dans les transactions bancaire
L'usure (riba) dans les transactions bancaires et les finances islamiques
En débutant sa prédication prophétique par le concept d’Iqra, le Noble Prophète Mohammed (Pslf) établissait ainsi la recherche du savoir et donc l’éducation comme une obligation religieuse et une condition de notre humanité et de développement des forces productives bien avant la reconnaissance, par la société des nations, de l’éducation comme un droit fondamental. Ainsi sacralisée, l’éducation devient un instrument de conscientisation de l’homme, d’édification d’une société plus juste et plus humaine, sans oublier son rôle dans le progrès scientifique et technologique.
Cependant, les musulmans, pour avoir négligé une telle recommandation divine et prophétique, cause de leur retard, sont obligés de se tourner de nos jours vers des systèmes visant à étouffer les croyances des peuples et des nations. Dès lors, l’avantage de l’éducation se tourne en négativité lorsque des connaissances exogènes s’imposent au niveau de la créativité, suscitant pour le récepteur le dur problème du déracinement religieux, moral ou culturel.
Aussi ces angoisses doivent et peuvent être combattues, en envisageant le transfert des connaissances dans une perspective mohammadienne renouvelée ‘de transmission de la créativité’. En définitive, il s’agit de voir comment, en utilisant ces connaissances nouvelles exogènes, des pays dépendants peuvent trouver une voie originale, tout en s’appuyant sur leurs croyances pour développer leurs forces novatrices dans le monde (…)
Les savants et intellectuels du monde musulman doivent tout mettre en œuvre pour : mener des études et recherches approfondies sur les règles relatives aux transactions économiques et commerciales dans l'espace islamique et extra islamique, pour relever les défis lancés par le monde contemporain afin de stabiliser les économies qui sont pour la plupart désorientées. Ceci donnerait une vision futuriste en partant d'une perspective islamique originelle. Par exemple, orienter les recherches sur les opérations bancaires habituellement ; lorsqu'on discute du sujet de la prohibition de l'usure, la question qui se pose est de savoir si son abolition n'aboutira pas à l'arrêt de tout le système des opérations bancaires, alors qu'on sait que les opérations bancaires constituent une partie essentielle de notre vie moderne. La réponse à cette question demande que nous discutions le problème en détail.
L'objectif fondamental de l'Islam étant l'émancipation des gens de toute forme d'asservissement matériel ou doctrinal, il accorde l'attention requise dans le domaine économique aussi, à tous les facteurs qui restreignent la liberté d'action et mènent à la servitude de manière générale. Il a fixé des règles pour assainir la situation pernicieuse qui prévalait jusqu'alors. L'une de ces règles est la prohibition de l'usure, dont l'interdiction catégorique par le Saint Coran a été faite en plusieurs étapes.
Dans une première étape, la pratique de l'usure fut déclarée détestable et l'attention attirée sur le devoir de satisfaire les besoins sociaux des nécessiteux sans penser au profit : ‘Ce que vous donnerez, versez à usure pour accroître vos biens aux dépens des biens d'autrui ne les accroît pas auprès de Dieu, mais ce que vous donnez en aumônes tout en désirant la Face de Dieu, (Sa satisfaction) Ceux-là verront leurs récompenses multipliées’ (Sourate Al Roum. Verset 39).
Dans une deuxième étape, le Saint Coran a dénoncé les usuriers juifs pour leur pratique de l'usure malgré le fait qu'elle était interdite par leur propre religion et il leur a promis pour cela un châtiment douloureux : ‘C'est à cause de ce qu'ils prennent des intérêts usuraires qui leur étaient pourtant interdits et parce qu'ils mangent illégalement les biens des gens. A ceux d'entre eux qui sont mécréants Nous avons préparé un châtiment douloureux.’ (Sourate Al Nisaa (les femmes).Verset 161).
