Wade, un lion en cage.
Wade, un lion en cage.
Apanews : Lundi 20 Jui 2009
Le Sénégal ne peut pas atteindre tous les OMD, selon son ministre des Finances.
APA-Dakar (Sénégal) Le Sénégal ne peut assurer d’ici 2015 l’atteinte de tous les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), à cause de la conjoncture actuelle marquée par une crise financière mondiale, a déclaré lundi à Dakar le ministre des Finances, Abdoulaye Diop.
« Le rythme de croissance sectorielle noté est insuffisant pour atteindre l’ensemble des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) », a-t-il expliqué lors de la présentation de la Revue annuelle du Document de Stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP).
Selon le ministre, sur les huit points qui composent ces OMD, le pays fait face à des difficultés dans la mise en œuvre du DRSP, notamment à cause du ralentissement de la croissance économique nationale suite à la récession mondiale multidimensionnelle– économique, énergétique et financière..
« Sur les huit points, deux posent problème. Il s’agit de la mortalité infantile et maternelle lors des accouchements », a dit le ministre, précisant que des mesures sont en cours pour consolider les acquis et minimiser les contre-performances sectorielles.
S’exprimant sur l’efficacité de la Stratégie de Croissance Accélérée (SCA) « incluse dans le DSRP », M. Diop déplore l’insuffisance des dotations budgétaires, ajoutant que cela va influer sur la mise en œuvre de toutes les actions planifiées évaluées à 27 milliards de francs CFA.
TBS/od/APA
Auteur: Apanews
Lobservateur : Mardi 21 Jui 2009
Wade, un lion en cage.
Le Président Wade donne l’impression de quelqu’un qui maîtrise toute la situation. Malgré la détérioration progressive du tissu économique, la crise politique bien présente et les incertitudes face à l’avenir, le chef de l’Exécutif ne manifeste aucun signe de nervosité. Les apparences sont bien trompeuses. Me Abdoulaye Wade n’a jamais été autant acculé, depuis bientôt 10 ans qu’il est au pouvoir.
Les allers et retours d’Idrissa Seck au Palais ont ceci de bien révélateur que Me Abdoulaye Wade n’a plus toutes les cartes en main. Depuis les dernières élections locales, qui ont marqué un tournant, avec la montée en puissance de Benno Siggil Senegaal, celui qui était perçu comme la «seule constante» du Pds est ébranlé dans ses certitudes politiques. Il est clair, même s’il ne l’a pas affiché ouvertement, qu’il a activement soutenu son fils Karim Wade. Qui n’a pas su garder la forteresse Dakar, tombée dans les mains de l’opposition. En même temps que des capitales régionales stratégiques comme Saint-Louis, Kaolack, Diourbel, etc. Cette nouvelle donne ne se traduit pas seulement en termes de pertes de zones-fiefs. Il se manifeste également et surtout par une déconfiture poussée de l’appareil du Pds qui avait sciemment été déstructuré pour permettre à de nouvelles forces, favorables au fils, d’émerger. Après la «déseckisation», c’est ce que la presse a appelé à un moment donné «démackysation». Une opération de liquidation aussi bien au niveau de l’appareil d’Etat que politique du Pds, suivie de ce que nous appellerons une «karimisation» des appareils. Cette dernière opération a eu un effet négatif sur le Pds, du fait que les forces les plus représentatives ont été frappées d’une sorte d’anesthésie de leurs capacités. Une dislocation de l’élite libérale accompagnée d’une démobilisation à la base. C’est donc sans surprise qu’on a pu observer une débandade généralisée de la troupe, à l’image de la chute d’un empire, après l’effondrement des lignes de défense de la forteresse. Pape Diop, Ousmane Masseck Ndiaye, Abdoulaye Faye, etc., tous les lieutenants de Wade, se sont fondus dans la nature, après la défaite des Locales. Invisibles sur scène. Les défenseurs les plus loquaces du parti ont avalé la langue. Certains, à l’image d’Abdou Fall, pourtant très friand de médias, évitent le micro. Plus personne ne porte la parole du Pds. Les comités directeurs sont devenus rares. Le cérémonial fade et leurs conclusions presque frappées de confidentialité. En vérité, le choc psychologique issu de la défaite des Locales, n’a pas encore produit tous ses effets. Au moins une chose est sûre, le Pds sait, aujourd’hui, que perdre le pouvoir ne relève plus de simples élucubrations de journalistes ou intellectuels en quête de reconnaissance. C’est