LA DIGNITE INDISPENSABLE
fallmag@yahoo.fr;
Amadou Dickel NIANE Agro-Economiste adnkomy@yahoo.fr
Seneweb.com : Mardi 16 Juin 2009
L’impact de la migration des étudiants sénégalais sur le développement du Sénégal.
Ce phénomène de l’exode des étudiants prend des proportions alarmantes dans les pays en voie de développement et en particulier au Sénégal. Ceci est d’autant plus préoccupant qu’il touche des secteurs et des activités à haute technologie et à forte valeur ajoutée.
En effet au Sénégal, cette nouvelle forme d’émigration concerne surtout les lauréats du « concours général », organisé pour récompenser les meilleurs élèves des lycées du Sénégal. Mais aussi des étudiants de deuxième et troisième cycle, formés dans les universités sénégalaises. Ainsi, tous les lauréats et beaucoup d’étudiants du deuxième et troisième cycle partent à l’étranger chaque année soit juste après leur formation soit pendant leur formation. On constate de véritables brigades de recrutement des lauréats, qui sont mises en place à travers un système d’octroi de bourse pour une spécialisation dans un domaine bien précis.
Les coûts de ce précieux phénomène sont incommensurables pour le développement économique et social du Sénégal. En l’absence de statistiques globales et fiables, on peut avancer quelques éléments d’appréciation qui donnent une idée et de l’ampleur de cette forme d’émigration sur le développement.
• Au niveau des coûts en formation : On peut avancer une indication permettant de situer un peu ce genre de coûts. Ainsi, un étudiant boursier sénégalais en France coûte environ 3 000 euros par an à l’État et combien de milliers d’euros cela fera si l’étudiant doit aller jusqu’au doctorat? À ce montant il faut ajouter toutes les dépenses liées à sa formation avant son départ. Cette indication permet de mesurer l’ampleur des pertes subies par l’État du Sénégal du fait de ce phénomène. Ainsi, le budget de l’État sénégalais supporte les coûts en formation d’une partie non négligeable des ingénieurs et cadres des pays développés. Autrement dit, un volume appréciable des dépenses budgétaires relatives à l’éducation et à la formation sert en fait à financer le développement technologique des pays bénéficiaires de cette nouvelle forme d’émigration.
• Au niveau de l’appel aux experts étrangers, cette fuite de compétences ne peut se traduire que par l’appel important et de plus en plus coûteux à l’expertise internationale. Ce phénomène grève lourdement les ressources déjà très maigres des pays en développement, dont le Sénégal. Dans ce cadre, « (pour combler ces fuites, le continent fait non seulement appel au personnel qualifié en provenance des pays occidentaux (100 000 expatriés non africains), mais également débourse de fortes sommes (4 milliards $ américains annuellement) »[1], selon le quotidien Le soleil, Fuite des cerveaux en Afrique : Une saignée de 23 000 universitaires par an 23.oct. 2007
Ces données assez élémentaires montrent l’autre facette de cet exode en termes de coûts financiers directs et qui certainement connaîtront de fortes augmentations au cours des prochaines années.
Dans ces conditions, les pays en développement, dont le Sénégal, se trouvent dans un véritable cercle vicieux. Ils dépensent beaucoup d’argent pour la formation de leurs étudiants et cadres bien sûr qui fuient à l’étranger d’un côté, et doivent faire venir des experts étrangers pour leurs besoins à des coûts exorbitants de l’autre côté.
• Au niveau enfin des coûts en expériences, ils sont difficilement quantifiables et sont souvent de source de dégâts considérables. Ils s’agissent des coûts inhérents au « pompage » de cadres, ingénieurs, médecins, et enseignants - chercheurs, qui ont déjà une grande expérience au sein des entreprises, universités, et hôpitaux dans le pays de départ. Car il faut souligner qu’ils partent pour la majorité pour une spécialisation à l’étranger et restent pour la plupart après leur formation. Ces coûts peuvent se mesurer en termes de perte de fonctionnement rationnel et efficace, de réduction de compétitivité, de non-réalisation des projets… pour les entreprises et l’administration du Sénégal victimes de ce véritable pillage. En effet cette dernière catégorie d’émigrés nouveaux est non seulement bien formée, mais a également une expérience pratique importante au sein du tissu économique du pays.
Face à l’ampleur du phénomène de l’exode des compétences et de ses conséquences très fâcheuses, il est devenu de plus en plus urgent d’arrêter cette saignée ou du moins d’en atténuer les dommages. Ainsi une véritable stratégie nationale visant à retenir les cadres, ingénieurs, médecins et à faire rentrer le maximum d’entre eux doit être initiée et mise en œuvre. Celle-ci doit s’articuler autour d’un ensemble de mesures et d’actions cohérentes et complémentaires visant à créer un environnement général favorable à ces compétences. Parmi les mesures de réformes à envisager, on peut insister, en particulier, sur :
• Une amélioration très profonde des mécanismes de fonctionnement de l’État et des entreprises à travers l’installation d’une véritable méritocratie : respect des compétences réelles, véritables plans de carrières, ouvrir la voie de la responsabilité aux jeunes.
