Cinq « questions – réponses » à M. Cheikh Dia
Cinq « questions – réponses » à M. Cheikh Diallo
Dans un entretien récemment accordé à Walf, M. Cheikh DIALLO, Conseiller du fils du Président de la République, s’est appliqué à aborder des questions majeures qui scandent, présentement, l’évolution du processus politique au Sénégal. Il y a à dire, beaucoup à dire, sur, à la fois, « l’Ethos » et le « Logos » de celui qui est présenté comme le principal « Intellectuel organique » du Clan qui capture le pouvoir dans notre pays. Mais, en écartant le débat sur les lignes de fractures conceptuelles qui renvoient à des dynamiques politistes et en mettant en avant la « phronésis» comme socle du mode opératoire critique, nous nous proposons d’investir, sur des bases simples, les tentatives de réponses apportées par M. Diallo, aux grandes questions, à lui posées. En privilégiant, par conséquent, le « Pathos », nous affrontons les propos de M. Diallo, ainsi qu’il suit :
1. Sur « l’Age du Président de la République »
Index pointé vers le Ciel et sur un ton faussement grave, M. Diallo, invite à « plus de sérieux », sur une question très sensible. Il « argumente » : « Konrad ADENAUER a été élu, en 1947, Premier Président de l’Allemagne, à l’âge de 74 ans… ». Extraordinaire ! En 1947, il n’y avait plus d’Allemagne (occupée, démantelée, dénazifiée et démilitarisée à Potsdam en juillet – août 1945). ADENAUER n’a jamais été « Président de l’Allemagne » !! Il fut élu, au lendemain de la tenue d’une Assemblée Constituante, le 22 mai 1949, Chancelier de la République Fédérale Allemande (née, suite à la transmutation territoriale de la « Trizone»). Son Election, à un âge « aussi avancé » s’expliquait par une situation historique précise : l’obligation, pour une nation vaincue et humiliée, de tourner la sanglante page de l’Hitlérisme; la défaite militaire s’accompagnait d’un lourd tribut humain annonçant la perspective de « Classes creuses » dont, aujourd’hui encore, l’Allemagne porte les stigmates ! Quant à François Mitterrand, au – delà de l’équation personnelle du personnage, sa double Election en 1981 et 1988, s’expliquait par une sévère crise de la « Droite » politique française aggravée par de grandes dérives en politique Etrangère, sur fond de crise économique et sociale aigüe. Dans tous les cas, le Sénégal n’est ni l’Allemagne, ni la France. Et les deux grandes questions auxquelles doit répondre M. Diallo, sont les suivantes :
Est – il moralement et politiquement acceptable, qu’un pays dont les 62% de la population ont moins de 25 ans, soit dirigé par un Centenaire, fût – il le « plus diplômé, du Caire au Cap » ? Les Sénégalais ont –ils tort de souligner que le Président de la République fait partie du « Top 5 » des vieillards qui dirigent des Etats ? Allons « KHEUCH »…, vous aussi !
2. Sur « l’Avion Présidentiel »
M. Diallo semble subodorer que le Président de la République ne doit point louer un Avion, que ce serait une sorte de crime de « lèse – Majesté » !
Autrement dit, il trouve « tout à fait normal » que le vieux Président de la République envisage de mettre 40 milliards sur un Avion vieux de 12 ans ! Tristounette réponse que celle –ci, aux antipodes de ce que disent nos Compatriotes ! Les Sénégalais, M. Diallo, disent, simplement, qu’ils ne comprennent pas que : lorsque 3,8 milliards sont consacrés aux inondations, à la prévision et à la maîtrise des catastrophes ; 300 millions aux Handicapés ; 250 millions à la Solidarité Nationale ; 300 millions à l’appui aux femmes dans la micro –finance ; 128 millions retirés du Budget de l’Enseignement Supérieur, en dépit de 30000 Bacheliers supplémentaires et des Haïtiens entretenus ; le montant alloué aux Bourses de 23 milliards passe à 19 milliards…, le Président s’autorise à mettre une somme pareille sur un Avion. Ce que M. Diallo semble ignorer, c’est qu’ils sont nombreux les Chefs d’Etats du monde, à ne point disposer « d’Avion Institutionnel », préférant se rabattre sur leurs Compagnies Nationales ou, simplement, louer des Avions. A preuve, le Premier Ministre d’Angleterre, M. CAMERON, préfère la location pour gérer ses déplacements à l’Extérieur ! Mais, c’est vrai et M. Diallo nous le rappelle, le Sénégal est incomparablement plus développé que l’Angleterre et a l’obligation de le valider dans ses choix! Oh, Cheikh, voyons… !
