Idy et Macky ou les produits du libéralisme w
Idy et Macky ou les produits du libéralisme wadien (Suite)
Qu’en est-il maintenant du camp libéral ? Il y a lieu d’indiquer que Me Wade, fondateur du Pds était d’abord dans la formation politique de Senghor avant de créer un ‘parti de contribution’ pour ensuite se muter radicalement en opposant libéral au pouvoir socialiste. A cet égard, il faut convenir que, n’eut été l’acuité de la demande sociale consécutive à l’application des plans d’ajustement structurel et des politiques anti sociales du Fmi dans la période 1990-2000 et le besoin de changement par rapport à l’usure du pouvoir, nonobstant le soutien de Niass et de la gauche communiste au libéral Wade au 2 ème tour, il n’y aurait pas eu d’alternance, en ce que la société sénégalaise est culturellement socialiste et solidaire pour ne pas dire anti libérale. D’ailleurs, la frange socialiste et la gauche communiste ont vite fait de quitter l’attelage gouvernemental après l’alternance en raison des différences politiques au niveau des orientations programmatiques, notamment sur la remise en question des politiques publiques.
C’est ainsi que, avec le régime libéral, nous avons assisté à la privatisation des secteurs clefs de l’économie (Ics, Sonacos, Sar, etc.) et du foncier, le culte et la passion de l’argent, l’abandon des politiques publiques et le développement des inégalités entre les Sénégalais dans le traitement des revenus et entre les régions du Sénégal, le favoritisme et la promotion des contre-valeurs, la désarticulation institutionnelle et le règne de l’informel, le recul de la démocratie et de la décentralisation, une allocation des ressources qui privilégie les secteurs spéculatifs et de corruption, au détriment du secteur productif, la promotion des entreprises étrangères dans l’octroi des marchés dans le secteur des infrastructures et de l’industrie favorisant le réinvestissement extérieur, le délaissement du monde rural et des services sociaux de base, l’augmentation du coût de la vie et l’abandon des subventions et de l’accroissement de la pauvreté sous une forte pression fiscale. Il est évident que le libéralisme tropical de Wade ne correspond ni à notre histoire et culture et à l’état de développement du pays, ni aux exigences de notre environnement mondial marqué par l’actuelle crise du système capitaliste et les questions écologiques fondamentales. La question qui vient à l’esprit par rapport aux candidats à l’élection présidentielle de 2012 est : quelles places pour les formations du Rewmi et l’Apr comme étant des excroissances du Pds ?
Il faut reconnaitre que les candidats à l’élection présidentielle que sont Idy et Macky sont les produits de l’école wadienne du libéralisme pour avoir été pendant longtemps auprès du vieux maitre et pour avoir été les porte-étendards de l’application des politiques anti-sociales et anti nationales du ‘vieux renard’ dont ils sont par ailleurs comptables. Ce ne sont pas des questions d’orientation générale ou d’approches programmatiques qui sont à la base des séparations. Ni même pour l’Afp ou l’Urd en ce qui concerne le Ps. Mais, des questions d’héritage ou de succession. C’est pourquoi, les ruptures avec les formations politiques mères sont le fait, le plus souvent, de considérations plutôt subjectives qu’objectives et ne préfigurent pas en conséquence d’une pérennisation en raison de l’imbroglio qui ne manque pas de se poser à eux au niveau de la proposition du modèle de société et des axes programmatiques, à moins d’une réunification des entités séparées.
A cet effet, il demeure constant que, en dehors des cachoteries pour assumer les bilans et réclamer l’appartenance au camp libéral qui privilégie la promotion du capital-capital par rapport au capital-travail qui se décline par l’importance primordiale accordée aux secteurs spéculatifs des infrastructures et de l’immobilier par rapport au secteur productif à travail intensif, les candidats Idy et Macky n’incarnent pas une alternative crédible au régime libéral au pouvoir, étant donné qu’ils ne pourront faire que de la continuité et non une rupture. Car, il est démontré que pour lutter efficacement contre la pauvreté, l’exclusion et le sous-emploi, il faut mettre l’accent sur le secteur primaire, le secteur secondaire et l’environnement dans le cadre de l’allocation des ressources rares, tout en luttant contre les inégalités. En effet, il est démontré que l’élasticité de la réduction de la pauvreté, au regard des composantes de la croissance monte l’importance cruciale du secteur primaire dans ce domaine.
C’est dire que l’unique alternative crédible au régime libéral est incontestablement le projet socialiste du candidat Tanor qui présente la seule cohérence historique et incarne l’opposition naturelle avec des axes programmatiques du projet socialiste conforme à notre histoire et à nos valeurs sénégalaises et africaines. A ce niveau, Senghor, dans ses notes secrètes, avait prophétisé la perte du pouvoir des mains du Ps. Mais, qu’il le retrouvera après une mue dans l’opposition de près d’une décennie.(FIN)
Kadialy GASSAMA, Economiste Rue Faidherbe X Pierre Verger Rufisque
VIOLENCES SCOLAIRES
Quelles responsabilités pour les enseignants ?