• Une moralisation de la vie publique et au sein des entreprises au moyen de l’application des principes de priorité, d’intégrité, d’honneur… les sens de la responsabilité et de la citoyenneté doivent être de mise un peu partout;
• La nécessité de moderniser les mentalités tout en élargissant les espaces de liberté et de démocratie. De même, la culture du travail, le sens du professionnalisme;
• La mise en application d’une véritable politique de promotion de la recherche/développement. Il s’agit entre autres de développer les centres et instituts de recherche tout en les dotant des moyens humains et techniques satisfaisants, d’élargir l’interface entre le monde de la recherche et celui des affaires…
En somme, nous pouvons dire que la « fuite des cerveaux » est devenue la nouvelle forme d’émigration des Temps modernes. Le Sénégal n’échappe pas à ce phénomène qui prend une ampleur sans précédent et très inquiétante. Ainsi, une grande partie des étudiants sénégalais formés au Sénégal partent chaque année à l’étranger. Et le départ contribue certes à une perte pour le pays qui a dépensé beaucoup d’argent, mais qui va en dépenser davantage par le biais de bourses d’études qui leur sont octroyées. Ainsi, ces derniers restent dans les pays développés à la fin de leurs études. De même que ceux qui ont gagné de l’expérience dans les entreprises sénégalaises et qui partent pour une spécialisation et qui malheureusement ne reviennent plus. Ces situations entraînent des pertes aussi bien en termes de coûts financiers, qu’en termes d’expériences et de performances des entreprises et des administrations. Mais aujourd’hui, il faut être beaucoup plus nuancé quand on parle de fuite de cerveau en évoquant la notion de perte ou de gain. Pour faire face à l’avancée de la science et de la technologie, le Sénégal est obligé comme les autres pays en voie de développement, d’envoyer ou de laisser partir ses étudiants et intellectuels étudier ou se former à l’étranger en particulier dans les pays développés. Ainsi, il convient de repenser la façon dont la fuite des compétences est analysée et perçue, l’idée serait de laisser tomber le concept négatif de « fuite des cerveaux » pour parler de « circulation des cerveaux ». Car jusqu’en 1990 cette expression de « fuite des cerveaux » évoquait, l’idée d’une migration définitive et à sens unique de personnes hautement qualifiées, venant du monde en voie de développement vers les pays industrialisés. De nos jours, ce type de migration n’est plus un déplacement définitif dans un seul sens, les effets positifs de celle-ci sur le progrès économique et social et culturel ont fini par faire comprendre que la circulation des compétences et de la main-d’œuvre pouvait être un catalyseur du développement. On peut remarquer de multiples retombées globales de ce type de migration internationale : la création et le transfert de connaissance, constitution d’une main-d’œuvre instruite et qualifiée et le développement des relations commerciales, sont dans certaines mesures, partagées par les pays situés aux deux extrémités de la chaine migratoire, par le biais des étudiants qui retournent dans le pays d’origine. De nombreux expatriés contribuent déjà massivement à l’économie de leur pays de départ par les transferts de fonds à destination de leur famille, notamment les diplômés qui restent dans le pays de formation ou dans un autre pays du Nord. Ainsi, pour appuyer cette thèse révèle, une étude de la DPEE (direction de la prévision et des études économiques), citée par l’APS (agence de presse sénégalaise), que les transferts de fonds des Sénégalais de l’extérieur ont représenté en 2007 environ 460 milliards, soit trois fois plus que les investissements directs étrangers. Ce qui explique l’importance de ces fonds. Toujours selon la même source, la principale conclusion tirée de cette étude, mentionne que les envois de fonds des migrants réduisent significativement, le nombre de ménages en dessous du seuil de pauvreté (incidence) à hauteur de 31 %. Ce qui signifie que le tiers des ménages recevant des transferts auraient été pauvres, s’ils ne recevaient pas ces fonds. Cette étude révèle que les transferts de fonds accroissent en moyenne de 60 % les dépenses par tête des ménages qui les reçoivent, même si la répartition selon les milieux de résidence et le niveau de revenu fait sortir des disparités au sein des ménages. Les résultats de l’étude révèlent que le découpage des ménages en cinq groupes de revenu allant du plus pauvre au plus riche (quintile) montre une évolution croissante de l’effet des transferts en fonction du revenu. L’étude ajoute que Dakar et les autres villes présentent les impacts les plus forts avec respectivement 95 % et 63,2 % d’accroissement des dépenses en raison des transferts, comparés au milieu rural où l’impact n’est que de 6 %. Dans les autres villes, note l’étude, on remarque une baisse beaucoup plus forte de l’incidence de la pauvreté (60 %), en raison des transferts des migrants, et précise aussi que deux ménages sur trois des autres villes recevant des transferts auraient été pauvres en l’absence de transferts. On précisera que cette catégorie de personnes qualifiées toutefois n’est pas perdue pour le Sénégal, et constitue une réserve de main-d’œuvre qualifiée que le pays pourra utiliser en cas de décollage économique. En effet pendant la période de l’alternance en 2000 au Sénégal, le pouvoir politique avait fait venir de l’étranger des personnes qui occupaient de hautes fonctions dans les pays développés pour occuper des postes ministériels. Cependant cette idée novatrice a subitement était freinée, par une politique politicienne qui a repositionné au sommet de l’Etat des militants de partis politiques qui n’ont aucune compétence et expertise pour mener le pays sur la voie du développement.
Magatte FALL Dr en géographie (Ph.D.)
Spécialiste en géographie de la population :
((Im) migration, pauvreté et développement
Membre du réseau REDATC (Im) migration de l’université de Montréal
Membre du cercle de réflexion des sénégalais du Canada
fallmag@yahoo.fr
Seneweb.com : Mardi 16 Juin 2009
L’Agriculture et le monde rural : L’Etat avoue ses limites ! Les collectivités locales à la rescousse ?
Le Président de la République a encore surpris son monde en déclarant que la GOANA n’avait pas produit les résultats qu’il en attendait. Pourtant il a déjà fêté en grandes pompes, et malgré la controverse, la réussite de cette grande offensive pour l’abondance alimentaire. Pire il a fait cet aveu au même moment où un discours très élogieux sur l’opération venait de lui être lu par le Président des élus ruraux, lui renouvelant la totale satisfaction des paysans du Sénégal. « Nous n’accepterons pas que d’autres pays viennent nous copier cette idée géniale et la mettre en œuvre chez eux » avait renchéri M. Alé LO dans son adresse au Chef de l’Etat. Curieux !
Bref, le Président n’est pas content de sa GOANA, et ceux qui l’ont induit à fêter des performances qui n’existent pas sont interpelés. En expliquant l’échec par le fait que malgré la cinquantaine de milliards dépensés, il n’a pas vu un seul paysan riche à ce jour, le Chef de l’Etat, en même temps, met en cause implicitement les nombreux programmes précédents initiés par ses gouvernements dans le secteur : Maïs, Manioc, Bissap, Sésame, Tabanani, REVA.
Comment en est-on arrivé là ? Peut-on éviter ces déceptions qui surviennent après que des milliards, précieux pour l’économie, ont déjà été dépensés indûment ?
Pour le président, il n’y a pas de doute, ce sont les non (ou faux) paysans, lovés dans les filières, qui ont capté cette manne financière destinée aux producteurs. Il vient confirmer la frange des paysans qui avaient récusé toute participation à la fête de la GOANA car ils attendaient encore de voir les retombées. Eux et leurs organisations furent taxés d’opposants masqués et mis en quarantaine par les pouvoirs publics et leurs alliés du secteur. Ce fut la promotion des laudateurs, et le début du bras de fer avec le CNCR qui aboutira à la lettre circulaire du Ministre de l’Agriculture mettant fin à toute coopération avec cette organisation paysanne accusée de sédition.
Il y a deux enseignements à tirer de cette réalité :
i. Les politiques initiées d’en haut se sont soldées par des résultats mitigés, malgré les milliards, et quelles que soient la générosité et la bonne volonté présidentielles qui les imprègnent.
ii. La mise à l’écart du CNCR en raison de ses jugements critiques, au profit de syndicats récemment créés, n’a pas pu garantir le succès aux décisions étatiques sur le secteur.
Le premier enseignement était le point de départ de la longue série de réformes opérées en profondeur dans le secteur de 1984 avec la NPA, à 2001 avec la dissolution de la SONAGRAINES. Elles consacraient le désengagement de l’Etat, la responsabilisation des producteurs, et faisaient des organisations paysannes des interlocuteurs valables de l’Etat dans la gestion des politiques agricoles. Le régime de l’alternance n’a jamais accepté ce jeu d’équilibre et s’est singularisé dans des logiques décisionnelles aux antipodes de l’esprit de concertation et de compromis. Le CNCR, la seule organisation paysanne qui a vécu et co-animé toute cette période de réformes structurelles, a eu du mal à s’accommoder de cette posture de remise en cause unilatérale des consensus qui ont façonné le secteur. Pour traiter l’attitude peu coopérative de ses responsables, l’Etat a entrepris d’affaiblir ce syndicat, en suscitant d’abord des dissensions internes, puis en parrainant la création de 6 autres plateformes paysannes de substitution, pour simuler cette concertation qui s’impose. Les élus locaux participeront à ce jeu manichéen, au lieu de produire des politiques locales, actives et alternatives.
