LA SIGNIFICATION ET LES EXIGENCES DE L’ETAT D
POUR QUE VIVE LA DEMOCRATIE LE PREMIER DEVOIR D’UN-E DIRIGEANT-E POLITIQUE N’EST-IL PAS DE CONNAÎTRE LA SIGNIFICATION ET LES EXIGENCES DE L’ETAT DE DROIT ?
MANIFESTE POUR L’INCLUSION DES DISPOSITIONS DE LA CONSTITUTION RELATIVES A L’EGAL ACCES DES FEMMES ET DES HOMMES AUX MANDATS ET FONCTIONS (article 7) DANS LE DEBAT SUR LA REFORME DU CODE ELECTORAL
Le 23 mars 2007, en présence de milliers de femmes toutes habillées en blanc (pour signaleur leur solidarité indépendamment des appartenances partisanes), un modèle de loi instituant une parité intégrale à tous les niveaux et sur toutes les listes de candidature est remis publiquement, sur les marches du Palais, au Président de la République par le COSEF et le Comité de suivi de la campagne « Avec la Parité consolidons la démocratie » mis sur pied en 2005. Le Comité de suivi de la campagne est composé des mouvements de femmes de 21 partis politiques (de l’opposition et de la mouvance présidentielle) et de 5 organisations de la société civile : AJS (Association des Juristes Sénégalaises), CLVF (Comité de Lutte Contre les Violences faites aux Femmes), FAFS (Fédération des Associations Féminines du Sénégal), RADDHO (Rassemblement Africain pour la Démocratie et les Droits de l’Homme), SOS Equilibre.
le 31 juillet 2009 au Méridien Président le COSEF organise un Forum National sous la présidence effective du Premier Ministre Souleymane Ndéné Ndiaye, représentant le Chef de l’Etat, en présence de Madame la Ministre d’Etat Chargée de la Famille et de la Représentante de l’Agence Espagnole pour la Coopération Internationale et le Développement, Agence dont le soutien financier a permis la tenue de la manifestation. La salle de conférence du Méridien est « archi-comble ». Des milliers de femmes et de jeunes des deux sexes ont afflué de toutes les régions du Sénégal pour manifester leur soutien à la parité. Fatou Guéwel énergise la salle en chantant la parité de sa magnifique voix et sans omettre un seul des arguments économiques, sociologiques et juridiques qui fondent la revendication de la parité femme-homme dans toutes les assemblées délibératives de notre République.
Une fois de plus le COSEF et le Comité de suivi prouvent à la classe politique et à l’ensemble de leurs concitoyen-ne-s que la parité est bien une exigence populaire en plus d’être totalement légitime.
Et pourtant « les politiques » continuent à ignorer cette revendication quand il s’agit de discuter de la réforme du Code électoral. Leur silence en dit long sur le mépris qu’ils portent à la question du respect des droits de la personne quand la personne en question est de sexe féminin (sans parler de leur ignorance – inexcusable de la part de personnes qui se prétendent compétentes pour diriger le pays - des nombreuses études qui ont montré le lien entre développement durable et participation significative des femmes, y compris les femmes rurales et non alphabétisées dans les langues européennes, aux instances de prise de décisions : cf. le rapport très exhaustif et instructif de la Banque Mondiale, Engendering Development through Gender Equality in Rights, Resources and Voice, paru en janvier 2001et le récent et remarquable ouvrage de deux lauréats du prix Pulitzer, Nicholas Krystof, Sheryl Wudunn, Half The Sky, Turning Oppression into Opportunity for Women Worldwide, Alfred A. Knopf (publ), New York, 2009), C’est donc dans le but de mettre fin à ce silence de notre classe politique que le texte du modèle de loi pour la parité proposé par le COSEF et le Comité de suivi est publié ci-dessous. L’objectif est aussi que les lecteurs et lectrices du journal, soucieux-ses de participer à un combat aussi noble que celui que mena Rosa Parks, Martin Luther King, Nelson Mandela,… connaissent et fassent connaître les dispositions du code électoral qu’il convient de modifier afin que les citoyens de sexe féminin aient enfin leur mot à dire dans des décisions qui mettent en jeu leur propre vie, celle de leurs enfants (garçons et filles) ainsi que le bien-être et la prospérité des communautés dont elles font partie intégrante.
