Une révolte ? Non sire ! Une révolution
Ce que Wade veut, le peuple le veut !
Le 26 février prochain, c’est la date à laquelle se tiendra l’élection présidentielle sénégalaise. Ce jour est attendu avec beaucoup d’impatience mais aussi d’appréhensions par tout un peuple, car jamais scrutin n’aura suscité autant de passions dans le pays depuis cinquante ans. Déjà, cinq pertes en vies humaines ont été enregistrées à Dakar et à Podor depuis la validation de la candidature du président sortant par la justice constitutionnelle. L’une des explications à cette tension pré-électorale est sans doute liée à la question de la participation de Wade dans la course présidentielle. En effet, la présence de Gorgui à cette élection est très fort critiquée par l’opposition et par une bonne frange de la société civile. A l’étranger, des voix se sont aussi élevées pour la dénoncer. Mais, curieusement, ici le combat contre un troisième mandat de Wade semble n’être porté que par les seuls partis politiques et mouvements citoyens.
Après douze années pleines et entières passées à la tête de l’Etat du Sénégal, le maître du ‘Sopi’ ne veut assurément pas passer la main. A près de 90 ans, il envisage de briguer un énième mandat. Cette obstination à vouloir rester au pouvoir est pathétique et semble montrer à la face du monde un homme qui a perdu, à la fois, intelligence et flair politiques. Car, comment comprendre qu’il veuille encore s’accrocher au pouvoir à un âge aussi avancé ? Une seule raison peut-être. D’après Jacques Baguenard, expert international et professeur de Science Politique : ’Les hommes politiques monopolisent le jeu politique en nous prenant en otages pour régler leurs déséquilibres tout en faisant croire qu’ils gèrent nos destins’ .Wade fait certainement partie de ceux-là.
En tout cas, au vu des actes qu’il pose, il est dans cette logique. Le vieil homme nargue le peuple. Car, soutient-il, il lui faut encore un nouveau mandat afin de pouvoir terminer ses nombreux chantiers en cours de réalisation. La vérité est qu’il use de cet alibi pour soit demeurer éternellement au pouvoir soit pour le transmettre, à mi-mandat, à quelqu’un de son entourage qu’il aura préparé. D’aucuns le soupçonnent tout simplement de vouloir mettre son fils aux affaires.
Quoi qu’il en soit, le projet dynastique (s’il en est un) que Me Wade porte pourrait être une dangereuse menace pour le pays, sa stabilité et son avenir politique. D’où l’attention avec laquelle elle doit être considérée. Paradoxalement, le peuple subit les événements sans réagir. Cela n’a rien d’étonnant. Les Sénégalais sont connus pour être plus des tribuns qu’autre chose. En effet, depuis 2000, le père de Karim ne cesse de tripatouiller la Constitution qu’il tient comme un banal cahier de brouillon. Et, personne ne semble s’en offusquer ! De sa bouche, il dit des choses graves qui pourraient déclencher une guerre civile, opposer les confréries religieuses, déchirer le tissu social. Personne ne dit rien. Par ces actes anti-démocratiques, il ridiculise et infantilise les institutions de la République. Passifs, les Sénégalais ferment les yeux. Aujourd’hui, il force sa candidature à un troisième mandat. Là encore, motus et bouche cousue. Mais, enfin, quand est-ce que les Sénégalais vont-ils s’indigner face aux dérives de cet homme qui a tourné le dos à son peuple ?
Sous d’autres cieux, des milliers d’hommes et de femmes se seraient levés pacifiquement, chaque jour, pour s’opposer aux dérives monarchiques et autoritaires d’un pouvoir incarné par un homme qui ne voit que lui-même, sa proche famille et ses courtisans. La preuve en a été donnée en Tunisie et en Egypte où la détermination des peuples a eu raison des dictateurs longtemps habillés en démocrates. Ce ne sera certainement jamais le cas ici, car l’indignation n’est pas nôtre. C’est regrettable. Ici, tout passe comme lettre à la poste ! Si dans certains pays africains il y a des guides religieux (évêques, cardinaux ou imams), des intellectuels ou autres personnes publiques qui dénoncent, au risque de se faire tuer ou d’aller en prison, les abus de leurs gouvernants, ce n’est pas le cas au Sénégal.
