III - La problématique de la faisabilité de l
Présidentielle de 2012
III - La problématique de la faisabilité de la candidature unique ou de l’unité de Bennoo
Sur le site Tageo.com qui est un annuaire mondial des villes, la population de Dakar serait actuellement de 2 613 700 millions d’habitants. Sous ce rapport, il semble légitime de s’interroger sur la représentativité de l’échantillon du Cabinet Emergence Consulting Group. En d’autres termes, un échantillon de 1 500 personnes est-il représentatif d’une population dakaroise de plus de 2,5 millions d’habitants ? Quelle est précisément la méthode qui a été utilisée (échantillon représentatif, échantillonnage aléatoire, au hasard simple, en grappes ou en strate) même si, par définition, l’échantillon est une petite quantité d’une matière ou d’information ?
Si la structure de l’échantillon de ce sondage est fragmenté selon le lieu d’habitation (Dakar, Pikine, Guédiawaye, Rufisque Rufisque/Bargny), l’âge (18 ans et plus), le sexe et le niveau d’études, pourquoi n’a-t-on pas intégré la variable socioprofessionnelle qui pourrait être intéressante en termes d’analyse ? Cela n’aiderait-il pas à mieux comprendre la nature ou la signification du vote, du comportement électoral ? Qui a-t-on exactement interrogé ? Ces questions semblent importantes pour comprendre les résultats de cette enquête.
Si l’on part des postulats énoncés par Bourdieu, on peut avoir une idée précise sur la fabrication des sondages. D’abord, lorsqu’on administre un sondage d’opinion, on suppose que tout le monde a une idée sur le questionnaire élaboré. Or, la question qui se pose est celle des ‘non-réponses’. Dans un pays où le taux d’alphabétisation est faible, ces non-réponses peuvent être importantes. Ce qui pourrait dénaturer les résultats du sondage. Ensuite, quand on établit le questionnaire du sondage, on se dit que toutes les opinions sur les questions posées se valent. Or, les opinions n’ont pas la même influence. Enfin, la manière dont les questions sont posées pose parfois des interrogations parce qu’elle induit les réponses à apporter, c’est-à-dire influence la personne interrogée. Cette critique portée sur la technique des sondages peut être mieux saisie à trois niveaux :
- le choix de l’échantillon représentatif (qui accepte d’être sondé ? Qui est accepté dans le sondage ? Qui abandonne les sondages ? Quelle est la compétence des cibles ? Combien de personnes on interroge ?),
- le choix des questions (comment sont formulées les questions étant donné que tout le monde n’a pas une opinion sur tous les sujets ?), et - le traitement des questions (Est-ce que les non-réponses sont prises en compte ? Les réponses sont-elles standardisées dans de grands agrégats alors qu’en réalité, les réponses seraient beaucoup plus fines ? Comment a-t-on exploité les statistiques obtenues ?).
On peut alors appliquer ce schéma au sondage du sieur Lô dont il faut reconnaître, malgré tout, sa compétence en tant que statisticien. Un sondage réalisé sur la seule région de Dakar en 2010 peut-elle refléter objectivement la réalité des résultats d’une élection présidentielle devant se tenir en 2012 si l’on considère la volatilité du vote ? Ce sondage est-il représentatif de l’électoral national pour mieux connaître le comportement des électeurs sénégalais ? Les cibles de ce sondage sont-elles suffisantes ? Autant de questions qui montrent le rôle de manipulation que jouent les sondages dans la fabrique de l’opinion.
Précisément, Patrick Champagne pointe du doigt cette croyance érigée de l’opinion par les sondages, c’est-à-dire leur influence sur les électeurs. On peut, de ce point de vue, comprendre la réaction de M. Macky Sall, président de l’Apr, suite au sondage de M. Moubarak Lô lorsqu’il soutient : ‘Ça ne nous surprend pas. C’est ce que nous constatons sur le terrain…’.
Même si c’est un discours d’homme politique en quête de légitimation de sa candidature, la prudence de M. Sall serait ici plus appropriée. Ainsi, ce sondage du sieur Lô pourrait s’inscrire objectivement dans la perspective des grandes manœuvres inhérentes à l’espace de luttes politiques.
Les résultats produits par ce sondage confortent ainsi la problématique de la faisabilité de la candidature unique ou de l’unité de Bennoo. Ils donnent un classement qui a d’ailleurs été contesté par les autres acteurs. Ce qui crée déjà une confusion dans la coalition Bennoo. On pourrait également se demander comment M. Moustapha Niasse qui est crédité de 4 ,9 % selon ce sondage, pourrait être candidat de Bennoo devant M. Ousmane Tanor Dieng qui a 11 %. Car, le choix du candidat de Bennoo est entre ces grandes personnalités puisque M. Macky Sall a déjà clairement affirmé sa préférence pour la candidature plurielle.
