L’incroyable Saga entre Leukaar et Idaar
L’incroyable Saga entre Leukaar et Idaar.
Dans la nuit du Mercredi 04 novembre au jeudi 05 2009, nous étions réunis, comme d’habitude, dans la cour de la maison du vieux Kocc Alaar. Assis sur le banc de Diaxlé, devant la petite télé de notre Amicale des rescapés du Mbeuk-mi(les pirogues du désespoir et de la mort), nous regardions, les séquences abasourdissantes d’un cartoon burlesque et tragique. L’ubuesque des pantomimes et mimodrames mis en séquence dans cette BD avait stimulé la mémoire du vieux Kocc. Il était là allongé sur son fauteuil, comme absorbé par une préoccupation sévère. Son visage devint subitement grave et pensif. Entre leweul et tarkhiss, il jugea utile de nous conter la terrible saga Lui et Moi, c’est-à-dire entre Leukaar et Idaar, qui eu comme théâtre le petit village de sunugaar.
Il était une fois Leukaar, la vieille hyène rusée et usée jusqu’aux os, et Idaar le bel oiseau puissant séducteur, mais redoutable charognard, capable de plonger dans une hideuse stagnation de cloportes et de reptiles, pour y cueillir des morceaux de charognes puantes afin de satisfaire les démangeaisons de son estomac. Le vieil animal ne doit sa longévité dans la jungle de Ndoumbélaane qu’à sa ruse légendaire. Il avait réussi à se faire introniser roi dans le petit village de Sunugaar à l’ouest de Ndoumbélaane.
Les pauvres habitants de ce village, par je ne sais quelle implacable ingénuité, le considéraient comme le messie venu venger les passe-droits qui leur avaient été faits par les Renards qui ont régné, sans partage, 40 ans durant sur ce petit bout de territoire. Ils croyaient légitimement que l’exercice du pouvoir suprême allait transformer sa ruse en sagesse, c’est tout le contraire ! Pour lui Sunugaar n’était qu’une femme que l’on dépouille, humilie, trahit et viole en public et en s’en flattant. Il veut, il prend.
L’oiseau charmeur lui était en fait, son compagnon de fortune. Ils ont gravi ensemble les redoutables escarpements qui mènent au pouvoir. Mais Leukaar disait toujours que Dieu créa Adam, et lui a crée Idaar. Quelle prétention ! Il y’a peut être une part de vérité dans ses allégations délirantes ! Qui sait ? Un esprit peut avoir un enfant. Créer la plus grande statue et lui donner une notoriété internationale, c’est exaltant ; modeler une intelligence et lui apprendre la ruse est encore plus excitant ! Leukaar aimait Idaar de toutes les tendresses à la fois, comme père, comme frère, comme ami, comme créateur.
C’était son fils ; le fils, non de sa chair, mais de son esprit. Il (Leukaar) disait qu’il (Idaar) était « le jardinier de ses pensées. » Etincelante formule d’intelligence ! Il avait communiqué à l’oiseau charmeur compliqué de charognard, toute la roublardise qu’il avait en lui ; il lui avait inoculé le redoutable virus de sa tortuosité pour ainsi reprendre une brillante expression d’Idaar. Ah ça !
Cette nature ailée d’une élégance captivante, était aussi d’une éloquence spectaculaire. Il connaissait des versets du coran et même des dires du Prophète ! Leukaar lui avait infusé dans les veines ses convictions, sa conscience, son idéal ; c’est-à-dire son insatiable rage de vaincre, de convaincre et de tromper le cas échéant. Cette profonde paternité spirituelle liait Leukaar à son élève. Et puis un jour le cadavre d’un énorme pachyderme que Leukaar avait enfoui quelque part dans la forêt de Sunugaar, vint à disparaître. Il accusa Idaar et l’enchaina pendant 7 lunes au pied de la colline de koussoum qui surplombe l’île aux serpents. Le plus redoutable lieu d’isolement de Sunugaar. Il jura que son fils d’emprunt était devenu un « serpent venimeux » et sa place était désormais dans cette île sinistre et non à Ndoumbélaane.
Allez comprendre ! Dieu seul sait comment d’une nature ailée on passe à une nature rampante ! Le putatif jura ses Dieux qu’il n’a rien à se reprocher. Et que jusqu’à l’extinction de la boule de feu qui brula les ailes de son ancêtre Icare, personne ne pourra établir par des preuves irréfutables sa culpabilité.