Nos leaders d’opinion, pour la plupart, ne courent que derrière des prébendes et des honneurs que leur donne la proximité d’avec le pouvoir. Tous ou presque ont toujours soutenu les tenants du pouvoir. Beaucoup ont été tour à tour senghoristes, dioufistes puis wadistes. Certainement, après le 26 février, ils seront tanoristes, mackystes, seckistes ou autres si le pouvoir change de main. Ceux-là ne feront jamais du Sénégal une République moderne, démocratique et prospère. Ignorons-les alors !
La lutte pour la démocratie et la sauvegarde des institutions doit être l’affaire de tous. Le peuple sénégalais doit lutter de toutes ses forces pour défendre ses droits. Au cas échéant, il sera soumis comme il l’a été depuis 2000. Si Wade passe, il aura raison sur tous. Les mauvaises langues ne diront-elles pas de nous Sénégalais que nous avons le chef que nous méritons ?
Amadou SARR Email : saramadou2008@gmail.com
La stratégie du M23 : une aubaine pour Idrissa Seck !
Le comportement des trois candidats les plus crédibles de l’opposition au camp libéral durant la première semaine de cette campagne pour l’élection présidentielle de 2012, me donne l’impression que Ndamal Kajoor, en l’occurrence Idrissa Seck, a encore réussi à les leurrer. Une autre de ses prouesses était de faire semblant qu’il voulait joindre ses forces avec celle du Parti socialiste alors qu’il négociait discrètement avec Me Abdoulaye Wade un retour dans la bonne grâce de son père politique. Toutes mes tentatives de trouver une explication cartésienne ou politiquement réaliste de la décision des camps de Tanor, Niasse et Fall de se fondre dans le magma hétéroclite du M23 et risquer de laisser passer l’opportunité qui leur est offerte aujourd’hui de tourner la page libéralo-wadienne ont été vaines.
Le plus difficile à comprendre pour moi est que Tanor, Niasse et Fall sont entourés par des sommités intellectuelles qui, en principe, doivent être en mesure de discerner un vœu pieux qui est illusoire d’avec ce qui est concrètement possible. Ils doivent tous savoir que Me Wade est arrivé à un point de non retour et que personne n’a les moyens juridiques et/ou matériels pour l’interdire de participer au scrutin du 26 février. Durant cette première semaine de la campagne électorale, l’incohérence ou l’illisibilité de la stratégie qui est en train d’être déroulée par leur équipe de campagne et l’irréalisme politique dont ils sont en train de faire montre sont en train de faire perdre à bon nombre d’indépendants comme moi la confiance qu’ils avaient commencée à avoir en eux.
Me Wade et Idrissa Seck, qui ont tous les deux exprimé le souhait de voir les libéraux rester au pouvoir pendant 50ans, doivent sans doute être en train de rire sous cap. Car, pendant que Me Wade sillonne le pays pour mobiliser le vote libéral, Idrissa Seck utilise le M23 pour encourager une abstention massive du vote anti-libéral. Si je croyais au maraboutage, j’allais commencer à faire épier tous les vas et viens nocturnes de M. Seck, ou ses personnes de confiance, pour découvrir la personne qui a su lui procurer la potion magique qui a servi à l’envoûtement des sieurs Dieng, Fall et Niasse.
Il est noble de se battre pour le respect de la constitution de notre République. Toutefois, le bon combattant n’est pas celui qui s’obstine dans une voix sans issue. Avoir le courage de reconnaître que la tactique de guerre qu’on a adoptée initialement ne peut que mener à la défaite, n’est pas être défaitiste, au contraire. Nos sages Walaf ne disent-ils pas que : ‘Xar dawul dafa wuuti doole’ ? Il me semble aujourd’hui urgent de changer de tactique et de faire usage des moyens réalistes qui sont à portée de main pour empêcher à Me Wade de recevoir du peuple sénégalais un troisième mandat. Je suis de ceux et celles qui sont convaincus que l’opposition au camp libéral a, à sa disposition, les moyens de tourner la page libéralo-wadienne.
