de la pauvreté
Cheikh Anta Diop, un modèle pour la jeunesse africaine
La vie est une répétition de la vie, les hommes sont des copies des autres, vivants ou morts. Chaque personne cherche à être ou à devenir un ‘quelqu’un’. Chacun cherche un modèle, une référence. Tous les jours, les médias nous proposent des modèles que nos jeunes imitent et copient à la lettre. Et finalement si vous voulez comprendre les comportements des uns et des autres, interrogez la télévision. De même, si vous voulez connaître ce qui se passe à la télévision, regardez la société. A vrai dire, les Sénégalais méritent le ‘prix Nobel de l’imitation’. L’illustration la plus parfaite de cette imitation aveugle et démesurée est la multiplication des fan’s club allant du sportif au religieux, en passant par l’artiste, le chanteur, l’homme politique… Notre pays donne l’image d’une représentation théâtrale où les acteurs sont les hommes politiques et les ‘hommes religieux’ et les téléspectateurs, le peuple, le tiers Etat qui balbutie entre ces deux (nobles et aristocrates). La presse forme tous les jours ses stars et nous les propose, pour ne pas dire impose. Mais quel est le modèle qu’elle nous présente ? Est-il en phase avec les défis multiples que nos pays pauvres doivent relever ?
Malheureusement, les modèles que nous proposent nos médias ne sont pas les meilleures, les plus utiles pour former des jeunes patriotes, citoyens, engagés et sensibles aux défis de leur patrie. Une jeunesse qui se préoccupe au moins de l’avenir de son pays, qui respecte le bien public, les lois et les institutions. Par contre, on voit des jeunes acculturés et empressés de fuir leur patrie au risque de leur vie, des jeunes qui manifestent de plus en plus du dégoût pour les études. Et pourtant, les bons modèles ne manquent pas.
C’est dans cette optique que Cheikh Anta Diop devrait être promu comme modèle de référence sur tous les plans. Cet homme n’est pas très connu par la majorité de nos jeunes. Sont-ils fautifs de ne pas connaître Cheikh Anta ? Certainement non, car on ne parle de lui, dans les médias, qu’une seule fois par an à l’occasion de la commémoration de l’anniversaire de sa disparition.
Parlant de ses vertus socioculturelles, Cheikh Anta vouait une obéissance et un dévouement exceptionnel à sa mère. El Hadji Abdou Moutalib Sène qui connut l’homme en 1943 et partagea avec lui 43 bonnes années, raconte dans un article publié dans Afrique Histoire n° 12 paru en 1987 : ‘En classe de terminale, Cheikh n’était pas encore affranchi de certaines servitudes domestiques. En effet, il se levait de très bonne heure et balayait la cour de la concession occupée par ses parents, avant d’aller chercher de l’eau à la borne fontaine pour les besoins ménagers de maman Maguette Diop. Ce devoir filial rempli, il me rejoignait toujours dans ma chambre (nous habitions la même maison), puis se replongeait toute la matinée dans les livres, à moins qu’il n’aille auparavant prendre le pilon pour le mil.’ Malgré son instruction, Cheikh a toujours respecté les valeurs socioculturelles, ce qui est rare à voir chez nos intellectuels d’aujourd’hui. Il vivait le principe de ‘l’enracinement d’abord et de l’ouverture ensuite’, plutôt que de se limiter à le proclamer.
Cheikh a très tôt été un homme utile pour sa société et pour son peuple. Déjà, durant les vacances scolaires de 1950 (il était étudiant en France), il mena au Sénégal une campagne de sensibilisation au reboisement pour aller au-devant d’une sécheresse qui se profilait à l’horizon. Cheikh Anta était un intellectuel multidimensionnel, multifonctionnel et proche de son peuple.
Un exemple dans la persévérance et dans la modestie. Il avait très tôt compris son rôle dans la société. Toutes ses thèses, toutes ses communications, ses conférences, ses actions, bref sa lutte avait un seul objectif : libérer toute une race, tout un peuple victime de préjugés défavorables, de domination politique, d’exploitation économique et d’aliénation culturelle, victime d’un certain complexe d’infériorité, de subordination, de sous-estime de soi et de dépendance ; déterrer les valeurs culturelles qui font leur unité car constituant le ciment qui les rapproche. M. Sène nous raconte : ‘Je l’accompagnai un jour à Saint-Louis où il devait tenir une conférence sur les langues nationales. Parti donc de Dakar à 6 h du matin dans une vieille Simca-Aronde qu’il pilotait lui-même, nous arrivâmes dans l’ancienne capitale vers 8 h du soir, c'est-à-dire après 14 heures de parcours. La route Dakar/Saint-Louis n’était pas encore goudronnée, mais là ne résidait pas la raison de notre retard. Elle était dans l’amour viscéral et dans la générosité sans limite que Cheikh Anta Diop avait pour son peuple. Car à plusieurs reprises, au cours de cette randonnée, Cheikh prenait à bord des paysannes et paysans rencontrés en cours de route et marchant sous le soleil. Il leur demandait chaque fois leur destination et, qu’importe, par des pistes sinueuses, il allait les déposer dans leurs villages respectifs non sans leur avoir remis, au préalable, quelque argent pour les soulager’. L’enfant de Thieytou le faisait d’une manière désintéressée. N’oublions pas que Cheikh Anta a grandi dans un environnement mouride épris de valeurs de solidarité, d’assistance et d’entraide rien que pour la Face d’Allah.