Dans une troisième étape, le Saint Coran a interdit l'intérêt exorbitant et redoublé en ces termes : ‘O les croyants ! Ne pratiquez pas l'usure multipliant démesurément votre capital. Et craignez Dieu afin que vous réussissez !’. (Sourate Ali Imran. Verset 130).
Enfin, dans la quatrième et dernière étape, l'usure a été prohibée dans son ensemble et assimilée à un acte de guerre et d'hostilité vis-à-vis de Dieu et de Son Prophète. On a demandé aux musulmans de rendre les intérêts qu'ils avaient perçus et cette exigence a été considérée comme l'une des conditions de la foi : ‘O les croyants ! Craignez Dieu ! Et renoncez au reliquat de l'intérêt usuraire si vous êtes des croyants. Mais si vous ne le faites pas, attendez-vous à la guerre de la part de Dieu et de Son Prophète’. (Sourate Al Baqara. Verset 278 et 279).
Habituellement, lorsqu'on discute du sujet de la prohibition de l'usure, la question qui se pose est de savoir si son abolition n'aboutira pas à l'arrêt de tout le système des opérations bancaires, alors qu'on sait que les opérations bancaires constituent une partie essentielle de notre vie moderne. La réponse à cette question demande que nous abordions le problème en détail.
L'activité bancaire peut être scindée en deux parties distinctes. L'une est liée à l'intérêt ; par contre l'autre ne l’est. La première inclut des fonctions comme celles qui ont trait aux lettres de change, au paiement des chèques, aux comptes courants, aux comptes d'épargne sans intérêts, au change de devises, etc. La seconde inclut l'offre de prêt commercial, agricole, industriel, professionnel, de constructions des maisons à usage d'habitation, etc. La première sorte d'activités facilite beaucoup la vie et les transactions commerciales et n'a d'effets nuisibles ni sur l'individu ni sur la société. Les avantages et bien d'autres que nous offre le système d'opérations bancaires, ne peuvent pas être niés, et il serait stupide de les négliger. Par leur vaste organisation et leur sérieux, les banques rendent un service très utile en satisfaisant ce genre de besoins de la vie, et cela suffit pour justifier la nécessité de leur existence.
La prohibition de l'usure, quelle que soit son ampleur, n'entrave en aucune façon le fonctionnement de telles activités bancaires. Dans la société islamique, l'Etat et les individus peuvent, tous deux, mettre en œuvre des institutions qui se chargent de telles fonctions financées par le prélèvement d'un pourcentage qu'elles exigent pour les services qu'elles rendent, et ce sans se limiter à l’usure.
On ne voit pas pourquoi les banques, au lieu d'accomplir gratuitement les transactions du compte courant, d'offrir un intérêt pour les comptes d'épargne et de couvrir leurs dépenses en imposant un intérêt aux emprunteurs, ne demanderaient pas une commission adéquate sur les comptes courants et les comptes d'épargne, de la même façon qu'elles le font pour les traites et les lettres de crédit. Auquel cas, elles pourraient non seulement couvrir leurs dépenses, mais aussi réaliser des bénéfices sans pratiquer l'usure.
Ceci dit, la prohibition totale de l'usure par l'islam n'entrave en aucune façon la marche des activités bancaires de la première catégorie ni ne prive la société islamique de tels moyens utiles et bénéfiques à la vie sociale. En ce qui concerne la seconde catégorie d'activités bancaires, elles ne visent pas, dans la majeure partie du monde, un pur bienfait économique. Leur but principal est l'usure, doublée de l'acquisition du pouvoir et la formation de grands cartels. Les bienfaits économiques et les progrès des connaissances et de l'industrie, même si on en prend soin, ne sont considérés qu'en deuxième position.