Pour cette raison, je n’ai pas considéré la décision du Conseil constitutionnel de valider la candidature de Me Wade comme une calamité pour mon pays. Elle a retardé le grand ouf que les Sénégalaises et Sénégalais vont pousser quand ils sauront que Me Wade va prendre sa retraite mais sa défaite aux urnes étant certaine, l’attente pour pousser ce grand ouf de soulagement ne saurait être longue.
Il va sans dire que les candidats issus du camp libéral ne souhaitent pas la déroute de leur famille politique. Pour Idrissa Seck, le seul moyen de faire d’une pierre deux coups, c’est-à- dire éviter la défaite du camp libéral et être élu quatrième président de la République du Sénégal, est d’empêcher à Me Abdoulaye Wade d’être candidat à cette élection présidentielle. Dans le cas contraire, ce n’est pas une divagation insensée que de penser que M. Seck préférera une victoire de Me Wade à celle d’un Tanor Dieng, Moustapha Niasse ou Ibrahima Fall. C’est de mon point de vue là où réside tout le sens de l’engagement de M. Seck dans le M23. Il faut s’attendre à ce qu’il fasse tout ce qui lui est possible pour que le M23 bloque la participation de Me Wade à cette élection présidentielle ou crée une telle confusion chez les électeurs que le taux d’abstention massif des anti-Wade va faciliter la victoire du ‘Pape du Sopi’ au premier tour de cette élection présidentielle.
La cause du M23 et Y en a Marre est noble. Mais il est évident que bien qu’ils combattent pour la même cause que M. Seck, les initiateurs de ces deux mouvements doivent certainement savoir que protéger la Constitution du Sénégal est le cadet des soucis de M. Idrissa Seck. N’est-ce pas M. Seck qui avait conseillé à Me Wade de garder le juge Cheikh Tidiane Diakhaté à portée de main pour se servir de lui en cas de besoin ? Le radicalisme qu’il affiche aujourd’hui n’est donc qu’un moyen de duper Ousmane Tanor Dieng, Ibrahima Fall et Moustapha Niasse. Il a réussi durant cette première semaine de la campagne électorale, à les faire abandonner leur vrai combat qui est de tout faire pour nous débarrasser des libéraux et souscrit à son combat qui est d’empêcher à Me Wade de participer à cette élection présidentielle afin qu’il puisse améliorer ses chances de réaliser son rêve d’adolescent : se faire élire quatrième président de la République du Sénégal.
En regardant de plus près les trois motifs qui sont avancés par l’opposition pour maintenir le mouvement du 23 juin, on ne peut que reconnaître qu’Idrissa Seck a bien appris ses leçons. Réussir à faire croire à des politiciens aussi expérimentés qu’Ousmane Tanor Dieng, le doyen Ibrahima Fall et Moustapha Niasse que son combat est celui qui vaille la peine d’être combattu et non les leurs n’est pas une mince affaire. L'habile disciple de Machiavel qu’est Idrissa Seck a réussi à faire croire à Tanor, Fall et Niasse trois chimères :
• La première est l’urgence d’arrêter le plan (imaginaire) de dévolution monarchique du pouvoir. Il leur a fait croire que mettre leurs compatriotes en garde contre ce plan, dont personne n’a la preuve qu’il est en train d’être ourdi par Me Wade, est plus important que battre campagne pour partager leur programme de société avec l’électoral sénégalais. Il est bien légitime de douter du bien fondé de cette accusation qui a été libellée contre Me Wade par Idrissa Seck après qu’il ait perdu son titre de prince héritier du ‘pape du Sopi’. Macky Sall et Cheikh Tidiane Gadio, qui avaient soit réfuté cette thèse ou ne lui avaient accordé aucun crédit pendant qu’ils bénéficiaient de la bonne grâce de Me Wade, ont vite fait d’entonner cette chanson dès qu’ils ont perdu la confiance de ce dernier. Le dénominateur commun du courroux d’Idrissa Seck, Macky Sall et Cheikh Tidiane Gadio contre Abdoulaye Wade est qu’ils voient tous Karim Wade comme étant le commanditaire de la décision de son père de les écarter des lambris dorées du pouvoir. Il m’est personnellement difficile de croire que Me Wade veuille transmettre le pouvoir à son fils Karim Wade. Même s’il avait perdu son sens aigu de l’appréciation de la réalité politique sénégalaise, et décidé de mettre Karim Wade en danger, la sœur de ce dernier et sa mère ne vont pas laisser leur bien aimé accepter un cadeau qui risque de lui être fatal.
