres, en particulier de l’Apr de Macky Sall, sur la nécessité d’instaurer un régime parlementaire. Ce même constat peut également être fait sur les contours du futur programme commun que les leaders du ‘Benno’ voudraient ficeler en juillet. Sur tous ces sujets, l’expérience montre qu’il faudrait au moins six mois, et plusieurs réunions et travaux techniques, pour bâtir un solide programme gouvernemental alternatif. Et que donc le rythme actuellement imposé pourrait difficilement déboucher sur un programme digne de ce nom.
Certes, les Assises nationales ont permis de diagnostiquer, partout dans le pays, les besoins des populations. Mais, le plus important est de passer de l’identification des problèmes à des solutions réalistes et fondées sur les capacités réelles du pays. Le ‘Benno’ devrait ainsi tenir compte des vrais dossiers gérés dans les départements ministériels, lister les mesures prioritaires, secteur par secteur, évaluer les coûts des changements à introduire, veiller à l’équilibre global des choix effectués et à leur soutenabilité, tout en proposant un calendrier et des modalités de mise en œuvre. Toute autre méthode de construction du programme commun lui enlèverait ce qui constituerait sa force : la crédibilité.
En outre, le fait de presser le pas, en donnant plus d’importance à la tenue symbolique des séminaires, qu’à la réflexion approfondie sur les thèmes en débat, fait courir au ‘Benno’ le risque d’aboutir à de faux consensus et à de vraies divergences futures, lorsqu’il s’agira de mettre réellement en pratique les engagements pris. En définitive, il est possible de postuler que le ‘Benno’ gagnerait presque à trancher très vite la question de la candidature (unique ou plurielle), de manière à se donner le temps nécessaire pour élaborer, d’ici décembre 2010, un vrai programme commun.
Moubarack LO Président de l’institut Emergence Emil : moubaracxklo@gmail.com