au sort des populations, les I.C.S
Les Industries chimiques du Sénégal (Ics) : un partenaire indifférent au sort des populations
La réalité dépasse souvent l’imagination, dit-on. Ainsi il est difficile de croire qu’à Mboro, localité située à quelques encablures des Indus tries chimiques du Sénégal (Ics), l’une des plus grandes unités industrielles du pays dont les affaires se chiffrent à des milliards, des populations vivent dans une pénurie chronique d’eau et soient obligées de se rabattre sur l’eau des puits – anachroniquement – pour avoir le mini mum vital de liquide précieux, et de quelle qualité ! «Incroyable mais vrai», serait-on tenté de dire. Or il est des secteurs de la commune où le spectacle de femmes agglutinées autour de puits naguère désaffectés ou sillonnant les rues, bassine sur la tête, est devenu courant. Au poste de santé numéro 2 sis au quartier Dia meguene, selon un témoignage, les femmes manqueraient même d’eau propre pour se laver après accouchement.
Naturellement, les regards se tour nent vers les Ics, partenaire tout désigné. Il y a un bon sens naturel qui porte les populations à croire que c’est l’entreprise qui doit apporter la solution à leur problème d’eau, entre autres. Hérodote disait dans une formule lumineuse que «l’Egyp te est un don du Nil» et pour le paraphraser on peut affirmer que Mboro est un don des Ics. Mais là où le fleuve rend service, ici on ne sent pas tellement la présence de l’entreprise, socialement parlant. Or la raison d’être de la plupart de ceux qui y vivent c’est l’usine.
?) vibre une indignation contenue qui explose parfois en pathétiques manifestations spontanées vite circonscrites par des «responsables» des Ics qui viennent avec des «sucettes», comprenez des solutions toutes provisoires et lénifiantes destinées moins à soulager les populations qu’à préserver la tranquillité de «la production». Ceux qui souffrent du manque d’ eau, ce sont des ouvriers, des fa mil les d’ouvriers, d’autres travailleurs au service des ouvriers et de leur fa mille. Or, dans une sorte d’indifférence qui frise le mépris, des populations souffrent un calvaire quotidien qui a atteint une sorte de paroxysme ces dernières semaines. Les grandes douleurs sont muettes. Mais sous le silence résigné (pour combien de temps
Il est vrai qu’il y a une commission hydraulique qui gère un forage et s’emploie à approvisionner certains secteurs, il est vrai aussi que d’autres secteurs bénéficient de l’eau des Ics, mais il y a des oubliés et ils ne comptent pas pour quantité négligeable.
: on peut supporter un manque d’électricité mais pas un manque d’eau… Certaines populations ont le sentiment d’être abandonnées à leur sort. Il fut un temps où bon an mal an, l’eau coulait et l’on s’en procurait tant bien que mal. Mais voilà plus d’un mois que les tuyaux qui desservent certaines zones sont complètement secs. Les ruptures sont devenues systématiques et les citoyens sont désemparés. La sagesse populaire le dit
: des travaux devaient être entrepris par les Ics et terminés le 15 avril 2010 pour améliorer l’approvisionnement en eau et soulager certaines populations… Personne ne peut dire à l’heure actuelle où en est le projet. L’eau continue de manquer, des populations de souffrir. La mairie, occupée à compter des «bouts de chandelles», impuissante face à ce problème d’eau ? qui, du reste, ne fait pas partie des compétences dites transférées aux collectivités ? ne peut compter que sur ce partenaire qui ne semble pas faire montre d’empressement: il y a un an, suite à un mouvement d’humeur des populations excédées par la pénurie d’ eau, la promesse mirobolante d’un grand forage a été faite en grande pompe par un grand responsable indien des Ics, pour régler durablement le problème de l’eau… Ce se rait réglé dans quelques mois, on tournerait définitivement le dos au lancinant problème du manque d’eau. A ce jour, on n’a pas vu l’ombre d’un tuyau. Les bornes-fontaines demeurant sèches, et les populations désemparées commençant à s’agiter (mars 2010), une solution (encore palliative, dans la logique du bricolage et du pilotage à vue) a été préconisée Pour rappel
Le constat actuel est que dans plusieurs secteurs de la localité, les populations ruminent leur rage, se débrouillent comme elles peuvent et maugréent contre les responsables de l’usine en général et, de plus en plus, contre les indiens en particulier, pris à tort ou à raison pour responsables de leurs malheurs et soupçonnés de n’être occupés qu’à s’ enrichir (ce qui est d’ailleurs à l’origine d’un sentiment «anti-indien» qui se manifeste de plus en plus chez elles).
? ; on n’a pas besoin d’être sorti d’une Faculté des sciences pour le savoir - et les populations riveraines souffrent des effets de la dégradation de l’environnement causée par les activités sur les sites minier et acide. En retour, les Ics doivent se pencher un peu sur leur sort. On ne nie pas que l’entreprise fait des «gestes». Récemment, elle a décidé par exemple de transporter les élèves des localités environnantes qui parcouraient quotidiennement des kilomètres pour se rendre au Lycée de Mboro (encore que la décision ne fût pas spontanée). Depuis quand aurait-on dû le faire Quoi qu’on dise, l’usine pollue
: l’éducation, la santé, l’aménagement. On ne sent pas une réelle politique sociale. Et les collectivités environnantes ont souvent des attentes insatisfaites. Le fait est que l’entreprise ne marque pas sa présence là où les populations l’attendent le plus
? sous les cheminées des Ics ? Au nom de quelle politique sociale laisse-t-on pourrir des livres Récemment une entreprise sucrière au nord du pays a réalisé pour sa commune un grand parking destiné aux poids lourds et l’occasion nous a été donné de découvrir des équipements de froid conséquents installés par elle dans des salles de classe du Lycée de la localité. A Mboro, pas une seule piste de grès ou de latérite. On ne daigne même pas construire une voie de contournement pour les mystérieux camions-citernes qui traversent l’agglomération 24h sur 24 afin de déverser leur contenu inquiétant dans la mer. Et lorsqu’une coupure d’électricité noie Mboro dans les ténèbres, l’éclairage cru de l’usine et des résidences attachées crée des frustrations dans les cœurs. D’autre part, n’est-il pas aberrant, voire absurde, de laisser moisir aux Ics (au propre et au figuré), depuis plus de cinq ans, des milliers de livres dans deux conteneurs alors que les établissements scolaires tout alentour en ont besoin
En tout état de cause, les Ics doivent faire de la prise en compte de l'environnement un fait et non une simple idée, en commençant par le préoccupant problème de l'eau qui est une sorte de bombe à retardement.
Bacar NIANG - Professeur au Lycée Taïba-Ics de Mboro