• La deuxième est qu’empêcher à Me Wade de participer à l’élection présidentielle du 26 février prochain, malgré la décision du Conseil constitutionnel, est plus important que s’organiser pour le battre à plate couture aux Urnes. Toutes les personnes qui sont familières avec le mode de prise de décision des juges constitutionnels savaient que le Conseil constitutionnel du Sénégal avait deux options devant lui. Prendre une décision qui est basée sur la lecture littérale du texte et valider la candidature de Wade. Le principe énoncé dans l’article 9 Alinéa 2 de la Constitution et le flou crée par l’article 104 de la loi fondamentale donnent bel et bien aux juges constitutionnels les outils juridiques pour valider la candidature de Me Wade à cette élection présidentielle. La seconde option était de se rappeler qu’en votant massivement pour l’adoption de la Constitution de la troisième République, le peuple sénégalais avait aussi la ferme intention d’empêcher à tout occupant du fauteuil du président de la République de faire plus de deux mandats qu’elle que puisse être sa performance. C’est ceci que d’aucuns appellent ‘l’esprit de la loi’. Je suis de ceux qui pensent qu’invalider la candidature de Me Wade en se fondant sur la volonté exprimée par les constituants sénégalais de 2001 sur le nombre des mandats du président de la République allait mieux servir au renforcement de la démocratie sénégalaise.
Cependant considérée cette décision malencontreuse comme une violation de la Constitution est à mon avis une expression d’un point de vue politique partisan. Les défenseurs de l’illégalité de la décision du Conseil constitutionnel aiment faire référence à l’article 104, alinéa 2 de la loi fondamentale sénégalaise qui stipule que, ‘toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables’. Ils brandissent ensuite l’article 27 qui limite le nombre des mandants du président de la République à deux. L’erreur qu’ils commettent ici est que l’article 27, alinéa 1 est certes une des dispositions de la Constitution mais l’article 9, alinéa 2 en est une autre. En faisant allusion à toutes les autres dispositions de la Constitution au lieu de se limiter à la disposition de l’article 27, alinéa 1, les auteurs de la Constitution ont créé une confusion qui a permis à Cheikh Tidiane Diakhaté et ses collègues de valider la candidature de Me Wade sans qu’aucun constitutionnaliste objectif ne puisse trouver chose à redire. * (A suivre)
Diomaye(Ndongo)FAYE Cilawkuut@com
ADRESSE AUX REPUBLICAINS
Une révolte ? Non sire ! Une révolution
A regarder l’opposition sénégalaise aujourd’hui, on oscille entre l’abattement et la révolte. La France avait la droite la plus bête du monde et le Sénégal vient de gagner un nouveau titre, à défaut de la coupe d’Afrique, celui d’avoir l’opposition la plus bête du monde.
Tous les candidats sortants dans le monde entier souhaiteraient avoir une telle opposition. Après s’être étripés sur le candidat unique, jusqu’au ridicule, elle vient de décider – on se pince pour y croire – de suspendre sa campagne pour battre Wade.
Les raisons ? Les sénégalais attendront la fumée blanche à la fin du conclave pour les connaître.
Gageons, que les accusations de traitrise vont commencer.
Et ces messieurs-dames, après avoir créé les conditions de la réélection de Wade et tué le formidable sursaut démocratique du 23 juin 2011, nous diront qu’ils ne reconnaissent pas les résultats de ces élections présidentielles.
Il est temps d’ouvrir un nouveau cycle.
Nous vivons une période historique particulière où nombre de schémas de pensée anciens n’en finissent pas de se décomposer sans qu’apparaisse clairement le signe d’un renouveau.
