l’ascension d’un auto-pistonné
Le tyran et le philosophe
Souleymane Jules Diop Jeudi 5 Mar 2009
« Le tyran n’aime pas qu’on raisonne ;
et c’est qu’il craint en lui-même un raisonneur
qui se tournerait contre lui »
ALAIN
Abdoulaye Wade, fier de sa noble stature, aime attirer dans son sillage ceux qui lui semblent supérieurs en intelligence, pour se mesurer à eux et les rabaisser par la suite. Les plus brillants universitaires n’ont jamais trouvé grâce à ses yeux. Ils ont passé en moyenne deux mois dans son gouvernement. Sémou Pathé Guèye ne sera pas de ceux-là. Il pourra dire, du fond de sa tombe, « j’ai tenu tête à cette morne caricature ».
Le président de la République a tout fait pour le séparer du reste de la bande de Xaar-Yalla et couper le Pit de son épine idéologique. Pendant longtemps, il lui a chuchoté dans les oreilles les propos les plus élogieux et les qualificatifs les plus flatteurs : « Sémou, tu sais que n’ai pas de problème avec toi. Je veux que tu entres au gouvernement. Mais le problème, c’est Amath ». C’était pour l’amadouer, puisqu’il s’était déjà plaint d’avoir été injurié par le même homme. Mais Sémou n’a jamais cédé. Il est le seul qu’Abdoulaye Wade a toujours voulu avoir, sans l’avoir jamais eu. C’est tout à l’honneur de celui qui vient de nous quitter. Sémou Pathé Guèye a été pendant cinq années non interrompues, mon professeur de philosophie et mon ami. Il a aussi été un camarade de parti quand nous avons décidé, avec un petit groupe d’étudiants, de ranimer le mouvement des élèves et étudiants du Pit.
Je ne peux pas chasser de mon esprit les images de notre dernière rencontre à l’université de Dakar. Il était reclus au fond d’un petit couloir du département de philosophie. Sa suite se résumait à ses livres, aux mémoires de ses étudiants et à une vieille machine à café délicatement posée sur sa table de formica. Je me suis demandé comment on pouvait être aussi grand et mener une vie aussi simple. C’était sa cuirasse idéologique. Mais il y avait, sous ces dehors simples, un esprit d’une rigoureuse complexité. Idrissa Seck m’avait chargé de le convaincre de la pertinence d’entrer dans son gouvernement. Amath Dansokho avait poliment refusé, et nous pensions qu’il était le seul à pouvoir infléchir la position du Pit. J’ai passé deux heures à vouloir le convaincre de la nécessité de bien entourer Abdoulaye Wade et de sauver l’alternance pour laquelle nous nous étions tous battus. Il lui a suffi d’une dizaine de minutes pour m’expliquer pourquoi rien n’était plus possible avec Abdoulaye Wade. Il était à la fois le plus têtu et le plus érudit du groupe qui comprenait d’éminents intellectuels comme Amath Dansokho, Magatte Thiam et Ibrahima Sène. Il était l’idéologue et le porteur des formules assassines comme la « mal-gouvernance ». On l’a entendu récemment déclarer que « Diouf avait sa Casamance, Wade a son Kédougou ». Il venait au secours de son autre ami, Amath Dansokho. Les deux hommes se sont connus en 1971, à Paris. Amath arrivait de Prague. Sémou Phathé Guèye était déjà réputé pour sa maîtrise de sa philosophie et des Lettres classiques. Le jeune étudiant portait déjà une grosse barbe et ne se séparait jamais de sa pipe, un goût d’époque.
Sur les cendres du Pai finissant, ils préparent le Parti de l’indépendance et du travail (Pit). Avec de jeunes enseignants issus des universités, Sémou lance les comités de lutte qui deviendront plus tard le Syndicat unique des enseignants du Sénégal (Sudes), en avril 1976. Senghor venait de dissoudre le Syndicat des enseignants du Sénégal (Ses) d’Iba Der Thiam. Il défend énergiquement l’indépendance du syndicat et refuse son inféodation aux dogmes du marxisme révolutionnaire.
