Questions au Président au sujet du monument d
Questions au Président au sujet du monument de la Renaissance africaine
Depuis quelques temps, le monument de la Renaissance africaine ne cesse de susciter des réactions dont l’essentiel est plutôt défavorable. Sans vouloir entrer dans des considérations d’ordre philosophico-religieux, il convient de reconnaître qu’il y a problème. Depuis quelques temps, le monument de la Renaissance africaine ne cesse de susciter des réactions dont l’essentiel est plutôt défavorable. Sans vouloir entrer dans des considérations d’ordre philosophico-religieux, il convient de reconnaître qu’il y a problème. Comment se fait-il que chaque fois que la question est évoquée, le président de la Répu-blique perd sa sérénité ? Probablement le défaut d’argument.
Dites nous, Monsieur le Président pourquoi, alors que le monument est dédié à la Renaissance africaine, le Sénégal, pays ressortissant de la catégorie des Pays les moins avancés (Pma) il n’y a guère longtemps, doit supporter seul le fardeau de son édification. Si, comme vous semblez l’affirmer, l’idée concrétise une aspiration des peuples africains par le biais de certains chefs d’Etat, d’autres questions se posent. Pourquoi a-t-on fait l’économie du débat sur la question du pays qui devrait l’abriter et de l’endroit où il devait être érigé ? Assurément si c’était un projet panafricain, vous n’auriez eu aucune difficulté à convaincre vos pairs africains de contribuer financièrement à son édification, chacun au prorata des ressources dont dispose son pays. S’il s’agissait de valoriser l’homme africain, comment expliquer qu’il n y ait pas eu un appel d’offres international réservé aux artistes africains, exclusivement, pour la création des symboles ? L’Afrique regorge de talentueux artistes dont la valeur est mondialement reconnue. Sans remettre en cause le génie coréen, il est tout de même paradoxal de confier la réalisation d’un monument dédié à l’Afrique à des mains étrangères fussent-elles expertes.
Dites nous, Monsieur le Président, pourquoi la construction de ce monument est prioritaire par rapport à la demande sociale avec le quotidien des Sénégalais caractérisé par le coût exorbitant des denrées de première nécessité, les coupures récurrentes et intempestives d’électricité, le chômage endémique des jeunes les poussant à s’enfoncer dans les entrailles de l’océan… Sans aucun doute, les sommes mobilisées (une dizaine de milliards) auraient pu impacter positivement sur les conditions de vie des populations.
Dites nous, Monsieur le Président, alors que vous êtes persuadé de la rentabilité à moyen et long termes de votre projet, pourquoi les banques, institutions financières et autres bailleurs de fonds à la recherche de projets pertinents et économiquement viables ne l’ont pas financé ?
Dites nous, Monsieur le Président, quelle urgence y avait-il à ériger ce monument au point d’inventer une formule de financement inédite et rocambolesque consistant à brader le patrimoine foncier de l’Etat au profit d’un pseudo homme d’affaires dont l’un des «plus hauts faits» est d’avoir transhumé ? Cette démarche consistant à ne pas céder ces terres au prix réel du marché dénote probablement une volonté d’enrichir une clientèle politique qui n’a cure du bien-être des populations et ambitionnant de faire fortune à n’importe quel prix pendant que «les Sénégalais sont fatigués» ; pour paraphraser feu le président Kéba Mbaye.
Dites nous, Monsieur le Président, alors que répondant aux nombreux détracteurs de votre monument notamment des imams, vous estimiez que votre œuvre n’avait rien à voir avec la religion, en êtes-vous arrivé à la comparer à quelque symbole de la foi catholique que vous ne maîtrisez point du tout. La sagesse la plus élémentaire recommande de ne point disserter sur des sujets non possédés. La presse a bon dos. En tout cas elle ne peut, pour cette fois-ci au moins, être suspectée d’avoir travesti vos propos. Au contraire, elle s’est privée de les reprendre dans leur intégralité pour éviter de dresser contre vous une communauté que vous vous plaisez à brocarder. Connaissant vos rapports heurtés avec la presse non complaisante, il n’est nullement permis de douter que si tel avait été le cas, vous ne vous auriez pas abstenu de faire convoquer les journalistes visés à la fameuse Dic qui est devenue leur résidence secondaire. L’erreur étant humaine, la grandeur commandait de reconnaître son erreur et de présenter ses excuses. Votre discours de nouvel an à la Nation représentait l’occasion idéale. Mais, contre toute attente, rien de tout cela, si ce n’est la recherche, comme de coutume, de boucs émissaires. C’est faire insulte, de nouveau, à la communauté catholique et à son chef le Cardinal que de faire croire qu’elle serait manipulée par quelques individus.
Enfin, dites nous M. le Président, comment un chef d’Etat dont l’élection résulte de ses engagements à régler les problèmes des populations pour un mieux-être peut-il envisager, un seul instant, de s’arroger un certain pourcentage d’une œuvre qu’il aurait pensée alors que cela fait partie justement des attentes du peuple à son endroit. Ce n’est point un hasard si le Président François Mitterrand, avec l’érection, entre autres, du musée du Louvre et de la Bibliothèque de France n’avait pour seule ambition que de laisser à la postérité des œuvres majeures. Est-il besoin de vous rappeler que ni le Président Senghor ni le Président Diouf n’ont cherché, en aucun moment, à monnayer une quelconque trouvaille. Mieux, nulle part au monde, même pas dans les pires dictatures, un chef d’Etat n’a osé réclamer des «royalties» sur une œuvre érigée au moyen des deniers publics. Il convient de se ressaisir si tant est que cela est encore possible.
Adrien DIOH-consultant