Dans les sociétés développées européennes, l’ampleur de la crise de la dette et du chômage s’accompagne d’une crise de la politique.
Au Sénégal, la recherche de solutions dans l’urgence actuelle de la campagne électorale pour battre Wade, pour nécessaire qu’elle puisse paraître, ne tient pas lieu d’une réflexion qui, à partir de la pleine mesure de l’ampleur de la crise économique et sociale, propose des orientations pour refonder l’engagement démocratique des citoyens.
Le délabrement de l’Etat, « la politique du ventre », l’absence de règles collectives protectrices des plus faibles, maintient le sous développement et la pauvreté extrême et annihile quasiment toute volonté collective et individuelle de développement.
Des questions comme celle de la mondialisation, de l’intégration africaine, du modèle de développement, celles du travail et de l’emploi, de la santé, de l’éducation engagent une conception de l’homme et du vivre-ensemble qu’une génération entière partage.
A écouter, lire, débattre avec la génération qui cherche sa place, qui ne voit qu’elle désire ardemment travailler sur le politique en dehors des positions partisanes.
La situation actuelle au Sénégal est, sous de nombreux aspects, inquiétante.
Sous le bruit, les fureurs, les grondements et manifestations, le chaos apparent ou caché, il ne faut pas se tromper, c’est bien un vieux monde qui s’écroule sous nos yeux au Sénégal.
Un autre peine à émerger et se frayer un chemin dans notre cher pays.
La candidature de Youssou NDOUR raillée, par la presse, est un de ces symptômes d’un système vieillissant, comme celle de Coluche en 1981, candidat putatif aux présidentielles françaises de 1981, avec des sondages qui le plaçaient très haut dès l’annonce de sa candidature (16% des intentions de vote), avant qu’il ne renonce.
Cette candidature illustre, mutatis mutandis le même contexte : un vieux système, une vieille élite, un vieux président.
Elle a entraîné l’entrée en politique d’une masse de personnes, indécises, entre la jeunesse urbaine diplômée, attentive aux mots d’ordre de M23, et celle des quartiers de la médina, de Parcelles, Pikine, Guédiawaye.
Elle procède de la même dynamique que celle qui s’est mise en branle depuis longtemps pour turbuler le système corrompu en élargissant à chaque fois l’espace démocratique.
Les conséquences sur le tissu socioéconomique de quarante de règne du parti socialiste sur le système politique sénégalais, ne se sont pas effacées en un jour.
Les 12 ans au pouvoir de Wade ont accéléré sa putréfaction.
C’est le même système qui a continué sous un autre nom, avec un autre clan de prédateurs, en moins fins dans la politique du ventre et dans la gestion patrimoniale de l’Etat.
Quand les élites technocratiques socialistes habillaient sous un vernis de la plus parfaite technocratie bureaucratique la prévarication des maigres richesses de l’économie sénégalaise, le clan wadiste, mal formé, avec une absence totale de « culture administrative » et de compétence utilise la méthode de l’informel.
L’inculture technocratique, l’absence de scrupules, l’informalisation de la prédation se sont substituées à la culture technocratique du vol et du détournement des deniers publics.
L’alternance s’est jouée des espoirs placés en elle par la faute d’un clan cupide.
Et dans cette décennie, se sont aussi révélées les ressources morales, d’un peuple qui s’est emparé des principes de la démocratie, pour élargir son espace de liberté et se préparer à l’après Wade.
Tout le monde le sent, c’est la fin d’une génération d’élite politique et administrative, celle des compagnons des combats pré et post indépendance, qui entraîne avec elle, celle des années 68 et 70. Evidemment cela se fait dans le tintamarre du débat et des invectives.
La nouvelle génération qui tente de s’engouffrer dans ce nouvel espace revendique sa place dans la République.
Il est donc du devoir des républicains de l’aider à la trouver au travers des valeurs et des principes universels qui sont ceux de la République.
Les sénégalais aspirent à un Etat de droit
Au travers de la proclamation de la primauté de l’Etat de droit, où s'applique effectivement un droit et non pas l'arbitraire d'un dirigeant ou l'anarchie.