Cette ligne indépendante, le philosophe l’adoptera sur tous les champs de bataille, même quand le Pit entre au gouvernement dit de « majorité », en refusant de donner sa caution à la modification de l’article 47 du Code du travail. Dansokho répondait toujours aux agacements de ses alliés qu’il n’avait « qu’une seule voix au Pit ». Sémou Pathé était, curieusement, celui qui appelait le plus au consensus et au dialogue. C’était par réalisme et par engagement doctrinaire. Les théoriciens de l’école de Francfort sont passés par là. Ils sont les premiers à déranger les certitudes de l’époque, en avouant que « sur beaucoup de points, Marx s’est trompé ». Le consensus était devenu comme un besoin vital des démocraties modernes, mais c’était aussi à la lumière de ce qui se passait autour de nous en Afrique. Si les hommes ne s’entendent pas, ils font entendre leurs armes. Face à la violence électorale et à la série d’évènements macabres de ces derniers jours, il est difficile de convaincre que la mort d’un seul homme peut peser plus lourd sur le destin de notre pays que les voix des électeurs.
Mais ce brillant sujet s’éteint au moment où, pas loin de chez nous, les derniers évènements nous ramènent à ce qu’il a toujours élevé au rang d’une exigence, l’éthique de la discussion.
Je le dis parce que chez nous, notre tyran goulu a une conception tout à fait différente du consensus. Les idées ne servent chez lui qu’à justifier ses pratiques. Quand des oubliés de son parti décident de rompre avec sa monocratie, il leur donne un ultimatum. Des députés dénoncent ses pratiques, il les exclut sans ménagement de l’Assemblée nationale. Des sinistrés manifestent devant les grilles du palais de la République, il les envoie en prison. Des syndicalistes se battent pour améliorer leurs conditions de vie, il les exclut du système éducatif. Au moment où cette lumière s’éteint, une nuit sombre s’abat sur le mouvement syndical sénégalais. Et le comble de l’ironie, c’est que celui qui est chargé par Abdoulaye Wade de liquider les syndicalistes est lui-même un ancien du Sudes et du Pit. Je veux parler de Kalidou Diallo, qui affirme sans honte qu’il est de la « génération du concret ». En voulant prouver aveuglément à ses employeurs qu’il n’a pas été nommé pour rien, il réussit le pari inespéré d’unir tous les syndicats enseignants autour de la même cause. Abdoulaye Wade le méprise tellement qu’il ne lui a même pas donné un bureau pour s’installer, la meilleure preuve qu’il quittera son poste une fois sa sale besogne terminée. Pour quelqu’un qui se dit historien, c’est la pire des insultes qu’on puisse faire à l’histoire syndicale de ce pays. Au moment de jeter tous les acquis syndicaux au bûcher, c’est un ancien camarade qui apporte le plus gros du fagot, pardi.
Même Iba Der Thiam s’était gardé de tant de bouffonnerie. Abdoulaye Wade, ivre de son génie, pensait avoir trouvé en lui la bête noire du mouvement syndical. Il a pris sa naïveté pour de l’intelligence. De tous les anciens du Sudes et du Pit, c’est le seul que le chef de l’Etat a pu trouver à sa taille. Puisque nous parlons d’intelligence, disons toute notre déception. On s’attendait sans doute à trouver dans le crâne du chef de l’Etat, le plus diplômé du « Caire au Cap », plus de matière grise. On espérait aussi trouver dans la bouche d’un homme de sa trempe, des propos plus responsables que ceux qu’il a prononcés à Kolda.
SJD
Auteur: Souleymane Jules Diop
Attention danger !
La campagne électorale a démarré sous le sceau de la violence. Depuis deux jours, les attaques de cortèges de Coalitions de partis se multiplient, les biens de responsables politiques saccagés… A ce rythme, il y a de quoi s’inquiéter. Les esprits s’échauffent au fur et à mesure que l’on s’approche de la date fatidique du 22 mars 2009. Ceux qui devaient servir de régulateurs sociaux sont dans un camp. Pour dire que tous les ingrédients sont réunis pour une explosion généralisée…
( Mor Todjangué )
NETTALI.COM :
Le philospohe écrivain Hamidou Dia commente le dernier livre de Latif Coulibaly
Le dernier livre de Latif Coulibaly - Une démocratie prise en otage par ses élites - rompt avec la veine des précédents : il ne s’agit pas d’un énième pamphlet mais d’une réflexion sur la responsabilité de nos élites. Il vient à son heure, au moment où, comme à la veille de chaque élection, notre pays est comme saisi de fureur et où justement les logiques binaires - qui n’est pas avec moi est contre moi - font fureur décourageant ainsi toute pensée lucide qui essaie de se déprendre de la clameur d’autant plus bruyante qu’elle est complètement inane.
