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Abdoulaye Wade : ‘'la définition que donne la communauté internationale de la pauvreté est un trompe-l'œil''
22 Janvier 2008 16:00 heure de Dakar
(APS) - Le président Abdoulaye Wade a dénoncé, mardi à Dakar, l'idée que les Nations unies se font de la pauvreté, estimant que ce fléau ne peut seulement se mesurer par le nombre de dollars que détient journellement un individu.
‘'La définition que donne la communauté internationale de la pauvreté, moins d'un dollar par jour (et par personne), est un trompe-l'œil. Les OMD (Objectifs du millénaire pour le développement) ne me satisfont parce qu'ils ne comprennent pas l'exigence d'un environnement sain par exemple'', a affirmé le président Wade.
Il présidait la cérémonie d'ouverture d'une réunion de la Banque islamique de développement (BID), qui se poursuit jusqu'à mercredi.
Selon les organisations financières internationales, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international notamment, une personne est considérée comme pauvre lorsqu'elle vit avec moins d'un dollar par jour.
Il faut ‘'que la communauté internationale change sa conception de la pauvreté'' par la prise en compte d'une ''série de besoins fondamentaux de l'homme''.
‘'La pauvreté, c'est un manque de soins de santé primaires, c'est l'analphabétisme, un manque d'eau potable...'', a-t-il cité entre autres signes.
‘'Nous passons toujours à côté de l'essentiel. Qu'il s'agisse de la Banque mondiale, de vous (responsables de la BID'', a conclu M. Wade.
Les ‘'performances insuffisantes'' de l'Afrique subsaharienne ne lui permettent pas d'atteindre les OMD, selon la BID
22 Janvier 2008 15:45 heure de Dakar
(APS) - Les performances réalisées par les pays d'Afrique subsaharienne sont ‘'insuffisantes'' pour leur permettre d'atteindre les objectifs du millénaire pour le développement (OMD), estime la Banque islamique de développement (BID).
‘'Les performances économiques des pays d'Afrique subsaharienne sont insuffisantes pour leur permettre d'atteindre, à l'horizon 2015, les OMD'', indique la BID dans un communiqué remis mardi à la presse à l'ouverture d'une réunion de la BID destinée à examiner un programme spécial de développement à l'intention de ses 22 membres du continent.
‘'Alors que la plupart des régions du monde sont en bonne voie en ce qui concerne la réalisation des OMD, les pays d'Afrique subsaharienne ont peu progressé dans ce sens'', constate la BID qui fédère 27 pays.
‘'Une attention particulière doit être donc accordée à ces pays en accord avec l'esprit de solidarité islamique'', préconise-t-elle.
Le président Abdoulaye Wade, qui présidait la cérémonie d'ouverture de cette rencontre qui prend fin mercredi, partage cet avis.
‘'Très peu de pays pourraient atteindre ces objectifs dans les délais fixés. Il n'y a pas d'amélioration significative de la pauvreté dans les pays d'Afrique subsaharienne'', a soutenu M. Wade.
Les OMD ont été identifiés en 2000 par les Nations unies et doivent être atteints par les pays membres au plus tard en 2015. Y figurent la réduction de moitié de la pauvreté et de l'analphabétisme.
PROJET D’UNE BANQUE POPULAIRE DE SOLIDARITE
Pour « éradiquer » la pauvreté
Par Mamadou Lamine DIEYE | SUD QUOTIDIEN | lundi 21 janvier 20
La « Daahira Al Ouma » (La Nation) était samedi dernier à Rufisque dans le cadre de la mise en place de ses cellules locales, entamée depuis huit mois sur l’ensemble du territoire national, en prélude à la tenue de sa première Assemblée générale prévue le 16 février prochain. Le premier responsable moral du bureau du comité d’initiative de l’organisation, Dr Imam Mouhamadou Bamba Sall, en a profité pour jeter les bases du projet de création de la « Banque populaire Al Ouma ».
