Quel éclat brille ce pays ?
Un mort partout
Souleymane Jules Diop Jeudi 6 Aoû 2009
«L’indécision en effet est une solitude.
Vous n’avez même pas votre volonté avec vous»
Victor HUGO
C’est Abdoulaye Wade qui le dit au Directeur de cabinet du ministre de la Santé, venu lui rendre visite un dimanche de janvier : « parle à ton ami. Il est assis sur une mine d’or et il mange des cailloux ». Cette mine d’or, c’est le PDIS, un programme de 30 milliards que viennent de lancer les bailleurs de fonds pour la construction de centres de santé et la lutte contre les maladies endémiques. Ce ministre de la Santé et de l’Action sociale, « l’excellent Ousmane Ngom », selon les termes du président Abdou Diouf. En ce début d’année 1998, le « porte-parole » du Pds entend plus les éloges du chef de l’Etat que les appels à la « raison » de son camarade secrétaire général, désireux de profiter de cette « manne juteuse ».
On sait ce qu’il adviendra de la relation entre les deux hommes. Ils se sépareront en juin 1998, l’élève se montrant reconnaissant envers le maître : « j’ai appris avec toi tout ce qu’un homme doit faire et tout ce qu’un homme ne doit pas faire. » Près de dix années après, c’est le même Abdoulaye Wade qui appelle Ousmane Ngom, devenu son ministre de l’Intérieur : « Ousmane, il y a de nombreux marchés pour les élections : les bulletins, les isoloirs... Tu peux prendre tout ce que tu veux. Mais le marché des cartes d’identité numérisées, ne le touche pas. Laisse-le à Karim. J’insiste, buko laal. »
Téméraire, Ousmane Ngom ira jusqu’en Malaisie trouver un marché de consolation de dix milliards pour la confection des passeports numérisés. Même frustration, le marché lui sera repris.
Depuis que dans son bureau du palais présidentiel, il a juré que ses ennuis d’argent sont terminés, Abdoulaye Wade profite comme il peut, ses ministres avec lui. Les passations de service sont devenues des passations de marchés. Il arrive souvent que dans les couloirs, au moment de quitter, un ministre fait remarquer à un autre « eh ben dis donc, tu es gâté cette fois-ci ». De sorte que depuis qu’il a été chassé de force de son ministère, Habib Sy, qui était un « concrétiste » fervent, ne laisse plus Karim Wade passer à la télé sans l’accabler.
C’est pourquoi les révélations de l’audit du cabinet Mamina Camara méritent mieux que ce que de simples cris d’indignation. Ce que l’audit du cabinet révèle de scandaleux, ce n’est pas l’effectivité des « dépassements » budgétaires, que nous savions déjà. Ce sont les conditions criminelles dans lesquelles tous ces marchés ont été passés par des proches d’Abdoulaye Wade et de Viviane Vert. Même quand un marché d’une centaine de millions devait profiter aux populations, on a préféré l’exécuter sur les papiers et s’empiffrer avec l’argent. Les explications données à ce sujet par le Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye sont non seulement honteuses, mais révoltantes. Les auditeurs qui ont voulu vérifier ont appris avec surprise que sur la baie de Ouakam où un marché de plus de cent millions était sensé avoir été exécuté au profit des pêcheurs, il n’y avait rien. S’ils avaient creusé plus en profondeur, ils auraient découvert les conditions scabreuses dans lesquelles les trafiquants de drogue de Ndangane Samba ont opéré avec l’aval de Djibo Kâ.
Les « révélations » du président de la Républiques sur les « crimes économiques » du Parti socialiste sont, de ce point de vue, sidérantes. Pas que nous soyons tentés de nier qu’à côté de ses hallucinations, il y a une part de vrai dans ce que l’octogénaire a dit. J’ai trouvé pour ma part qu’à part apeurer les enfants et leur causer des cauchemars inutiles, ses énumérations macabres n’ont aucun caractère dissuasif. On ne doit pas se glorifier de marcher tous les jours sur la sépulture de deux jeunes albinos qui ont été enterrées alors qu’elles avaient un souffle de vie. Si cela est le cas, elles méritent d’être rendues à leurs parents. A côté de ces aveux, qui sont le fait des puissants sédatifs qu’il prend pour se maintenir en vie, il y a tout le passé criminel du Parti socialiste qu’il rappelle à notre souvenir. Nous pouvons citer l’exécution de Moustapha Lô et Ndiafath Faye par un peloton, la torture et l’exécution physique de Blondin Diop, Oumar Djewel Daf, Al Housseinou Cissé, sous le règne de Senghor. Il y a eu sans aucun doute des cas de dérive criminelle sous Abdou Diouf, comme la mort « accidentelle » du commissaire Sadibou Ndiaye. Mais nous avons élu Abdoulaye Wade pour qu’il ne fasse pas comme les socialistes, pas pour qu’il se compare à eux. Au lieu qu’il additionne ses propres crimes à ceux du Parti socialiste, nous attendions de lui qu’il s’en soustraie. Il y a eu certes des actes odieux dans l’histoire de ce pays. Mais loger une balle de plomb entre les deux orbites d’un juge du Conseil constitutionnel en plein jour, personne ne l’avait encore osé. Voter une loi d’amnistie et imposer au Trésor public le paiement des exécutants de ce crime odieux, personne n’était jamais allé jusque là. Nous ne savions pas que derrière cet homme chaleureux vivait un monstre froid. C’est ce que j’ai voulu entendre quand j’ai déclaré, ici-même, que nous devions en finir avec Abdoulaye Wade avant qu’Abdoulaye Wade n’en finisse avec nous. C’est dans sa conception qu’en matière étatique, pour faire oublier un scandale, il faut en commettre un plus grand. Jusqu’à notre perte totale ?
