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BOYCOTT DES LEGISLATIVES : Entre incohérence et irresponsabilité
Le Journal des Internautes | mercredi 30 mai 2007 | 64 lectures Commenter cet article Lire l
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Notre pays vit une crise profonde et le politique n’a jamais autant perdu de son crédit. Dans une telle situation critique, certains responsables de partis et de coalitions viennent de décider de boycotter des élections législatives aux enjeux très important. Notre vie démocratique en gardera des séquelles. Cette attitude démontre, encore une fois, les incohérences notoires qui habitent ces formations politiques que j’ai coutume de désigner comme des forces du « camp du passé ». Même sous leurs habits neufs, cette classe politique usée et en mal de repères depuis la défaite de la présidentielle, est en train de nous livrer un piteux spectacle.
Il y a un an, ces partis refusaient de quitter une Assemblée Nationale illégitime prenant fait et cause pour les désirs les plus machiavéliques d’Abdoulaye Wade. Leur argument majeur était qu’il ne fallait pas laisser cette Assemblée aux seuls « dépités » du PDS de peur que ceux-ci votent tout et n’importe quoi tout en ayant conscience de leur impuissance dans l’hémicycle où l’applaudissement était la règle de survie.
Aujourd’hui, ces mêmes partis d’opposition appellent au boycott de l’un des plus importants rendez-vous de notre calendrier institutionnel tant malmené et tripatouillé par Wade et ses ouailles.
Quelle incohérence de la part de ceux qui appellent au boycott ! Après avoir entraîné tous les citoyens épris de changement dans la plus grande débandade électorale de l’histoire d’une opposition politique, les voilà qu’ils lâchent le citoyen abandonné à lui-même. Pire, au lieu de tirer les leçons de la défaite des présidentielles, cette classe politique irresponsable, veut maintenant nous entraîner dans son abdication, sa démission et son manque de vision qui ont inspirée la décision de boycott. Leurs états-majors politiques, habitués aux prébendes, commencent à crier leur désapprobation, incapables qu’ils sont d’assumer ou de supporter une traversée du désert aux lendemains incertains, en véritables professionnels de la politique politicienne.
Et le citoyen dans ce jeu malsain des intérêts personnels à sauvegarder et des calculs prenant en compte toutes les données sauf les préoccupations quotidiennes du peuple, oublié, démobilisé, manipulé et trahi aussi bien par le régime que par les pseudo-opposants dont le projet est d’abord eux-mêmes. La vie quotidienne des Sénégalais est de plus en plus difficile et le sort qui leur est réservé plus qu’insupportable face à la gabegie, l’étalage de richesses ostentatoires du régime et de ses clients politiques et religieux.
Le citoyen n’en plus ! Son impression de dégoût suite aux débouchages à haut débit des égouts de la « République » a tendance à céder la place à la résignation et au désarroi. Le régime d’Abdoulaye Wade et ses inconditionnels n’en demandaient pas plus. Ils jouent sur les nerfs quitte à abuser de celui de la sale guerre qu’ils mènent contre les fondements même de l’éthique et de la morale. Ce régime, non content d’avoir échoué lorsque toutes les cartes étaient en main, a donné un coup mortel à l’ensemble des valeurs qui firent l’homo senegalinsis avec sa dignité, sa foi en l’honneur….aujourd’hui rangées aux oubliettes sacrifiées sur l’autel de l’intérêt immédiat et personnel. Nos compatriotes ont rompu aujourd’hui avec la prédisposition d’esprit qui crée la conscience citoyenne selon laquelle, la roue de l’histoire doit tourner et que rien en ce bas monde n’est éternel sinon la volonté de se débarrasser des despotes et l’aspiration à la justice sociale. Voilà le symptôme le plus visible de notre profonde crise socio-politique.
Comment, alors, devant un tel état des faits, les partisans du boycott pourront justifier leur choix lourd de conséquences ? Sont-ils encore assommés par la défaite de février dont ils doivent partager la responsabilité ? Ont ils peur que leur non représentativité qu’ils ont construite par les trahisons successives du peuple réapparaisse au grand jour ? Ou bien dans leur désespoir, veulent-ils comme le firent les Athéniens face à Sparte traverser le fleuve à pieds jusqu’à entraîner encore une fois tout le peuple dans leur noyade ?