Ce projet sera créé par et pour les 6 millions d’adhérents visés durant les cinq prochaines années, avec « un capital de départ, sur cotisation des divers membres, d’au moins 15 milliards Fcfa ». Aussi, à l’opposé des banques classiques et des systèmes financiers décentralisés existant à l’heure actuelle et « qui ont montré leur impertinence et leurs limites pour éradiquer la pauvreté », « Al Ouma Bank », une sorte de banque des pauvres, cible prioritairement les personnes vulnérables, mais aussi les étudiants, les ouvriers, « en leur octroyant des prêts sans intérêts », selon le premier responsable moral du bureau du comité d’initiative de l’association « Daahira Al Ouma ».
Celui-ci s’exprimait samedi dernier à Rufisque, dans le cadre de la mise en place des cellules locales entamée depuis huit mois sur l’ensemble du territoire national en prélude à la tenue de sa première assemblée générale prévue le 16 février prochain.
À l’en croire, Al Ouma est « un démembrement de l’Apec, association qui a obtenu son récépissé depuis 1987 ». Pour éclairer la lanterne du nombreux public qui a répondu en masse à son invitation pour les besoins de la mise en place de la Cellule de Rufisque, il a estimé que Al Ouma trouve toute sa particularité dans le fait qu’ « elle n’est pas une association encore moins d’obédience islamique ». Autrement dit, elle se veut plutôt « une Daahira ouverte à tout sénégalais sans distinction de religion, d’ethnie, de sexe, de catégorie socioprofessionnelle ou d’appartenance politique ». Aussi, sa création se justifie pour la bonne et simple raison qu’au Sénégal, « il y a plus de 3000 associations qui ont été créées dont les associations islamiques qui ont englouti à perte plus de 300 milliards F Cfa », dira le Dr Bamba Sall. Et tant qu’elles sont, « elles n’ont eu aucun impact sur l’Islam encore moins sur la réduction de la pauvreté des personnes défavorisées », a - t-il poursuivi
Aussi, pour avoir étudié pendant une trentaine d’années les programmes en matière de solidarité nationale et de lutte contre la pauvreté, mis en œuvre et réussis dans des pays comme la Tunisie, le Pakistan, l’Indonésie, l’Amérique latine… « qui sont parvenus à éradiquer la pauvreté chez eux », l’Imam Sall s’est inspiré de toutes ces expériences en les adaptant au contexte sénégalais. Il se dit persuadé que « c’est possible d’en faire autant au Sénégal ».
Aussi, à la date du 19 janvier 2008, Al Ouma revendique « l’adhésion de 518 mille membres composés de sommités intellectuelles, des notabilités religieuses (musulmans, chrétiens, athées), coutumières et politiques mais aussi des sénégalais hommes et femmes de toutes conditions sociales et professionnelles », a soutenu l’Imam Fall. Et l’assemblée générale de la « Daahira », qui aura lieu le 16 février 2008, devrait consacrer le lancement officiel des activités d’Al Ouma « pour non pas lutter contre la pauvreté mais la vaincre définitivement au Sénégal », a conclu Dr. Sall.
NÉGOCIATIONS TRIPARTITES
De quatre, les points à discuter sont passés à huit
Par Mamadou Lamine DIEYE | SUD QUOTIDIEN | vendredi 18 janvier 2008
Les quatre points qui devaient faire l’objet de discussions des négociations tripartites et qui étaient retenus par les parties lors rencontres tripartites des 4 et 8 janvier 2007 qui se sont tenues à la Primature ont évolué à huit points. Ainsi, le travail des commissions techniques mises en place à cet effet en vue d’examiner les possibilités ou pas d’accéder à la demande des travailleurs, en tenant compte d’un ensemble de paramètres pouvant avoir un impact sur l’amélioration de leur pouvoir d’achat, devient de plus en plus difficile.