Au vu des résultats actuels, force est de reconnaitre la nécessité et l’urgence de changer de vision et de méthode pour gérer ce secteur complexe. En commençant par redistribuer les prérogatives aux acteurs, et assumer les conséquences de leur liberté d’appréciation et de position. C’est le point de départ vers une révolution dans ce secteur, si ce n’est la « révolution rurale » elle-même.
En décidant « d’organiser » les paysans pour lutter contre les intermédiaires, on aborde mal le problème. Il est plus simple pour l’Etat, de laisser l’initiative aux communautés et collectivités à la base pour définir les politiques locales, et de les doter de moyens conséquents pour réaliser leurs objectifs concertés. Elles répondront systématiquement de la meilleure utilisation des ressources publiques qui leur sont allouées pour relever, à partir des territoires, les défis de l’emploi des jeunes, du développement des exploitations agricoles, de la transformation des produits alimentaires, et de la substitution aux importations céréalières. C’est une autre vision de la décentralisation qui ne considère pas les territoires comme des objets d’interventions pour des appareils de projets conçus et établis à Dakar, à la recherche d’une participation locale, pour dépenser leurs budgets énormes comparés à ceux de nos municipalités pauvres. Lorsque les 370 communautés rurales seront dotées chacune d’un budget minimum de 1 milliard, l’Etat pourra se tourner de plus en plus vers les élus locaux pour trouver des solutions aux problèmes de l’Agriculture et du Pays. Ce n’est rien comparé aux budgets des multiples et éclatés programmes d’appuis à la décentralisation et de lutte contre la pauvreté, qui échappent totalement au contrôle des communautés bénéficiaires.
C’est à l’échelle des territoires que les enjeux et les risques sont mieux perçus, les identités plus précises, les objectifs mieux ciblés, les processus participatifs et le pilotage plus aisé. La capacité d’imagination, de concertation et d’organisation des élus et populations, y garantit la qualité des projets sur lesquels l’Etat devra les inviter à passer contrat. Par cette approche territoriale, l’Etat central assure mieux ses fonctions de coordination des actions, et de régulation du processus de développement national. Cette vision implique de sortir de la logique actuelle de décentralisation fondée sur la mécanique des « 9 compétences transférées » et des maigres « budgets de transfert » qui empêchent les collectivités de s’affranchir de la tutelle de l’Etat. L’acuité du besoin amène les élus ruraux à obéir aux mots d’ordre de leurs partis, aux desideratas des projets d’appuis et aux exotismes des coopérations décentralisées, plutôt qu’aux intérêts et priorités de leurs administrés.
Enfin il faut considérer les implications de l’idée d’organiser pour nos paysans un voyage d’étude au Canada en juin, pour s’inspirer de l’expérience québécquoise d’organisation professionnelle agricole. Car, sait-on seulement que là-haut, quand les paysans ne sont pas contents des politiques, ils coupent les routes, déversent du lisier de porc dans les avenues, ou jettent des œufs pourris sur le crâne des officiels, sans être brutalisés par la police ou harcelés par la DIC. C’est cela l’originalité de cette expérience qui charme chez nous. Est-on vraiment prêt à la copier ? Si non ce sera une simple villégiature offerte gracieusement à des leaders syndicaux, dont la plupart ont déjà fait, ou presque, le tour du monde, et pour certains plusieurs fois.
Si donc vraiment nous voulons la révolution rurale, en voici les munitions, mais attention, certaines peuvent éclater entre nos mains, heureusement sans pouvoir ni tuer ni amputer. Alors, ……
Faap Saly FAYE
Ingénieur Agronome
Auteur: Faap Saly FAYE-Ingenieur Agrono
Sen24heures.com : Mardi 16 Juin 2009
POUR LA DIGNITE INDISPENSABLE ! ( Par Dr. Saliou Démanguy Diouf
« Jamais le soleil ne se couche sur ce qui est vrai ! Ce que la nuit cache, le jour le révèle. » Bernard B. Dadié (théâtre : Monsieur Thôgô-gnini.)
Les interrogations sur l’état de nos cultures se multiplient aux gré des faits, gestes et frasques de nos hommes politiques certes, mais à l’aune de la réalité dont les violences jusqu’ici inédites en laissent plus d’un à la fois perplexe, songeur et amer.
Depuis quelques mois en effet, sur les colonnes de notre presse nationale et sur les places publiques de nos régions, villages et quartiers, s’étalent des faits de violence liés à la nouveauté de la perfidie qui s’empare de plus en plus de nos jeunes et des pas très jeunes qui semblent avoir perdu la boussole.
D’aucuns s’interrogent sur le pourquoi et le comment du délabrement moral qui cerne nos inquiétudes et alimente les insomnies de nos braves populations. Les patrons de la presse nationale si avides de choux gras « se lèchent les babines » devant la profusion des titres chocs et la nouveauté des faits, dont l’horreur dépasse très souvent l’entendement du sénégalais lambda.
Evidemment que le Sénégal se trouve aujourd’hui empêtré dans un cycle de violence ouverte aux allures gratuites avec la nouveauté d’un cynisme troublant qui griffe, gifle, cogne, égorge, martèle, poignarde, viole, fusille, étouffe, trépane, engrosse, vole, pille et tabasse ses enfants aveuglément, en concomitance avec les incroyables infanticides rendues banales par leur originalité et leur rythme d’exécution. Nous ne pouvons ne pas penser aux mères et aux familles éplorées par la perte d’un des leurs dans les opérations « Barsa ou Barssax » qui dépouillent notre pays de sa fine fleur. Paix sur eux. Nos ancêtres ne sont-ils pas en train de bouger dans leur tombe ?
A force d’éplucher sur la toile les titres et les revues de presse sénéwebiens, nous ne pouvons ne pas pointer notre refus d’une guerre sociétale dont l’indignité fait peu d’honneur à l’esprit de sacrifice de nos valeureux ancêtres. C’est dire non pas seulement notre chagrin mais notre compassion devant les souffrances de notre pays auquel nous serons toujours solidaires. La brutalité des faits et la lenteur des solutions soulignent la gravité de cette problématique tout à fait nouvelle.
Nous aimerions comprendre comment certains sénégalais sont-ils arrivés au faîte de l’ignominie en perpétrant des crimes jusque là méconnus et dont l’horreur s’étale dans notre quotidien de manière effrénée : meurtres, viols, infanticides, gangstérisme, suicide, blasphème, harcèlement sexuel, infidélité, racolage, homosexualité, divorce à répétition, manque de solidarité familiale voire nationale, corruption, mensonge, trahison, paresse et que savons des autres ?