Face à cette tempête, la dignité veut qu’on sache rester debout ! relativiser les faits politiques et la réalité qu’ils engendrent sachant qu’ils n’ont jamais de taille absolue.
Si ceux qui doivent être à l’avant-garde du combat contre la résignation devant l’absolutisme se mettent en tête dans la fuite vers l’abdication, de quel Sénégal est-il encore permis de rêver !
Le combat est tout autre. Il s’agit de former l’esprit citoyen et de faire que celui-ci devienne conscient. Abdoulaye Wade, dans toutes ses manœuvres de destructuration du Sénégal et de la société sénégalaise qu’il veut modeler et dominer s’appuie sur cette carence de conscience du citoyen qu’il croit dupe et les yeux fermés.
On ne peut pas le contrecarrer en le laissant seul sur le terrain. Les partis politiques et les élites intellectuelles doivent s’atteler à cette tâche car l’heure est grave. Il serait suicidaire pour notre idéal démocratique de laisser nos compatriotes avancer la nuque tendue vers le sillon. Avancer la tête haute dans ce combat que tout veut nous montrer comme perdu d’avance n’est certes pas aisée. Mais c’est en restant conscient du devoir qui est le sien que notre élite intellectuelle et politique pourrait se rendre compte de l’immense horizon des possibilités.
Même lorsqu’on sait que rien n’est simple, il ne faut jamais admettre que les jeux soient toujours déjà faits. Le chantier politique le plus urgent est de rendre possible l’émergence de ce citoyen conscient qui sera apte à choisir et juger, il ne faut donc ni l’abandonner ni le mépriser.
Il faudrait savoir mesurer la précarité de cette victoire d’Abdoulaye Wdae à la présidentielle de février construite sur l’endormissement massif, la manipulation des symboles religieux et l’usage des deniers publics pour acheter la conscience de ceux qu’on a affamés et privés. L’incertitude de la méthode en expliquait d’ailleurs l’abus. Elle doit nous consolider sur les limites d’un tel mode de confiscation et de conservation du pouvoir politique. Le rôle d’une opposition ce n’est de lever le camp aux premiers signaux d’une défaite qui devait malgré tout la galvaniser, tellement la cause est noble ! Il est une satisfaction qui n’est pas des moindres : celle du devoir accompli et de la dignité sauvegardée.
Les hommes politiques qui devront nous tirer d’affaires ne sont pas ceux-là qui après la défaite veulent tuer le combat politique.
Il faudrait donner sa chance à une nouvelle génération, ces jeunes qui assument leurs desseins d’opposants malgré la petitesse ou l’absence même de moyens, quelques fois au péril de leur vie, si nous ne voulons pas éternellement et douloureusement ruminer notre passé.
L’homme politique comme le citoyen conscient de la force de sa volonté ne doit pas se laisser abattre par la défaite. Il doit savoir dire non lorsque plus rien n’est en son pouvoir. S’il souffre dans l’impuissance face aux plus difficiles des situations, ce doit être avec noblesse. Quoi qu’on spolie un peuple, qu’on essaye de le dénaturer, de le corrompre pour l’asservir, on ne pourra jamais l’empêcher de conserver l’espoir.
L’opposition qui boycotte doit avoir l’honnêteté d’assumer ses responsabilités et d’avouer sa mauvaise stratégie. Elle n’a point le droit de vouloir empêcher les citoyens de s’exprimer par la voie des urnes qui reste l’une des rares possibilités non encore verrouillées.
De quel droit cette opposition qui boycotte va s’auto-qualifier de « significative » en minimisant jusqu’à mépriser les autres formations politiques qui ont eu le courage d’aller à la rencontre des citoyens et de solliciter leurs suffrages pour s’opposer au règne de l’unilatéralisme arbitraire comme elles avaient l’audace et la dignité de tourner le dos à tous les privilèges parlementaires pendant que certains boycotteurs d’aujourd’hui s’y accrochaient ?
C’est en ce sens que les Sénégalais(e)s doivent prendre leur responsabilité pour ces élections législatives et essayer de conforter les forces du refus qui restent encore sur ce terrain que l’on sait périlleux de la confrontation politique face à Wade et à son parti-Etat.
Leur laisser le terrain ne pourrait jamais être plus courageux que les combattre par le bulletin de vote.
Prénom et nom : Bakary SAMBE - Chercheur à la Maison de l’Orient à Lyon
Adresse e-mail : nangadef@hotmail.com