Du fait du contexte difficile dans lequel baignent les entreprises, mais aussi de l’impatience des travailleurs représentés par 18 centrales syndicales de voir leur sort amélioré, les commissions techniques mises en place dans le cadre des négociations tripartites Etat-Patronat-Syndicats ont du pain sur la planche. Compte tenu des intérêts divergents entre employeurs et travailleurs et du temps insuffisant (elles doivent rendre leurs conclusions le 30 janvier 2008), un retour à la case départ n’est pas à écarter. Rien que la situation des denrées de premières nécessité ne concerne pas moins de quinze produits. Si l’on y ajoute tous les éléments qui constituent l’environnement des ménages en général et le panier de la ménagère en particulier, alors la coupe déborde.
Les points sur lesquels les commissions doivent se pencher qui sont également passées de quatre à huit, ont corsé les choses. Elles concernent entre autres l’amélioration du pouvoir d’achat, la protection sociale, l’augmentation des salaires, la révision de la convention collective interprofessionnelle et loi sur la presse.
S’y ajoute la relance des entreprises en difficultés, le règlement des droits des travailleurs des entreprises liquidées ou en liquidation et enfin la baisse des loyers. Et même si cet ordre a été remanié pour permettre de regrouper sous la thématique de la baisse des denrées et-où de l’amélioration du pouvoir d’achat, les modalités proposées par les travailleurs, les discussions ne seront pas tout aise pour trouver des solutions consensuelles. Il convient de rappeler que ces modalités sus mentionnées sont constituées par la baisse de la fiscalité sur les salaires, la baisse des denrées de première nécessité, celle des services et des loyers.
En ce qui concerne l’augmentation généralisée des salaires, ou pour le moins la partie réservée à l’amélioration du pouvoir d’achat des travailleurs, elle sera examinée après le calendrier de discussions établi. Celui-ci établi doit s’achever le 30 janvier 2008. En tout cas, c’était de cela dont les parties aux négociations étaient convenues d’un commun accord le 8 janvier dernier après la rencontre qui s’est tenue à la Primature, comme consigné du reste dans le protocole d’accord.
RÉGIMES DE RETRAITE DE L’IPRES
Les limites usées du système de la répartition
Par Bakary DABO | SUD QUOTIDIEN | jeudi 17 janvier 2008
La recherche d’une retraite décente semble ne pas être sur la bonne voix pour répondre aux attentes des assurés. A l’image du système de la répartition qui régit l’Institut de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres), et qui, au vue de certains acteurs, « a atteint réellement ses limites ».
La journée de réflexion que la Fédération sénégalaise des sociétés d’assurance (Fssa) a tenu ce mercredi 16 janvier à Dakar autour de « La problématique de la retraite au Sénégal », a permis de soulever les difficultés qui caractérisent le système de retraite au Sénégal. Exposant sur « Le système de retraite à l’Ipres », Papa Babou Ndiaye, responsable des études et ex directeur technique de l’Ipres (Institut de prévoyance retraite du Sénégal), a conclu que « le système de la répartition a atteint réellement ses limites dans la recherche d’une retraite décente au regard d’un financement qui ne tue pas les entreprises ».
Cette situation se caractérise par un ensemble de facteurs dont le niveau de la pension de retraite qui est jugé largement insignifiant par rapport au salaire. Papa Babou Ndiaye avance que l’objectif qui était de 50% en 1958 et qui était respecté jusqu’en 1972, correspondait à un taux d’annuité de 1,33% (garantie réglementaire). À l’en croire, « aujourd’hui ce taux d’annuité est égal à 0,98%, soit une réduction de 26% ». Une réduction qui, d’après lui, « est due à la baisse du taux contractuel d’un point et de la variation dans le temps des pensions moins élevée que celle des salaires ». Ainsi, a-t-il ajouté, au terme de 30 années de services, le travailleur reçoit 29% ; soit un peu plus d’un quart de son salaire soumis à cotisation, donc moins du quart si son salaire dépasse le plafond. Pour l’ex directeur technique de l’Ipres, l’existence du plafond et la faiblesse des pensions avait déjà poussé les cadres vers les années 1970 à réclamer une couverture retraite complémentaire. Il a rappelé que « le régime complémentaire né en 1973 apporte un taux d’annuité de 0,6%, ce qui correspond à une retraite complémentaire de 18% du salaire soumis à cotisation pour 30 années de cotisations ».