Les élections à venir devraient être précisément l’occasion d’une réflexion sans complaisance sur le rôle de nos élites. Or, comme Le Doyen C H Kane l’a déjà si bien souligné, le Continent, particulièrement notre pays, a un réel problème avec ses élites, toutes ses élites (politiques -surtout politiques-, intellectuelles etc.), il ne s’agit pas de ne pas s’ouvrir au monde, « une civilisation à se replier sur elle-même, s’étiole et meurt ». S’ouvrir au monde ne veut pas dire tourner le dos au lieu à partir duquel on parle. L’universel abstrait n’existe pas ; il s’origine toujours du particulier. Or, il est incontestable que nos élites sont, en plus d’être corrompues - pas toutes heureusement - extraverties : il n’est de vérité pour elles qu’occidentale reconnaissant ainsi implicitement le discours de l’anthropologie coloniale : notre Continent est une tabula rasa, au moment même où l’Occident est arrivé au bout de ce qu’elle peut pour s’installer dans une logique de réitération sur fond de crise de valeurs, de sens et de repères. Au moment même où ces valeurs et repères font l’objet d’une rhétorique incantatoire et obscène pour mieux masquer la profonde crise éthique dans laquelle nous sommes plongés.
Prenant ainsi nos frêles démocraties en otage, différant ainsi leur marche vers une démocratie majeure et apaisée. Partant du cas singulier du Sénégal Latif le montre admirablement. Peu importe ici que les citations soient parfois longues, que l‘approche soit phénoménologique et ne nous donne pas toujours les outils conceptuels permettant de rendre plus intelligibles les réalités décrites. Peu importe de n’être pas toujours d’accord avec le propos tenu qui, justement, est fait pour provoquer un débat qui pourrait être salutaire et non pas d’assener des vérités définitives, évangéliques. J’en accepte l’augure et en relève d‘ores et déjà le défi ! il s’agit de lire lucidement et d’entendre dangereusement, et je poursuis :Ce qui importe c’est la mise en évidence d’une fascination dont il faudrait se déprendre, une métamorphose « qui parfois ne s’achève même pas ; qui nous installe dans l’hybride et nous y laisse », ce sont les logiques d’évitement et de ponce-pilatisme : c’est toujours la faute à l’Autre. L’Autre qu’il faut clouer au pilori. Parce que cela n’arrive qu’à l’autre. Interminables procès en sorcellerie réciproque. Ce qui inquiète c’est la périlleuse inertie de nos Etats qui ont l’air de se contenter des proclamations, des incantations, des principes et de leur pétition.
« Qu’aux abus anciens forts détestables on ait substitué de nouveaux plus exécrables. » Ce qui inquiète c’est le redoutable silence des hérauts, des porte-voix, si tant est que les mots intellectuel (parfois captif) et société civile (souvent serve), aient, sous nos tropiques ahuris, quelque signification autre que verbale, nominale. Certes, pour arriver au bout de la violence pour laquelle notre continent semble éprouver un attrait morbide et qui fait ricaner les autres, il faudrait sûrement en produire l’étiologie ; en examiner les causes, les formes et les effets, en connaître les divers avatars. Mais en attendant, rien n’interdit de tirer les conclusions des prémisses que nul n’a probablement souhaitées. Et parer au plus pressé. Et d’abord en parler sérieusement. Loin du bruit et de la fureur. Loin des passions politiciennes. Avec comme seule boussole le souci et la querelle de nos peuples. Il nous faut retourner à la sagesse de nos racines communes, à nos irréductibles et universelles valeurs de solidarité, de fraternité, réapprendre à nous aimer, à nous parler, au-delà des nos adversités et de nos divergences légitimes : il y va du destin de notre Continent.