J’évoquais avec un des plus grands connaisseurs de l’Armée sénégalaise, la colère qu’a suscitée chez les officiers supérieurs, l’attribution de terres à quelques généraux privilégiés. La même chose guette les religieux. Le président de la République a attribué au fils d’Alioune Sow un terrain vague qui appartenait à Serigne Mansour Sy. Il promet de dédommager le khalife général avec un terrain que les jeunes Layènes n’entendent pas lui céder. Il va là aussi attribuer des titres fonciers à quelques responsables de la communauté, pour imposer un consentement généralisé. Si la pratique est payante, elle fait peser sur le pays de graves dangers. Au Fouta, les populations se préparent déjà à lui faire avaler ses titres fonciers.
Nous sommes scandalisés par les révélations qui entourent le monument de la « renaissance africaine ». Mais gardons à l’esprit que s’il a coûté 12 milliards à Mbackiou Faye, il a coûté cinq fois plus au contribuable sénégalais. Au prix actuel appliqué dans cette zone, les 30 hectares coûtent 75 milliards de francs. Nous avons donc perdu 75 milliards, en plus de racheter pour 27 milliards une partie du terrain que nous avons gracieusement cédé à l’ancien planton de Sam Wagne, devenu un des hommes les plus riches sous Wade. Ce que le « concepteur » vient d’y ajouter est folie. Après nous avoir sommé de lui rétribuer le fruit de sa mégalomanie, il nous impose de continuer à payer jusqu’à son vingtième arrière petit-fils son ouvrage « majestueux ». En réalité, une photo prise avec Viviane et Karim à Venise en 1969, que les dessinateurs coréens ont adaptée à l’œuvre de Boris Lofane, « l’Ouvrier et la kolkhozienne », réalisée en 1937. C’est le seul chef d’Etat de l’histoire qui ose afficher autant de frivolité. Qu’il puisse se glorifier de tout ceci donne quand même une grande idée du courage de cet homme. Mêmes les dictateurs les plus bouffons n’ont pas été aussi loin. Son compas suprême n’a retenu dans son dernier cercle que sa femme et son fils Karim. A ces trois personnages qui essaient de s’arracher de l’enfer, je suis tenté de dire : mais jetez-vous donc à la mer !
SJD
Auteur: Souleymane Jules Diop
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Amadou Gueye NGOM Samedi 8 Aoû 2009
On nous abreuve de poncifs et l’on s’y enivre volontiers. Sénégal pays de Teranga, hospitalité légendaire, compte 95% de musulmans. Autant de labels, d’attributs qu’il convient d’astiquer de temps à autre pour voir de quel éclat brille ce pays exceptionnel.
Commençons par la Teranga, terme qui signifie civilité, sens du partage, art de recevoir…
Dès l’aéroport, le voyageur est submergé par une nuée de prestataires de services, sans badge d’identification. Des changeurs à la criée proposent « mieux que la banque » CFA, dollars, euros, roubles, yens et même de la monnaie de singe à qui n’y prend garde ; des rabatteurs de taxis officiels comme clandestins se ruent sur vos valises dont ils vous disputent la poignée. L’espace aéroportuaire offre l’occasion qui fait les larrons. Là, nul besoin d’accréditation pour être en affaire. Il suffit de mettre la main sur un chariot à bagages et d’avoir de bons mollets….
Bref, Passons…
Pays musulman à 95%. Ce taux est-il basé sur des prénoms d’état civil ? Si oui, suffit-il de s’appeler Alioune, Boubacar, Moustapha, Fatima pour être musulman ? Cela me laisse perplexe dans la mesure où il existe des Félix, Charles, Jeanne musulmans et des Ibrahima, Ousmane, Fatim chrétiens. On est surtout dubitatif sur ce taux lorsqu’on songe aux comportements et valeurs anti-islamiques qui semblent prendre le dessus de la morale religieuse.
95 % de musulmans ? Un gardien de mosquée faillit gâcher ma joie, le jour du mariage de mon fils quand il accueillit, notre délégation sur le seuil avec cet avertissement. : - « si vous avez des chaussures de valeur, rangez les à l’intérieur ».