En réponse à la question, l'Etat de droit au Sénégal est-il plus une réalité qu'une fiction? Les citoyens répondent assurément que c’est une fiction.
Un Etat de droit, où l'Etat se doit de veiller à ce que chaque personne physique ou morale soit à égalité devant la loi, qu'il s'agisse de défendre ou faire valoir ses droits, de contester une décision.
Un Etat qui respecte le principe de séparation des pouvoirs (et d'équilibre entre eux) : contrôle direct de l'exécutif par le législatif ; liberté de la presse ; Justice indépendante, contradictoire, impartiale, effective, qui instruit, prononce et fait exécuter ses décisions dans des délais raisonnables.
C'est l'ensemble de ces critères qui doivent être réunis pour que l'on puisse parler d'Etat de droit.
La majorité des citoyens sénégalais ordinaires, le disent tous les jours. L’absence d’Etat de droit nuit tout particulièrement aux classes populaires urbaines et rurales qui ne jouissent ni des passe-droits des élites, d'en haut, ni des passe-droits de ceux qui à la marge s’arrangent avec les règles collectives.
La Justice doit constituer l'un des piliers du pacte citoyen et républicain de notre pays. Son impartialité, sa capacité à assurer un équilibre entre prévention, sanction, réparation et protection des libertés individuelles doit être au cœur du bon fonctionnement de la société.
Elle doit être un rempart qui protège les personnes, garantit les règles du vivre ensemble, les droits et donc les devoirs de chacun, les conditions d'une société apaisée.
L'égalité devant la Loi doit être au cœur même de l'idée de justice et ce principe d'égalité est l'un des fondements de notre société démocratique.
L’indépendance de la justice en est la condition impérative.
La justice est un service public dont l'importance, aux yeux de nos concitoyens, n’est pas toujours mesurée alors que le droit envahit désormais tous les interstices de la vie sociale.
Instaurer l'Etat de droit et donner aux sénégalais des raisons d’y croire, il y va de la santé démocratique de notre pays.
Au travers de la proclamation de l'indivisibilité de la République et l'unité du peuple sénégalais.
Le principe de l‘indivisibilité de la République, signifie, qu’elle connaît mais ne reconnaît pas tout ce qui tend à morceler, séparer, démanteler la communauté civique nationale - religion, confréries, croyances ...
Elle respecte les traditions et les cultures mais elle les soumet à la loi commune.
La République doit continuer le travail de construction de notre nation, composée de citoyens non de communautés. Les individus ont leurs particularités, mais pas les citoyens.
La République indivisible est donc unitaire.
Nous avons hérité de la colonisation française et de notre propre histoire nationale, une culture centraliste et non fédéraliste.
L’unité républicaine n’exclut pas, bien sûr, la diversité. L’unité de notre nation s’est faite et se fait encore dans la confrontation, l’alliance ou parfois la discorde de ses composantes. Elle s’est réalisée à travers l’intégration des citoyens, intégration rendue précisément possible par cette indivisibilité qui reconnaît la seule citoyenneté.
Les citoyens sénégalais aspirent à la neutralité de l’Etat
L’affirmation de la neutralité de l’Etat appelée ailleurs laïcité, face à toutes les communautés culturelles et religieuses doit aussi accompagner l’émergence de cette nouvelle génération.
La laïcité peut être définie simplement par la séparation de l'État et de la religion (toutes croyances confondues). C’est un principe qui garantit la liberté de conscience et de culte, qui assure l'égalité de droits entre toutes les croyances.
La mise en œuvre de ce principe poserait moins de problèmes que son inscription dans le marbre au Sénégal. La meilleure définition est celle que propose le Dr Mahmoud Hazab, conseiller auprès du Cheikh Ahmed al-Tayeb, imam d’al-Azhar, dans la charte de onze articles à l’élaboration de laquelle l’institut a participé qui dit, parlant de l’Etat qui devra être issu de la révolution. « Nous ne sommes ni un État religieux ni un État militaire. Nous souhaitons que la Constitution se fonde sur la citoyenneté. »
Des pratiques laïques sont observables dans notre pays depuis des lustres, pratiques religieuses laissée à la discrétion de la personne, liberté d'affichage ostentatoire d'appartenance religieuse, les jeûneurs et non-jeûneurs de Ramadan se côtoient dans la même famille, des amis pratiquants et non pratiquants se souhaitent bonne fête le jour de l'Aïd, le mariage civil et le mariage religieux coexistent, le planning familial est entré dans les mœurs et fait moins débat, la monogamie se généralise dans la jeune génération urbaine instruite.