L’émotion fut grande, l’échauffourée colossale, la rébellion démesurée. La chicane des Titans divisa Sunugaar. La batterie Leukaar et la batterie Idaar se crachaient toutes leurs politesses avec rage. Leurs lieutenants se lancèrent des boules puantes. Les dégâts furent incommensurables. L’oiseau séducteur avait soulevé tellement de sympathie que même les plus sages étaient tombés dans le panneau. D’honnêtes citoyens de Sunugaar et même de Ndoumbélaane étaient prêts à gravir les escarpements de la colline pour lui prêter main forte et le défendre. La pression fut immense, à la hauteur de l’émotion suscitée ! Le vieux prédateur soucieux de sauvegarder son trône, céda et lâcha sa proie. Requinqué par cette reculade du fauve, Idaar engagea le fer contre son mentor qu’il qualifiait désormais de « futur cadavre » et « d’ancien spermatozoïde ! » Excusez le peu !
Le vocabulaire lugubre d’un charognard ne saurait omettre d’utiliser des mots aussi virulents. « J’ai l’intention d’enlever mon maître Leukaar du trône de Sunugaar, parce que pour Moi, c’est une question de survie nationale. Je considère qu’il est devenu un danger pour le pays. » Poursuivait le séducteur ailé !
C’était un impeccable qui se croyait infaillible. Il avait une façon de parler sereine, passionnée et solennelle ; la voix brève ; l’accent grave et péremptoire ; la bouche triste et amère ; l’œil clair et profond, et sur tout le visage on ne sait quel air indigné d’un révolté intraitable. Leukaar a la ruse d’un vieux renard, Idaar la témérité d’un jeune capitaine de rébellion !
A la veille de l’Assemblée des sages du Bantaba de Sunugaar, qui doit renouveler le mandat du souverain, Leukaar proposa à son ex sherpa de fumer le calumet de la paix. Le roitelet déclara avoir était induit en erreur par des faucons du Palais qui voulaient la place de l’oiseau séducteur. Idaar signa l’armistice avec Leukaar, se présenta quand même devant le conseil pour le détrôner, mais en vain ! Le vieux fauve rusé, fut dérouté par la tortuosité de cet apôtre du non-sens qui dit oui, qui dit non, chaque fois que la roue du destin tourne à son panthéon. Il l’accusa à nouveau d’avoir emporté, en plus de la charogne du pachyderme, un trésor qui aurait pu acheter des vivres de soudure pour les populations affamées de Sunugaar.
A la veille d’une nouvelle Assemblée des sages du Bantaba, il invita à nouveau le putatif à rejoindre la tanière paternelle. Il obtempéra apparemment sans aucune conditionnalité, laissant en carafe tous les Ndoubélaanais qui avaient commis l’imprudence de l’accompagner dans son aventure. C’est à ne plus rien comprendre dans cette saga abracadabrante ! On y verrait plus clair par une tempête du désert de Ganaar !
Ces deux lascars se sont bien payé la figure de tous les Sengaarais. Quelle impudence ! Quelle injure faite à l’intelligence de tout un peuple ! Cette incroyable pantalonnade, ce spectacle affligeant de Zombies en transe, de prédateurs en aventure, fut le couronnement d’un discrédit inouï et irréversible. Ce fut la cerise qui aura fait déborder le vase ! Voilà ce qui transforma les couleuvres de sunugaar en Dragon qui crachent le feu, les cochons de paysan en tigres blessés, déterminés à mettre un terme à ce gigantesque cirque d’une férocité insoutenable. Le Peuple de Sunugaar, avec toutes ses ressources se serra autour de la Nation en péril, et se débarrassa définitivement de ce duo méphistophélique, qui a traversé l’histoire de ce petit village de Ndoumbélaane à coup de frasques et scandales politico-financiers. Quels abominables exemples ne donneraient ils pas à leurs malheureux enfants excités dés leur plus tendre jeunesse à tous les penchants brutaux et criminels. Si ce duo infernal avait été épargné, au nom de l’idéologie de l’excuse, leurs enfants auraient ils seulement aujourd’hui l’idée du devoir, de l’honnêteté, de la pudeur ? Ne seraient-ils pas aussi étrangers aux lois sociales et à la morale que les sauvages au nouveau monde ?
Excusez-moi ce coup de gueule qui ne me ressemble pas... mais je subis trop la honte de ce qui se passe dans ce pays pour taire mon émoi.
Malick Ndoye
malickndy@yahoo.com