Certes, je comprends le silence des intellectuels qui contrairement à ce que semble penser Latif ne relève pas forcément d’un renoncement coupable mais parfois d’une prise de conscience douloureuse que leur parole n’est ni attendue ni entendue. Jean Baptiste aussi a prêché dans le désert mais aujourd’hui son propos retentit partout. Donc les clercs et les scribes doivent continuer de parler, ils finiront bien par être entendus - ne fut -ce qu’au prix d’une longue rumination, surtout au moment où l’Afrique est à la croisée des chemins. Quelque soit la relation extrêmement sophistiquée de la triade scribe-prince- journaliste. Car il y a urgence ! Hypothéqué par un passé -dont les effets continuent de se faire sentir - qui l’a sorti de son processus normal de développement endogène, handicapé par un contexte international chargé de lourdes menaces, le continent, en proie à tous les démons, semble apparemment être voué à toutes les calamités : économiques, politiques, sociales et même naturelles. Or, aujourd’hui il s’agit de défendre la République contre ceux qui rêvent de plaies et de bosses et qui l’ont prise en otage. Contre les tentations autoritaires, contre ceux qui prennent nos pays comme une sorte de Wall Street où il s’agit d’acheter et de vendre des actions pour récolter des dividendes, faisant du peuple un moyen, et non de son épanouissement le but de la politique, contre ceux qui portent Dieu en bandoulière, contre eux qui communiquent sans informer, contre ceux qui font de la politique l’unique moyen de promotion économique : il s’agit de mettre un terme à la lutte des places qui a dévoyé la politique de sa noble tâche de construction de la Cité. Il faut refuser de céder à la peur, au découragement, à la suspicion inquisitoriale et au chantage. A la loi des suspects. Aux logiques de salut individuel. Il faut résister. Etre debout. C’est de l’avenir de nos pays dont il s’agit. Contre tous les pêcheurs en eaux troubles et de tous bords qui exposent nos pays à de redoutables dérives dont on vu ce dont elles peuvent accoucher (Côte d’Ivoire, Congo, Rwanda, Libéria etc.).
Cette dangereuse engeance est perceptible à travers des signes qui ne trompent pas : Violence économique sur fond de corruption et de mal gouvernance, violence du contrôle social, tentations de repli communautaire, velléités ethnicistes, tensions sociales de toute sorte, exacerbations religieuses, recherche frénétique de l’argent facile - celui -là qui corrompt et pourrit les consciences - , mauvaises passions, agressions verbales répétées, incivilités renouvelées, impudentes et banalisées dans nos comportements, monologues croisés et terroristes sur fond d’anathèmes et d’excommunication qui font litière de tout dialogue ; logiques obliques de salut individuel recouvertes d’aphorismes frauduleux, bruyants et vains sont en passe de devenir notre lot quotidien. Sans qu’on ne puisse leur assigner une unique origine. Il s’agit de réfléchir et d’agir, ensemble, en participant activement à la construction de nos pays, pour en faire des pays prospères, démocratiques et stables dans une Afrique unie, apaisée et en voie de développement. Il s’agit de construire une nation, édifier un peuple et consolider un état. D’autant que nos démocraties sont fragiles, nos citoyennetés rétives et nos Républiques chétives. Il nous faut donc renouer les fils du dialogue et du débat fécond ; renforcer la République et ses institutions, la démocratie et ses principes ; épouser fermement et résolument la Querelle de nos peuples, en étant généreux et ouvert avec nous-mêmes, loin des querelles partisanes, des litanies et des jérémiades sans fin. Or, notre Continent a un problème avec ses élites. Il s’agit de rompre avec les mimétismes et avec les gesticulations, car si nous voulions, pour paraphraser Fanon, faire de l’Afrique une nouvelle Europe, il eût mieux valu confier les destinées de nos pays aux Européens, ils sauraient mieux le faire que les plus doués d’entre nous. « Mais si nous voulons que l’humanité avance d’un cran »’, si nous voulons portons le problème de la condition humaine « à un niveau incomparablement supérieure de celui où l’Europe l’a manifestée, alors il nous faut faire peau neuve, inventer un homme neuf », promouvoir une pensée neuve. Puisse ce livre susciter un débat de l’intelligence, un débat de haute facture dans une sereine et ferme confrontation d’idées. Je suis preneur. Puisse - t-il préluder à un sursaut salutaire ! Hamidou Dia Philosophe écrivain
- Par Nettali -
WALF FADJRI :
Pèlerinage à La Mecque : Les belles odyssées des années 60
Nous avons lu et partageons son angoisse et son analyse, l'article de M. Cheikh Abdoulaye Dieng publié dans votre édition du Vendredi 27 février 2009 intitulé ’l'insoutenable calvaire des pèlerins 2008’. Un détail a cependant attiré notre attention : celui du dernier pèlerinage par voie maritime. Il a eu lieu non pas par le navire ‘Banfora’ en 1956, mais en 1965 avec le paquebot grecque ‘Henrietta Latsis’. Il s'agit certainement d'un oubli involontaire de M. Dieng, car c’est tellement lointain, ces beaux souvenirs de jadis. C’est en effet le lieu de rappeler combien ce travail - le pèlerinage à La Mecque - ne peut être confié à ceux qui n'en ont pas la qualification. Cela doit être un travail d'orfèvre, car aucun segment de son organisation ne doit être pris à la légère.