Son exercice est facilité tous les jours par l’existence, de croyances, d’appartenance religieuse ou confrérique différentes dans une même famille et entre ses différents membres.
Il revient à l’Etat d’en assurer le respect.
Plusieurs pays ont adopté la laïcité en tant que principe qui figure dans leurs constitutions, comme la France, l’Inde, la Turquie, le Japon, le Brésil ou les Etats-Unis.
Beaucoup d’entre eux financent l’exercice des cultes.
Il n’est pas inimaginable que notre pays se dote d’un budget des cultes. Cela aurait le mérite de s’accorder sur le principe de l’égalité de traitement de tous les cultes, toutes les confréries et de rendre complètement transparent les financements publics qui leur sont accordés.
Ils seraient inscrits chaque année dans la loi des finances par l’assemblée nationale et exécutés sous son contrôle, comme tout le budget de la nation.
L'égalité, le progrès social, la fraternité et la solidarité sont des irremplaçables de la République.
Une société plus juste est une société qui permet l’accès à l’égalité des chances à chacun de ses membres. S’il est des inégalités qui tiennent à la nature humaine, il en est, injustifiées, qui tiennent à la société.
La réduction de ces inégalités constitue une exigence aussi bien morale que politique.
Il faut refuser la persistance des inégalités entre les hommes et les femmes, celles s’appuyant sur une origine sociale ou ethnique.
Refuser les inégalités héritées.
Refuser l’idée d’inégalités dont on ne pourrait pas sortir.
Se battre pour que soit donnée à chacun la possibilité, quelle que soit son origine, sa situation, de s’insérer dans la vie sociale ou professionnelle, d’accéder aux biens collectifs – éducation, culture, emploi, santé, sécurité – et de pouvoir en tirer un profit comparable.
Vouloir l’égalité dans les opportunités offertes à chacun, d’utiliser au mieux sa capacité d’autonomie, ses talents et sa volonté.
La justice sociale, comme la cohésion sociale se bâtissent sur l’exigence de solidarité qui doit être conçue à la fois comme un tremplin pour ceux qui peuvent agir et prendre leur responsabilité, un filet de sécurité pour ceux qui connaissent l’échec et doivent se voir accorder une nouvelle chance, comme un bouclier enfin pour ceux qui n’ont pas ou plus les moyens d’agir et qui doivent recevoir de quoi leur permettre de vivre dignement. Elle doit empêcher la précarité et permettre la cohésion sociale de notre nation.
Pour s’exprimer dans le respect de la dignité de l’individu, la solidarité doit être ciblée, adaptée à chaque situation, et ne pas se transformer en assistanat par une distribution uniforme d’aides, qui découragent ceux qui travaillent, et tendent à maintenir ceux qui en bénéficient dans une situation de dépendance.
La solidarité doit s’exprimer à différents niveaux : solidarité entre les territoires sénégalais, dans les campagnes et au sein des villes ; solidarité familiales et entre les générations.
L’intervention de l'État est le pilier d’une politique solidaire. C’est sur cette base que les républicains doivent faire une place à la nouvelle génération dans l’espace public.
Dans notre pays, c’est l’Etat qui contribue à construire la nation sénégalaise, dans ses espaces et ses territoires. Il ne faut jamais perdre de vue ce paramètre essentiel pour les républicains. Toute politique qui décrédibilise son intervention sape les fondements de notre Etat-nation.
Alors le pire n’étant jamais sûr, je pense que lorsqu’un problème est clairement et judicieusement posé, on trouve toujours des hommes et des femmes capables de le résoudre.
Babacar FALL -
Email:babfall33@gmail.com