1.1 - La mise en œuvre de la candidature unique
L’autre facteur bloquant et qui est un sujet qui fâche, est la question de la mise en œuvre de la candidature d’une coalition électorale. Même si elle est occultée, la question des critères de choix de ce candidat unique ou de l’unité sera intéressante. La norme standard est que toute coalition électorale se construit autour du parti majoritaire de la coalition, même si l’élection présidentielle est la rencontre entre un homme et un peuple. Les expériences récentes de la Ca 2000 et de la Coalition Sopi 2007 autour de Me Abdoulaye Wade, de la Code 2000 et Cpa 2007 autour de M. Moustapha Niasse sont des références intéressantes pour tout débat sur les critères de choix du candidat de Benno.
En dehors de ce sondage auquel il est légitime d’opposer des réserves, force est de constater que le Ps est le parti le plus représentatif dans Benno. A cet effet, les autres partis accepteront-ils de se retrouver autour du Ps ? Le contentieux électoral de 2000 entre l’Afp et le Ps est-il réellement vidé ? Les candidats de l’Afp sont-ils prêts à voter pour M. Ousmane Tanor Dieng comme candidat de Benno ou ceux du Ps le sont-ils autant pour M. Moustapha Niasse qui a beaucoup joué dans leur perte du pouvoir en 2000 ? L’erreur qui semble être faite souvent est de vouloir assimiler les élections locales de 2009 à l’élection présidentielle alors que les enjeux ne sont pas les mêmes.
En outre, les positionnements internes au sein de Benno rendent plus complexe la faisabilité de la candidature unique. L’analyse des trajectoires des acteurs de la coalition révèle des affinités et proximités de longue date qui peuvent être converties en termes d’alliance électorale. Va-t-on créer une candidature unique sur la base d’un facteur émotionnel ? On pourrait également s’interroger sur le mode de choix du candidat unique de Benno. Est-ce que ce sera un collège électoral de Benno composé de ses élus locaux qui se chargera de la procédure de désignation ? Une telle procédure conviendra-t-elle aux militants des partis membres de Benno ? Sous ce rapport, il est important de préciser que tout choix d’un candidat unique ou de l’unité devrait être précédé de la procédure de d’investiture du candidat de chaque parti, c’est-à-dire les candidats à la candidature unique.
1.2 - Un candidat unique ou de l’unité de Benno en dehors des partis membres est-il possible ?
Par ailleurs, l’option consistant à faire un militaire, voire un général, quelle que soit sa personnalité, apparaît difficilement réalisable pour plusieurs raisons. La sociologie électorale du Sénégal met en lumière une certaine distanciation entre l’électeur et l’homme de tenue. Cela est lié à la trajectoire politique du pays qui n’a pas été jusque là dirigé par un militaire, même s’il y a des compétences avérées dans toutes les disciplines au sein de l’armée sénégalaise. De la même manière, il serait difficile de voire un candidat de la société civile être investi comme candidat unique de Benno.
Pour les deux cas de figure, il suffit de se référer au mode d’investiture des candidats à l’élection présidentielle au Sénégal. En principe, ce sont les partis qui encadrent les candidatures aux élections au Sénégal, sauf exception pour les candidats indépendants avec des conditions précisées (nombre de signatures exigées et caution par exemple) par la loi électorale. De plus, les partis politiques sont, par définition, des organisations dont le but est de concourir pour accéder et conserver le pouvoir. De ce point de vue, il est important de se tenir à la prudence dans l’analyse malgré le foisonnement actuel des mouvements citoyens entrainant un émiettement du champ politique.
François Brune précise qu’’être citoyen, ce n’est pas seulement disposer du droit de cité ; c’est être partie prenante de ce qui s’y décide. C’est se sentir membre d’un peuple souverain.’ A ce titre, l’analyse de l’élection présidentielle de 2012 crée une communauté de points de vue. Toutefois, les regards que l’on porte sur ce scrutin plein d’enjeux gagneraient en crédit s’ils sont dépoussiérés de pulsions. Car, l’analyse politique n’est pas synonyme du port de l’uniforme du snipper qui tire sur tout ce qui bouge.