Notre pays et le monde entier traversent une grave crise culturelle. Face donc à cette crise qui nous réserve un avenir incertain, l’homme ultramoderne, armé de nouvelles technologies jusqu’aux dents, ne sent-il pas la nécessité de se tourner vers ces hommes illustres tels que Cheikh Anta Diop qui ont utilisé la science avec conscience et fait la politique pour l’intérêt général et non pour eux-mêmes, pour tenter de déceler quelques promesses d’avenir ? Cet homme remarquable dont la contribution à l’élaboration de la civilisation de l’universel est inégalable, qui a répondu au discours du président Sarkozy un demi-siècle avant qu’il ne le prononçât à l’Université de Dakar qui porte d’ailleurs son nom, qui était contre les Accords de partenariat économique, un demi-siècle avant que le président Wade ne s’y oppose, doit être mieux connu. Mieux, Cheikh Anta ne s’est pas limité à dénoncer cette mainmise des puissances européennes sur l’économie des pays africains, mais il avait proposé des solutions dont la plus urgente est l’unité culturelle.
Pour que Cheikh Anta puisse être plus connu, pour qu’il soit un modèle de référence, ses héritiers et l’université en général ont un rôle fondamental à jouer : promouvoir l’enseignement de l’Egyptologie. Il est très paradoxal qu’une université qui porte le nom d’un égyptologue n’ait pas, jusqu’à présent, une chaire d’Egyptologie. Dans ce domaine où la relève elle-même pose problème, l’enseignement de l’Egyptologie risque de disparaître complètement au Sénégal.
Papa Fary SEYE Doctorant, Professeur d’Histo-Géo au Lycée d’Enseignement Général de Diourbel
La nouvelle imposture
La plume officielle de la République française s'est mise au service de la ‘politique de civilisation’. Pour le compte d'un téléprésident et de la démagogie sarkozyenne, Guaino s'est emparé du concept du sociologue. Est-ce le nouveau cheval de Troie d'une nation décadente, ou une option stratégique hexagonale en ces temps où il est devenu vital de vendre du Rafale, de la centrale nucléaire civile et autres produits estampillés ‘made in France’ ? Pendant ce temps, les objectifs chiffrés pour 2008 de vingt-cinq mille reconduits à la (aux) frontière(s) sont clairement affichés. Bégaiement de l'histoire ou œcuménisme tardif ?
Certes, l'élasticité définitionnelle du mot ‘civilisation’ est telle que, sans craindre le paradoxe, il est possible d'y mettre un contenu orienté et édulcorant, susceptible de faire croire que tout le monde y est invité, y compris nous les Africains. Mais à l'épreuve des faits, force est de reconnaître que, si inquiète du devenir de l'Homme, la France n'en révèle pas moins une duplicité haIlucinante. Il est vrai qu'on peut nous vendre toutes les nouveautés (dans les rues défoncées de Dakar circulent les cylindrées dernier cri de la bourgeoisie locale) y compris la plate phraséologie de celui qui nous reprochait, il y a quelques semaines, de ‘ne pas être assez entrés dans l'histoire’.
La pauvreté est une tare congénitale : Super Sarko ne fait plus la leçon aux Arabes, ne les insulte plus, eux qui ne regardent pas à la dépense par la grâce des pétrodoIlars ; il les chouchoute, il couve le sanguinaire Poutine et s'entend comme larrons en foire avec Bush. Mais dans cet antre du savoir qu'est l'université Cheikh A. Diop et devant un parterre de sommités de tous ordres, il a eu le culot de le faire avec nous. Le trait culturel qui fait qu'on honore l'hôte, n'excuse pas l'absence d'indignation spontanée de celles-ci et quant aux premiers d'entre nous - nos chefs d'Etat - ils se sont emmurés dans un silence pas assourdissant mais plat ; formatés qu'ils sont par une étiquette républicaine qui les empêche de titiller les convenances diplomatiques.
Après les pertinentes analyses des complexes des nègres colonisés faites par l'éminent psychiatre Frantz Fanon (complexes liés essentieIlement aux conditions psychologiques et sociales qui leur étaient imposées), il serait peut-être utile d'interroger les mêmes grilles en ce début de troisième millénaire pour savoir où nous en sommes.
De quelle civilisation parle-t-on ? Le triomphe de celle de l'Occident est un triomphe de la superficie pour parler comme Cheikh Hamidou Kane. Le socle de sa civilisation est bien plus matériel que spirituel : c'est le règne de l'argent, de l'irreligion, de la mécanisation et de l'ennui. Oui, parfaitement !. De l'ennui. Sinon, comment comprendre cette gadgétisation (permettez-moi d'inventer peut-être le mot) outrancière dans leur monde qui va si vite qu’il ne réfléchit pas assez à l'acquis ? Dans leur vie où on n’arpente pas assez les chemins de la foi ? Car l’Occident oublie qu'il y a quelquefois aussi de la joie à obtenir très difficilement le nécessaire vital. ‘C'est la nuit qu'il est beau de croire à la lumière’, disait l'autre.
