aux défis du climat
Aller à Copenhague et mourir : Pour une réponse politique et africaine aux défis du climat.
Et vous allez me demander : mais pourquoi votre poésie - Ne vous parle-t-elle pas du rêve, des feuilles - Où des grands volcans de votre pays natal ? - Venez voir le sang dans les rues - Venez voir- Le sang dans les rues, - Venez voir le sang -
Dans les rues,
Pablo Neruda (1935)
Quelle importance revêt le climat de nos jours quand dans les banlieues africaines, les populations en sont encore réduites à patauger dans les eaux nauséabondes depuis plusieurs mois. Pour certains, la menace est si proche et si lointaine à la fois….
C’est dans ce contexte qu’en décembre 2009, plus de 192 chefs d’Etat et de gouvernement du monde entier se réuniront pour finaliser un nouvel accord international sur le climat lors de la Conférence de Copenhague. C’est l’occasion historique de changer la donne ou juste une réunion de plus ?
Tous les jours, le long de nos côtes, la mer avance. Elle dévaste nos maisons et met en péril des vies humaines. Inondations, pénuries d’eau, sécheresses, maladies, déplacements de populations… le changement climatique est une réalité. Il touche encore gravement ceux qui sont les moins préparés à en subir les conséquences. Pour l’Afrique, le changement climatique est un fardeau supplémentaire dans la lutte contre la pauvreté.
Pendant longtemps, on pouvait hésiter sur les chemins de l’action et prétendre que nous ne savons pas. Mais aujourd’hui, on sait ! A l’analyse des résultats du Groupe d’Experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, il est certain que notre planète est déjà soumise à des changements majeurs et les prédictions n’annoncent point de lendemain meilleur. S’adapter et répondre à ces défis par des stratégies d’adaptation appropriées devient donc un impératif partagé, y compris aux niveaux local et national.
Mais il faudra aussi «balayer devant nos propres portes» ! La prise en compte de la dimension climatique et son intégration dans nos schémas de gestion et d’aménagement devront forcément conduire à une rupture d’avec les modèles de développement en cours. Encore faudrait-il que nous prenions la décision politique de le faire.
Aujourd’hui encore, et fort malheureusement, les pays ouest africains ne participent pas encore de manière active aux négociations des accords multilatéraux sur l’environnement. Aujourd’hui encore, malgré l’existence de dispositions claires dans la plupart de nos Codes de l’environnement, des projets et programmes d’aménagements poussent le long des côtes ouest africaines sans aucune évaluation environnementale et sociale sérieuse. Certains Etats ouest africains poursuivent allégrement et dans la plus grande opacité le processus de privatisation de parcs nationaux, derniers îlots de nature et tampons contre les changements climatiques. La boulimie foncière comble les dernières zones humides et poumons verts de nos villes. Que dire de la floraison d’hôtels de luxe perchés sur les falaises et flèches littorales ? Que dire de certaines hérésies tel ce projet pharaonique de création ….d’îles artificielles au mépris de tout ce que les scientifiques savent sur la dynamique littorale le long de nos côtes.
Sans doute dans un contexte de crise économique et sociale, où tous les gouvernements cherchent à attirer l’investissement et accélérer la croissance, il est très tentant de chercher des «raccourcis» et faire fi parfois des prédictions scientifiques et des risques socio-écologiques.
Cette fin d’année 2009 sera décisive pour la lutte contre les changements climatiques. L’Afrique ne peut rater ce rendez-vous si nous voulons réellement renverser à temps les tendances actuelles pour empêcher le chaos climatique dont nous nous approchons à vive allure. Mais avons-nous réellement notre destin en main ?
A ce sujet, les pollueurs historiques et principaux émetteurs de gaz à effet de serre que sont les pays riches portent une double responsabilité : ils doivent non seulement cesser de nuire, en réduisant dès maintenant et de façon substantielle leurs émissions, mais ils doivent aussi aider plus concrètement les pays pauvres, en finançant les coûts auxquels ceux-ci doivent déjà faire face pour s’adapter aux conséquences du changement climatique et limiter leurs propres émissions.
Par ailleurs, la mise en œuvre des résultats de Copenhague sur le Climat va nécessiter des ressources financières importantes. Ces ressources doivent être nouvelles et supplémentaires dans un contexte où l’aide au développement déjà si inefficace, se réduit comme une peau de chagrin à l’épreuve de la crise économique et des changements de priorités géostratégiques des partenaires traditionnels.
A Copenhague, l’Afrique, comme toujours, devra se résoudre à quémander l’appui des pays industrialisés. Peu importent les positions communes qui sont tissées à Ouagadougou sous l’égide de l’Union africaine et les menaces de se retirer de la table de négociations si notre appel n’est pas entendu.
Pour changer la donne, nous avons besoin d’un leadership très fort qui est quasi-inexistant pour l’instant dans le domaine des changements climatiques. Il est impératif de s’assurer que les Etats mettent réellement en œuvre les engagements nationaux et internationaux pris dans les domaines de l’environnement en général et des changements climatiques en particulier.
Au-delà des délégations pléthoriques et souvent mal préparées aux négociations, Copenhague reste important mais ce combat ira au-delà de Copenhague. C’est une entreprise de longue haleine qui devra être un credo politique quotidien.
Il convient de remarquer que dans l’indifférence générale, la neuvième conférence de la Convention des Nations unies pour la lutte contre la désertification, tout comme le Congrès forestier mondial, viennent de se terminer en Argentine. Nul doute, la désertification restera encore longtemps la «Convention des pauvres». Et au fond, la désertification, la dégradation des terres et la sécheresse touchent qui ? Pour l’environnement, comme partout ailleurs, celui qui détient le cordon de la bourse dicte les priorités du moment et par conséquent l’agenda international. Et l’Afrique continue ses contorsions pour entrer dans un corset modelé par les autres.
Sans doute est-il temps de vraiment se battre sur les questions qui importent vraiment pour les africains et d’agir localement, en toute responsabilité. Les négociations en cours sur le climat ne sont que l’arbre qui cache la forêt. Les extrêmes précipitations causant des inondations catastrophiques à Dakar, Nouakchott, Ouaga, etc. ; devraient sans doute rappeler aux délégués et décideurs africains pour les négociations sur le climat que leurs délibérations vont surement influencer la vie et la subsistance de millions de personnes. Mais les vraies réponses ne se trouvent pas à Copenhague mais plutôt dans les décisions de gestion et d’aménagement que nos décideurs prennent tous les jours et qui touchent à l’environnement et à la survie des populations.
Dr Arona SOUMARE - Environnementaliste