3. Sur « le Ministre d’Etat Karim Wade »
Net et péremptoire, M. Diallo, se cabre et s’offusque : « on prête beaucoup d’intentions à Karim !». Mais que non, M. Diallo ! Nous ne vivons pas sur Mars pour apprécier ce que fait M. Le Ministre de l’Etat ! M. Diallo, existe – t- il, dans l’une quelconque des séquences de notre histoire nationale, un Ministre ayant eu autant de pouvoirs cumulés que ceux dont dispose votre ami, M. Le Ministre de l’Etat ? Pourquoi en dispose – t – il ? Parce qu’il serait le « plus intelligent », le « meilleur des meilleurs sénégalais » ? Répondre par l’affirmative, serait une outrageante et grossière forfaiture morale et nous concédons de n’avoir pas franchi le pas, dans la claire conscience que, quand bien même que vous le voudriez, vous ne le pourriez ! En vérité, les Sénégalais ont trouvé des réponses qui, à vos yeux d’un Dühring contemporain, sachant Tout sur Tout et en Tout, paraissent trop banales, pour devoir être recevables ! Nos Compatriotes constatent qu’en vérité, Karim N’EST que parce que son père EST et un jour, il ne pourrait ETRE que parce que son père AURA ETE ! Présenter ce Monsieur en le parant d’oripeaux immaculés de sainteté à la mesure de la pureté d’un Archange, est une déviance pathologique dans la pensée.
Jamais, nulle part dans la gestion des « Dossiers » dont il a eu, ou a, encore, la Charge, Karim Wade n’a commis une molécule de faute, selon la logique argumentative de M. Diallo.
Celui – ci ouvre une nouvelle ère post – prophétique, tant il est vrai que même les Prophètes, humains qu’ils furent, ont fauté !!!
Non, il n’y a jamais eu d’ANOCI, jamais de Jets privés, jamais d’opérations occultes, jamais de scandales financiers dans lesquels Sa Sainteté Karim Maïssa Wade est impliqué ! Oui, nous avons tous, pauvres Sénégalais, rêvé et blasphémé, car Sa Sainteté est pure et infaillible !! Propos hallucinés d’un homme – lige qui, en plein délire, nous pense profondément endormis !
4. Sur la « Constitution » et la « recevabilité de la candidature de Wade»
Les Sénégalais ont eu droit à un cours ex – cathedra de sa Seigneurie Diallo. Maître de tous les Départements du Savoir – Savant, M. Diallo s’aventure en terrain miné. Les préposés à la Charge, les Constitutionnalistes, pour ne pas les nommer, ont du frémir en entendant les propos saugrenus tirés de quelques bribes de lectures mal maîtrisées ! Les généralités servies par M. Diallo sur le mode de la jactance et au travers de galéjades indues et de mauvais aloi, l’ont mené droit aux sables mouvants, son seul lieu « naturel » de prédestination. Les déclamations théorétiques qu’il élève au rang de doxa, l’enfoncent davantage. En tenant un discours amphigourique sur le « doute », sur une base asymétrique à celui de Descartes, il disqualifie, grossièrement, les Compétences des Juges chargés de dire le Droit ! Mais, sur cette question, l’aspect sur lequel bute le plus M. Diallo, c’est, incontestablement, quand il convoque les propos de M. Jean Paul DIAZ selon qui, « le Juge a dit Elu, non Réélu », lors de la dernière Prestation de Serment de Wade. De fait, M. Diallo accorde plus de valeur aux propos de M. DIAZ, qu’à ceux de Wade, lequel se targuait d’avoir « verrouillé la Constitution », avant de proclamer qu’il ne « pouvait plus se représenter » !!