L’élaboration du modèle de loi sur la parité établi à l’initiative du COSEF et du Comité de suivi a été précédé d’un atelier de travail réunissant des chercheur-e-s de tous horizons, des universitaires (notamment le Pr Seydou Madani Sy, dont le dernier ouvrage s’intitule Les régimes politiques sénégalais de l’indépendance à l’alternance politique, 1960-2008, Karthala, Irolo, Crepos, 2009)), des femmes et des hommes politiques, des sociologues, des historien-ne-s, des traditionnalistes (dont le regretté Ababacar Sedikh Diouf qui a fait une présentation, malheureusement toujours non publiée, intitulée « La dimension genre dans le vivre ensemble africain »), l’honorable député Sékou Ekinol Sambou, Issa Laye Thiaw – auteur de : La femme Sereer, L’Harmattan, Paris 2005). L’atelier de travail, mis sur pied avec le concours financier de la Fondation Ebert et l’appui technique sans faille de la représentante résidente d’alors, Mme Karen Ziemeck, et de son staff (dont la Chargée de programmes, Nanténé Coulibaly), avait pour but d’établir un texte sur la parité acceptable par toutes les composantes de la société, juridiquement impeccable (sans contradictions, lacunes ni erreur d’aucune sorte) et surtout simple à mettre en œuvre. La gageure a été relevée par une équipe composée de nos meilleur-e-s juristes, à la compétence reconnue tant au niveau national qu’international : Pr Ndiaw DIOUF (Doyen de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’UCAD), Pr Ismaila Madior FALL, Pr El Hadj MBODJ, Pr Amsatou SOW SIDIBE (Directrice de l’Institut des Droits de l’Homme et de la Paix de l’UCAD).
AVANT PROJET DE LOI MODIFIANT LE CODE ELECTORAL POUR INSTITUER LA PARITE A LA CANDIDATURE AUX ELECTIONS LEGISLATIVES, REGIONALES, MUNICIPALES ET RURALES (modèle de loi du COSEF, mars 2007)
EXPOSE DES MOTIFS
Comme dans toutes démocraties, la vie politique sénégalaise est périodiquement rythmée par des élections. Les résultats des élections organisées depuis l’accession de notre pays à la souveraineté internationale ont révélé une sous représentation des femmes, qui constituent pourtant près de 52 % de la population, dans les instances de décision, notamment au Parlement et dans les assemblées élues des collectivités locales. Le moment est venu de restituer effectivement à la femme la place qui lui revient de droit dans l’organisation et le fonctionnement de notre système politique.
L’instauration de la parité homme - femme dans les instances décisionnelles électives trouve sa source d’inspiration dans nos traditions culturelles qui conféraient à la femme des rôles institutionnels garantissant effectivement sa participation à l’exercice du pouvoir. Il s’inscrit, en outre, dans le cadre du respect par le Sénégal des engagements internationaux qu’il a souscrits en matière de promotion et de protection des droits de la personne, notamment la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1979,ainsi que le Protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux Droits de la Femme et tous les autres textes pertinents.
S’inscrivant dans cette dynamique, la Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001 dispose en son article 7 : « Les hommes et les femmes sont égaux en droit ». De même, dans une résolution adoptée le 1er décembre 2006 par l’Assemblée nationale, les députés conscients de ce que la représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les institutions de la République constitue l’une des meilleures pratiques de bonne gouvernance, ont lancé « un appel à la classe politique sénégalaise et principalement aux leaders de partis politiques et à la société civile, aux syndicats et à tous les patriotes de ce pays » afin de mettre en oeuvre « ce projet qui est un mécanisme de reconnaissance du rôle crucial joué par les femmes à tous les niveaux et de la dimension genre à promouvoir ». Dans ce même sillage, le Président de la République a, dans son message adressé à l’Assemblée nationale en date du 8 décembre 2006, lancé « un appel solennel aux députés et à tous les partis politiques pour faire plus de place aux femmes dans la composition de leurs listes pour les élections législatives… ». En outre, la loi n°23/2007 instituant la parité sur la liste des candidats au scrutin de représentation proportionnelle ayant été déclarée inconstitutionnelle par le Conseil Constitutionnel, la Constitution a été modifiée en conséquence par la loi constitutionnelle ajoutant à l’article 7 la disposition suivant laquelle « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions ».
