Déficit et sous-traitance de la formation pol
Déficit et sous-traitance de la formation politique au Sénégal
Les partis politiques sénégalais doivent une fière chandelle aux fondations allemandes (Stiftung) qui ont pour noms Friedrich Naumann, Konrad Adenauer ou Friedrich Ebert. Cette dernière vient de boucler, le week-end dernier, un cycle de formation en leadership politique au profit des jeunes de divers partis du paysage politique sénégalais. Ces politiciens en herbe peuvent s’estimer chanceux par rapport à leurs autres frères qui doivent compter sur leurs propres moyens et capacités pour se former et se forger politiquement.
En effet, la formation est le parent pauvre des activités des partis politiques au Sénégal. Un grand parti comme le Parti démocratique sénégalais ne dispose d’aucune structure, pour inculquer à ses nombreux militants, notamment les plus jeunes, les rudiments élémentaires nécessaires à tout engagement politique. Sur ce plan, nos formations s’en remettent paresseusement aux Stiftung qui jouent admirablement leur rôle mais ne peuvent combler les lacunes des partis politiques.
Par ailleurs, un parti digne de ce nom peut-il accepter de sous-traiter sa formation politique à des organismes de coopération étrangère ? En effet, ces derniers fournissent une formation complémentaire et générale fort précieuse sur les idéologies, les penseurs politiques, la démocratie, la bonne gouvernance et l’Etat de droit. Mais la formation de base revient aux partis qui doivent créer les conditions d’une participation éclairée des jeunes au débat politique en prenant pour modèle de préférence des figures nationales ou continentales. La formation politique permet aux militants d’avoir le sentiment profond de partager des valeurs, des références et une histoire communes, de saisir les enjeux du moment et du futur. On ne serait plus militant de Massamba ou de Mademba, mais militant du parti apte à exercer un contrôle efficace sur ses responsables et ses élus, et à participer activement à la vie du parti. Elle compense et comble les insuffisances académiques de militants ou responsables qui, faute de ressources intellectuelles, sont reléguées à des tâches subalternes comme la mobilisation ou évitent les médias de peur d’étaler leur déficit au grand jour. On ne peut défendre que ce qu’on peut comprendre.
Les raisons de ce désintérêt pour la formation sont dues au fait que cette activité ne produit pas de gains politiques immédiats et palpables dans un monde politique gagné par la tyrannie du matérialisme, de l’instant présent et du lendemain électoral. Le projet de conquête ou de conservation du pouvoir prime sur la compréhension du projet de société ou du programme politique. On compte sur le marketing politique et les spins doctors (gourous en communication) pour se construire une image artificielle qui ne résiste pas à l’épreuve du temps et des faits, sans compter que l’électorat mieux informé est devenu exigeant.
Pour ne pas servir simplement de masse de manœuvre dans la lutte des places au sein des appareils, et conquérir une autonomie politique réelle en fonction de leur poids démographique, les jeunesses politiques doivent exiger cette formation politique dans leurs partis respectifs. Celle-ci est le meilleur gage de toute promotion politique. Comme l’écrivait justement le philosophe Jacques Bouveresse, ‘en matière d’engagement, il y a d’abord des choses à savoir et à comprendre, et pas seulement des positions à prendre et des protestations à faire entendre’. Leurs formations respectives y gagneraient en crédibilité et en durabilité, grâce à un renforcement des capacités de leurs membres les plus dynamiques disposant d’arguments solides pour convaincre une jeunesse en proie à la dépolitisation et à l’’apolitisation’ face à une offre politique qui les attire de moins en moins.
Mohamed Ayib DAFFE Chargé de communication du Meel Doctorant en droit public madaffx@yahoo.fr