Du coup, j’ai frémi à l’idée qu’on entrait dans un traquenard où, en guise d’Imam et ses Nahims, nous attendait une bande de coupe-gorges déguisés en Mollahs.
Dire que pendant longtemps, j’ai cru que les malfrats, les petits et gros truands, les agresseurs ne sévissaient que dans la rue…
Ce n’est sans doute là que l’arbrisseau qui cache la jungle. Du moins, si l’on croit ses oreilles en écoutant, « lu xew tey » de Pape Diokhané sur Sud FM. . Après chaque émission, je me promets de me convertir en écrivain de roman policier. Mieux, il m’arrive de vouloir entreprendre des études en sciences légales connues sous le terme Forensic dans l’univers anglo saxon. Car il faut bien en convenir, si les méthodes d’investigation policières du Sénégal ne suivent pas la créativité des techniciens de la rouerie, le crime aura de beaux jours devant lui.
95% de musulmans ? Soit ! Je vous le concède, volontiers. Mais j’envie aux Maliens, Camerounais, Burkinabés leurs moins de cinquante pour cent.
Qualité pour quantité… Dieu reconnaîtra les siens !
Que ne fait-on pour s’attirer les faveurs d’Allah avec des rituels païens ?
Ecoutez cette histoire :
Un aveugle reçut, en guise d’aumône, un sac bien ficelé que le donneur assura être de la viande fraîche prescrit par Serigne Gadiaga. Le non voyant qui n’avait sans doute par goûté au wataboor depuis la dernière Tabaski se hâta de porter l’offrande au Maïga-rôtisseur du coin, le priant de la lui cuire doucement….lentement, jusqu’au diner. Maïga, se pourlécha les babines, à l’idée du morceau qu’il chiperait ni vu ni connu et défit le sac…Au serpent ! Ce fût le sauve qui peut…
95% de musulmans ? Pourvu qu’on craigne Allah !
Amadou Gueye Ngom
Critique social
Chasse aux démons
Amadou Gueye NGOM
C’est sans doute par misogynie que l’expression « chasse aux sorcières » ne s’adapte pas en genre lorsque les personnes visées sont de sexe masculin.
Est-ce également, par misogynie que dans presque toutes les mythologies populaires une sorcière, apparaisse toujours plus redoutable qu’un sorcier ?
Chez nous, une croyance ou idée préconçue soutient que l’anthropophagie se transmet maternellement : « Ndëmm ndey ».
Si nos féministes avaient de la suite dans les idées, voilà un bel argument de protestation contre l’inégalité de traitement ou déséquilibre paritaire entre homme et femme modernes. En attendant, elles peuvent se consoler avec l’idée que le démon, être ou esprit est bien plus familier que « démone ».
Bref, je ne faisais que butiner… Mon sujet se trouve ailleurs.
Dans cette république africaine que je connais, l’Etat fonctionne comme un casino, à une différence près : le croupier est également propriétaire des lieux. Le même démon du jeu possède ses tenants et la cupidité fait loi. L’astuce consiste à guetter l’humeur du croupier qui détermine les règles du jeu. On y joue à risques plus ou moins bien calculés. Mais on a beau surveiller ses billes et ses arrières, Maitre-Croupier rafle toujours la mise. Dans cette république là, croupier et joueurs utilisent les mêmes arguments: berner, séduire pour tenter de se convaincre mutuellement.
Faut-il faire la chasse aux démons ?
Aux abords de Maître-Croupier grouillent bien plus de démons que de sorcières. De ces dernières, une s’est rendue célèbre pour avoir eu l’admirable talent de « sénégaliser » Fantômas le film de Louis Feuillade d’après l’œuvre de Pierre Souvestre et Marcel Allain. En d’autres temps et autres lieux la farouche eût subi le sort de Jeanne d’Arc brulée vive pour hérésie ou pendue comme les sorcières de Salem, au Massachussetts, en 1692.
En ce Casino-république, Maitre-Courtier ristourne, renfloue les perdants jusqu’à ce qu’ils soient dépouillés de toutes vertus puis les abandonne dans une banqueroute morale dont jamais ils ne se remettent, ni socialement ni culturellement.
Dans les entrelacs de la République-Casino, l’impunité consacre les tricheurs. Qu’ils soient convaincus ou condamnés pour fraude, ils ne sont nullement inquiétés. Aucun huissier n’ose leur servir une décision de justice. Il eut été cruel mais juste de révéler leur identité ; pas afin qu’ils soient appréhendés –ce qui n’arrivera jamais- mais juste pour raison de salut public. Retenez simplement qu’ils revêtent trois apparences : Sexe, Xaalis et « Daraja-rang social », compris dans le sens de pouvoir. Les trois maudits se querellent souvent mais lorsqu’ils pactisent, ils constituent un trio infernal absolument irrésistible.
Un quatrième démon est à l’état de fœtus…Mais on lui distingue déjà les traits de Xaalis et Daraja en attendant que Sexe se définisse.
Honni soit qui y voit des similitudes !
Amadou Gueye Ngom
Critique social