L’Afrique au-delà du statut victimaire, un mo
Faire la politique autrement
Le Sénégal n’a jamais été aussi durement éprouvé que durant cette dernière décennie, du simple fait que le pays est malade de ses dirigeants. Le favoritisme et le clientélisme, érigés en régle, confèrent à la minorité au pouvoir le privilège de ne pas rendre compte de la gestion des deniers publics qui lui sont confiés. En conduisant une politique, si¬tuée tout à fait aux antipodes des règles de bonne gouvernance dé¬mocratique, nos dirigeants s’illustrent, de fort belle manière, dans la médiocrité, les querelles interminables de préséance et les règlements de comptes de bas étage. De telles méthodes très peu civilisées sont, de plus en plus, transposées et trans¬portées sur les institutions républicaines fragilisées par des pratiques de tripatouillages faits selon les humeurs et le bon vouloir du «prince tout-puissant». Les hommes au pouvoir ont ainsi trahi les aspirations du peuple et ont ôté ses lettres de noblesse à l’art politique qui n’est, ni plus ni moins, que la soumission volontaire et désintéressée aux intérêts supérieurs de la population. Pour les prédateurs au pouvoir, la politique est un moyen d’ascension sociale et non un sacerdoce. C’est sous l’Alternance qu’est apparu le phénomène abject de la transhumance politique encouragé par le pouvoir libéral. C’est la première fois dans l’histoire qu’un pouvoir récompense des traîtres, reçus, avec tous les «honneurs» dans la salle des banquets de la présidence de la République et soudoyés à coup de millions prélevés sur l’argent public du contribuable sénégalais. La banqueroute de nos valeurs traditionnelles d’éthique n’est pas apparue ex-nihilo : elle procède de l’œuvre de nos dirigeants dont l’approche, pour le moins réductrice, ramène tout à des rapports troubles d’argent.
Dés lors, on assiste de plus en plus, à une sorte de perversion de l’idéal politique dans sa mise en œuvre pratique. L’ordre politique dominant met en avant les procédés d’achat de consciences qui anesthésient les esprits faibles très peu soucieux du devenir de la Nation parce que mus par l’appât du gain facile et la jouissance de biens mal acquis. Une telle démarche soumet ainsi le peuple au diktat de la minorité des prévaricateurs au pouvoir au préjudice de l’écrasante majorité des Sénégalais.
Face aux dérives et autre projet de dévolution monarchique, l’opposition sénégalaise devrait pleinement jouer sa partition en servant de contre-pouvoir. Mais hélas, on est en fa¬ce d’une situation, pour le moins in¬solite, où les personnalités, les plus en vue de l’opposition sont, pour la plupart, négativement chargées.
Dans de telles circonstances, les Sénégalais ont plus que jamais besoin de quelqu’un qui émerge du gotha politique national essentiellement dominé par des apparatchiks et des revenants dont le discours politique, en langue de bois, n’est plus mobilisateur.
Le peuple exprime un besoin pressant de disposer d’un candidat qui jouit d’une indépendance d’es¬prit qui le mettrait dans des dispositions de s’émanciper des lobbies de toutes sortes et ayant, de surcroît, un ancrage profond dans le tissu culturel national.
En tout état de cause, la situation appelle à un éveil des consciences et à un besoin de bâtir un nouvel homo-senegalensis qui rompt les amarres d’avec une politique basée sur l’achat de consciences. L’émer-gence de valeurs sûres doit être au cœur des préoccupations du peuple. Les destinées d’une Nation sont tellement importantes qu’elles ne peuvent être mises entre les mains des gens corrompus qui ne disposent d’aucune moralité, et qui ne sont aucunement soucieux des réalités du Sénégal des profondeurs.
La promotion d’une nouvelle conscience citoyenne est indispensable au changement de comportements et d’attitudes qu’exige la marche irréversible vers le progrès et le mieux-être. Le Sénégal a besoin d’hommes dont l’intégrité, le sens élevé de l’éthique et de l’intérêt général ne souffrent de la moindre contestation.