Finances islamiques : II - La prohibition de l'usure n'empêche pas la réunion de capitaux importants
Les banques sont toujours à l'affût des projets les plus intéressants pour l'investissement de leurs capitaux au plus fort taux d'intérêt possible. Si, dans certains cas, il leur arrive de prêter de l'argent pour renforcer l'économie d'une société ou d'une nation, elles le font en réalité uniquement pour servir leur propre intérêt et non celui de la société ou de la nation en question. Ces capitalistes prédateurs sont assez avisés pour se soucier de la perpétuation de la source de leurs profits. Ce sont des sangsues avisées. Lorsqu'elles mordent un corps, elles n'en sucent pas trop de sang, car elles ne veulent pas qu'il tombe totalement épuisé. Elles y laissent un peu de vie pour qu'il puisse continuer à lutter entre la vie et la mort et préserver ainsi leur intérêt.
En effet, il est vrai que la réalisation de vastes projets industriels et agricoles ainsi que les progrès scientifiques et technologiques dans les domaines de l'industrie et de l'agriculture exigent des investissements considérables. Mais il n'est pas nécessaire que ce grand capital appartienne toujours à des particuliers ou à un nombre limité de personnes. En outre, le moyen de se procurer un capital important ne se limite pas à la pratique usuelle des pays capitalistes consistant à demander aux banques des prêts à plein ou à bas intérêt. De grands fonds peuvent être constitués de capitaux provenant de petits capitalistes, réunis dans des sociétés par actions ou des sociétés coopératives, dont les capitaux seront investis dans les projets de développement.
On n'a pas besoin de demander de l'aide de grands capitalistes ou d'usuriers. Le profit de telles sociétés, si profit il y a, sera distribué entre un grand nombre d'individus, ce qui assure une certaine justice sociale et prévient la concentration et la thésaurisation des richesses entre les mains d'un nombre limité de profiteurs préoccupés de satisfaire leur soif de plaisir.Donc la prohibition de l'usure n'empêche pas la réunion de capitaux importants. Elle empêche seulement l'émergence de grandes fortunes capitalistes et c'est ce que l'Islam veut justement et qui a été préconisé par la plupart des savants.
Par ailleurs, un Etat soucieux de ses intérêts, de ceux de ses populations peut faire des investissements sur une grande échelle dans de grands projets industriels, et agricoles, d'une façon bien meilleure que des privés. Etant donné qu'un bon Etat juste représente les intérêts de la nation, l'investissement qu'il fait sera naturellement utilisé au mieux dans l'intérêt de la nation. La nationalisation des grandes industries par les Etats pays, et leur action dans la construction de barrages, de routes, de chemin de fer, de lignes maritimes dans le secteur public, montrent que les grands investissements ne sont pas le monopole des grands investisseurs capitalistes et des usuriers.
On pourrait objecter que la nationalisation par certains Etats des secteurs névralgiques de leur économie est un échec et que, pour cette raison, il vaut mieux qu'ils laissent la gestion des affaires économiques et même les autres secteurs du développement comme l'éducation, la santé, la reconstruction et le développement aux mains des privés, soumis à la loi de la libre concurrence.
Les Etats doivent s'abstenir de s'impliquer directement dans de telles activités. Leur devoir consiste seulement à entreprendre des projets spéciaux et à fixer les grandes lignes au mieux de l'intérêt de la nation. Et là encore, le devoir de l'Etat sera d'ouvrir des banques spécialisées dans le secteur public afin d'offrir des prêts sans intérêt aux individus et aux institutions privées et de contrôler, par conséquent, l'économie du pays.
Une telle position offre automatiquement à l'Etat une opportunité de donner la préférence aux intérêts de la nation sur les intérêts particuliers des emprunteurs et de s'assurer que le capital de la nation ne tombe pas dans les mains des profiteurs et des thésaurisateurs privés. L'Etat peut imposer des taxes lourdes sur les profits réalisés par les bénéficiaires de ces prêts et en utiliser la rente en faveur de la nation. Cela peut, là encore empêcher l'émergence de prédateurs capitalistes et vivant dans le luxe et le dévergondage, et prévenir l'apparition d'un fossé profond entre les classes de la société.