Pour rappel, l’Ipres gère deux régimes de retraite notamment le Régime général de retraite au profit des travailleurs du privé et des agents non fonctionnaires de l’Etat et celui complémentaire des cadres au profit des travailleurs cadres des deux secteurs susvisés.
Par ailleurs, le constat est que la retraite reste encore faible par rapport aux attentes des assurés et par rapport à une retraite décente. Ainsi, ce round de la situation amène le secrétaire général de Fssa, Vadiourou Diallo, a se poser la question de savoir : « Qui n’a pas connu dans son entourage, une personne qui, à la fin de sa vie professionnelle, a vu son standing de vie immédiatement se dégrader du seul fait de son passage de l’état de salarié à celui de retraité ».
Selon Papa Babou Ndiaye, c’est cette raison combinée à la recherche d’une retraite décente que l’Etat veut instituer des fonds de pensions gérés par la capitalisation. Sur la même lancée, le directeur de cabinet du ministre d’Etat, ministre de l’Economie et des finances, Mme Néné Mboup Dieng, rappelle que l’Etat a initié un vaste programme de réformes pour répondre aux exigences d’établir un système de retraite sûr. Pour le secrétaire général de la Fssa, Vadiourou Diallo, les changements paramétriques survenus ne sont pas suffisants. « Les prestations des caisses obligatoires de retraite, malgré les réformes paramétriques déjà effectuées, restent insuffisantes. Le taux de remplacement moyen se situe encore autour de 33 % d’où une baisse de 66 % du pouvoir d’achat de l’ex travailleur ». A son avis, la nécessité de compléter les rentes servies par les caisses publiques, ne fait de doute dans l’esprit d’aucun sénégalais.
Ainsi, il dit être persuadé que les solutions à apporter face à ce problème « passeront nécessairement par une coexistence harmonieuse entre le système de retraite par répartition qui symbolise la solidarité intergénérationnelle entre travailleurs et retraités et le système de retraite par capitalisation qui fait à l’effort individuel d’épargne, sans lequel aucune économie ne saurait se développer ».
DISTINCTION - Nominé Jeune leader mondial : Karim Wade dans le népotisme concret
Le président du Conseil de surveillance de l’Anoci voit sa distinction par le Forum de Davos comme un moyen d’élargir la «Génération du concret». Alors que ses mérites personnels sont encore à chercher.
«Je dédie cette distinction à la jeunesse sénégalaise, particulièrement à celle qui n’est pas encore dans le concret.» Tel a été le commentaire de Karim Wade, hier, en marge de la signature de la convention de développement de la Zone économique spéciale intégrée de Dakar (Disez) sur la distinction qui lui a été faite par le forum économique mondial de Davos. Le président du Conseil de surveillance de l’Anoci déclare avoir été informé de cette distinction vendredi dernier. «Mais», ajoutera-t-il, «la chose elle-même avait été décidée il y a déjà quelques mois». Pour d’autres informations sur la question, on sera obligé de se tourner vers la dépêche d’agence, qui a été reprise hier dans certains journaux, et qui avait communiqué la nouvelle.
Il y est dit que ce sont ses compétences professionnelles qui ont valu à Karim Wade d’être nommé «Jeune leader mondial 2008». Citant une «source proche du comité de sélection», mais qui, néanmoins, «a préféré garder l’anonymat», la dépêche déclare : «La distinction de M. Karim Wade est une reconnaissance à son expérience, ses réalisations professionnelles, son engagement à l’égard de la société et sa capacité à contribuer au devenir du monde à travers un leadership éclairé.» De par cette distinction, Karim Wade rejoint, pour cinq ans, un groupe de 200 à 300 personnes âgées de moins de 40 ans, issus de domaines et de spécialités diverses, mais «avec des opportunités hautement visibles pour pouvoir intervenir de façon significative sur les affaires du monde et changer l’agenda mondial», et qui pourront profiter du «réseau multidimensionnel et global» qu’ils intègrent, afin de «promouvoir la richesse et la paix à travers le monde». L’autre élément de distinction de ces jeunes leaders, est qu’ils se seraient distingués à travers le monde.