Tenter de semer une culture de l’amnésie, c’est jouer au Petit D’ARTAGNAN, épée de bois au vent ! Ce que les Sénégalais disent, est limpide et aucune alchimie rhétorique ne saurait l’invalider : depuis le 22 janvier 2001, Tout Président Sénégalais ne pourra honorer, au plus, que deux Mandats ; que l’hypothèse d’un 3ème Mandat de Wade, est irrecevable et inacceptable. C’est vrai, M. Diallo est aussi étranger à ce que pensent les Sénégalais, que son monde est à part dans le monde infernal dans lequel vivent nos Compatriotes !
Surfant sur des fausses certitudes, introverti et papelard, M. Diallo, par un exceptionnel sortilège, se transforme en un F. Braudel des Temps Présents, en un historien qui, pour démontrer ses « talents », égrène un chapelet de Dates sur le processus d’évolution de la Constitution au Sénégal. Une fois de plus, la montagne verbale accoucha d’une puce ! Son point de repère est plus que discutable, car simplement faux.
Partir de la Constitution de 1959, pour apprécier la trajectoire Constitutionnelle du Sénégal, n’est pas, rigoureusement, fidèle à l’histoire Constitutionnelle de notre pays. Car, faudrait –il le rappeler, le 17 janvier 1959, naquit la Fédération du Mali, celle – là même qui négocia avec De GAULLE, le « transfert des Compétences », rebaptisé « Indépendance » !
Ce fut, M. Diallo, cette même Fédération qui se dota, le 20 juin 1960, d’une Constitution ! Du reste, M. Diallo, le « flou » apparent dont vous attribuez l’origine, aux Rédacteurs de la Charte Fondamentale, n’en n’est pas un : ses Articles 104 et 27 sont clairs et sans équivoque. C’est plutôt de votre côté, celui du pouvoir, qu’il faut chercher l’illisibilité de notre Constitution et de nos Lois. Essayer un « Tari » inepte et sans objet, des différentes Constitutions élaborées au Sénégal, ne saurait faire office de « Thèse ».
5. Sur l’Opposition qui « craint la candidature de Wade »
Il ne nous semble pas, M. Diallo, devoir nous étaler sur cette question, outre mesure. Déjà, Frederich Engels parlait de « fausse conscience », Hannah ARENDT de « renversement volontaire de la perspective », Jürgen Habermas de « rupture de perception » et P. Bourdieu de « trouble de la personnalité déjouée », pour caractériser le type d’attitude que vous adoptez ! Comment quelqu’un qui se réclame d’un ordre élitaire peut – il s’autoriser à poser la question d’une absurde « crainte » de l’Opposition, relativement à la Candidature de Wade ? Une Opposition qui a laminé le « Prince » des Tropiques un célèbre soir du 22 mars 2009 ? Comment et pourquoi craindre un homme au summum de son impopularité, qui, dans une irraisonnée quête de conservation du pouvoir enclenche une série de pratiques qui défient toute rationalité ? M. Diallo, dans un discours négativement surréaliste digne des pires Rhéteurs de la Grèce Antique, psalmodie et hoquète ! Vous ne comprenez pas que le combat de l’Opposition Nationale, des forces démocratiques et citoyennes contre la candidature de Wade, relève d’une position de principe fondée sur l’impératif de sauver ce qui reste de l’Etat de Droit et de la République, piétinés au quotidien, par un pouvoir au stade suprême de son agonie !
Il est triste, très triste, de constater que c’est un Monsieur pareil qui, au cœur des cercles premiers du pouvoir, joue avec nos destins, de concert avec ses maîtres dont le jeu préféré est la « danse du scalp » autour d’un cadavre qui a pour nom : Sénégal.
Prof Luc SARR, Membre du Directoire de l’Alliance Pour la République (APR)