Pour ce qui concerne la deuxième et la troisième question, il y a deux façons possibles d'en traiter :
1 - Créer des entreprises en vue d'avancer des prêts sans intérêts à des individus ou à des groupes de personnes. Allah a promis des récompenses abondantes pour ceux qui avancent des prêts sans intérêts et à considérer cet acte comme meilleur même que l'offre d'aumône et l'aide à autrui. Si cette action est bien organisée et accompagnée d'une bonne information, ce genre d'entreprise tendrait à devenir populaire. Même de nos jours, de telles entreprises existent.
2 - L'établissement de banques non usuraires si la méthode ci-dessus s'avérait inadéquate, il est là encore, du devoir de l'Etat d'établir des banques en dehors du budget public pour avancer des prêts professionnels, industriels, agricoles, immobiliers... Pour couvrir les dépenses courantes, ces banques peuvent percevoir des charges de service, mais elles n'ont le droit de percevoir aucun intérêt sur le prêt lui-même.
En conclusion, la prohibition de l'usure ne gêne aucunement les avantages sociaux ou économiques des banques. Les vraies opérations bancaires non usuraires, fondées sur les charges de services, ne sont pas usuellement légales, mais elles constituent aussi un devoir national obligatoire pour toute la communauté musulmane dans son ensemble. Ce qui est visé par la prohibition de l'usure, c'est l'intérêt usuraire et l'émergence d'une classe de profiteurs parasites et jouisseurs.
Ceci dit que l'idée qui a toujours prévalu dans certaines consciences musulmanes interdisant à ces derniers de profiter des intérêts générés par les dépôts bancaires me paraît incompréhensible si nous constatons bien ce qui est mentionné plus haut. Alors que les avoirs bancaires des musulmans domiciliés dans les banques occidentales sont estimés à des dizaines de milliards de dollars dont les intérêts ne sont jamais reversés aux vrais ayants droit qui les jugent illicites (500 milliards d’intérêts). Ce qui pousse, en revanche, ces banques tutrices de ces comptes de reverser ces sommes colossales aux œuvres caritatives et de bienfaisances de leurs pays respectifs, laissant ainsi la grande masse des musulmans de ces pays dans la paupérisation avancée. Tout ceci à cause d'une compréhension étriquée de la jurisprudence originelle islamique.
C'est là que, nous partageons entièrement l'idée avancée par Me Abdoulaye Wade, président en exercice de l'Oci, lorsqu'il disait dans son discours d'ouverture lors du 11e sommet de l'Oci à Dakar : ‘Nous ne devons pas rester les bras croisés et attendre que les économies occidentales se partagent les fonds arabes. Nous devons donc créer les conditions pour que ces fonds arabes s'investissent en Afrique…’. Et également lors de son discours de l’ouverture du premier Forum sur les finances islamiques dans l’espace de l’Uemoa, tenu récemment à Dakar et de la rencontre des Oulémas d’Afrique.
L’utilisation des fortunes provenant des réserves de pétrole et du gaz ainsi que les autres ressources que regorgent les terres des pays musulmans doivent être mises au service du développement économique d'autres pays musulmans sans exception. Ces revenus devraient servir à aider les pays musulmans les plus démunis à se développer. Sinon la notion de Ummah deviendrait une utopie. (A ne pas faire l’amalgame entre le système bédouin arabo-capitaliste qui a entraîné la chute de Dubaï et le système bancaire islamique originel).