La présente loi vise à concrétiser cette volonté d’instituer la parité homme - femme aux fonctions publiques électives, en particulier au Parlement et aux conseils régionaux, municipaux et ruraux. A cet égard, il introduit dans le dispositif électoral sénégalais des modifications substantielles visant à assurer l’effectivité de l’égale représentation des hommes et des femmes dans la constitution des listes des candidats et des suppléants et à sanctionner le non respect de cette exigence désormais légale par l’irrecevabilité de la liste.
Loi n° …. du……. Modifiant le code électoral pour instituer l’égal accès des femmes et des hommes à la candidature aux élections législatives, régionales, municipales et rurales
L’Assemblée nationale a adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Article 1 : Les dispositions des articles L.141, L.146, L.165, L.166, L.171, LO.175, L.191, L.193, L.201, L.202, L.207, L.225, L.226, L.239, L.244 et L.245 de la loi n°92-16 du 07 février portant code électoral, sont modifiées dans les conditions déterminées par la présente loi. (les modifications prposées sont en italiques)
Article 2 : Il est inséré un nouvel alinéa après le deuxième alinéa de l’article L.141 (…)
Les listes de candidats sont alternativement composées d’un candidat de chaque sexe.
Article 3 : L’article 146 a été modifié ainsi qu’il suit :
En vue de pourvoir aux vacances qui pourraient se produire
chaque liste de candidats au scrutin majoritaire dans le ressort du département, comprend alternativement un nombre de suppléants de chaque sexe, égal au nombre des sièges à pourvoir ; en cas de vacance, il est fait appel au candidat non élu du même sexe placé en tête de la liste dans laquelle s’est produite la vacance ; toutefois, lorsqu’un seul siège est à pourvoir dans le département. l’élu et son suppléant doivent être de sexe différent.
chaque liste de candidats au scrutin de représentation proportionnelle avec liste nationale comprend alternativement cinquante candidats suppléants de chaque sexe ; lorsque le nombre de sièges à pourvoi est impair, le candidat du sexe opposé à celui du dernier de la liste des titulaires est placé en tête de la liste des suppléants ; il est fait appel en priorité au candidat non élu du même sexe placé en tête sur la liste dans laquelle s’est produite une vacance. (…)
Article 4 : Au point 3) de l’article L.165, il est inséré le terme sexe entre nom et date et lieu de naissance
Article 5 : Il a été abrogé au point 4) de l’article L.166 le membre de phrase suivant, compte étant tenu de la dimension genre dans les investitures
Article 6 : Il est ajouté après le point 1) de l’article L.171 une nouvelle condition de recevabilité relative à l’égalité homme et femme dans la composition des listes de candidats N’est pas recevable la liste qui : 1) (…) ; ne serait pas composée alternativement d’un candidat de chaque sexe, conformément aux articles L141 et L146 ; (…)
Article 7 : Il a été ajouté au premier tiret de l’art. L.O. 175 « par des candidats du même sexe » après « inéligibles » Entre la date limite de dépôt des listes et celle de la signature de l’arrêté du Ministre de l’Intérieur publiant les déclarations reçues soit dans les trois (3) jours suivant le dépôt, le mandataire de la liste peut : remplacer des candidats inéligibles par des candidats du même sexe, sans préjudice de l’ordre d’investiture ; (…)
Article 8 : Il a été ajouté un nouvel alinéa 2 à l’article L.191 (…).