Aucune élection ne se gagne d’avance ! L’espace de luttes politiques au Sénégal est complexe en raison surtout des logiques sociales (ethnie, parenté, alliances, confréries,…) qui l’influencent. Les figures politiques qui semblent vouloir participer à cette compétition électorale, ont des trajectoires politiques très différentes. Les marges de manœuvre dont disposent ces leaders, n’ont pas aussi la même surface d’influence. Ces derniers n’ont pas également les mêmes ressources d’allégeance. C’est pourquoi, lorsqu’on aborde la problématique d’un tel scrutin, il est important de le faire sous l’angle de la complexité des problèmes. Une telle démarche nous dédouane des raccourcis et des analyses teintées de passion. L’usage maladroit des notions et concepts peut dénaturer l’approche d’un phénomène social ou politique.
Une coalition électorale est complexe dans son organisation et son fonctionnement. En cela, le consensus doit être recherché dans la méthode et non le diktat. Les règles du jeu se doivent d’être clairement définies. Si cette candidature suscite beaucoup de passion, c’est qu’elle semble être un souhait. Mais la mère des batailles reste la faisabilité. Car, elle devrait s’inscrire dans une logique objective ne lésant pas la réalité sociologique et représentative des partis membres. Ce débat sur la stratégie électorale Benno qui doit inclure le mode de désignation de son candidat, pourrait ne pas occulter la norme standard des critères de choix d’un candidat à une élection : l’âge, le capital social, politique et symbolique, l’expérience d’homme d’Etat.
Peut-on affirmer que la candidature unique ou de l’unité est la seule capable de faire gagner Benno ou est-ce un piège ? Le vrai problème n’est-il pas la fixation consensuelle des règles du jeu (fichier électoral, maintien des deux tours…) avant de s’engager à ce scrutin ? (Fin)
Abdou Rahmane THIAM Docteur en Science politique Montpellier- France
Le Sénégal se noie par la culpabilité de tout un peuple
Tels des sardines en boîte, une fois par semaine, tous les figurants du gouvernement Souleymane Ndéné Ndiaye s’entassent et se bousculent autour d’une table maintes fois rallongée. A ce rythme de nominations, bientôt le Conseil des ministres se tiendra à la place Soweto. Ou alors, va-t-on vers un projet de construction d’un château comme palais présidentiel ? Le peuple doit se préparer à une telle éventualité, car avec les nominations annoncées de vice-président de la République, de vice-Premier ministre et avec le décret nommant ‘une madame la présidente de la république’, même la salle des banquets risque d’être trop petite accueillir les membres du gouvernement.
Le Conseil des ministres, parce que présidé par le président de la République, et principal organe décisionnel du gouvernement, est une institution. Faut-il rappeler que gouverner, c’est la façon dont l’Etat s’organise pour prendre des décisions, les mettre en œuvre, en contrôler les résultats, gérer les fonds publics et ce, pour le mieux-être de l’ensemble des citoyennes et des citoyens. On peut se demander et à juste titre, comment le gouvernement de la République du Sénégal remplit ses fonctions dans un tel cadre ? Un cadre où tous les conseillers, les ministres conseillers, les ministres délégués, les ministres titulaires et les ministres d’Etat jouent des coudes pour se faire une place et pour paraître uniquement sur le petit écran.
En règle générale, un gouvernement républicain est composé de ministres, de secrétaires d’Etat ou de ministres délégués. Les ministres conseillers ne sont en aucun cas membres du gouvernement. La preuve en est que sur le décret de nomination des membres du gouvernement, ne figure aucun ministre conseiller. Par conséquent, à quel titre assistent-ils au Conseil des ministres ? D’ailleurs, dans certains Etats, la France et la Belgique par exemple, les ministres délégués et les Secrétaires d’Etat ne siègent au Conseil des ministres que lorsqu’ils ont un dossier à traiter.
En considérant le décret n° 2010-876 du 28 juin 2010 fixant la composition du gouvernement, sont membres du Conseil des ministres : le président de la République, chef de l’Exécutif, le Premier ministre, quatorze ministres titulaires avec rang de ministre d’Etat, vingt-quatre ministres titulaires, trois ministres délégués et bien évidement, le secrétaire général de la présidence et le secrétaire général du gouvernement. Soit un conseil de quarante-cinq membres. Certes, un ministre conseiller ou un conseiller technique peut être invité à participer au Conseil, sur la discussion d’un dossier ou projet dont il a la charge. Mais après discussion, il doit quitter et laisser le Conseil poursuivre ses travaux.
