voyage de noces ou en farniente
Opinions pour Copenhague
La lettre et l’esprit de cette grand-messe nous invitent tous, de quelque latitude du monde qu’on soit, à procéder à un sérieux examen de conscience. Ce n’est pas un principe intellectuel encore moins du romantisme, c’est une question d’instinct de conservation : nous ne vivrons pas deux fois !
Autrement dit : on ne meurt jamais deux fois. Et parce que cela est une évidence incontestable, il s’agira - à Copenhague - de radioscopie sans complaisance du monde, le nôtre, ouvert sur toutes les catastrophes et calamités et en proie à tous ses démons. Dieu, on le sait toutes et tous ici, a déserté notre planète. Il ne veille plus sur nous, il nous épie. Froid et sans état d’âme ! Seule notre intelligence, mixée au devoir de poser des jalons sûrs d’un avenir habitable pour nos enfants, nous permettra de combler ce vide et de dénaturer la nature actuelle de l’univers. Et l’Afrique, dans tout ça se demandera-t-on ? On oublie trop souvent l’Afrique. Et s’il advient par acquis de conscience qu’on la considère, c’est juste pour la galerie. Tout le monde oublie l’Afrique sauf Maître Abdoulaye Wade. L’Afrique elle-même s’oublie ! Mais, récapitulons…
A Copenhague, il va s’agir de trouver un consensus à fin de sauver la planète. Il s’agira, pour ce qui nous concerne, par la voix de nos délégués à cette rencontre, de mettre au grand jour, ‘ce que le Sénégal apporte’. Je propose, comme produit à mettre dans la calebasse, une proposition qui est un plaidoyer pour une fédération planétaire ou, simplement, une agence planétaire dotée de pouvoirs pour régler les problèmes de la biosphère. On ne peut plus, désormais, résoudre les défis économiques, écologiques ou même les grandes questions de société sans une vision planétaire et une pensée globale. Ce qui me paraît souhaitable, c’est que l’Onu soit en quelque sorte, la matrice de ce type de pouvoir planétaire et que se développent une opinion publique et un civisme mondial, afin que ce ne soit pas encore et encore une formule purement technocratique qui règle les défis mondiaux de plus en plus complexes. Les choses dont on souffre - et dans le fond, c’est cela la crise planétaire - c’est qu’au moment où tout est solidaire, on assiste à des processus de dislocation. Nous avons bien quitté le 20e siècle et avec ce millénaire nous vivons une grande et grave période d’incertitudes. L’illusion d’un présent apaisé, d’un futur assuré et de progrès garantis par l’Histoire est en agonie. Il s’agit de la ramener sur les rails de la vie. Nous entrons et nous sommes déjà dans un monde nouveau plus que précaire, où tout est à la fois déchiré et noué, où tout - heureusement - est interdépendant. Il nous faut résister et apprendre à vivre avec cette réalité. Christophe Colomb ne savait pas où il allait, mais il a découvert l’Amérique. La compréhension et la sagesse nous arrivent toujours en retard.
En toute époque, la conscience a été en retard sur les évènements. Nous ne serons jamais maîtres absolus du futur, mais nous pouvons au moins être conscients de notre ignorance et avoir des stratégies en fonction de l’incertitude. Une réforme radicale de penser et de la pensée s’impose ! Notre éducation et notre culture nous ont appris à toujours séparer et compartimenter les choses, jamais à les rassembler, hélas. Aujourd’hui, et pour des raisons qui tiennent à notre survie, nous devons tout re-lier ! Nous savons, tous, qu’un système vivant n’est pas isolé de son écosystème. Ce qui existe et prévaut dans tous les systèmes, ce sont des interactions dans lesquelles il faut situer chaque phénomène particulier. Il ne faudrait pas que la complexité du réel paralyse nos esprits !
A Copenhague, il faudra, de vive voix, dire et avouer les risques qui guettent l’humanité et, inévitablement, nous menacent de mort foudroyante et certaine. En 1940, quand Winston Churchill a fait son fameux discours en disant : ‘Je vous promets du sang, de la sueur et des larmes’, il a été compris 5/5. Il serait triste que les délégués du Sénégal aillent à Copenhague comme on irait en voyage de noces ou en farniente. Nous sommes plus que jamais dans une civilisation qui accumule les problèmes et les difficultés. Mais c’est dans ce monde-là qu’il nous faut agir. Selon le principe du poète allemand, Hölderlin, qui disait qu’ ‘avec le péril croit aussi ce qui sauve’.
Le message du Sénégal à Copenhague doit être, systématiquement, une invite à parier pour l’improbable et à accepter et faire accepter, au monde entier l’idée que nous sommes encore dans l’âge de fer de la planète et que nous ne serions qu’à la préhistoire de l’esprit humain.
Elie-Charles MOREAU Ecrivain/Editeur Président de la commission ‘Culture, Artisanat, Tourisme et Loisirs’ du Conseil économique et social leforumdespoetes@yahoo.fr