Le souci qui nous anime est loin de prétention mais de faire connaître les différents enseignements islamiques dans une vision d'ensemble et de faire percevoir l'esprit de ces enseignements, semble d'autant justifié qu'à un moment où l'Islam suscite beaucoup d'intérêt, provoque beaucoup d'incessantes interrogations et fait l'objet de tant de controverse, il souffre d'une double incompréhension ou méconnaissance : d'une part, une certaine frange de ses adeptes qui ont tendance à se contenter d'observer la lettre des prescriptions islamiques sans se soucier de refléter dans leurs pratiques l'esprit de ces prescriptions et, d'autre part, une incompréhension de la part d'un grand nombre de gens qui s'ingénient à critiquer tel ou tel précepte de l'Islam qu'ils ne voient que de l'extérieur, sans se donner la peine de les replacer dans leur contexte général pour comprendre leur réelle raison et leur véritable signification.
Il n’y a rien d'anachronique ni de paradoxal dans le mouvement de retour à l'Islam qui se dessine de plus en plus clairement, en cette époque d'immenses progrès et réalisations technologiques, puisque l'ensemble et la diversité des prescriptions de l'Islam correspondent à des vérités éternelles et immuables d'où leur éternelle actualité. (Fin)
Chérif Abu Jafar MBALLO Consultant mballosherif@yahoo.fr
Références bibliographiques :
• Le Saint Coran
• Al Bank Al La Rabawi Fil-Islam, (la banque non-usuraire en Islam, du Grand Ayatollah Seyyed Mohammad Baqer Sadr).
• Iqtisadouna (Notre Economie), du Grand Ayatollah Seyyed Mohammad Baqer Sadr.
• Sharae-oul Islam (Les lois de l'Islam) de Mohaqiq Hilly
• Kitabul Bay'a (le livre de vente) de l'Imam Khomeini
• Tahrirul Wassilat (l'affranchissement des moyens) de l'Imam Khomeini
• Minhadjous salihina (La voie du musulman) du grand Ayatollah Khomeini
• Questions et réponses du grand Ayatollah Khamanéi
Chérif Abu Jafar MBALLO Consultant mballosherif@yahoo.fr
Penser le Benno à partir du Deggo : II - La stratégie des pôles homogènes
Il y a eu beaucoup de tintamarre ces derniers temps ; tintamarre qui semble compenser, pour certains, l’angoisse qui jaillit de l’impossibilité mentale, qui est la leur, d’un projet tel que le Benno. En effet, il ne s’agit point de clamer, déclamer et réclamer sans cesse une évidence partagée par tous, mais de procéder à un saut qualitatif grâce au comment : Quelles pourraient être les modalités de construction et de consolidation de notre coalition pour la victoire ? Sans donner l’impression ou se situer dans une logique de partage du ‘gâteau national’, mais en faisant bien comprendre qu’il s’agit de sauver notre ‘bateau national’.
Les conditions d’émergence de Benno Siggil Senegal trouvent leurs sources dans la conscience progressive des leaders de l’opposition que l’union était la condition minimale pouvant permettre une alternative à l’alternance wadienne. De cette conscience sont nées, cahin-caha, différentes formes d’organisations en vue de rendre possible une autre alternance.
• Des coalitions efficaces à l’occasion des scrutins de listes, mais pour l’instant inaptes au moment de l’élection présidentielle
En effet, au lendemain de la défaite du Ps, parti majoritaire depuis les indépendances, le champ politique sénégalais a connu une profonde recomposition. La bipolarisation autour du Ps et du Parti démocratique sénégalais (arrivé au pouvoir en 2000) depuis 1974, cède la place à un champ partisan multipolaire, où les adversaires d’hier deviennent les alliés d’aujourd’hui et les adversaires d’aujourd’hui les alliés d’hier, sans oublier les adeptes de la ‘tortuosité’. Dans ce maelström, l’idée - à tort ou à raison - qu’aucun parti ne peut gagner seul les élections, fait son chemin et est liée à celle que Wade mène tout droit le pays à la catastrophe.