On ne peut manquer, dans cette affaire, de relever certaines petites, disons, bizarreries. D’abord, certains des très proches collaborateurs de M. Wade fils, contactés avant-hier pour en savoir un peu plus sur la distinction de leur mentor, ont avoué ne pas être en mesure d’en dire plus que ce que déclarait la dépêche d’agence. L’un d’eux nous a même déclaré ingénument que lui aussi, il avait appris la nouvelle à travers cette agence de presse. Et la dépêche d’agence cite comme source de l’information, une personne souhaitant conserver l’anonymat. Pour une information qui devrait faire la fierté de «toute la jeunesse sénégalaise, particulièrement celle qui n’est pas encore dans le concret», comme dit le récipiendaire, quel besoin y a-t-il à s’en cacher ? L’autre étrangeté dans cette affaire, c’est l’organisme qui a accordé cette distinction à Karim Wade. Il est dirigé par une personne réputée très proche de lui, M. Richard Attias, de Publicis. Ce rival heureux du président français, Nicolas Sarkozy, est en effet chargé d’organiser annuellement la grande messe de Davos, où se retrouvent certaines sommités du monde politique et économique, et dont le Président Wade est l’un des hôtes les plus fidèles, depuis qu’il est à la tête de l’Etat. Or, le même Attias a obtenu le marché de l’organisation de la Conférence de l’Oci à Dakar. Et l’on a également appris dernièrement, que le Chef de l’Etat voulait accorder à sa structure, l’organisation du Festival mondial des arts nègres (Voir Le Quotidien n°1509 du 17 janvier 2008).
Tout cela pousse à se demander le niveau de sérieux de cette «distinction». Pour prendre au mot le fils du Président, qu’est-ce qu’il y a de concret dans les mérites qu’on lui attribue ? Nulle part, on n’a encore jamais vu Karim Wade faire étalage de talents de manager dans ce pays. La seule chose qu’il a eu à diriger, c’est l’Agence nationale de l’organisation de la conférence islamique (Anoci). A cela s’ajoute, on l’a appris hier, le comité de pilotage du projet de zone économique spéciale intégrée de Dakar. Hors de ce cadre, Karim Wade n’a jamais encore, à notre connaissance, monté une entreprise, ni dirigé une structure où ses capacités de manager ont été établies. Ses collaborateurs et lui se vantent toujours de ce que l’Anoci ne gère pas d’argent, même dans le cadre des travaux d’infrastructures dont elle a la charge. Et même pour ce qui est de la gestion ordinaire, c’est plutôt le directeur exécutif qui est le véritable patron de la boîte, qui en gère le quotidien. Et à cette «station» d’ailleurs, le bilan est loin d’être élogieux. L’Anoci avait démarré en fanfare ses activités, en déclarant pouvoir achever toutes les infrastructures qui lui avaient été confiées pour le Sommet de Dakar. Il n’a pas fallu bien longtemps au président de la République et à son fils, après avoir obtenu le report de ce sommet à cause de leur impréparation, pour avouer piteusement, que ni les routes à refaire, ni les hôtels à construire, n’allaient être prêts pour la rencontre de mars 2008 à Dakar. Et cela, malgré des milliards de nos francs qui y ont été engagés.
Dès lors, Le Quotidien, comme ces nombreux jeunes Sénégalais qui ne sont pas encore dans le concert, aimerait qu’on le rassure. Si Karim Wade n’avait pas été fils de président, et plus proche conseiller de ce dernier, aurait-il été primé par le forum économique de Davos ? Cette distinction, que beaucoup contestent déjà, n’est-elle pas juste un manteau de plus que l’on veut tailler à M. Wade le fils, pour lui préparer un avenir… concret ?