Mais l’on peut se demander comment un jeune homme de bonne famille peut-il accepter de se prostituer avec des touristes européennes âgées de plus de soixante cinq ans et certainement beaucoup plus vieilles que sa propre mère ?Que pensent les conseils répétés des ministres, de la gravité des tours et tournures qui poussent certains professeurs à massivement mettre enceinte des collégiens trop souvent mineures ? Devenue monnaie courante, la cadence des viols en connivence avec la promiscuité et la répétition des coupures d’électricité donne des allures de jungle à notre société naguère si paisible. Mais quand des patrons véreux séquestrent et violent en groupe une petite jeune fille de quinze ans c’est sans doute le comble. Mais encore quand des délinquants d’une barbarie nouvelle tuent des jeunes travailleurs, espoirs de notre société pour leur prendre téléphone et voiture pour narguer et leur famille et une police mal équipée, c’est une honte nationale. Où sont donc passés nos sages et nos valeurs séculaires régulatrices des tensions sociales et porteuses d’étendards de notre belle et grande civilisation plusieurs fois millénaire ? Le Sénégal et l’Afrique n’ont-ils pas toujours marqué le reste du monde par leur sagesse, leurs créativités culturelles, leur probité morale et leur sens communautaire ?
Nous avons la conviction que l’éducation de notre peuple est très mal assurée et de plus en plus diluée dans l’inadéquation de politiques culturelles mal adaptées au traitement de la nouveauté des enjeux socio-économiques. Dans un pays comme le nôtre, aujourd’hui classé parmi les pays pauvres les plus endettés, une rigueur morale devrait émaner des sphères dirigeantes et faire valeur d’exemple. Nul n’ignore cependant avec quelle insolence les glorioles de la corruption et les manifestations de la gabegie s’étalent sous les regards effarés de nos populations laissées en rade.
Tous ces dérapages liés à la nouvelle donne financière non contrôlée ont certainement bousculé le respect de nous-mêmes et causé des tares auxquelles la cohérence d’une bonne politique culturelle devrait servir non pas seulement de garde fou mais de correcteur et de moteur pour l’accession à une puissance créative capable de garantir à notre grand peuple la sécurité alimentaire et la liberté pour lui redonner sa dignité séculaire.
Dés lors, notre souci porte sur le comment rendre opérationnelle une éducation esthétique capable de restituer au quotidien du monde notre vrai visage en brisant l’échine de nos différentes aliénations. C’est ainsi seulement que nous serons capables de restaurer les valeurs immanquables à la réalisation de notre humanité. Qui sommes-nous sans le respect des aînés et la protection des petits, le respect de la femme dans le couple et hors du couple, le respect du sacré, de la faune et de la flore ? Qui sommes-nous sans le respect des valeurs éthiques aussi belles que l’intégrité, l’esprit de sacrifice, le sens du partage, la convenance des comportements, le sens de l’honneur, le respect de la parole donnée, la politesse la compassion de la droiture ?
Tant que nous accepterons tête baissée comme de vrais moutons, l’écrasement et la mise en abîme de toutes nos richesses culturelles nous continuons à nous demander dans quel pays sommes-nous vraiment ? Et à dangereusement douter de notre honorabilité.Que fait la justice de notre pays face à la gravité de tous les faits de violence et d’agression avérés ? Mais pourtant à côté de l’insécurité qui prévaut dans nos campagnes et nos quartiers populaires, les agences de gardiennage, de garde de corps fleurissent comme champignons pour satisfaire la demande sécuritaire d’une élite insouciante.
Tout laisse voir que le laxisme et la corruption prennent le pas sur la volonté populaire eu égard au rythme effréné de la récidive qui explique la banalisation des crimes.
Nous ne devrions peut-être pas, par bienséance, vous le dire ou vous rappeler ces faits graves que nous tous savons très bien. Cependant, l’état des silences, allions nous dire celui des complicités guidées par cette lâcheté sans nom hautement observée et qui semble intriguer contre nous tous vivants et contre notre peuple à venir ne pouvaient nous laisser sans voix.
Ne trouvez vous pas tout ceci très gênant ?Mais trop long, certainement pas, le questionnement. Qui gère dans notre pays l’esprit et le pouvoir de l’argent souvent mal acquis ? Qui doit faire la critique des agents vautrés dans la bombance et dans la luxure des palais de la disgrâce tout comme la facilité des 4X4, celle des 8X8 et autres gadgets tous gratuits, alors que nos vrais compatriotes dorment le ventre creux avec noblesse, pendant que les récoltes du GOANA pourrissent dans nos campagnes ? Toutes nos interrogations font appel à des réponses culturelles.
Elles interpellent certainement tous ceux qui s’accrochent à la démocratie, à la loyauté vis-à-vis de nous tous, vis-à-vis de notre passé et vis-à-vis de nos descendants. C’est pourquoi notre attentisme, nos silences, nos yeux fermés et notre surdité ne sont qu’abandon de soi, abandon de nos responsabilités, abandon de notre futur ?
Quand les critères esthétiques d’un peuple se résument à l’argent facile, qui oblige la popularité de l’élitiste et très vulgaire « Mokoo Yorr », c’est tout le pays qui est en danger. Nous reviendrons sur la question des valeurs nobles de notre pays que des enfants infidèles veulent jeter dans les bennes à ordures.
Nous y reviendrons absolument car nous croyons fermement qu’un autre Sénégal est possible et que massivement nous pouvons le faire. SDJ.
L’OBSERVATEUR :
DOSSIER : 10 ANS APRÈS L’APPEL DU 16 JUIN L'AFP ENTRE GRANDEUR ET DÉCADENCE
Article Par Ndiaga NDIAYE & Latir MANE,
Paru le Mardi 16 Juin 2009
Cela fera aujourd’hui 10 ans, jour pour jour, que Moustapha Niasse a lancé «L’appel du 16 juin» qui a vu la naissance de l’Alliance des forces de progrès (Afp). Que reste-t-il de cette formation politique qui a connu, certes, une saignée, mais qui tient toujours. Qui pour porter l’Afp après Niasse. Des débuts de réponses dans ce dossier sur la formation «progressiste».
Son appel avait suscité l’espoir un mémorable 16 juin. Il y a juste dix, jour pour jour. L’appel, alors fait dans un contexte politique pluriel marqué par un régime socialiste usé par le pouvoir, un pays qui n’aspire qu’au changement, avait ameuté des foules. Des pans entiers du Parti socialiste (Ps) s’étaient séparés pour rejoindre le camp de leur ex-camarade de parti, Moustapha Niasse. Ce dernier avait quittés le Ps à cause d’une multitude de frustrations. Des personnalités jusque-là inconnues du terrain politique décidèrent de faire le saut, convaincu de la stature d’homme d’Etat que Niasse a toujours incarnée. L’engouement populaire autour de l’enfant de Keur Madiabel conduisit à la création de l’Alliance des forces de progrès (Afp), le 14 juillet 1999. C’était dans un contexte préélectoral marqué par la cassure de la famille socialiste qui a enregistré trois candidatures, sous des bannières différentes : Abdou Diouf, Moustapha Niasse et Djibo Kâ.