C’est ainsi qu’apparaissent différentes tentatives d’unification de l’opposition où chaque étape marque principalement des retrouvailles et élargit en même temps la base de la coalition. D’abord, dans une approche de concertation pour avoir un minimum de cohérence face aux manœuvres du régime libéral : c’est l’émergence du Cadre permanent de concertation (Cpc) qui sera à la base des coalitions futures ; ensuite, pour faire face à des revendications liées au processus électoral avec Clarté (Comité de lutte et d’action pour la régularité et la transparence des élections). Ces tentatives scellent lentement, mais de manière certaine, les retrouvailles entre des adversaires d’autrefois (Ld, Pit versus Ps) ou des adversaires plus récents (Ps versus Afp).
Ces précédents cadres d’échanges et d’actions, ponctuels, sont abandonnés progressivement pour des coalitions structurées en vue de conquérir le pouvoir. On peut noter par exemple la Coalition pour l’alternative (Cpa), elle sera suivie du Front Siggil Senegaal et de la coalition victorieuse du Benno. Le changement sémantique n’est pas neutre - on passe de ‘cadre’ à ‘coalition’ - il démontre la ferme volonté de l’opposition de bouter le pouvoir libéral et sa coalition hors des commandes de l’exécutif et du Parlement. C’est d’ailleurs en ce sens qu’il faut comprendre la redoutable manœuvre de Wade lorsqu’il repousse les législatives de 2006 et les fait précéder par la présidentielle de 2007.
Dans le contexte historique spécifique ouvert depuis 2000, il est, nous semble-t-il, important de préciser que l’élection présidentielle à venir ne sera pas ‘la rencontre entre un homme et le peuple’. Elle sera plutôt, au regard de ce que représente la fonction au sein de nos institutions actuelles, le moment crucial du choix entre deux coalitions où chacune est porteuse d’une promesse d’avenir : approfondir notre démocratie, consolider notre République ou bien nous inscrire à long terme dans une ‘république bananière’ et un régime familiste.
Comme observé plus haut, la diversité des partis de la coalition - notamment dans leurs itinéraires historiques - rend difficile la construction d’outils de mesure ‘objectifs’ de la représentativité et du poids de chacun. Les suffrages exprimés à l’occasion de différents scrutins, tant nationaux que locaux, le nombre d’élus par formation politique, etc., utilisés souvent sous d’autres cieux pour régler le problème de leadership, ne sont pas encore applicables au Sénégal en raison de l’équilibre instable que connaît notre système partisan. Ces outils ne disposent pas de la longue durée pour mesurer, de manière fiable, la représentativité de toutes les formations.
L’organisation de primaires réservées aux militants au sein de la coalition élargie aux membres de la société civile, qui nous apparaît comme la solution idoine, est lourde à mettre en place. Il nous faut donc inventer, imaginer d’autres possibles.
• La stratégie des pôles homogènes : Construire un ticket Tanor/Niasse au niveau de l’exécutif, s’ouvrant sur les nouvelles générations et équilibré au niveau du parlement et de l’autorité judiciaire par les autres forces de la coalition.
Notons tout d’abord que la génération actuelle des leaders de l’opposition est à la croisée des chemins : restaurer la démocratie ou fermer la parenthèse de 2000 et ouvrir la voie à l’inconnue. De la même manière que la génération précédente (celle de la période coloniale) avait le choix entre subir le joug colonial ou s’unir pour s’en libérer. A ce titre, la phrase d’Amadou Mahtar Mbow, qui figure en épitaphe, garde toute sa pertinence et est au cœur de la consolidation de notre coalition : ‘L’unité ne peut avoir comme socles que la vérité et la sincérité’. Quelques vérités sont donc bonnes à dire… même en politique et même si toute vérité n’est pas toujours bonne à dire.
Il est difficile pour une personne sincère et de bonne foi de réfuter l’idée que Ousmane Tanor Dieng est incontestablement le secrétaire général légitime du parti majoritaire de la coalition, à savoir le Ps, sans lequel le Pds ne peut être défait ; que Moustapha Niasse, leader de l’Afp, dispose d’atouts considérables à travers son carnet d’adresse et son expérience sur l’échiquier international ; qu’il est de bonne guerre que Macky Sall, leader de l’Apr, tente de bénéficier, à ses risques et périls, de la ‘prime à la victime’, élément structurant du champ politique sénégalais et que l’Apr a pu très vite se faire une place de choix dans l’arène politique.