devenu une hypothèse politique crédible. D’autant plus que la cassure politique est alimentée par l’usure économique. Pour les libéraux, c’est une bien terrible révélation que de comprendre que le pouvoir peut échapper même aux mains les plus adroites. Ce n’est pas un hasard si un technicien des finances, comme Sogui Diarisso, pousse la galanterie de la sacro-sainte omerta gouvernementale jusqu’à se transformer en Cassandre de la République. Prédisant des lendemains sombres pour Goorgoorlu, alors que la situation économique est déjà intenable. Le problème est complexe. Il est à la fois dans le mécontentement de certaines autorités au sein même de l’appareil d’Etat, lié à la position taillée sur mesure pour Karim Wade (ce qui a un impact évident dans la marche des affaires de l’Etat). Le problème est aussi politique, en raison du poids du fils du Président dans l’orientation politique stratégique. Il est enfin social du fait de l’effritement bien constatable de la cote de popularité du Vieux, lié en grande partie à la crise économique. Un vrai imbroglio ! Les tentatives de Karim Wade de se tailler une place dans le cœur des Sénégalais ne sera donc pas aisée. Ce n’est pas en jouant sur le registre du symbolisme primaire, en enfourchant le pied à l’étrier un cheval blanc ou en faisant le siège d’une télévision devant un siège vide qu’on peut inverser de bien lourdes tendances. Le maquillage a ses limites. Les obstacles sont légion et bien gros.
En politique quand même expérimenté, qui a roulé le très fin Senghor dans la farine, Me Wade ne peut donc pas ignorer que le choix du Concret est éminemment risqué. La situation économique se serait-elle améliorée pour les Sénégalais qu’ils fermeraient volontiers les yeux sur la volonté affichée par la nouvelle bourgeoisie née depuis 2000, de se hisser au…sommet du pouvoir. Mais la dégradation du tissu économique ne facilite pas la tâche au Président. Et tout se passe aujourd’hui comme si sa tête lui dicte un choix rationnel au moment où le cœur émet sur un autre tempo. C’est toute la complexité de l’opération- restructuration que le Pds a engagée. Qui constitue aujourd’hui l’alchimie politique la plus risquée pour le parti au pouvoir, depuis l’avènement de l’alternance. A un peu plus de deux ans de la prochaine échéance électorale, ça passe ou casse. Parmi toutes les options qui s’offrent au Pds, celle qui propulserait Karim Wade aux commandes aggraverait la descente aux enfers des libéraux. C’est ce que d’importantes franges du Pds soutiennent en off (la peur des représailles politiques est passée par là) avec force arguments. Le temps est bien compté pour les tenants du pouvoir. Et même si le Pds réussit à temps sa mue, rien ne garantit que les populations qui ont prouvé depuis les dernières Locales qu’elles savent toujours sanctionner, vont se jeter sur la «nouvelle mariée».
Il est cependant vrai que le Président Wade garde, intacte, sa capacité de nuisance politique. Il reste constant dans sa méthode, plutôt faite de manœuvres et d’infiltrations des lignes ennemies. Sur ce plan, il est de la vieille garde politique. Derrière la main tendue se cache une «patte de Léopard». Les termes du «consensus» sont toujours manipulés. Les leaders de Benno Siggil Senegaal le savent bien, ils sont conscients que ce sont les nouveaux rapports de force qui imposent à Wade cette posture politique. Mais au-delà du dialogue et de ses pièges, les leaders de Benno Siggil Senegaal craignent beaucoup plus les opérations clandestines de débauchages de certains lieutenants de la coalition. D’autant plus que les personnalités politiques concernées par ces micmacs politiciens ne dévoilent leur jeu que dans les moments décisifs, comme les veilles d’élections. Les jeux sont loin d’être faits.
Auteur: Mamoudou Wane
Le Soleil : Mardi 21 Jui 2009
PR. ALFRED NDIAYE, SOCIOLOGUE A L’UGB : « Les imams représentaient les seuls leaders en qui la population pouvait faire confiance »
Le travail en amont effectué par les Ong et certains partis politiques, l’absence des syndicats sur le terrain et la faillite des organisations consuméristes ont, selon le Pr. Alfred Ndiaye de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, contribué à la naissance de ce vaste mouvement social contre la vie chère à Guédiawaye. Aussi, les imams sont devenus les seuls leaders sur qui la population peut compter.