Au finish, les résultats de la présidentielle de février-mars 2000 livrent un secret de taille. Le leader de l’Afp se classa deuxième avec 280 538 des voix exprimées, soit un score de 16,77%. Le deuxième tour est inévitable, sa position lui confère le rôle d’arbitre voire de faiseur de roi. Son choix est fait, il reporte ses voix au candidat Abdoulaye Wade et appelle à voter pour lui. L’Afp de Moustapha Niasse est alors un des meilleurs artisans de l’Alternance. Récompensé d’un poste de Premier ministre, Niasse poursuit son ascension fulgurante, ce qui lui permet d’engranger 303 150 voix aux élections législatives de 2001, soit 16,13% des suffrages exprimés et obtient 11 sièges à l’Assemblée nationale.
A l’épreuve du terrain
Mais, vers la fin de l’année 2002, l’Afp connaît ses débuts de crise, la machine toussote. L’espoir semble s’émousser, les «progressistes» accusent le choc des premiers départs. Avec la même clameur qu’au début de l’aventure. Le mode de gestion du parti et de ses instances est la raison évoquée pour justifier les départs.
En effet, l’Afp est dépeinte comme un parti où tout se décide par un «clergé» composé de Moustapha Niasse et trois ou quatre de ses acolytes. A tort ou à raison.
L’animation des instances de bases, qui faisaient la force du parti, commence ainsi à faire défaut. Les militants se plaignent du fossé entre la masse et le sommet. Pourtant, les réunions du Bureau politique se tiennent, sans répit, toutes les semaines. Avec des décisions qui ne sont pas toujours transmises à la base.
De fait, le virus d’une gestion hyper centralisée, qui affecte la plupart des formations politiques du Sénégal, n’épargne pas l’Afp. Un parti dont le fonctionnement est souvent au ralenti du fait qu’en l’absence du leader, souvent hors du pays, les responsabilités de la suppléance ne sont pas totalement assumées. Le parti de Niasse se démarque, de plus en plus, de son statut de formation politique populaire pour tendre vers l’élitisme. Cette mutation silencieuse va affecter le poids politique de l’Afp. Au sortir de l’élection présidentielle de 2007, même si celle-ci ne constitue pas un repère pour l’opposition, l’Afp est reléguée à la quatrième place, loin après Abdoulaye Wade, Idrissa Seck et Ousmane Tanor Dieng. Le score est jugé catastrophique et la baisse est très sensible. De 16,13% aux dernières élections, Niasse, bien que fort de l’appui du Rnd de Madior Diouf et du Pit de Amath Dansokho, n’a pu récolter que 5,93% des suffrages, avec seulement 203 129 voix, soit une perte de 100 mille votes de confiance, en moins de cinq ans. Il en faut, pourtant, beaucoup plus pour tempérer les ambitions ; elles sont toujours les mêmes.
Frustrations et départs à l’Afp
Si l’Afp était une armée, on aurait pu dire sans risque de se tromper qu’elle a perdu beaucoup de ses lieutenants. L’Afp fait partie des dernières formations politiques à naître dans l’échiquier politique sénégalais. Il est vrai aussi que c’est le parti qui a enregistré le plus grand nombre de départs de la part de ses responsables en si peu de temps. Des départs d’ailleurs qui ont fait la Une des journaux de la place en son temps. Serigne Mamoune Niasse, leader du Rassemblement pour le peuple (Rp), Khassimou Dia, député, Me Abdoulaye Babou, député de l’Assemblée nationale, Mor Dieng, leader du Parti de l’espoir/Yaakaar, Abdoul Khadre Ndiaye, Alliance sacrée pour la cause nationale, Raymond Diène, responsable à Mbour… La liste est loin d’être exhaustive. Et les départs sont survenus à différents moments de l’histoire de l’Afp. Avant le congrès du parti, après le congrès et récemment. Ce qui avait d’ailleurs poussé Niasse à assimiler son parti à un train. Et qu’à chaque fois que le train arrivera à une gare, il y aura des passagers qui vont descendre, mais aussi d’autres qui vont monter à bord.
La majorité des départs de l’Afp s’est retrouvée à côté de M. Wade. Pourtant, tous les partants ont dénoncé la façon dont Niasse gère le parti. Ils lui ont reproché de ne promouvoir que ses amis, d’être allergique à la contestation, mais aussi d’être trop généreux. C’est la raison pour laquelle les départs se sont succédé, et pas des moindres : le porte-parole du parti, le responsable des cadres, le porte-parole des jeunes… Malgré tout, le parti est resté debout et attrayant, car il y a aussi eu des arrivées remarquables.
QUI APRÈS NIASSE ?
Ce sera Madièyna Diouf, Bouna Mouhamed, ou…
A l’instar des autres formations politiques, le débat de l’après Moustapha Niasse a aussi sa place dans la scène politique sénégalaise. D’autant plus qu’à l’Afp, c’est Niasse qui fait l’essentiel. Il est le principal bailleur de fonds des progressistes. Poussant certains observateurs a déclaré qu’après Niasse «l’Afp connaîtra une mort économique». Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y aura personne capable de prendre la relève de Niasse.
Pas plus d’une fois, le leader des progressistes a abordé ce débat en réunion de Bureau politique ou en privé. Et comme le pense déjà certains, sa succession se fera à l’intérieur du groupe des «quatre mousquetaires». Il y a d’abord Madièyna Diouf, naturellement numéro deux de l’Afp. Homme de confiance de Niasse, c’est son amitié avec celui-ci qui lui vaut ce poste et non une capacité de mobilisation à sa base à Kaolack. On l’accuse même d’être à l’origine des plus grands départs qui ont été notés à l’Afp.
Après lui, il y a Bouna Mouhamed Seck. Il a été le directeur de Cabinet de Niasse, alors Premier ministre. Moins coté que Madièyena Diouf, il n’est pas responsable de fédération, encore moins de département ou de région. Mais, il est présent aux grandes rencontres de l’Afp. En 2007, Niasse a confié à M. Seck, juste avant d’aller prendre l’argent de la campagne présidentielle, que c’est à lui qu’il va confier les rênes de l’Afp à son départ. Last but least, Bécaye Sène, responsable de Colobane, et l’ambassadeur Fallilou Kane complètes la liste de successeurs potentiels.
Ces «héritiers» sont les mieux placées pour l’après-Niasse. Non pas parce que ce sont des bêtes politiques, ou parce qu’ils ont des bases pouvant faire la différence. Mais tout simplement parce que ce sont des proches et des amis de Niasse. Cela n’est pas pour arranger la situation de l’Afp. Ce qui fait dire à certains que «le plus grand défaut de Niasse, c’est qu’il est fidèle en amitié». MADIÈYNA DIOUF, NUMÉRO 2 DE L’AFP : «Si Niasse s’en va, je pars»
QUI APRES NIASSE ?