Les listes de candidats sont alternativement composées d’un candidat de chaque sexe. (…)
Article 9 : L’article L 193 est modifié ainsi qu’il suit :
En vue de pourvoir aux vacances qui pourraient se produire
chaque liste de candidats au scrutin majoritaire dans le ressort du département, comprend alternativement un nombre de suppléants de chaque sexe, égal au nombre des sièges à pourvoir ; en cas de vacance, il est fait appel au candidat non élu du même sexe placé en tête de la liste dans laquelle s’est produite la vacance ;
chaque liste de candidats au scrutin de représentation proportionnelle avec liste nationale comprend alternativement cinquante candidats suppléants de chaque sexe ; en cas de vacance d’un siège de député, il est fait appel en priorité au candidat non élu du même sexe placé en tête sur la liste dans laquelle s’est produite la vacance. (…)
Article 10 : Il a été abrogé au deuxième alinéa de l’article L.201 le membre de phrase suivant, « compte étant tenu de la dimension genre dans les investitures. »
Article 11 : il est inséré Au point 3) de l’article L.202, le terme sexe entre nom et date et lieu de naissance
Article 12 : Il est ajouté après le point 1) de l’article L.207 une nouvelle condition de recevabilité relative à l’égalité homme et femme dans la composition des listes de candidats
N’est pas recevable la liste qui :
1) serait incomplète ;
2) ne serait pas composée alternativement d’un candidat de chaque sexe conformément aux articles L191 et L193 ; (…)
Article 13 : Le deuxième alinéa de l’article L. 225 fait l’objet d’une nouvelle formulation (…)
Les listes de candidats pour le scrutin proportionnel et pour le scrutin majoritaire sont alternativement composées d’un candidat de chaque sexe. (…)
Article 14 : L’article L.226 est modifié ainsi qu’il suit :
Lorsque les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste majoritaire, les listes comprennent alternativement un nombre de suppléants de chaque sexe, égal au nombre des sièges à pourvoir. (…). Lorsque les conseillers municipaux sont élus au scrutin proportionnel, les listes comprennent alternativement un nombre de suppléants de chaque sexe ; égal au nombre de sièges à pourvoir. En cas de vacance sur la liste des candidats au scrutin majoritaire, il est fait appel au suppléant du même sexe placé en tête de la liste dans laquelle la vacance s’est produite.
Lorsque les conseillers municipaux sont élus au scrutin proportionnel, en cas de vacance, il est fait appel en priorité au candidat non élu du même sexe placé en tête de la liste dans laquelle la vacance s’est produite.
Article 15 : La dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 239 « Dans tous les cas, il est tenu compte de la dimension genre dans les investitures » est abrogée et remplacée par un alinéa 2 nouveau (…) Les listes de candidats sont alternativement composées d’un candidat de chaque sexe. (…)
Article 16 : Le deuxième alinéa de l’article L. 244 fait l’objet d’une nouvelle formulation (…). Les listes de candidats pour le scrutin proportionnel et pour le scrutin majoritaire sont alternativement composées d’un candidat de chaque sexe. La répartition des restes se fait selon le système du plus fort reste.
Article 17 : L’article L 245 est modifié ainsi qu’il suit :
Lorsque les conseillers ruraux sont élus au scrutin de liste majoritaire, les listes comprennent alternativement un nombre de suppléants de chaque sexe égal à la moitié des sièges à pouvoir. (…).
Lorsque les conseillers ruraux sont élus au scrutin proportionnel, les listes comprennent alternativement un nombre de suppléants de chaque sexe égal au nombre de sièges à pourvoir.
En cas de vacance sur la liste des candidats au scrutin majoritaire, il est fait appel au suppléant du même sexe placé en tête de la liste dans laquelle la vacance s’est produite.
Lorsque les conseillers ruraux sont élus au scrutin proportionnel, en cas de vacance, il est fait appel en priorité au candidat non élu du même sexe placé en tête de la liste dans laquelle la vacance s’est produite.
Fatou Kiné CAMARA,
Docteure d’Etat en Droit,
Chargée d’enseignement à la FSJP/UCAD,
membre du COSEF