Sous ce rapport, il est absolument nécessaire de convoquer nos traditions nationales culturelles, notre éthique nationale, bref de procéder enfin à un changement de mentalité de manière à remettre les choses à l’endroit pour pouvoir prétendre à un développement endogène qui tient compte de notre vécu culturel et national. Pareillement, aucun développement n’est possible sans l’élévation au rang de culte de la mystique du travail bien fait et l’observance de normes de civisme et de discipline sans lesquelles aucun développement social, économique et culturel n’est possible. Il est évident que l’ère des messies et des leaders providentiels est révolue. Les révolutions qui partent des pays arabes prouvent que les masses, qui font l’histoire, sont au début et à la fin des processus de changements déclenchés depuis la révolution du Jasmin partie de la lointaine Tunisie.
Cheikh BABOU - Agent Maritime
L’Afrique au-delà du statut victimaire, un monde à conquérir
Avec les récents événements au Maghreb et en Côte d’Ivoire, l’Afri¬que a de nouveau fait l’actualité. Malgré ses ressources humaines et naturelles inépuisables, l’Afrique peine encore à sortir du sous-développement et de toutes les formes de domination étrangère. Elle est aujourd’hui confrontée à de nombreux défis à relever, défis dont les solutions constituent une large part de son avenir. Le travail à faire est colossal et commence d’abord par l’éradication du complexe d’infériorité, ensuite insister sur l’éducation et enfin refuser la passivité et aller à la conquête du monde. Décomplexer les Africains
Le grand savant Albert Einstein disait qu’il est plus facile de casser un atome que de casser les mentalités. Ainsi, après un demi-siècle d’In¬dépendance, beaucoup d’Afri¬cains ont encore du mal à se débarrasser de leur complexe d’infériorité. La vraie révolution, aujourd’hui, doit com¬mencer par un changement de mentalités depuis le sommet de l’Etat jusqu’aux couches sociales à la bases de nos sociétés. Rares sont les Africains qui ont appris à assumer l’histoire et à ne pas trop regarder dans le rétroviseur. L’histoire joue certes la fonction de mise en garde, mais quand on a rendez-vous avec le destin, il faut avancer. Les Afri¬cains doivent avoir une vision prospective et s’engager dans le combat pour le développement en ayant comme arme fondamentale un mental fort. Le statut victimaire et l’assistance étrangère appartiennent à une autre époque. Pour atteindre les résultats escomptés, il faut changer les paradigmes, les théories et les idéologies. Autrement dit, créer des vérités à partir du besoin des Africains, de la foi qui les habite. Les Africains ont besoin de mythes, d’hommes ou de femmes charismatiques avec un fort capital symbolique.
La commémoration avec faste de certains actes posés par des leaders historiques du continent permettra aux Africains de célébrer leurs succès. Car, le discours sur la victimisation et les malheurs annihile psychologiquement les jeunes, espoirs de tout un continent. Ne faut-il pas revoir la manière de commémorer les Indépendances ? Célébrer les In¬dépendances en grande pompe im¬pacte-t-il positivement ou négativement sur la psychologie ou le moral des Africains ? Ainsi donc, effacer les défaites de nos mémoires et célébrer avec faste les victoires africaines permettront aux jeunes générations d’avoir confiance en elles-mêmes et de relever tous les défis.
Eduquer les Africains
L’éducation est la clé du développement. Pour développer l’Afrique, les pouvoirs publics doivent investir dans l’éducation et la recherche. Le monde ne se bâtit que par le souffle des enfants qui étudient (Talmud), un peuple non-éduqué donne une Nation faible. C’est par l’éducation qu’une Nation se construit et qu’on prépare les dirigeants et responsables de demain. L’éducation est plus rentable que l’aide au développement et la mendicité. L’aide et la mendicité inhibent en nous les valeurs de dignité, de résistance, de persévérance et de travail. Ces pratiques encouragent la paresse et ne permettent pas de réveiller les talents des Africains. Il en résulte une atrophie intellectuelle et musculaire et toutes formes de déviance. Il urge dès lors d’investir dans l’éducation et de promouvoir les matières scientifiques. En maîtrisant les sciences, les Africains s’adonneront à des recherches dont les résultats profiteront d’abord à leur continent. Les peuples d’Afrique sauront comment se défendre des multiples assauts de l’étranger. C’est dans ce sens que le Prophète Mohamed (P.s.l) dit que «l’encre du savant est plus bénie que le sang du martyr».