«Absolument pas moi. Etre numéro deux est très difficile dans un parti. Cela suppose un dévouement à toutes épreuves. Non seulement au parti, mais aussi à celui qui incarne le parti. J’ai connu Niasse en 1952. Nous cheminons ensemble depuis le Lycée Faidherbe, il y a cinquante ans. Nous avons des relations amicales très fortes. Et il me fait une confiance totale. Une relation que lui-même qualifie de granitique. Je n’ai aucune ambition autre que d’être avec Moustapha à l’Afp. Je n’ai aucune ambition de diriger un parti. Je suis venu dans la politique par effraction, je n’ai aucune prétention pour être demain le secrétaire général de l’Afp, si jamais Moustapha Niasse venait à quitter le parti. Et s’il le quittait, on le quittera ensemble. L’Afp va se rajeunir. En plus, je suis plus âgé que Moustapha, j’ai 72 ans. Et j’ai eu un parcours qui me permet d’aller à la retraite. Beaucoup de personnalité du Sénégal ont été mes étudiants, c’est le cas de l’actuel Premier ministre, du gouverneur de Kaolack… Je n’envisage pas de remplacer Moustapha Niasse à la tête de l’Afp, je ne l’ai jamais envisagé. Peut-être que si on doit quitter l’Afp, on le fera ensemble pour céder la place aux jeunes.»
EVOLUTION DE L’AFP
«Beaucoup de changements. L’Afp est devenu un grand parti. Il a participé à toutes les élections depuis 2000. Présidentielles, législatives, locales. L’Afp est partie seule aux élections législatives en 2001 et ensuite en coalition. Avant d’avoir notre propre candidat en 2007. L’Afp est un idéal qui a regroupé à sa création beaucoup de Sénégalais. Pas essentiellement des Sénégalais issus des rangs de partis politiques. La grande majorité des gens qui ont créé l’Afp ne viennent pas de partis politiques. Ce sont des citoyens sénégalais qui ont répondu à l’Appel du 16 juin. Et qui se sont retrouvés dans un projet de société. Contrairement à l’image qu’on renvoie, c’est-à-dire qu’on est une fraction du Parti socialiste (Ps). Bien entendu, certains des dirigeants comme Moustapha Niasse et moi-même, et d’autres, étaient des militants du Ps. La rupture n’est pas l’essentiel par rapport au socialisme démocratique sur lequel nous avons des convergences très fortes avec le Ps.»
ARRIVEES ET DEPARTS DE L’AFP
«Je ne suis pas d’accord avec vous quand vous parlez de beaucoup de départs. Il y a des départs et beaucoup d’arrivées. Cela a été très spectaculaire. Ces départs l’ont été pour des raisons très mercantiles d’ailleurs. Quand quelqu’un quitte un parti, il médiatise son départ, il s’attaque aux dirigeants du parti, et après on le retrouve dans les prairies bleues. Cette médiatisation à outrance participe à un jeu de dupe. C’est pour valoriser l’offre par rapport à la destination qui est souvent bleue. Mais quand on a eu un qui est parti de façon spectaculaire, il y a eu cent arrivées. L’Afp se porte aujourd’hui très bien. C’est un grand parti qui s’est massifié, avec des ressources humaines de qualité. Nous sommes présents dans tout le Sénégal. Il n’y a pas un village ou une communauté rurale dans laquelle l’Afp n’est pas présente. Contrairement à ce qu’on pense, ce n’est ni un parti régional ni un parti de trois ou quatre régions, c’est un parti national.»
MADIEYNA DIOUF A L’ORIGINE DES DEPARTS
«C’est explicable. C’est ma position de numéro deux. D’ailleurs, c’est la presse qui m’a attribué le titre de numéro deux, alors que je ne l’étais pas encore. Etant un collaborateur principal de Moustapha Niasse, quand il y a des départs, et ce n’est pas tout le temps, je suis souvent présenté comme le justificatif de certains départs. Mais je réponds que si c’est à cause de moi qu’ils sont partis, on ne les aurait pas retrouvés là où ils sont.»
ALASSANE DIALY NDIAYE, ANCIEN MINISTRE SOCIALISTE SUR LA VENTE DE LA SONATEL «On ne vend pas une poule aux œufs d’or»
Article Par JEAN-PIERRE MANE,
Paru le Mardi 16 Juin 2009
Technocrate dans les télécommunications et ancien ministre sous Abdou Diouf, Alassane Dialy Ndiaye, est le père fondateur de la Sonatel dont l’Etat veut vendre une partie des actions qu’il y détient à France Télécoms. M. Ndiaye se dit opposé à cette option. Dans cet entretien, l’initiateur du Club de recherche Prospectives 2012 donne son point de vue sur les Assises nationales, le dialogue politique, etc.
Monsieur le ministre, le monde fait face aujourd’hui à une crise d’abord financière puis économique, qui n’épargne aucun pays. Quelle lecture faites-vous de la situation économique du Sénégal ?
La crise qui a commencé aux Usa, par les subprimes, a envahi les grandes banques et les institutions imbriquées dans le réseau financier international. L’Afrique n’étant pas bien intégrée au système financier mondial, on pouvait penser qu’elle allait être relativement épargnée. Malheureusement, de financière, la crise est devenue économique. Du coup, notre continent commence à en subir le choc. Nous commençons à sentir la crise à travers les matières premières que le continent exporte vers les pays industrialisés ou émergents. Il est aussi à prévoir que les investissements directs étrangers et l’aide publique au développement vont baisser. Sans parler de l’atténuation prévisible des transferts d’argent des émigrés africains vers le continent. Il y a une forte probabilité que l’on assiste, dans des pays comme le nôtre, à un ralentissement de la croissance économique et au gel de projets industriels ou miniers. Ce qui est sûr, c’est que dans les mois à venir, nous risquons d’être soumis aux contrecoups de cette crise.
Quelles solutions préconisez-vous pour juguler les effets d’une crise qui prend de plus en plus l’allure d’une récession ?
Il nous faudra rassembler toutes nos capacités d’imagination et d’innovation pour découvrir de nouvelles niches dans le domaine des services, renforcer la micro-finance pour aider la frange la plus démunie de la population à développer des activités économiques de subsistance. Une attention devra être portée plus que jamais sur l’agriculture, la sécurité alimentaire. Je pense aussi que les dirigeants africains devront travailler à un plan de protection et de sortie de crise pour le continent. J’espère que l’on sortira bien de la crise. De nouvelles opportunités s’offriront. Nous devons nous y préparer, en mettant plus que jamais l’accent sur la formation des ressources humaines, la recherche, l’innovation…
Lors de la 44ème assemblée annuelle de la Banque africaine de développement (Bad), le Président Wade a appelé ses pairs à s’ouvrir désormais à l’Asie et à l’Amérique. Partagez-vous ce point de vue qui consisterait à tourner le dos à l’Union européenne ?
Nous sommes en plein dans un marché et une économie mondialisés. La crise actuelle, s’il en était besoin, vient de nous le rappeler. La presque totalité des pays du monde sont intégrés dans le marché mondial et, ces pays ont accepté l’institution de ce marché mondial. Dans ce contexte, il est donc extrêmement difficile de dire que «je vais tourner le dos à un tel ou je m’oriente vers un autre», sans conséquences prévisibles. Il faudrait plutôt s’atteler à développer des capacités d’adaptation à cette situation nouvelle. C’est extrêmement difficile, mais une adaptation sur tous les plans est nécessaire. La formation de ressources humaines de qualité, la mise en place d’infrastructures constituent une base solide pour affronter la compétition exacerbée née de la mondialisation. Ceci est un préalable à un développement solide et sérieux. Il faut développer des infrastructures au niveau des villes comme à l’intérieur du Sénégal. Il faut que ces infrastructures (routes, télécommunications, santé, eau, écoles…) innervent les zones rurales, puisque la majorité des Sénégalais vit dans le monde rural.