Mohamed GUEYE
Le système de santé sénégalais à l’épreuve des ‘consultations gratuites’
L’histoire de la progression de la santé montre qu’un problème est à peine résolu qu’un autre se pose. La cible de ce fait d’une meilleure santé pour tous ne cesse d’évoluer. Les demandes et les pressions qui s’exercent ainsi sur les responsables que nous sommes, de même que les attentes des populations sont plus grandes qu’auparavant. La question centrale reste aujourd’hui le paradoxe d’un champ potentiel théoriquement infini offert à la médecine technique et le petit nombre de situations réelles qui en bénéficient. Toute pratique médicale étant indissociable des réponses qu’elle doit fournir, ces évolutions ont entraîné, au cours des dernières années, des difficultés qui remettent aujourd’hui en question les modalités actuelles d’exercice de la médecine et ébranlent parfois sa légitimité. Si des avancées significatives en termes de couverture sanitaire ont été enregistrées lors de cette dernière décennie dans notre pays, force est de constater qu’il n’existe pas encore une adéquation parfaite entre la charge en soins occasionnée par la maladie et la capacité de prise en charge de nos structures de santé.
Par ailleurs, les nombreuses critiques qui sont adressées au corps médical, même si elles ne portent pas souvent sur leurs compétences cliniques, concernent cependant des aspects importants, comme ceux relatifs aux lacunes dans l’aptitude élémentaire à la prise en charge des malades en tant qu’êtres humains, la mauvaise communication, l’absence d’amabilité, le manque de délicatesse, bref, de tous les aspects d’une bonne relation interpersonnelle que la société est en droit d’exiger de ses prestataires de soins. Tout ceci explique, en partie, qu’une frange importante de la population sénégalaise soit justement méfiante à l’égard des réponses institutionnelles, et ceci que ce soit dans le champ du sanitaire, du social, de l’insertion par l’économique. Leur approche exige donc des stratégies qui permettent le temps de lever la récusation, et d’instaurer une rencontre relationnelle humaine positive qui les sorte de cette situation négative. Alors que les jeunes médecins après huit années d'études et plusieurs stages dans des structures de santé, attendaient prestige et reconnaissance, ils se retrouvent souvent isolés dans ce nouvel espace médical qui se caractérise comme dans la majorité des pays sous-développés, par l’insuffisance des moyens techniques et thérapeutiques, et frustrés de ne pas pouvoir construire une relation thérapeutique selon la stricte logique médicale. Ces médecins se trouvent alors constamment piégés dans leur confrontation avec la réalité du champ socio-sanitaire. De ce fait, si le métier de médecin est caractérisé par un savoir scientifique qui se veut universel, les médecins sont aussi forcément des acteurs sociaux qui participent à la définition du sens et de la fonction de leur profession sous l'effet de l'espace social, économique, politique qui la sous-tend. Comme le dit si bien Simon Darioli, ‘la pratique médicale ne saurait être dissociée du temps et de la culture dans lesquels elle s’inscrit’.
Dans un contexte où le monde des soins se révèle tout particulièrement perméable aux mutations, entraînant innovations et interrogations, il est plus que jamais nécessaire de s’interroger sur ce que pourrait être un système de santé sénégalais convenable comme objet d’une offensive démocratique. Comment devons-nous faire pour que notre politique sanitaire soit scientifiquement fondée, génératrice de soins de qualité et plus d’équité, acceptable pour le public et politiquement réaliste, sans non plus céder à la naïveté innovante ?