Notre agence a eu le privilège de se voir confiée huit années durant, d'abord par le gouvernement du feu président Mamadou Dia, arraché tout récemment à notre affection, puis par le président Senghor, de 1958 à 1965, l'organisation maritime du pèlerinage. Naturellement, si nous en étions maîtres d'œuvre, toutes les agences de voyages pouvaient réserver et acheter à des tarifs préférentiels, des cabines au profit de leur clientèle.
Le rôle du gouvernement, outre de s'assurer de la garantie quant au respect de la bonne exécution de la mission par le promoteur, de la sécurité et de l'hygiène du bâtiment transporteur (une équipe de huit techniciens supérieurs de la marine marchande et médecins, encadrés par le Commissaire au pèlerinage et du directeur de l'agence promotrice, se rendaient en Europe chaque année en visite aux bâtiments proposés au transport, 10 mois avant le pèlerinage et aussi avant que l'autorisation d'opérer ne soit accordée après rapport officiel de la Mission), le rôle du gouvernement donc, s'inscrivait à la mise à disposition d'une vaste équipe médicale dotée notamment d'appareils adéquats d'intervention en urgence et composée, comme aujourd'hui, pensons-nous, de médecins et infirmières/infirmiers de compétence et de dévouement à toute épreuve.
Tout le reste de l'organisation revenait, sur le plan du transport, à l'agence organisatrice. Sur place, en Arabie Saoudite, de Djeddah à La Mecque, en passant par Médine et Arafat, notre compatriote Boukhane, qui était notre Moutawaff attitré, un vieux routier résidant en Arabie Saoudite aujourd'hui disparu (les fils ont pris la relève), assurait de main de maître, le bon séjour des pèlerins en terre sainte. C'était bien huilé, bien maîtrisé.
Au retour, nous nous arrêtions à Beyrouth, d'où nous nous rendions par caravanes en pullmans, à Jérusalem-Est pour un pèlerinage et prières à la Mosquée Al Aqsa. Sur le chemin du retour toujours, nous nous arrêtions aussi, sur demande des dignitaires tidjanias, à Tanger, d'où nous partions par autocars de luxe sur la ville sainte de Fez pour un autre pèlerinage, avant que les pèlerins ne rejoignent le paquebot à Casablanca pour Dakar !
Il n'y avait pas de problèmes de bagages puisque même pour nos pèlerins en vols directs Dakar/Djeddah/Dakar, que nous transportions avec des boeings modernes affrétés à la compagnie charter Balair, dont le siège était à Bâle/Mulhouse et appartenant au groupe Swissair, nous prenions gratuitement leurs excédents par nos paquebots (on en affrétait deux par an pour un total de 3 000, à raison de 1 500 pèlerins chacun), bagages qu'ils récupéraient en toute quiétude à Dakar.
Nos héroïques encadreurs aujourd'hui tous disparus hélas! et auxquels nous rendons un vibrant hommage tels, notamment, El-Hadj Ibra Ndiaye Seck, El Hadj Mbaye Diagne Abdou- Imam, El-Hadj Souleymane Dia, oncle du feu président Cissé Dia, El-Hadj Moustapha Diakhaté, El-Hadj Moctar Diop, Hadji Mariama Bâ entre autres, ainsi que notre conseiller El Hadj Mbaye Diagne Degaye, homme d'allure impériale et maire indigène de Dakar, chacun plus de 10 fois Hadjs, de par leur expérience et connaissance du terrain, n'épargnaient aucun effort pour rendre le séjour des pèlerins le moins pénible possible pendant leur dur pèlerinage ! Et le non moins important pour nous, c’était la bénédiction que nous recevions, avant chaque départ, du Grand Serigne Fallou Mbacké de Touba, du Grand Serigne Abdoul Aziz Sy de Tivaouane, de l'érudit Ibrahima Niasse de Kaolack et du Majestueux El-Hadj Seydou Nourou Tall, Guide de la famille omarienne.
Le président Senghor lui-même, à chaque départ et à chaque retour des bateaux, se rendait au port, au son de la fanfare militaire, pour saluer les heureux partants et accueillir les privilégiés Hadjs. Les rues de Dakar étaient très animées et les familles, nombreuses, se donnaient rendez-vous au môle 2, pour accompagner et accueillir aussi les leurs de retour de La Mecque.