Votre passage à la tête de la Sonatel a permis la numérisation du réseau de la société. Aujourd’hui, l’Etat veut vendre une part de ses actions à France Télécom. Qu’en pensez-vous ?
D’abord, je suis fier, aujourd’hui, d’être le Directeur Général-Fondateur de cette entreprise. Je me suis consacré, avec beaucoup de passion et d’enthousiasme, à la réalisation du réseau de télécommunications de notre pays.
Au départ, cette société était constituée à 100% d’actions détenues par l’Etat du Sénégal et, son fonctionnement était exactement calqué sur celui de son prédécesseur : Télé Sénégal. En 1996, l’idée est venue de privatiser partiellement cette société. Vers la fin de l’année 1997, l’Etat du Sénégal a décidé de vendre une partie de l’entreprise à France Télécom et de donner 10% du capital de l’entreprise aux travailleurs et de conserver le reste. Je crois que le gouvernement avait probablement des raisons solides de prendre une décision de ce genre. Je l’ai toujours dit, quand on privatise ce type d’entreprise qui était partie sur un élan fort et rapide de développement, il faut en profiter pour aider les nationaux à mieux s’intégrer, non seulement à l’économie nationale, mais aussi à l’économie mondiale. C’est pourquoi, j’ai pensé à l’époque, et je continue à le penser, que l’Etat du Sénégal aurait pu faire du portage. Cela, pour les Sénégalais sérieux, désireux d’être actionnaires et parties prenantes dans le secteur des télécommunications. C’était l’occasion d’en faire des actionnaires d’une entreprise, dans un secteur d’avenir. Cela consiste à déterminer une part, la plus importante possible, et à décider de la donner, au comptant ou à crédit, non seulement au personnel de la Sonatel, mais à d’autres Sénégalais, à des centaines, voire à des milliers de Sénégalais. Ceci aurait permis à nos compatriotes d’être initiés aux activités d’une entreprise d’avenir et d’être actionnaires surtout dans une société qui est le symbole d’un secteur dynamique, puisque les télécoms constituent les supports de développement, non seulement dans le domaine des rapports entre les hommes, mais elles sont essentielles pour le développement de l’économie mondiale. Si le gouvernement avait fait un portage sérieux, peut-être qu’aujourd’hui une grande partie de l’entreprise serait entre les mains des Sénégalais. Mais ce que nous constatons aujourd’hui, c’est qu’il y a plus de 40% des actions de l’entreprise qui appartiennent à France Télécom et le personnel qui, au départ, possédait théoriquement 10% de l’entreprise, n’en détient présentement qu’à peine 4% et l’Etat, un peu moins de 30%. Le reste fait l’objet de transactions au niveau de la Bourse régionale des valeurs mobilières d’Abidjan (Brvm). La situation présente de l’entreprise est là. De mon point de vue, il faut absolument tout faire pour que, même si le capital d’une telle entreprise échappe à l’Etat du Sénégal, celui-ci, à l’instar de ce qui se passe aux Etats-Unis ou dans les pays européens, ait un œil sur le fonctionnement d’entreprises comme la Sonatel, ou encore Sudatel, Tigo Millénium. Il faut que l’Etat veille aux activités de ces entreprises : les télécommunications, c’est l’intelligence qui circule, ce sont les informations, c’est la sécurité. C’est donc un domaine hautement stratégique. Pour moi, et en termes très clairs, il n’est pas question que l’Etat vende ses actions. L’Etat tire de ses actions, tous les ans, bon an mal an, environ 50 milliards de dividendes. De plus, il engrange entre 50 et 70 milliards sous forme de taxes, d’impôts, etc. En somme, l’Etat tire plus de 100 milliards de FCfa de la Sonatel. Quand on a une poule qui pond des œufs d’or, on ne la vend pas. Une autre affaire est de savoir ce qui se passe à la Bourse (Brvm), parce qu’il n’y a pas seulement des actions détenues par France Télécom, par les travailleurs et par l’Etat. Il y a aussi des actions qui sont au niveau de la Bourse d’Abidjan. Il faudrait que le gouvernement, qui agit au nom de l’Etat, réfléchisse sérieusement sur une stratégie pour mieux contrôler les télécommunications.
Le Président Wade semble favorable à un dialogue politique. Est-ce une nécessité ?
Je pense qu’un effort doit être fait pour organiser une vie politique et une démocratie apaisées. Dans notre système, le président de la République est le principal animateur de la vie politique. Il en est le pivot central. La qualité, la nature du dialogue politique reposent essentiellement sur lui. Par conséquent, cela relève de lui. Je pense qu’il serait souhaitable qu’une grande ouverture soit faite pour organiser un meilleur dialogue politique au Sénégal. Il ne faut pas que nous nous perdions dans des combines et considérations politiques du moment et que nous nous complaisions dans des situations très passagères et fragiles. Il faut que nous puissions nous projeter dans l’avenir. Si nous ne mettons pas en place une véritable démocratie dans ce pays, j’ai bien peur que, dans les années à venir, nous soyons confrontés à certaines difficultés.
Personne n’a intérêt à durcir les rapports entre les différentes composantes de notre société. Nous devons tout faire pour préserver la paix sociale. Aucun gouvernement, aucun parti, aucune personne, ne sont éternels. Il est de l’intérêt du Président, du parti au pouvoir, pour la viabilité de son héritage, qu’un dialogue sincère, sans «entourloupettes», s’établisse entre les différents acteurs de la vie politique et civile de notre pays.
M. le ministre, vous parlez de dialogue et, au même moment, l’opposition a organisé des Assises nationales. Un débat sur lequel on ne vous a pas entendu ?
Nous avons eu à discuter de ce problème avec un certain nombre de personnes, d’acteurs de ces Assises. Notre point de vue au départ était que nous avions déjà, il y a plusieurs années, mis en place une structure qui s’appelle le Club de Recherche Prospectives 2012 et qui rassemble des cadres de plusieurs sensibilités politiques (Ps, Pds, Pit...) et sociales, et des cadres qui ne se réclament d’aucune formation politique. Pendant plusieurs années, nous avons réfléchi sur le Sénégal, sur la façon dont le pays a été dirigé depuis 1960 et, nous continuons à réfléchir sur l’avenir de ce pays. C’est dire que nous avons organisé des Assises de façon permanente et apaisée. Nous travaillons dans ce cadre et cela ne veut pas dire que nous sommes contre les Assises organisées par l’opposition. Nous n’avons pas participé aux Assises de façon très intensive pour des raisons que je vous ai indiquées. Mais nous avons assisté à la séance de restitution ou conclusions des Assises.