Confrontée depuis des années aux pressions de l’Etat gestionnaire et à l’insatiable appétit de bien-être des citoyens modernes, la santé publique sénégalaise misa sur trois stratégies complémentaires : (1) - une orientation stratégique très forte de prévention, le but principal étant de contribuer à l’élaboration de politiques favorisant la promotion de la santé et mettant l’accent sur les relations réciproques entre population, environnement, mode de vie et santé ; (2) - l’accessibilité des soins de qualité par des investissements massifs dans les infrastructures et dans les ressources humaines ; (3) - l’encouragement de modifications organisationnelles et institutionnelles qui vont dans le sens d’une meilleure accessibilité des soins pour tous. C’est cet appel pressant à la solidarité et à la responsabilité citoyenne qui générera des enjeux éthiques qui sont, par nature, différents de ceux soulevés par les interventions traditionnelles. Toutes les évolutions constatées dans le domaine de la santé ont, de ce fait, transformé la logique de l’offre et de la demande des soins en ce qui concerne leur organisation et leur distribution, et fait apparaître de nouveaux acteurs qui légitiment et contrôlent ces transformations.
La montée en puissance d’organisations voulant s’investir dans la santé constitue une des données marquantes de ces dix dernières années. Ce n’est sans doute pas un hasard si l’on englobe spontanément ce type d’actions dans une catégorie globale aux contours assez flous : ‘les consultations gratuites’. Véritables phénomènes de société, elles ont d’abord été l’objet d’un engouement incontestable versant parfois dans une apologétique sans nuances ; la tendance a commencé à s’inverser et la mode est plutôt à la critique. S'interroger sur le sens des ‘consultations gratuites’ est devenu aujourd’hui une nécessité. Soutenue depuis plusieurs années par une vague impressionnante de l'opinion publique, mobilisant d'innombrables concours, bénéficiant de capitaux parfois importants, jouissant d'une image médiatique très favorable, les ‘consultations gratuites’ se sont imposées comme une des rares valeurs positives et largement consensuelles de notre époque désenchantée. Se poser des questions sur le sens de leur engagement, sur leurs origines, c’est s’interroger aussi sur leurs pratiques, leurs actions, leurs cadres d’analyses. Il s’agit aussi de se pencher sur les enjeux liés aux actions de solidarité et faire surgir l’implicite qui guide la mobilisation, rendre explicite ce qui n’a pas encore fait l’objet d’un regard sur les acteurs, ou qui a pu être enfoui par une longue activité associative. Ces enjeux font irruption dans le champ de la santé, alors même que ce champ est traversé par une logique sans précédent de rationalisation administrative et économique de l’offre de soins. Nous chercherons à travers l’analyse critique ou le témoignage lié à des cas particuliers, à mieux cerner ce phénomène afin d’en dégager la signification profonde, les points forts et les limites, ainsi que les tendances à l’aube du troisième millénaire.
D’emblée, il faut dire que, bien souvent, l’action des associations est remarquable et apporte sur le terrain des réponses à des situations de déficit de soins, et interviennent là où l’Etat ne peut pas toujours le faire. Elles établissent un lien précieux auprès des populations et améliorent souvent leur état de santé. Elles posent également la question des valeurs-étalons qui structurent l’agenda national. D'une certaine façon, il y a ‘évidence’ des consultations gratuites et cette évidence est naïve comme de bons esprits peuvent le croire. Trop de précautions et de distinguos pourraient bien s'avérer démobilisateurs, nous rendant sourds à l'appel des patients. Un premier angle d'analyse pourrait être la relecture du serment d'Hippocrate et la reprise en compte des valeurs de la médecine classique. On retrouverait la probité, le désintéressement, la compétence, le dévouement, le respect du patient, valeurs estimables qui n'ont évidemment rien perdu de leur pertinence. Ces dernières s'inscrivent dans le cadre classique du colloque singulier qui se développe entre le médecin et son patient, entre une conscience et une confiance, alors que les questions que soulèvent aujourd'hui les consultations gratuites sont d'ordre collectif et revêtent donc, inévitablement, une portée politique. On peut affirmer sans se tromper, que la préoccupation des professionnels de réintroduire de l’humanité et de la sollicitude là où, dans les modèles classiques et dans leur formation professionnelle, la neutralité affective et la maladie-objet dominaient, n’est-il sûrement pas sans rapport avec le fait de vouloir participer à la transformation volontariste de la société par la lutte contre les maladies ?
