ATTENTION !
Le Sénégal est une République laïque et démocratique, un Etat de droit. Si l’Etat est le cadre juridique dans lequel les institutions publiques et constitutionnelles se développent, il ne devrait point y survenir des évènements évocateurs de la déferlante des hordes soldatesques des envahisseurs d’avant Jésus ; la sauvagerie n’est pas républicaine. L’histoire voudrait-elle donner raison à Jules Ferry et Georges Clémenceau ? En s’employant à bâtir une société sans roi ni clergé, donc laïque, avec, en toile de fond, la démocratie, la liberté, l’égalité en droits et devoirs devant la Loi qui incarne la Puissance publique, ces hommes d’Etat français avaient une crainte vive et profonde. C’est l’enivrement de l’homme au pouvoir. Le pouvoir politique comme le pouvoir religieux peut pousser aux excès, à la dérive, à l’abus, voire au somnambulisme réactionnel fâcheux, à tous les coups malfaisants et perturbateurs de l’ordre social. C’est exactement ce qui s’est passé ce vendredi 26 septembre, avec le saccage du groupe de presse Walfadjri et la maison de son directeur fondateur, Sidy Lamine Niasse. Quels que soient les commanditaires directs ou indirects, l’Etat a failli à sa mission régalienne de protection des personnes et des biens, de garant de la sécurité publique et de la sûreté, de la stabilité et de la paix sociale. Si c’est pour divertir et faire oublier la dénonciation de la gestion des milliards de l’Anoci, ou éclipser la très controversée bienveillance du Président Wade à l’endroit du capitaine, Président de Guinée, Dadis Camara, si ce n’est pour amener les Américains à annuler le don des 270 milliards, que l’on s’y prendrait avec maladresse. Le laxisme d’Etat est plus dangereux qu’une dictature. Car l’impunité accumulée, le favoritisme générateur de frustrations, l’arrogance, l’insolence active et la discrimination n’ont qu’un débouché : le soulèvement populaire.
C’est dans cette situation de pré-révolte que le Sénégal se trouve, sans régulateur comme Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh Malick, sans autorité religieuse ferme comme le Cardinal Thiandoum.
Le pays est secoué par des scandales de toutes origines, alors que le peuple peine à survivre avec moins d’un dollar par personne et par jour (500 francs Cfa). Cependant que quelques chefs et guides religieux ont fait de la religion l’opium d’une frange de la population, enivrée de mystifications et autres obscurantismes, portant des œillères mentales qui ne leur font voir que le nombrilisme du chef, le meilleur, le plus grand, au moment où la convergence citoyenne et religieuse postule un monde de paix. Si l’Etat laisse bouillir le vécu conflictuel pour le moment latent, sans sévir, en faisant prévaloir la Justice qui sanctionne et punit, la légalité républicaine va abdiquer devant la légitimité humaine qui, monte, s’amplifie, gagne du terrain et s’installe dans les cœurs et peuple les esprits. Attention, danger ! Alors qu’il est temps, dans un climat politique tendu où le mal vivre est généralisé, et où il suffit de peu pour piquer à vif la vindicte populaire, revenons sur terre. En quoi faisant ?
En rétablissant l’autorité et la Justice républicaine afin que force reste à la Loi, en éradiquant le parallélisme micro-pouvoiriste qui est à l’origine des milices et autres hordes érectiles par des enivrés de mégalomanie et de gloriole, argentivores et grands fauteurs de troubles. La République, impersonnelle et représentative doit prévaloir sur tout et sur tous. Les Sénégalais doivent être tous égaux devant la Loi, quels que puissent être leur statut, leur lignée familiale qui remonte à Adam et Eve. C’est la première fois au Sénégal que l’Islam est, en tant que religion, instrumentalisée pour faire la violence, semer le désordre, piétiner les valeurs et institutions de la République, avec un mépris persistant. C’est grave dans un pays où les confréries religieuses constituent des pesanteurs sociologiques d’une force redoutable que nul ne pourrait contrôler en cas de révolte, avec des conséquences prévisibles aussi meurtrières que dévastatrices. Seul le détenteur du Pouvoir républicain, l’Etat, le gouvernement, le président de la République qui l’incarne peut nous éviter ce scénario catastrophique. Ne rêvons pas, car la menace est là. Il faut mettre tout le monde au pas. Aucun calcul clientéliste ne vaut le laxisme d’Etat. C’est le moment de restaurer ou de mettre au devant de l’action gouvernementale les valeurs républicaines qui fondent le Sénégal, Etat souverain parmi les Etats du monde. La féodalité religieuse est à enrayer. Car, la République est une et indivisible.
Avec ces milliers de «khalifes», où allons-nous ? Ces microcosmes religieux qui poussent au Sénégal constituent le plus grand danger pour le pays, car motivés par l’argent. L’autorité des grands khalifes généraux est à restaurer pour venir à bout de la dispersion fautive qui fait que chaque agrégat khalifal veut vivre de l’Etat par des subventions pour des magal, gamou et daaras. Cette facilité coupable est à dépasser, tant par l’Etat que par certains partenaires-bailleurs.
Le Pouvoir colonial avait su réguler le secteur religieux. Le Président Senghor l’avait bien géré par sa fermeté, tout comme le Président Diouf, par le principe de l’équidistance par rapport aux différentes entités. Rien ne vaut la paix. Les discours et autres sermons superficiels apaisants ne règlent pas le problème, tellement le mal est profond. Il faut revenir aux valeurs républicaines. Des religieux ont été emprisonnés, des Indépendances à nos jours, sans que l’ordre républicain ne soit perturbé, d’autres poussés à l’exil ou au «suicide». Trop, c’est trop.
Le laxisme, si l’on n’y prend garde, peut nous mener à l’irréparable. Seule la fermeté de l’Etat peut nous préserver du désordre, de l’insécurité et des violences absurdes, en ce 21e siècle Judéo-Chrétien, 15e siècle de l’Islam, la religion de la Paix.
Nos saints fondateurs et continuateurs des «tarikha» fraternisaient intensément par des mariages entre familles, des visites réciproques, des correspondances, des présents offerts, des magnificences de toutes sortes, rien que pour, entre autres, indiquer la voie à suivre dans un cadre de fraternité diversifié dans la forme, mais non dans le fond. Cet héritage, à remettre en sellette, sera une réelle contribution pour l’apaisement et les retrouvailles autour de l’essentiel : la stabilité du Sénégal, notre cher pays. Que Dieu nous y aide !
Khaly MBAYE - Pikine