Il est également difficile pour une personne sincère et de bonne foi de réfuter l’idée qu’Amath Dansokho a campé, de manière progressive, la figure morale de la coalition ; que le leader de la Ld, Abdoulaye Bathily, dans sa constance, est l’un des rares leaders à n’avoir pas régressé en terme de suffrages exprimés quand bien même que ces suffrages se situent le plus souvent autour des 5 De même que Cheikh Bamba Dièye est de ceux qui incarnent la figure des générations montantes.
L’approche par les pôles homogènes peut utilement nous permettre de dépasser la contradiction liée au leadership au sein de notre coalition. L’émergence de nouveaux acteurs au sein de celle-ci, voire l’irruption de certain d’entre eux, entraîne une reconfiguration de la base électorale des partis dans le sens d’une répartition de cette base et, aussi, de son élargissement. Reconfiguration dont il faut tenir compte dans l’élaboration de nos stratégies, à défaut d’outils de mesure adéquats.
Cette reconfiguration va dans le sens d’un élargissement lorsque les assises électorales de chacun des membres de la coalition sont différentes. Dans ce cas, celles-ci, parce que complémentaires, s’ajoutent en augmentant le poids de la coalition, et dans le cas contraire, c'est-à-dire lorsque les membres de la coalition ont la même base électorale, il y a une répartition selon un principe de vase communicant. Dans ce dernier cas, le mouvement des électeurs d’un parti vers un autre parti membre de la coalition est neutre du point de vue de cette dernière.
Dans le contexte actuel, seules les stratégies d’élargissement sont gagnantes. En cas de candidatures multiples au premier tour, il faudra raisonner en termes de pôles homogènes regroupant les partis qui ont à peu près les mêmes profils d’électeurs. C’est en ce sens que des candidatures issues de Ps et de l’Afp risquent d’affaiblir fortement la coalition parce que ces deux parties ont la même base électorale. De même que des candidatures issues du Pit et de la Ld affaiblissent également la coalition. Il en est tout autre lorsque les candidatures s’appuient sur des profils électoraux différents. C’est pourquoi une candidature issue de l’Apr ne léserait pas forcément la coalition Benno. Encore faudrait-il tout d’abord gagner ‘la mère de toutes les batailles’, à savoir la transparence des élections, sans laquelle tout effort serait vain et éviter que chaque parti ait un candidat. Une limitation des candidatures nous paraît nécessaire afin d’éviter une trop forte dispersion de l’électorat ; ainsi qu’un pacte de second tour à instituer : le mieux placé au premier tour bénéficie du report des voix des autres partis au second tour.
C’est donc au regard de ces considérations qu’il nous faut un ticket Tanor/Niasse ou Niasse/Tanor, c’est selon, au niveau de l’exécutif. Schéma complété au niveau des autres institutions de la République par les autres partis membres de la coalition. Ce schéma ne devra pas, non plus, insulter l’avenir et donner toutes leurs places aux générations montantes. Ce dispositif pourra être complété par la création d’une instance de gestion concertée de la transition sur une législature, instituée par une constituante et au sein de laquelle la société civile comme contre-pouvoir et garant des engagements pris pourra jouer pleinement son rôle. Dans cette structure inédite, les membres des Ans - au premier chef desquels M. Mbow - pourront apporter leur caution morale de même que des personnalités comme Ousmane Sow, Penda Mbow, Mansour Sy Djamil, Youssou Ndour, Bara Tall, etc. C’est donc à ce schéma qu’il nous faut nous atteler avec les gens de bonne volonté ! (Fin)
Magatte-Lô SOW Club Socialisme et République