Dans tous les cas, si les fondements du corpus hippocratique sont intemporels, la plupart des médecins sénégalais essaient de trouver aujourd’hui la capacité à reformuler les idées qui y sont contenues, de façon à refléter la vision, la clarté conceptuelle permettant de se doter de moyens de répondre aux attentes des populations de notre pays, et finalement de relever les défis de demain. Il faudra donc les faire coexister avec d’autres que l’on s’évertuera à renforcer dans leurs potentialités positives, c'est-à-dire contextualisées et imprégnées de la culture. Il s'agira, en fait, d'articuler à des valeurs éprouvées, une éthique de l'intervention à une plus grande échelle qui, en dépit du contexte politique dans lequel elle s'inscrit, conserve sa justesse éthique, justesse qui ne se contente cependant pas de projeter en ‘grand’ ce que la pratique individualiste réalise en ‘petit’. Cette lecture minutieuse de leur métier montre aussi des sujets sociaux qui, au final, passent beaucoup de temps à redonner un sens à leur fonction, à négocier l’étendue de leur légitimité, leur position sociale et leur statut.
Les ‘consultations gratuites’ se situent, à n’en pas douter, dans la filiation de la charité, sentiment individuel constitutif du lien social. Elles sont le fait souvent d’associations caritatives et répondent en partie à la carence sociétale, où en général chacun se soigne pour soi hors du souci de l'autre. Son succès même pose le problème d’une médecine ‘deshumanisée’. Son institutionnalisation progressive et sa prise en main par les associations relève aussi d’une nécessité sociale, liée aux progrès de l’hygiène et de la santé. Elles renvoient au caractère inconditionnel de l'exigence éthique dont se font écho l'élan de compassion qui porte spontanément et sans discussion à soulager la souffrance d'autrui. On est ainsi passé en quelque sorte d’un devoir moral inhérent au fort intérieur de chaque être à une responsabilité sociale d’organisation du vivre ensemble, incombant à l’Etat de droit.
Il faut savoir qu’au centre de toute relation sociale entre des individus, ou entre des groupes, des collectivités, il y a la relation d’altérité fondant le Eux et le Nous et qui recèle en elle-même un enjeu éthique dont ne peuvent s’abstraire les interventions sanitaires. Dans les sociétés pluralistes comme la société sénégalaise, les questions d’altérité culturelles ne peuvent être banalisées car dans l’intervention, elles sont toujours étroitement liées à l’équité, à l’égalité et aux droits, soit l’exercice même de la citoyenneté. Ce point est essentiel pour toute réflexion sur les consultations gratuites, car il dégage une solidarité entre bénéficiaires et dispensateurs de l'aide et c'est, en définitive, de leur commune humanité qu'il y va. Tout se passe alors comme si la souffrance de l'un rejaillissait sur la dignité de l'autre et qu'ensemble, ils luttaient contre l'intolérable qui les frappe l'un et l'autre. Une forme d'égalité se restaure alors au sein d'une relation qui, sinon, resterait marquée par une profonde asymétrie. C'est une égalité du même genre qui se retrouve dans la plus vieille règle de l'éthique, la règle d'or qui dit : ‘ne fais pas à autrui ce que tu n'aimerais pas qu'on te fasse’. Les activités menées par certaines associations basées en Europe (Fouta Santé, Baol Santé etc.) s’inscrivent dans la conscience d’un rapprochement avec la société d’origine. Ces associations expriment ainsi un désir d’aller vers une plus grande reconnaissance de leur histoire et de leurs référents culturels. La complexification des identités contemporaines s’exprime dans des projets de reconnaissance d’une citoyenneté plurielle fondée d’une part sur des entités territoriales et d’autre part dans des communautés culturelles.
Les ‘consultations gratuites’ confortent le passage d’une logique d’institutions à une logique de services de santé. Elles permettent la prise en compte de tous les déterminants de la santé. Elles mènent à une démarche plus vaste vers une médecine ‘citoyenne’, c’est-à-dire insérée dans l’ensemble des problèmes de la cité. (A suivre)
Professeur Oumar FAYE Directeur de la Santé