Le bombardement du canal de Suez hélas ! en 1967, viendra mettre fin à ces belles odyssées. Nous avions eu pour commissaires successivement feu El Hadj Bassirou Tall de la famille de Seydou Nourou Tall et haut fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères, puis feu El-Hadj Mass Diokhané, ancien Directeur de la Rts et député de Bambey. Des hommes pieux et respectables.
Après, par défaut, l'Administration s'est emparée de l'organisation par voie aérienne. Puis, ajoutée aussi à l'indiscipline de plus en plus croissante pour un nombre de plus en plus grandissant de pèlerins de la nouvelle génération, le chaos s'en est installé. Il est temps, à notre avis, de laisser les fonctionnaires à leurs postes et les professionnels nationaux de transport aérien expérimentés, aguerris, après les garanties d'usage, faire leur travail. Elles n'ont rien à envier aux agences genre Zam Zam et autres compagnies aériennes charter dont la qualité et la sécurité des appareils sont d'un autre âge !.
Veuillez nous en excuser. Nous nous sommes finalement presque insensiblement, laissés glisser vers les voyages du passé et à des souvenirs de l'Histoire ! Mais c'est de l'expérience du passé que les hommes peuvent bâtir le présent et construire l'avenir, dit-on !
Henri LABERY Président fondateur de la Société sénégalaise de voyages et de tourisme (Ssvt) e-mail : inri@orange.sn voyagelabery@orange.sn Bp : 1661
Baisse des ressources : Le casse-tête des futurs élus locaux
Etre élu, c’est une chose. Disposer de tous les outils nécessaires pour appliquer le programme sur la base duquel l’on a été élu en est une autre. C’est le casse-tête des futurs élus dans un contexte de raréfaction des ressources.
L’échéance du 22 mars, date du scrutin électoral, focalise pour le moment, toutes les attentions. La course pour un siège d’élu local obnubile, à cet effet, des milliers de candidats à travers le pays. Or, peu d’entre eux savent, réellement, ce qui les attend dans la gestion des collectivités locales pour lesquelles ils sont, pourtant candidats. Pour les nouvelles entités qui seront renouvelées à plus de 50 % dans la région de Kaolack, l’exercice n’est guère aisé pour les futurs élus tenaillés entre la réduction drastique des fonds alloués par l’Etat et la tendance exceptionnelle à la baisse des ressources propres. Comment faire, devant les réticences des populations à s’acquitter de la taxe rurale ? C’est l’équation qui attend des milliers de conseillers ruraux à travers le pays. Dans la région de Kaolack, le taux de recouvrement oscille entre 7 et 22 %. Et même pour cela, c’est la croix et la bannière pour les exécutifs locaux. ‘La mobilisation des ressources propres telle la taxe rurale pose problème aux communautés rurales qui se trouvent ainsi dans l’impossibilité de donner la contrepartie pour la mise en œuvre des programmes tel que le Pndl dans leur circonscription’, renseigne Babou Cissé, consultant formateur à Taataan, l’agence d’exécution du volet décentralisation de la Fondation Konrad Adenauer. Cette structure, active dans le soutien de la politique de décentralisation du Sénégal, redoute une perte des acquis avec l’arrivée massive de nouveaux élus. ‘C’est pourquoi, il faut anticiper sur cette nouvelle donne en mettant en place un pool de formateurs régionaux, pour préparer les nouveaux élus issus du scrutin du 22 mars aux réalités de la gestion des collectivités locales’, renchérit Yakhya Cissé, chargé de la formation à l’Agence régionale de développement (Ard) de Kaolack.
Une trentaine de projets d’organisations non gouvernementales (Ong) basées à Kaolack sont formés pour éviter une rupture dans le renforcement des capacités des élus. ‘Les élus issus des prochaines élections locales, devront, outre la problématique de la raréfaction des ressources budgétaires, faire face à des attentes démesurées de leurs mandants convaincus légitimement, que leurs élus sauront satisfaire leurs préoccupations quotidiennes’, souligne Babou Cissé de Taataan. L’expert qui plaide pour une extension des compétences des collectivités locales, préconise aussi plus d’indépendance des élus dans l’exécution des fonds d’équipement. ‘Il est vrai que l’Etat a fait des efforts pour permettre aux collectivités d’investir ; mais cette prérogative reste liée à des orientations que l’Etat lui-même fixe et non les élus’, regrette Babou Cissé, en marge de l’atelier de formation des formateurs soutenu par la Fondation Konrad Adenauer, dans le cadre de son volet appui à la politique de décentralisation de l’Etat du Sénégal.