Pourquoi, selon vous, ce combat est parti de Guédiawaye et pas des autres localités du pays ?
A mon avis, il faut comprendre le combat des résidents de Guédiawaye comme un combat contre la vie chère. Sous cet angle, on ne peut pas dire que le combat est parti de Guédiawaye. On peut donner plusieurs exemples où les populations de plusieurs localités à Dakar et dans les régions ont protesté contre la vie chère avant Guédiawaye. Cependant, pour Guédiawaye, on a assisté à ce que nous pouvons appeler un mouvement social, bien structuré, avec des objectifs clairs, une stratégie de lutte et une direction. C’est ce caractère de mouvement social qui fait la différence entre la protestation sociale contre la vie chère à Guédiawaye et ailleurs dans les autres localités du pays. Mais la protestation sociale contre la vie chère est bien présente sur l’ensemble du pays.
Pourquoi le collectif des imams a-t-il senti la nécessité de monter au créneau en appelant les populations au boycott, à la désobéissance civile ?
A mon avis, il ne s’agit pas d’un Collectif des imams, mais du Collectif des résidents des quartiers de Guédiawaye, qui est un Collectif multiconfessionnel et multi confrérique. Les imans sont membres de ce Collectif et servent de catalyseurs à cette lutte. Cette lecture, à mon avis, permet de comprendre le statut que les imams jouent dans ce collectif. Ils sont membres de ce collectif avec des chefs de quartiers et d’autres notables qui ont des expériences politiques. Quand on analyse le profil de certains de ces imams, on constate que la plupart du temps, ils sont des retraités de l’administration ou du secteur privé. Ce qui leur permet de rompre plus facilement avec le modèle de l’imam assisté par les populations ou les pouvoirs publics, donc, imam fragile face aux ordres dominants (l’Etat ou la direction de la confrérie). Le muliticonfrérisme de ce collectif ne facilite pas non plus son contrôle. Mais, l’élément décisif à mon avis, est constitué par le travail long et patient des Ong sur l’engagement citoyen. Guédiawaye est une zone très investie par les Ong et je pense que ce mouvement est quelque part le fruit de leur travail. Le travail de certains partis politiques y est sans doute aussi pour quelque chose. Et dès le départ, le Collectif a déclaré que son combat s’inscrit dans un cadre citoyen qui utilise des méthodes qui s’appuient d’abord sur la participation des populations qui sont les principaux acteurs. C’est le principe de la responsabilisation des acteurs eux-mêmes, de l’action à la base. Maintenant, la grande question est la suivante : dans ce Collectif des résidents de Guédiawaye, pourquoi le leadership est occupé par les imams ? Les imams eux-mêmes l’ont expliqué : faible présence des partis politiques et absence des syndicats sur ce front de la vie chère, faillite des organisations de consommateurs. A un moment donné, dans leurs quartiers, ils représentaient les seuls leaders en qui la population pouvait faire confiance pour leur demander de s’impliquer activement dans ce combat. Naturellement, ils pouvaient s’abstenir, mais leurs expériences spécifiques militaient plutôt en faveur de leur engagement.
Pourquoi ont-ils ciblé dans leur lutte, l’électricité et non les denrées de première nécessité ou encore les questions de viol ?
Pourquoi l’électricité et non les denrées de première nécessité ou les questions de viol. Pour deux raisons essentiellement. D’une part, un mouvement social structuré se fixe toujours des objectifs accessibles et consensuels et une cible claire. L’avantage de la lutte contre la cherté de l’électricité est d’avoir une cible claire, identifiable : l’Etat. Les populations, en particulier les populations urbaines, ont traditionnellement un contentieux lourd et permanent avec l’Etat et les municipalités pour des raisons évidentes. Il est plus difficile de mobiliser les populations contre la cherté des denrées de première nécessité qui, faut-il le rappeler, sont commercialisées par une frange des populations elles-mêmes. La cible est forcément floue pour un mouvement social de quartier dont les membres peuvent aussi être des commerçants qui peuvent trouver leur compte dans l’augmentation de certaines denrées. Même pour les groupes les plus engagés sur le plan citoyen, le viol n’est pas prioritaire dans leur agenda. Ce n’est qu’une question de temps.
Auteur: recueillis par Maguette Ndong