Un autre acte extrêmement grave a été posé par le président Wade. Dans le ‘décret n° 2010-925 du 08 juillet 2010 portant répartition des services de l’Etat …’ à la rubrique n°3, le Palais, parmi les service rattachés, est cité ‘le cabinet de Madame la Présidente’. Après avoir fait de son propre fils quasiment un vice-Premier ministre, le président Wade fait de Madame la Première dame, une présidente de la République du Sénégal. Et le plus grave dans tout ça, c’est la passivité de l’opposition et l’absence de réaction de la population. Dans aucun pays, même parmi les plus autoritaires, un tel acte n’aurait pu être posé impunément au vu et au su de tout un peuple. Pendant qu’on y est, pourquoi pas un cabinet de Madame la Première ministre ? Dieu du ciel, comment et pourquoi les Sénégalais acceptent-ils une telle humiliation, un tel mépris de la part d’un vieillard qui, dans l’organisation sociale du foyer sénégalais, n’aurait même plus droit à la parole ?
Où sont ces brillants intellectuels sénégalais ? Les assises nationales ont mobilisé toute la crème sénégalaise. Et pourtant face à une si grande aberration, personne ne bouge, personne ne dit mot. Comment voulez-vous que le peuple bouge, vous les responsables de l’opposition qui vous battez à coups de déclarations insensées sur une hypothétique candidature unique, vous, intellectuels bardés de diplômes, spécialistes en ceci ou en cela ? Et vous syndicalistes, leaders de mouvement, leaders d’opinion, imams et oulémas, guides religieux etc. ?
Si chacun d’entre vous existe en tant que tel, n’oubliez surtout pas que c’est par et pour la population sénégalaise, si infime soit-elle. Le bas peuple est au plus bas. Cette complaisance devant l’insolence, le mépris, le pillage et l’arbitraire du pouvoir, ne vous grandit aucunement. Le Sénégal se noie, il boit de l’eau, et ce naufrage n’épargnera aucun citoyen sénégalais où qu’il soit. Soyons sûrs et certains que demain, l’histoire rappellera le magistère autoritaire du président Wade, mais aussi la culpabilité de tout un peuple qui a délibérément abandonné sa souveraineté.
Alioune Ndao FALL Chargé de la Communication Apr de France
Le bleu, le blanc et le sang
Souleymane Jules Diop Jeudi 15 Jui 2010
« Je ne fais point fléchir les mots auxquels je crois :
Raison, progrès, honneur, loyauté, devoirs, droits,
On ne va pas au vrai par une route oblique »
Victor HUGO
C’est un paradoxe qu’au lieu de magnifier la grandeur des peuples pendant les fêtes nationales, l’on célèbre la puissance des Armées. La réussite d’une fête nationale se mesure encore au nombre de soldats, de canons, d’avions et de chars de combat que l’on fait défiler sous le regard de dignitaires admiratifs. Chose curieuse, ce sont les peuples qui sont souverains, pas les Armées. Et quand il leur a fallu se libérer du joug d’un dictateur, les hommes et les femmes épris de liberté se sont battus à mains nues. Pour de nombreux peuples, la tyrannie n’est d’ailleurs jamais venue de l’extérieur, mais de l’intérieur des frontières. C’est encore plus juste pour ce qui concerne la France où la haute société se congratule pour un évènement qui devrait être celui de la gens ordinaire.
Le 14 juillet, est célébrée la prise de la Bastille. Ce fut, à n’en pas douter, l’œuvre du peuple parisien contre une forteresse tenue par des forces militaires acquises au roi de France. Et c’était pour prévenir une invasion de l’armée, qui menaçait de descendre sur Paris le lendemain et mater la révolution naissante. De nombreux combattants de la liberté, sans armes, sans munitions, ont payé de leur vie pour que la France devienne la République de l’égalité, contre un ancien régime basé sur l’inégalité et les privilèges de naissance. La révolution française n’était pas la première révolution puisque, nous l’oublions bien souvent, celle américaine l’a précédée d’une dizaine d’années. Mais elle était de loin la plus retentissante, du fait de la part prise par les grands philosophes des Lumières dans la formulation de ce qui est devenu l’Etat de droit. Cette prétention à l’universalité n’était pas un vain mot. Partout dans le monde, la République française nouvelle a soutenu les peuples dans leurs luttes de libération contre les monarchies.