ELH.Thiendella FALL
SUD QUOTIDIEN :
La Boîte d’Allumettes Dans les Mains des Enfants Grand-gaillards
par , jeudi 5 mars
En ce 21e siècle, les autorités sénégalaises ne cessent pas de battre des records et de faire tomber des mythes. Ce gouvernement est celui qui aura le plus changé de ministres par an. Et à chaque départ, le ministre limogé reçoit comme prime de consolation sa voiture de service et six mois de salaire. Ce gouvernement est celui qui aura le plus déçu la jeunesse ; en lui enlevant toute capacité de rêve, de citoyenneté et d’indignation. C’est le gouvernement qui a plus fait de nouveaux nés des hommes adultes, des responsables, des piliers de famille. Ce gouvernement qui fait payer des factures d’eau et d’électricité à chaque fin du mois sans satisfaire les besoins de la population en eau et en électricité. Le Sénégal est devenu un pays où s’alimenter est devenu un sport sans ligne de départ ni d’arrivée. Les mendiants sont partout, de la rue aux bureaux les mieux climatisés, chacun cherchant par tous les moyens à assurer de quoi acheter sa parure, son paraître, sa “dignité d’homme ou de femme de respect” et finalement son “je suis arrivé/e”.
Le Sénégal, pays de la Teranga, exemple de la démocratie en Afrique, du savoir-vivre religieux et interethnique est devenu un pays où avoir de l éthique ou être honnête est un péché mortel, une honte. Un pays où chaque président de la République découpe à son gré le territoire national en régions sans aucun travail préalable de planification, ceci à seule fin de laisser sa marque. Et finalement le Sénégal devient un pays où celui qui peut détourner le bien public sans pudeur et sans peur de poursuites judiciaires est un héros ou une héroïne.
Mais comment expliquer que ce pays avec autant de possibilités pour ces « mendiants en cravate » soit progressivement en train d’être conduit vers l’abattoir où l’attendent patiemment et silencieusement les vendeurs de feu ? À qui profiterait le processus de ségrégation ethnique et de régionalisation de l’arène politique que nous voyons édifier ? Est- ce que ce processus rendrait plus rapidement riches mais moins scrupuleux nos Commerçants de Planton ?
Les Vendeurs d’Illusions Patriotiques
→ Notre surprise fut grande en lisant dans les journaux, à veille des élections municipales, l´interview du candidat à la mairie de Dakar, M. Abdoulaye Makhtar Diop. Mais est-ce que, de nos jours, le contexte politique sénégalais fournirait des éléments de surprise et d’indignation ? Ne serait-il pas mieux de parler de préoccupation et de peur ? Monsieur Abdoulaye Makhtar Diop - ex-ministre de la jeunesse et du sport du gouvernement de Abdou Diouf - défendait que seul un Dakarois descendant de Lébou pouvait être candidat et élu maire de Dakar. Quels diables cachaient de tels propos ? Le diable, en réalité, s’appelle le manque ou l échec des politiques publiques. L´appel à la ségrégation éthnique ou à la régionalisation de l’arène politique et géographique du pays cache les incompétences ou les omissions volontaires de nos hommes politiques.
Le total abandon de certaines parties du pays est souvent dû à la vision limitée de nos gouvernants. Une telle attitude trouve toujours facilement écho auprès de ceux qui, par manque de structures de tout ordre et vivant dans l´incertitude du lendemain (orphelins de l’Etat), n’arrivent pas à percevoir que ces promesses prometteuses sont creuses, sans soubassements et sans aucun futur. Faute de perspective d’avenir, n’accepeteraient-ils de telles promesses que par nécessité d’assurer la survie de ce jour où ils sont encore debout et vivants ? Ils sont les premiers volontaires à répondre aux appels des vendeurs d’illusions patriotiques comme l’ont déjà montrée les images venues d’autres parties de l’Afrique, de l’Europe, de l’Asie…Les vendeurs d´armes, de fausses illusions patriotiques et de drogues n´ont pour ethique et morale que la recherche d´argent, qu ´il soit ensanglanté ou non.