Concédons-le lui : il y a une universalité de l'essence humaine, mais il. y a également civilisation et civilisation. De toute façon, depuis leurs Lumières (celles du 18e siècle), on estime que l'homme est un membre du corps social avant tout et que c'est en éduquant les individus moralement qu'on agit sur la civilisation. Chez nous comme chez Sarkozy, on ne s'est pas encore inscrit dans cette perspective.
Adama FAYE Nouveau Lycée de Thies aadaaf67@yahoo.fr
OBJECTIFS DU MILLENAIRE POUR LE DEVELOPPPEMENT (OMD) : Un observatoire de la pauvreté sera mis en place
L’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Asnd) a organisé à Dakar un atelier pour se pencher sur le document de projet de l’Observatoire de la pauvreté et des conditions de vie (Opcv). Présidée par le ministre d’Etat, ministre de l’Economie et des Finances Abdoulaye Diop, cette réflexion devra valider un travail en cours depuis 2004, avec le soutien du Pnud, dans l’optique de la réalisation des Omd d’ici 2015.
Compte tenu du rôle que devra y jouer la Société civile, l’atelier organisé par l’Asnd prépare l’Assemblée générale constitutive de l’observatoire qui doit s’inscrire dans un processus participatif. Selon le directeur général Babacar Fall, campant la réflexion dans le contexte de suivi du Dsrp 2, « l’Observatoire se veut fédérateur de l’ensemble des préoccupations des acteurs en charge des questions de pauvreté, du développement humain durable et des Omd ».
C’est ainsi que l’Agence, qui est le bras technique du nouveau système statistique, s’est engagée à jouer pleinement son rôle d’animateur. M. Fall s’est auparavant félicité de l’intérêt porté par le ministre d’Etat à l’Ansd et aux activités statistiques d’une manière générale.
A son tour, M. Abdoulaye Diop a remercié les partenaires au développement, notamment les institutions internationales et la coopération bilatérale et multilatérale et, en particulier, « le Pnud pour son appui considérable au programme de gestion de la pauvreté ». Compte tenu du cadre de gestion axée sur les résultats adopté par le gouvernement du Sénégal, le ministre d’Etat a dit l’importance, pour le suivi de la lutte contre la pauvreté, de disposer d’un instrument fiable. Il a souligné que sous cet angle, « le système d’information du Sénégal a montré quelques limites », notamment la génération de données isolées, sous des formats disparates avec, parfois, des incompatibilités.
Voilà, selon M. Diop, des contraintes que l’Observatoire en gestation devrait permettre de lever, afin de faciliter l’évaluation des politiques du gouvernement et d’améliorer les conditions de vie des populations. Pour lui, le document s’inscrit dans la stratégie de réduction de la pauvreté, pour établir un cadre cohérent et partagé permettant de relier les différents systèmes d’information sur la lutte contre la pauvreté, aux niveaux tant sectoriel que décentralisé, de mettre en place un outil d’échange sur les stratégies de lutte contre la pauvreté, par le suivi de l’évolution des politiques pour l’atteinte des Omd, d’assurer le suivi et l’analyse des politiques et, en définitive, d’évaluer l’impact des programmes.
Saluant la tenue de l’atelier dans un contexte marqué par l’adoption et la mise en œuvre du 1er schéma directeur des statistiques et en souhaitant la tenue de l’Assemblée générale constitutive dans les meilleurs délais, Abdoulaye Diop a souligné l’importance du processus participatif, selon la dynamique de partenariat mettant en avent le faire-faire et la décentralisation des activités.
Fédérer toutes les initiatives
Pour le ministre d’Etat Abdoulaye Diop, le premier objectif visé par la mise en place de l’observatoire est de « fédérer toutes les initiatives ». Allant plus loin dans ce sens avec la presse, il a expliqué comment les données colletées auparavant dans les différents organismes étaient disparates, au point que leur utilisation prenait trop de temps. Il s‘agit donc de mieux en organiser la collecte, le traitement et la diffusion, pour faciliter l’utilisation par les différents acteurs. Le directeur général de l’Ansd estime que la première étape consiste à se mettre d’accord, à travers des échanges entre les acteurs des services publics et des organismes et institutions de la Société civile concernées, sur une méthodologie commune.
« Une fois qu’on est d’accord sur les concepts et les méthodes d’observation, comme on dit dans la presse, les faits sont sacrés. », dit Babacar Fall. Même si à l’analyse, il peut y avoir des interprétations différentes, il suffit de donner l’information « au même moment et à tout le monde ». Dans l’objectif de fédérer les énergies, pour mieux organiser l’information, les principes qui fondent la démarche sont donc la transparence et la cohérence.
Fara Sambe