Mes certitudes sur le Sénégal de 2012
Mes certitudes sur le Sénégal de 2012
Dans cette obscurité, où je peine à dormir, où les mots se bousculent et où les images défilent, je vois un passé triste qui pointe un doigt accusateur sur un présent qui le nargue et le traite de rétrograde et d’envieux. L’avenir n’est ; je l’entends demander au présent sur quel pied danser car il pas non plus gai n’a pres¬que plus d’espoir, et son horizon imprécis, mais le passé de lui préciser que le présent n’est pas digne de confiance puisque rien de ce qu’il lui a laissé n’a été entretenu : il a pro¬mu le vol, le mensonge, l’adultère, rien que des comportements dégradants pour l’homme et a relégué l’éthique et la morale au dernier plan.
Je me suis promis qu’à mon réveil, dans cette atmos¬phère de doutes et d’imprécisions, j’écrirai mes certitudes.
La génération future, avenir de ce pays doit éviter de tomber dans l’insolence et la culture de la médiocrité auxquelles nous sommes aujourd’hui réduits. Elle doit comprendre enfin que c’est la somme de leurs am¬bitions personnelles qui ferait l’essor du Sénégal et elle devra aus¬si éviter de raisonner comme certains, fatalistes à souhait, qui se prennent déjà pour une génération sacrifiée, se croient victimes d’un faux départ et se refusent d’y croire Pour réussir, il ne faut jamais abandonner, da¬vantage et donc de se battre.
Je me poserai aussi des questions sur le pourquoi de cette crispation qui fait que, ballotés entre la montée en puissance et l’attachement de la plupart de nos hommes religieux à des félicités terrestres et le comportement presque de lâches de la plupart de nos hommes politiques, les Sénégalais se perdent, mais militent la plupart pour la facilité, l’arrogance et la médiocrité ?
J’écrirai donc pour dire ce qui me fait mal et parler à un Etat qui s’éloigne, jour après jour, des intérêts supérieurs de la Nation pour les siens. Et ceci malgré le fait que sûrement mes amis, collègues ou pa¬rents m’interpelleront, à la re¬mar-que de mes empreintes que je laisserai traîner ça et là, pour me dire qu’on ne se bat pas avec un Etat puisqu’il sort toujours vainqueur dans ce genre de duel. Et, dire qu’ils soufrent tout comme moi. C’est cela aussi le paradoxe du Sénégal, un pays où ses fils préfèrent «courber la nuque et accepter en silence un sort qui les brime», plutôt que de braver le chaud soleil à la recherche de meilleures conditions d’existence parce que ; ték ci Yaalah baaxna». Un fatalisme désespérant. «diarouko té amoul solo J’écrirai malgré tout, puisque seul dans ma chambre, je regrette amèrement mes sprints à la Maurice Green de 2000, et préciser que je ne me bats pas contre l’Etat pour n’en avoir ni les moyens encore moins la motivation. J’extériorise mes sentiments. Des sentiments de malaise et de regrets. N’avons-nous donc plus : amis, collègues et ? Les mêmes le droit de penser et de dire ce que l’on pense cette fois-ci me rappeler que je suis parents, m’interpelleront à nouveau pour jeune et plein d’avenir et que ce serait dommage de compromettre ainsi ma carrière. Je leur rétorquerai que la compromission, par peur aussi, nuit à l’homme et à sa carrière. A chaque fois qu’ils ont besoin de nous ils viennent nous voir où que nous soyons et quoi que nous puissions représenter à leurs yeux, donc il est normal que nous sachions leur dire, les yeux dans les yeux, sans frissonner, ce que nous pensons d’eux surtout s’ils nous déçoivent. J’ai fini par avoir l’ulcère à force de cogiter dans les ténèbres, à m’emporter dans des discussions de salon et à m’énerver devant la désinvolture avec laquelle ces irresponsables administrent notre cher pays. Les agrégats économiques rappelleront à qui de droit que les Sénégalais dans leur majorité souffrent et ne comprennent pas qu’on leur dise que leurs maigres revenus doivent être revus à la baisse et que le gouvernement compte, au même moment, quarante ministres dont quatorze d’Etat (nous oublions bien sûr et volontairement de parler des ministres conseillers sans aucune utilité), avec des incohérences terribles en matière d’hiérarchisation et de domaine de compétence, conséquences de l’enlisement et de la cacophonie au cœur du système étatique. Ne leur parlez surtout pas d’agrégats macroéconomiques en hausse. Ils ont faim vous répondront-ils avec un doigt accusateur sur un Etat jugé budgétivore avec un budget de la Présidence qui dépasse les 100 milliards là où celui de l’Elysée dépasse à peine les 75 milliards.
J’écrirai en rouge sang de colère. Colère face à cette avarie qui carcinome l’espoir de tout un peuple. Une avarie sans pitié qui, à chaque fois, cherche à s’enrichir peu importe les moyens et à mettre des bâtons dans les roues des vaillants serviteurs de la Nation comme Bara Tall. Une avarie qui m’a promis la lune et ses étoiles et a fini par descendre au dessus de ma tête Satan et l’enfer. Je suis désolé. J’essaierai d’écrire avec moins de passion, ce qui est parfois difficile quand on sait que le taux de mortalité infantile (moins d’un an) dans notre pays, selon les statistiques de l’Unesco, en 2008 est de 57 pour mille et qu’en face, sans aucune insouciance, des millions sont distribués, pêle-mêle, dans un semblant de générosité qui frise à peine le risible. Des hôpitaux qui manquent du minimum nécessaire face à des politicards véreux faisant sans retenu la bamboula dans une misère qu’ils ont installée et qui a fini de ligoter plus de 34% de la population qui vivent en dessous du seuil international de la pauvreté, soit 1,25 $ Us par jour. Ajouté à ce triste tableau que seuls 77% de la population ; ce qui veut donc dire que 33% utilisent des sources d’eau potable améliorées de cette population vivent dans le dénuement le plus totale et n’ont point accès ! à un minimal sanitaire pour vivre décemment. C’est alarmant
Il nous faut, dans ce contexte qui fait perdre le Nord et qui n’aide pas non plus à trouver une union des cœurs, un vrai sens du patrio l’Est,tisme et une détermination pour faire face à la débandade et mettre fin à cette cacophonie.
Nous ne sommes malheureusement pas encore prêts pour tous ces sacrifices, donner de nous même pour des générations entières, penser plus aux autres et moins à nous. Un manque criard de citoyenneté. Les mots de Winston Churchill, à la Chambre des communes, au début de la seconde Guerre mondiale, retentissent encore dans nos «Je n’ai rien à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la : esprits sueur.» L’Angleterre s’en est sortie ragaillardie et grandie. Quand aurions-nous un tel sens de la responsabilité ?
Le Sénégalais est lui-même fautif tout comme moi qui conjugue mon engagement au futur alors que je le considère comme un impératif. Les peuples n’ont que les dirigeants qu’ils méritent. C’est une vérité divine. Nous méritons donc ceux-là que nous détestons un instant pour les acclamer un autre instant. Nous aimons ceux que nous blâmons et ceux qui nous piétinent. Une triste réalité.
L’opposition n’en est pas moins coupable. Elle qui ne se meut qu’entre quatre murs alors que pour avoir choisi de servir son peuple elle devait pouvoir se suer pour ce même peuple.
Face donc à toutes ces imprécisions, j’ai la certitude que le Sénégal de 2012 ne sera pas loin de celui de 2000.
Abdou KEBE - Le déçu de l’Alternance