Le Sénégal souffre d’un… déficit d’engagement
Le Sénégal souffre d’un… déficit d’engagement citoyen
Tout observateur lucide et soucieux du bon devenir de la nation sénégalaise ne peut manquer d’être à la fois frappé et choqué par la situation paradoxale et inquiétante dans laquelle se trouve notre pays. Cette situation au niveau où elle est arrivée, interpelle tous les Sénégalais sans exclusive. C est dans le cadre de cette interpellation que je me risque à dire ce que je crois.
Une situation paradoxale, cauchemardesque !
Le paradoxe se trouve dans le fait très simple d’une absence de réaction appropriée face aux difficultés multiformes et multisectorielles que les populations, dans leur grande majorité, sont en train de vivre. C’est se répéter que de dire que cette situation a pour cause essentielle la mal gouvernance dont notre pays est l’objet. A l’heure où les pays du Nord ont tendance à se réorganiser pour voir le bout du tunnel, nos gouvernants continuent encore de mener dans nos pays des pratiques d’un autre âge. Alors que le problème des inondations reste entier, les enseignants vont rencontrer l’Etat pour une énième fois après une année scolaire qui a brillé par les résultats catastrophiques à certains examens. Alors où allons nous ? Et jusqu’à quand ? Il faut le savoir, pendant qu’il est encore temps, que l’heure est grave, la patrie est en danger. Et l’ennemi n’est pas à nos frontières, il est bel et bien dans nos murs et n’est rien d’autre que ce pouvoir incompétent, déprédateur et surtout sourd à tout dialogue. A ce propos, si en ce moment des compatriotes égarés lancent des obus de l’autre côté de la frontière, en Casamance, c’est du fait de cette mal gouvernance. Les maux dont souffrent nos vaillantes populations, ce n’est pas le Bon Dieu qui va descendre sur terre et les régler à notre place. Aide-toi et le ciel t’aidera. Ce pouvoir qui est là depuis 2000, qui a bénéficié de l’euphorie et de la patience de tout un peuple, a aujourd’hui montré ses limites. Le temps presse, il faut agir ! En l’amenant à changer ou en le changeant.
Une situation inquiétante
Ce qui ne peut manquer de choquer, c’est que face à l’ampleur de cette situation, on a l’impression d’un attentisme incompréhensible au lieu de réagir à la mesure de la gravité de ce qui se passe. Certes, des responsables de l’opposition font tout ce qu’ils peuvent : des concertations, des appels, des déclarations dans la presse. Mais les citoyens qui sont les principaux concernés, ne réagissent pas encore comme il le faudrait. Qu’on nous comprenne bien ! Les actes de violence auxquels des jeunes de certaines localités se sont livrés, tout en les comprenant, nous les déplorons. Elles n’ont été que des réactions nées de frustrations bien légitimes. Les pluies abondantes de cette année n’ont fait que montrer davantage à nu l’incompétence et l’irresponsabilité de ce pouvoir. Les ‘guides’ attitrés qu’on écoute si longuement et si patiemment, ont le devoir de parler en osant situer les vrais responsables. Dire aux pauvres populations de s’armer de patience et n’accuser personne, c’est à mon avis, ‘dire à côté’.
Dire aussi que ce sont les populations qui sont responsables, car elles se sont installées elles-mêmes dans ces zones inondables, c’est du pur ‘yabaate’. En effet, ces pères de familles comme tous les autres, devant la cherté des loyers, ont bien le droit de trouver un toit. Où étaient alors les techniciens chargés de déterminer les zones habitables ? Où étaient les services chargés de veiller sur les constructions ? La vérité est qu’après avoir dénoncé ce qu’on a hérité du régime Ps, on a fait pire jusqu’à aboutir à cette situation de cauchemar. On a beau être en plein mois de ramadan, il est inacceptable de rompre le jeûne les pieds dans l’eau, et dans l’obscurité en plus.
Ceux qui aiment vraiment ce pays doivent s’investir dans les voies et moyens pour mettre fin aux souffrances des populations, en faisant en sorte que ce pouvoir diminue son train de vie et fasse des choix politiques qui prennent en compte les véritables besoins des citoyens. Et cette voie n’est rien d’autre que la politique, la vraie, fondée sur l’éthique et qui a pour objectif essentiel la pratique dans ce pays d’une bonne gouvernance qui garantira le règne de l’Etat de droit, la sauvegarde de l’intérêt général. C’est la seule manière d’arrêter les émeutes qui ne sont que l’expression des frustrations des populations. C’est cela qui doit se faire. Et rien d’autre !
