Maths au bac : Les raisons d’une hécatombe
En tant que professeur de Mathématiques, nous ne pouvons plus nous taire devant l’injustice dont sont très souvent victimes les candidats au baccalauréat. La véritable hécatombe notée cette année encore nous interpelle tous, car si on ne remédie pas à ce fléau, il est clair que c’est notre système éducatif tout entier qui va dans le mur. De manière délibérée, nous ne nous attarderons pas sur les polémiques stériles relatives à la responsabilité des uns et des autres sur cet échec massif qui remet en cause la crédibilité des enseignements délivrés dans nos établissements. Cependant, en axant cette réflexion sur la série S2, on peut faire le constat suivant :
Premièrement, nous avons moins de 18% au premier tour et après le second tour, on atteint difficilement les 40%. Deuxièmement, la moyenne des notes de maths au bac varie entre 4 et 5. Troisièmement, beaucoup d’élèves réussissent avec une note faible en maths. Quatrièmement, beaucoup d’élèves, pourtant réputés bons en maths, passent à côté de la plaque le jour de l’examen. Qu’est ce qui explique cela ? Nous avons identifié trois causes :
D’abord, certains profs de maths, on ne sait pour quelle raison, cherchent toujours à créer un mythe autour de cette discipline. Ensuite, sur le terrain, il y a un déficit terrible de profs de maths. Dans certaines écoles, ce déficit est comblé par l’emploi de profs de chimie, Svt ou économie comme profs de maths. Or, en la matière, c’est comme si on remplaçait un architecte par un couturier ! Dans certaines villes comme Bakel, ce déficit risque même d’entrainer, à terme, la suppression de la série S1.
Enfin, la commission de choix des sujets a une grande part de responsabilité dans les causes de cet échec massif, car il y a un décalage terrible entre ce qui se fait dans les classes et cette commission. Laquelle commission ignore royalement les compétences exigibles du programme et le profil de la série S2 conçue pour des élèves moyens. A la limite, on se demande si cette commission sait qu’une épreuve est libellée en fonction du niveau d’un élève moyen.
L’ironie du sort est que les épreuves de maths au Sénégal sont plus difficiles que celles de la France, des Etats-Unis et beaucoup de pays asiatiques alors que notre système n’a produit à ce jour ni de médaille Fields ni de prix Nobel. Pis, à ce jour, le Sénégal n’est jamais parvenu à franchir les phases finales des olympiades mondiales des maths.
Pour remédier à cela, les profs de maths doivent avoir l’humilité de se remettre en question. De plus, la commission de choix des sujets doit être dissoute et remplacée par des hommes compétents, comprenant l’esprit et la lettre du bac et enfin l’Etat doit prendre ses responsabilités en donnant des primes de motivation aux profs de maths sur le terrain afin de limiter la fuite des cerveaux et attirer ainsi d’autres mathématiciens vers l’enseignement.
Ibrahima THIAM - Professeur de Maths au complexe Maurice Delafosse / ibthiam@hotmail.fr