Ce que Kant disait de Hume qui l’aurait «réveillé de son sommeil dogmatique» nous pouvons le dire en tant qu’enseignant, à la suite de la lecture de l’article de Jacques Fortin dont nous reprenons ici l’essentiel des idées pour juste attirer l’attention des collègues sur un problème auquel ils n’ont pas manqué d’être confronté.
Il est vrai que le public n’est pas le même, les réalités des écoles différentes mais personne ne va nier l’actualité de la question ici et ailleurs : L’auteur dans son article, Formation des enseignants à la prévention des situations de violence Problématique. Propositions, dans son analyse part d’une étude sur les enseignants de l’académie de Lille en France mais le problème soulevé, notamment la violence scolaire, reste un problème mondial, les propositions pour la prévenir tellement pertinentes que nous sommes tous interpellés.
En tout cas en France depuis deux décennies la violence des jeunes dans les établissements scolaires est devenue une question de société : les actes de violences scolaires sont répertoriés par un observatoire qui les analyse et des plans anti violence ont été mis en avant.
Qu’on ne me dise pas que ce que les anglo-saxons désignent par le «schoolbullying» c’est-à-dire un harcèlement fait de brutalités, d’insultes quotidiennes d’une suite continue de que l’on nomme aussi des « microviolences» est une affaire du monde des «toubab» caractérisé par un désenchantement... D’ailleurs, pour être honnêtes, on peut dire que nous avons tous été témoins ou victimes de violences scolaires parce que nous avons été à l’école ou nous continuons à violenter nos élèves parce que nous sommes devenus enseignants.
Il se pourrait aussi que tous les élèves du Sénégal soient ou aient été victimes de violence. En effet, les violences subies sont nombreuses : injustices présentes ou passées; maltraitances familiales. Et à coté il y a la violence sournoise, symbolique de l’école, la violence institutionnelle celle dont parlent Pierre Bourdieu et Jean Claude Passeron. Pour ces deux sociologues de l’éducation : L’école est devenue une « machine à exclure » injuste et brutale. C’est ainsi que les élèves ne font que riposter par leur violence, à l’arbitraire des contenus imposés, des notes des sanctions et au déficit d’écoute et de dialogue qui caractérise l’école. C’est dans cette perspective qu’il faudra situer l’analyse et les propositions de Jacques Fortin
Jacques Fortin est président de l’université d’été euro-méditerranéenne et auteur de nombreuses publications sur la violence dont : violence à l’école sensibilisation, prévention, répression (juin 2000), Mieux vivre ensemble dès l’école maternelle (hachette 2000).
Des préoccupations pas loin de celles abordées dans son article puisqu’il est question de la formation des enseignants pour prévenir la violence à l’école.
Il part d’un constat : les demandes de formation dans le milieu scolaire, malgré l’actualité et la médiatisation du problème de la violence scolaire, sont faibles.
Pour illustrer cela, il part de données dans l’académie de Lille (200 demandes sur une population de 31000 professeurs et chefs d’établissements). Une demande dérisoire si l’on sait que dans l’académie de Lille, la plupart des collèges sont dans des milieux à risque.
L’auteur ne s’en tient pas à ce constat mais préconise des solutions, lesquelles sont en phase avec les politiques de prévention de la violence scolaire. En effet, on peut rappeler, une volonté affichée des autorités françaises à prévenir les violences scolaires : Du plan Lang aux états généraux de la sécurité à l’école en avril 2010, en passant par le plan Allègre, le nouveau plan de 2000 et le plan Bayrou entres autres. Ce dernier, d’ailleurs, dans ses stratégies de prévention, interpellait particulièrement la communauté éducative sur la nécessité d’améliorer l’environnement scolaire, de renforcer les rapports.
C’est dans cette perspective qu’il faut inscrire l’article de Jacques Fortin qui prône la formation des enseignants à la prévention des situations de violence dans son article d’une dizaine de pages ( 194- 214) qu’on retrouve dans la troisième partie d’un recueil d’articles publié sous la direction de Caroline Rey, dans un ouvrage collectif sous la direction de Caroline Rey, Les Adolescents Face à la Violence, SYROS, Paris, 1996
Jacques Fortin commence par expliquer le peu d’intérêt que les enseignants ont pour la formation dans la prévention des violences scolaires en avançant des hypothèses entre autres : la peur des enseignants d’aborder la question ou d’en parler pour ne pas se culpabiliser, leur souhait de se faire muter, l’inefficacité de la formation ou peut-être le fait qu’ils s’estiment suffisamment outillés pour faire face au problème.