Ce diable qui guette le Sénégal est déjà passé en Sierra Leone, au Libéria, en Angola, en RDC, au Rwanda, au Burundi, au Soudan, au Tchad, en Uganda en Côte d’Ivoire où Alassane Ouattara a vu sa candidature à la Présidence de la République refusée au prétexte qu’il n’était pas ivoirien d’origine. Pour certains, la liste est petite. Cependant quand il s’agit de la mort des hommes, il y a des enfants, des hommes, des femmes, des jeunes filles et garçons, des vieillards, des rêves, des projets, le futur d´une nation, un avenir qui ont été faussés ; et dès lors, aucune liste n est petite !
Jouer avec ce feu au Sénégal juste pour pouvoir gagner une élection ! Quelle intelligence de nos politiciens ! Nous sommes l’unique pays en Afrique où si ce feu commence, on aura des frères biologiques s’entretuant parce que l’ un est Tidjane et l´ autre est Mouride ; l’un est fils de la première femme et l’autre de la deuxième. La complexité des relations sociales au Sénégal nous oblige non seulement à être vigilants mais surtout à nous mettre, physiquement, mentalement et psychologiquement, à 1000 km de distance des gens comme Abdoulaye Makhtar Diop, grand commerçant de la Lebounitée. Mais est-il en mesure de percevoir que cette lebounitée n’est qu’une construction identitaire imaginaire ?
Ces commerçants d´illusions patriotiques sont en train de parcourir le Sénégal sous l’habit de représentants de partis politiques. Le 22 février passé, la ministre d’Etat, ministre de la Fonction publique, de l’Emploi et des Organisations gouvernementales, madame Innocence Ndiaye, née Ntap, grandie et ayant toujours vécue a Dakar fut intelligemment conseillée par ces marchands à faire partie de la liste électorale de Ziguinchor. À première vue, cela peut paraître impensable, mais pour les théoriciens de la ségrégation éthnique du pays, l’équation non seulement est faisable mais peut être résolue : Ntap = Mancagne ; Mancagne = sudiste. Alors Ntap même née et ayant toujours vécue à Dakar ne peut être qu’une candidate de la région du Sud du Sénégal de même que Baldé ne pouvait être candidat de la mairie de Ziguinchor parce que n’étant pas diola selon les théoriciens sudistes. Nous voilà en face de la sudicité, à nouveau une construction identitaire imaginaire. Mais notons en passant que Madame Ndiaye, née Innocence Ntap, parle couramment woloof, est peut-être une excellente danseuse de Sabaar, et, catholique d’origine, a adopté la religion de son mari. Voilà ce qui fait le quotidien de la Teranga Sénégalaise.
Cette réalité pose un grand problème à nos théoriciens de planton. Madame Innocence Ntap Ndiaye qui voulait avoir son nom sur la liste de Ziguinchor juste pour être Mancagne, a vu celui-ci être rejeté de la liste électorale de la ville du Sud même étant Mancagne mais née à Dakar. Cela signifie qu’elle ne pourra jamais être candidate de cette ville. Selon Abdoulaye Makhtar Diop, ses sympathisants et ceux qui croient en de telles théories, Ntap ne sera jamais candidate de Dakar à aucune élection, ni de Ziguinchor car il s’agit d’une sudiste née à Dakar, politiquement/citoyennement étrangère dans sa ville de naissance. Notre ministre de la fonction publique et de l’emploi, madame Innoncence Ntap Ndiaye est mathématiquement une paria politique dans son propre pays.
Le Sénégal a longtemps été considéré comme un pays avec une excellente conscience politique en Afrique, mais depuis quelques temps, à l’approche des élections, les autorités politiques sénégalaises redoublent d’imaginations pour faire des discours démagogiques périlleux à caractère éthnique et régionaliste. Les conséquences négatives de ce genre de discours devraient obliger aussi bien les Sénégalais que les étrangers vivant au Sénégal à être plus vigilants et prêts à rejeter de tels discours démagogiques qui cachent l’échec ou l’absence des politiques publiques : or c’est là que sont les vraies causes de plusieurs guerres civiles en Afrique. Cependant, les vrais responsables politiques tendent à jeter à la face du monde qu’il s’agit de guerres ethniques, tribales ou régionales, ceci pour cacher leurs incompétences, leurs omissions volontaires, leur courte vision et leur manière de transformer les biens publics en biens privés pour satisfaire les besoins de la famille et le cercle des amis.
• Alain Pascal Kaly /Dr. en Sociologie
• Chercheur affilie au departement d’Histoire de L’ Universite de Campinas Brésil
• En collaboration avec Lansana Dabo /Journaliste Correspondent International AFRENEWS, Atlanta –GA, USA