Pour une meilleure gouvernance au Sénégal
Par Nayé A. BATHILY *
Selon le dernier Rapport de Transparency International, le Sénégal se trouve en 2009 à la 99e place du classement : il a perdu 14 places par rapport à l’année 2008.
Quelles recommandations pour 2010 ? Comment retrouver un rang «acceptable» ?
Bien au-delà du classement, ce qui importe à travers un diagnostic liminaire de la situation de notre pays, et, bien au-delà, du continent Africain en général, c’est de rappeler des préceptes connus de tous mais importants et indispensables pour sortir de cette lanterne des pays corrompus afin d’arpenter la véritable marche vers le développement. Pour certains d’entre nous, si proches mais géographiquement éloignés, nous prenons conscience avec encore plus d’acuité du rôle fondamental que doivent jouer des institutions solides dans l’émergence et le développement d’une Nation. Car la démocratie et la bonne gouvernance ne se limitent pas à l’organisation d’élections libres, mais doivent aussi se traduire par le renforcement des contrepouvoirs.
Au cours de l’année qui vient de s’achever, l’évolution du Sénégal, telle que relayée par la presse nationale et internationale, a connu une tournure préoccupante à plus d’un titre. Si, pour une majorité de citoyens de l’intérieur, la vie chère, les pénuries, les coupures d’électricité, les inondations etc.… ont rythmé la vie, les Sénégalais de la Diaspora ont vu l’image du pays se ternir progressivement.
Deux phénomènes au moins confirment cette tendance : un recul de la bonne gouvernance et l’affaiblissement des institutions de la République.
Vu de l’extérieur, l’affaiblissement des institutions de la République, qui s’est notablement accentué ces dernières années, constitue un frein au développement. Le diagnostic établi par les Assises nationales du Sénégal, un processus inédit dans l’histoire du pays semble très pertinent à cet égard. Les observateurs de la gouvernance en Afrique et ailleurs s’accordent à considérer que dans ce domaine également, le Sénégal semble connaître une érosion de son image institutionnelle marquée par des modifications répétées de sa Constitution, l’absence de l’opposition historique à l’Assemblée nationale, les nombreux changements gouvernementaux ou encore les scandales relayés par les médias indépendants.
La dépendance manifeste du Législatif vis-à-vis de l’Exécutif, un dialogue politique rompu ou anesthésié, sont entre autres des indices concordants d’un recul de la bonne gouvernance.
Ma conviction est qu’aucun développement durable du Sénégal n’est possible sans l’affirmation de la démocratie qui reste, à mon sens, le meilleur système de gouvernement. Seule la démocratie peut assurer de manière pérenne l’épanouissement des potentialités individuelles et collectives pour tout pays. Elle s’exprime à travers des institutions équilibrées et des contrepouvoirs qui se fortifient mutuellement. L’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire sont des piliers essentiels, dont les initiatives respectives doivent concourir à la prospérité de l’espace public et le bonheur des citoyens. L’hypertrophie ou l’affaiblissement de l’un au détriment de l’autre mène inévitablement à des dérives préjudiciables à la démocratie et donc, exposant le pays à un destin incertain. Hélas, c’est le sort de nombreux pays africains.
Au-delà du renforcement des institutions et de la création de contrepouvoirs forts qui ne sont pas les seuls garants d’une société qui restaure à ses citoyens leur dignité, il est également indispensable de créer une plateforme sociétale qui encourage la concertation et la consultation du plus grand nombre. Car, même lorsqu’elles existent, les institutions au sein de la démocratie ne sont probablement pas suffisantes pour prendre en compte la diversité des opinions et les besoins.
La bonne gouvernance est un pré-requis indispensable au développement et à l’émergence de notre pays. Rappeler ces principes fondamentaux à l’aube de 2010 est important. Encourager la bonne gouvernance, c’est aussi construire une société qui fait de la tolérance une exigence, en promouvant une gestion équitable des identités culturelles et religieuses respectant la diversité comme source d’enrichissement de la Nation ; une laïcité positive prenant en compte toutes les religions et leurs nuances tout en accordant la liberté à tous les cultes. Cette laïcité est souvent menacée, voire bafouée.
A l’orée de 2010, il nous faut œuvrer pour une mobilisation des énergies dans et en dehors du Sénégal, autour d’une vision unique afin de créer une réelle culture de développement, de progrès et de justice partagée par tous. Les Sénégalais de l’extérieur, ne serait-ce que par leur contribution financière représentant aujourd’hui plus du double de l’aide publique au développement reçue par le Sénégal, ont toute leur part dans cette mission. Les citoyens de la Diaspora ont une responsabilité importante dans l’émergence et la consolidation d’un esprit de tolérance et d’intégration dans leur pays. Leur préoccupation de voir le Sénégal émerger et s’affirmer à la face du monde comme un pays promouvant les pratiques de la bonne gouvernance comme facteurs incontournables de son développement est légitime. Une belle image du Sénégal les comble de fierté. Le déclin de l’image du Sénégal les préoccupe et les peine. Car, c’est le déclin du pays. Il ruine les efforts, leurs efforts, nos efforts.
Seuls nous, Sénégalais, pouvons et devons développer le Sénégal.
Une bonne gouvernance en est un préalable. Nous avons encore du chemin à faire, mais toutes les conditions sont pourtant réunies…
* Fonctionnaire International, Master of Public Administration, Harvard University 2009
Au siège de la Banque mondiale à Washington, Nayé Bathily est consultante à la Division de la communication, où elle lance notamment le concept «Projet du mois» et collabore, à la publication de l’ouvrage Our Dream is a World free of Poverty. Depuis 2001, elle est en charge des relations avec les parlementaires du monde entier au bureau des relations extérieures à Paris.
En 2004, elle devient un des membres fondateurs du réseau de professionnels africains de la Diaspora Espace Jappo, qui favorise la rencontre et la promotion des cadres originaires du Sénégal, et dont elle demeure aujourd’hui encore membre du Conseil d’administration.
En juin 2009, elle obtient un Master d’Administration publique à l’université de Harvard où elle a rejoint le prestigieux programme Edward Mason à la Kennedy School of Government de Harvard (Ena Américaine) en 2008.
En septembre 2008, elle est admise à participer au convoité programme de formation politique de la Kennedy School de Harvard From Harvard square to the Oval office qui favorise une meilleure représentativité des femmes dans le service public.
Auparavant, en 1998 elle obtient avec mention honorable un double diplôme en Re-lations et Commerce internationaux de la Business School de l’Université de Maryland et par la suite complète le cycle de formation Lead International en 2005 (Leadership pour l’Environment et le Development, Londres).