J’ai donc trouvé atterrant qu’au moment de célébrer cet instant unique pendant lequel la liberté des peuples a pris le dessus sur l’arbitraire des dictateurs, la France aligne sur un même fronton 13 chefs d’Etat africains parmi lesquels des assassins, des tyrans et des monarques. Parmi tous les chefs d’Etat présents à la cérémonie du 14 juillet, seuls Yayi Boni et Toumani Touré sont dignes de respect. Ils étaient les plus discrets. Le protocole a encore renforcé cette symbolique qui marquera encore longtemps les consciences. Les chefs d’Etat devaient être à distance de Nicolas Sarkozy selon l’ordre d’ancienneté. Cela veut dire que plus vous durerez au pouvoir, plus vous serez honoré devant la France et son chef. Puisque les vrais démocrates ne restent jamais longtemps au pouvoir, le président français s’est trouvé au milieu de la scène entouré de deux putschistes sanguinaires, Idriss Déby et Blaise Compaoré. L’image était plus que frappante. Le père de la Françafrique et le premier auteur de coup d’Etat en Afrique noire étaient eux aussi représentés par leurs fils, Ali Bongo et Faure Eyadema. Tout cela est bien honteux. Mais j’ai trouvé un petit réconfort, en découvrant Abdoulaye Wade au loin, avec la faribole d’héritiers flamboyants. Ils sont la représentation caricaturale de tout ce que la révolution du 14 juillet 1789 était sensée combattre : le régime héréditaire et les privilèges de naissance qu’ils étalent sans aucune finesse.
C’est mal payer tous les Africains qui sont morts dans toutes les guerres du siècle dernier au nom de la France. Je ne dis pas là qu’elle est responsable de tous nos malheurs. Mais elle a souvent fait les yeux doux à nos dictateurs, quand elle ne les a pas aidés à conquérir le pouvoir. Dans bien des cas, la France est intervenue pour maintenir au pouvoir des dictateurs, quand ses intérêts stratégiques se sont trouvés menacés. Le cas le plus mémorable est sans doute celui du général Déby. Il y a, sur ce point encore, une image saisissante lors de ce défilé du 14 juillet. Les parachutistes français ont été largués avec les drapeaux de nos pays, comme s’ils étaient encore les garants de notre souveraineté.
Sur ce plan, nous attendions mieux du président Sarkozy. On parle du geste qu’il vient de consentir en faveur des anciens combattants. Mais la meilleure manière d’honorer les Africains qui sont morts pour la France, c’est de cesser de soutenir les dictatures qui maintenant leurs compatriotes dans l’asservissement. Il a laissé agir d’obscurs mafieux liés à des intérêts qui ne sont même pas ceux de la France. Robert Bourgi, que nous savons tous lié à Abdoulaye Wade et à son fils, a ainsi soutenu sans la moindre gêne, avoir eu l’oreille tendue de l’Elysée quand il a fallu confier le pouvoir gabonais à Ali Bongo. C’est une honte que la FranceSi par malheur, Abdoulaye Wade réussissait son plan diabolique, ce serait, il est vrai, l’échec de toutes les forces progressistes du Sénégal, mais aussi celui de la France. Elle ne peut pas laisser ses anciennes colonies tomber, les unes après les autres, dans cet absolutisme fantoche.
Mais s’il venait aux dirigeants de la France de se laisser tenter par de telles menées, le peuple français nous fournit un bon exemple. Aucune dictature, même la plus puissante, ne peut résister à la volonté d’un peuple de se libérer d’un joug. Quand Abdou Diouf partait en 2000, il n’était un secret pour personne qu’il avait le soutien de son ami Chirac. Habib Thiam avait des relations aussi étroites avec Lionel Jospin. Ils avaient avec eux la police, l’armée et la gendarmerie. C’est la détermination du peuple sénégalais qui les a fait partir. C’est à mon avis, l’enseignement qu’il faut tirer de cette célébration du 14 juillet.
Pour que la France renonçât définitivement à la monarchie de droit divin et au régime des privilèges, il lui fallut décapiter son roi, qui se prenait pour le représentant de Dieu sur terre. La prise de la Bastille a été le fait de quelques milliers de personnes déterminées à se libérer du joug d’un roi qui avait le soutien de toute son armée et de toutes les monarchies d’Europe. J’ai noté que Karim Wade a choisi cette date, pas celle du 4 avril, pour s’exprimer sur une question qui regarde d’abord les Sénégalais, la succession. Pour moi, il existe un nommé Karim Wade, né en France le 1er septembre 1968, fils d’Abdoulaye Wade, de nationalité française, et de Viviane Wade, de nationalité française. Cet homme, nous ne laisserons personne nous l’imposer. C’est insulter les Sénégalais que de prétendre, comme il le fait, que les milliards qui lui sont dévolus, les nombreux ministères qu’il dirige, il les tient de sa seule compétence. Que le pouvoir s’hérite ou se mérite, notre détermination ne faiblira jamais. Pour résumer notre situation qui était aussi celle des républicains face aux royalistes de 1789, Karim Wade partira ou le Sénégal périra.
SJD
Auteur: Souleymane Jules Diop