Faire des séances de lecture du Coran ou se livrer à des ‘sarrakh’ ne vont rien régler. ‘Yalla, Yalla, bayal sa tool !’. Disons-nous la vérité. Seydina Mouhamed (Saw) l’esclave, l’envoyé de Dieu, nous a transmis le sublime Coran pour qu’il soit connu, bien compris, afin de faire de nous de vrais croyants, respectueux des rites et surtout ayant, dans tous les domaines de l’existence, des comportements fondés sur des valeurs morales et religieuses authentiques. Le véritable croyant doit aussi être un véritable citoyen, un véritable patriote. Pour lui, la politique étant un devoir plus qu’un droit, on ne doit pas y renoncer. Dans ce pays, l’effondrement des valeurs citoyennes est - c’est l’évidence - bien en relation avec celui des ‘véritables’ valeurs religieuses. La société est un tout. Si actuellement, une seule entité fait de nous ce que sommes et devenons de jour en jour, ‘na ñu seet su nu bopp !’
Pour en revenir au contexte politique précis que nous traversons, jamais notre pays n’a connu une période aussi pleine d’incertitudes. Et c’est cela qui doit inquiéter et faire peur pour l’avenir. Mais pour avoir véritablement peur, il faut être lucide. Aussi le fou ignore-t-il le danger qu’il ne voit pas. Hélas dans ce Sénégal de 2009, beaucoup d’entre nous préfèrent se voiler les yeux et se réfugient derrière un fatalisme choquant. Pendant que, du côté du camp au pouvoir, le n°1 se cherche un n°2 dans l’incertitude la plus totale, et que les batailles de positionnement deviennent de plus e plus âpres, en face, dans l’opposition organisée, les germes de la division semblent se dessiner ! Alors, craignons pour l’avenir de notre cher Sénégal. Le contexte de la veille de mars 2000 était bien différent! Il y avait moins d’incertitude et surtout il y avait plus de détermination du côté des masses populaires.
Un mal, le déficit d’un engagement citoyen
Il faut déplorer l’insuffisance de l’engagement chez une frange importante des populations. Il faut résister politiquement ou périr ! Il faut se lever et résister à côté des masses démunies. Résister pacifiquement, par tous les moyens que donne la loi, réveiller ceux qui n’ont pas encore suffisamment compris que ce qui nous arrive, nous en sommes en partie responsables. En se mettant en marge d’une politique fondée sur l’éthique, beaucoup d’entre nous ont renoncé non à un droit, mais à un devoir, comme l’avait si justement dit le Grand Maodo. Aujourd’hui, notre pays est sevré des appels du sage Haaj Abdoul Aziz. C’est peut-être trop de demander à un président élu de partir.
Mais c’est un impérieux devoir de lui demander avec fermeté de gouverner pour soulager les souffrances incontestables des populations. En attendant les échéances de 2012, qui sont pour bientôt. Ce régime, il faut le savoir, a sa presse, ses laudateurs, ses griots et aussi ses… marabouts. Alors, les Abdou Latif Coulibaly, le mouvement des imams, Wal Fadjri, la presse ‘debout’ dans son ensemble et tous ceux qui vont oser dénoncer l’arbitraire, le monstre ne leur laissera pas de répit! Mais, c’est un noble combat et surtout Dieu est avec eux.
Aujourd’hui, par la force des choses (par laquelle) Dieu nous a amené la vérité, la politique cesse de plus en plus d’être un ‘art’ pour se muer en une science (comment instaurer la bonne gouvernance ?). Dans le même temps, aux hommes de cœur et aussi de bonne volonté, qui prennent en charge la misère des autres, elle ne cesse de s’imposer de jour en joue comme une exigence de la vraie foi. Et cela, pour ceux qui réfléchissent, est une sorte de miracle Le combat politique pour les causes justes est la plus haute et la plus efficace forme de solidarité.
Babacar BARRY Enseignant retraité à Meckhé babacarbarry@yahoo.fr