Refuser la passivité et aller à la conquête du monde
L’avenir de l’Afrique dépend des Africains. Ces derniers ne doivent pas accepter que d’autres luttent à leur place. La liberté, on l’arrache et on la conquiert. Durant la période coloniale, des nationalistes ou panafricanistes engagés ont obtenu gain de cause après des années de combat politique ou de guerres de libération meurtrières…Beaucoup de leaders historiques d’Afrique et de la diaspora sont élevés au rang de héros. Dans le contexte de la guerre froide, les figures de proue du panafricanisme sont assassinés ou chassés du pouvoir parce que contre le néocolonialisme : Lumum¬ba, Nkrumah, Mamadou Dia… Au¬jour¬d’hui encore, quelques leaders africains osent s’opposer au néocolonialisme occidental, en disant «non» au mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (Cpi) et en refusant l’ingérence de l’Occident dans leurs affaires intérieures.
Pour être puissants et mettre fin aux agressions de l’étranger, les Africains doivent réformer et moderniser leur défense comme l’a fait le Président chinois Deng Xiaoping dans sa politique des Quatre modernisations. Le Guide libyen, Kadhafi, avait plusieurs fois appelé les chefs d’Etat africains à créer une Armée africaine. Comme l’a dit l’historien Abdoulaye Ly, «l’usage de la force est plus efficace lorsqu’elle prétend s’appuyer sur le droit autant que le droit désarmé est précaire». Autre¬ment dit, le droit appartient au plus fort, à celui qui détient une force militaire redoutable. Le faible a toujours tort face au puissant. Ainsi, faute d’une organisation de défense spécifique à l’Afrique, les Armées étrangères, sous prétexte de défendre la démocratie, s’acharnent sur des régimes dont le seul tort est de s’opposer à la recolonisation de leur contient. En outre, tant que les Africains ne disposeront pas de médias puissants et indépendants, le traitement de l’information ne fera que glorifier les impérialistes.
Le devoir d’irrespect est plus que jamais nécessaire. A la politique néocoloniale, les Africains doivent opposer une insubordination et une coopération équitable entre les Etats et les peuples.
En outre, l’intégration permettra aux Africains de peser lourd tant au plan économique que politique. Il faut dès lors créer de vastes espaces intégrés et de puissantes institutions supranationales. En revanche, le refus de la passivité et la volonté de puissance supposent au préalable une introspection sincère. Les Africains portent en eux-mêmes la cause de beaucoup de leurs malheurs. Il leur faut de l’éthique dans tous les domaines et une confiance en eux-mêmes. Que nos dirigeants aient confiance en nos médecins et se soignent dans nos hôpitaux pour des cas anodins ou graves. Que nos Equipes nationales soient entraînées par des Africains compétents et expérimentés… C’est de cette manière que la Renaissance africaine se réalisera. L’Afrique étendant partout ses tentacules ira à la conquête du monde. Les Africains, très doués, ont un grand génie créateur qui leur permettra d’innover et d’imposer leurs modèles au reste du monde. Le tout dans une identité culturelle inventée par les Africains et s’alignant sur les canons de la modernité. Cette Renaissance de l’Afrique n’est pas sans la création de symboles. C’est dans cette perspective que le monument de la Renaissance africaine a été construit à Dakar. Les Africains ont rendez-vous avec l’histoire, ils doivent avancer et n’ont plus le droit à l’erreur.
Mamaye NIANG - Professeur d’Histoire et de Géographie Cem Zone de recasement
de Keur Massar/Dakar / mamayebinet@yahoo.fr