Pourtant le risque d’être confronté à la violence pour la plupart de ces enseignants est réel. Mais avant de nous parler des moyens de prévention, J. Fortin se préoccupe d’identifier l’objet de prévention selon que les facteurs se situent à l’intérieur de l’école ou à l’extérieur. C’est ce qu’il dénomme par «violence exogène» ou «violence endogène».
La violence exogène renvoie à des éléments extérieurs qui viennent envahir l’établissement ; Surtout quand l’école est considérée comme un sanctuaire, toute intrusion relèverait de la violence. Le cas, par exemple d’anciens, élèves renvoyés pour mauvais résultats scolaires. Cette violence importée se manifeste par l’agression physique, injures ou bagarres. La violence reste, ainsi, l’expression des frustrations. D’ailleurs, une étude, rappelle l’auteur, réalisée dans un lycée professionnelle illustre bien cela puisque 80% des interrogés considéraient la violence comme la seule alternative pour se faire respecter et obtenir ce que l’on veut. On note ainsi toute une fierté pour ces jeunes à user de la violence.
Une telle image valorisante de la violence trouve sa source, ses explications dans l’environnement, le reflet «du modèle présenté par les adultes» d’une part et l’école parallèle, «les mass-médias», «les jeux vidéo», «le film, d’autre part à cause de leur influence.
En outre, toujours en rapport avec cette violence exogène, J. Fortin rappelle que la maltraitance, dont les élèves sont victimes dans leur environnement familial, se traduit par des réactions à l’endroit de leurs condisciples ou des enseignants.
Qui plus est, les enseignants se voient confrontés à des parents qui viennent plaider la cause de leur progéniture, n’hésitant pas à contester les méthodes, les notes, les punitions et même, malgré leur carence éducative, les choix et méthodes pédagogiques.
Pour dire ainsi que la violence est une manière d’exprimer tout ce qui ne va pas : malaise, malentendu, souffrance…
Par ailleurs, si cette violence exogène ou «importée», est reconnue officiellement, ce n’est pas vraiment le cas pour la violence endogène, celle qu’on retrouve dans l’institution. Pourtant des études, dont fait cas ici J. Fortin, renseignent sur l’usage de la violence à l’école : « 52% des élèves de Cm2 reconnaissent avoir eu les cheveux ou les oreilles tirés, 44% des enseignants disent avoir vu donner des fessées, même s’ils ne sont que 19% où il y a plutôt récriminations, « perte de contrôle de soi », lesquelles portent un coup dur à l’autorité du professeur, choquent les élèves, entrainent souvent des échanges verbaux très vifs et des tensions extrêmes.
Des manifestations, moins visibles, sont rappelées avec insistance par l’auteur pour qui l’échec est très mal vécu par les élèves. Mais cet échec, qui «n’est pas celui de l’élève mais celui du système» pour reprendre Albert Jacquard entraine la négation de soi, un sentiment d’aversion non seulement vis-à-vis de l’école mais de la société.
En outre, certaines remarques ou appréciations verbales comme orales, dont la plus courante, c’est « t’es nul » laissent deux choix aux élèves : soit la soumission et une mauvaise image de soi ou la révolte, l’affrontement. Il faut toutefois reconnaitre que les enseignants n’ont pas une claire conscience des conséquences de leurs appréciations ni les mêmes motivations.
Il s’y ajoute, à cause d’une sélection élitiste, de l’effet pygmalion encore à l’ordre dés fois, enseignants et élèves sont souvent frustrés, perturbés et démotivés. Comme les rapports interpersonnels sont souvent source de conflits car l’esprit d’équipe fait défaut, faute de dialogue dans les établissements où on ne parle pas toujours le même langage.
Apparemment, l’école, ne jouant plus le rôle d’ascension social, est facteur de stress pour les familles et un objet de tensions avec les représentants de l’institution.
Pour prévenir la violence, on ne saurait donc la nier.
Après avoir précisé l’objet de la prévention, la réalité de la violence scolaire et ses caractéristiques multifactorielles, l’auteur envisage quelques principes éducatifs pour outiller et aider les enseignants à faire face aux situations de violence.
Et tout commence dans la classe où l’auteur insiste sur la relation interpersonnelle, sur le respect que l’enseignant doit vouer aux enseignés, des partenaires de la relation pédagogique. D’ailleurs, pour se faire respecter, l’enseignant doit commencer par respecter la personne, les choix de ses élèves, se garder de tout jugement de valeur, faire preuve de justice, garder sa sérénité, son calme...
Fortin, insiste encore sur une autre recommandation savoir désamorcer : il s’agit pour l’enseignant d’être vigilants, d’anticiper sur les problèmes ne pas jouer à la politique de l’autruche, installer un climat convivial, favorable à la discussion avec une gestion juste et rigoureuse des sanctions.
Il s’y ajoute que la sécurité des enseignants dans l’établissement, leur intégration, surtout celle des débutants sont essentielles car la peur, le manque de confiance en soi ne sont pas pour rassurer les élèves. Un bonne politique de communication s’avère, ainsi, nécessaire. Ce sera avec des textes, un règlement intérieur objet « d’un travail partenarial » impliquant tous les acteurs.
C’est seulement, sous ces conditions que enseignants, chefs d’établissement et élèves pourraient se retrouver dans les textes, accepter les sanctions sans rechigner.
Une autre alternative préconisée consisterait à mettre en place des structures qui permettraient aux enfants de décharger leurs tensions psychologiques et musculaires. Des salles de musculation, par exemple, à des jeunes dits violents où des activités pour se défouler, comme le rap, la danse, le théâtre.
S’il y a une préoccupation majeure pour tous sur laquelle Fortin insiste c’est celle d’éduquer. Sa conviction est qu’il ne s’agit pas seulement de dénoncer mais d’éduquer et en s’y prenant tôt dès l’élémentaire afin de parer à des comportements agressifs qui pourraient tenter les élèves face à la violence subie. Il prend d’ailleurs exemple sur la fécondité d’une expérience québécoise en classe de cm2.
Des compétences sociales doivent être cultivées auprès des jeunes et dans une parfaite cohérence entre ce que l’on dit et ce qui est donné par l’école.
Un tel programme alternatif passe par une formation des enseignants sur tous les plans, personnel comme relationnel, en pensant par une formation initiale complétée par une formation continue. Il est pour une approche concrète, laquelle nécessite déjà dans le cadre de la formation initiale « non seulement une connaissance théorique des problèmes qui peuvent se poser à l’enseignant mais aussi une mise en pratique des situations, dans le cadre d’une formation continue », pour aider enseignants et enseignés à maitriser leurs émotions, à ne pas s’enfermer dans un « statut de violent », à s’ouvrir aux autres pour favoriser la communication dans l’établissement, une véritable vie scolaire.
En guise de conclusion, Jacques Fortin préconise un dialogue fructueux qui passe par la réduction de la distance culturelle « porteuse de violence » entre enseignants et enseignés.
Ces derniers, « des êtres en devenir » ont besoin d’être compris et aidés. Les enseignants, quant à eux, doivent croire en leurs élèves et comprendre que chacun de ces derniers est porteur d’espoir et a bien sa place dans la classe.
La responsabilité des enseignants est réelle comme l’école, aussi, a un rôle à jouer dans la prévention de la violence mais il faut, pour autant, que « la société soit moins démagogique sur ce qu’elle attend de l’école, sur sa mission éducative ».Cela aiderait les enseignants à mieux faire face à leurs responsabilités dans une école qui aura pour vocation d’aider les élèves à avoir une formation, « des compétences éco sociales » pour faire face à leur futur.
On ne peut plus, ainsi, face aux défis de l’école nouvelle, au nouveau public hétérogène des écoles, se contenter des formations traditionnelles, ni d’un enseignant érudit. Surtout que pour Fortin, tout le monde n’est pas fait pour être enseignant et « particulièrement pour enseigner à des élèves en difficultés».
Pour terminer, il pense que le nouveau profil à promouvoir, à former serait un enseignant capable et confiant en sa capacité à gérer cette hétérogénéité, «à pouvoir, à décoder un langage et des attitudes et à détourner l’agressivité latente».
Bref, La solution, pour redorer le blason, serait de reconnaitre le nouveau public de l’école caractérisé par son hétérogénéité, tenir compte dans le milieu scolaire des «éléments dispositionnels et situationnels».
Seulement, la formation pratique initiale des enseignants est peu développée et celle continue rare. C’est d’ailleurs ce que rappelle, Sylvain Broccolochi qui a coordonné l’ouvrage intitulé École : Les pièges de la concurrence comprendre le déclin de l’école française, aux éditions de la découverte en 2010. On lit à la page 259 de ce texte : «si les modèles anciens de professionnalité enseignante ont été invalidés car jugés peu conformes avec les attentes actuelles de l’institution, ils n’ont en revanche pas été remplacés par de nouveaux modèles suffisamment stabilisés et faisant consensus(…) Les enseignants s’interrogent ainsi sur la nature des bonnes pratiques en matières d’enseignement ; doivent ils se centrer sur les savoirs ou sur la sphère relationnelle».
Tout l’intérêt des propositions de l’auteur réside dans la nécessité de préparer les enseignants à la communication, à la gestion dans la classe des relations pour un climat moins délétère où l’élève retrouvera sa place et donnera un sens à ses études.
Bira SALL
Professeur de Philosophie Au Lycée de Thiaroye. Animateur Pédagogique Dakar-Banlieue.
Email:sallbira@yahoo.fr