Vous êtes ancien secrétaire général de la Coordination du Parti socialiste à Sébikotane et secrétaire général de l’Union départementale de Rufisque, mais depuis la débâcle de 2000, vous semblez prendre du recul par rapport à votre formation politique ?
Je n’ai jamais dit que j’ai quitté le Parti socialiste. Personne ne l’a entendu de moi, ni en privé ni en public. J’ai, pendant de longues années, en plus de ma carrière de technocrate dans les télécommunications, mené une vie de militant socialiste à la base depuis le Comité jusqu’au Bureau politique du Parti socialiste. Il est arrivé, il y a quelques années, une crise qui explique, en grande partie, cette défaite.
Vous faites peut-être allusion au fameux congrès dit «sans débats» de 96, et il semble que c’est Ousmane Tanor Dieng qui constituerait votre obstacle ?
Il y a le congrès et beaucoup de choses. Je pense que même les partis politiques présents doivent lire l’histoire du Ps. Le Ps a dirigé le pays pendant 40 ans - comme on dit - mais je crois qu’à un moment, le Ps était trop sûr de lui et avait l’impression que les Sénégalais étaient à sa dévotion. Et la surprise a été dure en 2 000.
La crise alimentaire mondiale et la Goana
IV - Comment relever le défi de la commercialisation des productions agricoles
La dimension commercialisation de la production agricole a toujours été un problème dans les pays en développement et le Sénégal ne fait pas l’exception. La commercialisation est au cœur même du développement de la production agricole et de la croissance du secteur. Il ne peut pas y avoir de passage de l’agriculture de substance à une agriculture de rente sans la mise en place d’un système de commercialisation à la fois équitable et efficace ou chaque acteur y trouve son compte. Pour que le paysan puisse se nourrir et nourrir les autres, il faut qu’il produise plus et pour qu’il produise plus il lui faut non seulement plus de moyens, c'est-à-dire assez de terre, d’eau, de bonnes semences, d’engrais, de matériels et d’infrastructures, mais il lui faut surtout la possibilité de vendre sa production à un prix raisonnable, c'est-à-dire qui lui rapporte un bénéfice, tant soit peu. Aucune personne, de n’importe quelle société du monde, n’accepterait, de plein gré, de travailler sans salaire ou à perte. Pour le paysan, il en est de même. Il travaillera plus si cela lui rapportera plus.
Au Sénégal, il y a deux cas typiques qui caractérisent l’agriculture dans sa dimension commercialisation. Il s’agit de l’arachide et du riz de la Vallée du Fleuve Sénégal. Pour l’arachide, indépendamment des budgets de commercialisation souvent insuffisants et les retards de leur mise en place, le fond du problème a toujours été le prix de vente du kg d’arachide. C'est-à-dire à combien de francs Cfa le paysan doit céder sa récolte aux acheteurs, notamment aux huiliers (prix bord champ) ?
La fixation habituelle du prix de l’arachide en fonction du cours mondial a toujours pénalisé le paysan sénégalais. Le prix du kg d’arachide bord champ est plutôt fonction de son prix de revient. Il a fallu au paysan de produire, conditionner, transporter, stocker, etc., avant de présenter sa marchandise à son client. L’ensemble de ses coûts et frais ne constituent que son prix de revient. Le paysan ne doit donc pas vendre sa production à un prix qui ne lui procure aucun bénéfice et qui, quelquefois, ne couvre pas tous ces frais. S’il le faisait, il aurait travaillé à perte. Précisément, le problème n’est pas seulement pour le paysan de couvrir ses frais, mais de se procurer des revenus supplémentaires qui lui permettent de satisfaire les différents besoins des membres de sa famille. Le prix de vente bord champ des produits agricoles ne peut pas descendre en dessous d’un certain seuil (prix plancher) et doit être étudié et fixé sur la base du compte d’exploitation du paysan. Il est heureux que les organisations paysannes de base et faîtières aient compris cet élément de taille, qui améliore leur capacité de négociation avec l’Etat et les huiliers.
Pour le riz de la Vallée du Fleuve Sénégal, le fond du problème est le même que celui de l’arachide. Pour l’arachide, on ne veut pas payer le prix coûtant pour protéger les huiliers des fluctuations du cours mondial et, pour le riz de la Vallée du Fleuve Sénégal, on ne veut pas payer le prix coûtant pour protéger le pouvoir d’achat des consommateurs, urbains notamment. Pour ce dernier cas, l’Etat avait toujours préféré recourir à des importations massives de riz asiatique pour nourrir les Sénégalais et appliquer ainsi la politique des avantages comparatifs, prônée par la Banque mondiale. On sait que la Banque mondiale est très allergique aux subventions agricoles dans nos pays, alors qu’elles sont de règle dans tous les pays où il y a autosuffisance et sécurité alimentaire. (Europe, Usa, Asie). C’est ainsi que les paysans de la Vallée ont été laissés à eux-mêmes avec une production non compétitive et n’ont jamais pu produire suffisamment de riz pour couvrir les besoins du pays.
La crise alimentaire mondiale de 2008 a bien révélé que si nos pays ne développent et ne modernisent le secteur agricole, ils ne seront jamais en sécurité sur le plan alimentaire. Pour protéger le consommateur sénégalais contre des prix élevés du riz local et en même en temps augmenter la production nationale jusqu’à la satisfaction de la demande, il est nécessaire de subventionner les paysans en intrants, en matériels et en énergies pour obtenir des accroissements importants de la production à des coûts réduits aux bénéfices des paysans et des consommateurs. Les importations massives de produits agricoles, sur la base d’avantages comparatifs, tuent l’agriculture locale, mettent le pays dans une insécurité permanente et grèvent la balance commerciale. Le pays est alors pris en otage par les pays exportateurs, les structures intermédiaires et les importateurs nationaux, une chaîne de spéculateurs véreux, qui ne militent pas pour le développement de l’agriculture locale. La mise à la disposition des paysans des facteurs techniques de production est une condition nécessaire, mais pas suffisante pour une croissance forte et rapide de la production. Pour atteindre des taux de croissance élevés et satisfaisants, il faut une politique des prix des produits agricoles qui prenne en considération l’intérêt des paysans et qui soit plus incitative. Seuls des prix incitatifs peuvent en fin de compte amener les paysans à produire plus et mieux.
Relever le défi de la commercialisation des productions agricoles, c’est désenclaver complètement les zones de production par rapport aux centres de commercialisation et de consommation, c'est-à-dire les villages centre et les villes. Pour ce faire, la construction de pistes de production et de routes de qualité, praticables en toutes saisons, est une nécessité impérieuse. Ces réseaux de communication permettent l’acheminement de tous les matériels nécessaires aux cultures et l’évacuation des productions, dans les délais voulus et d’éviter des retards dans le calendrier de la campagne agricole ainsi que des pertes post-récolte dues au manque de moyens de transport et de bonnes voies de desserte.
Relever le défi de la commercialisation des productions agricoles, c’est aider les paysans à constituer des stocks de leurs récoltes, aussi bien au niveau paysan qu’au niveau villageois. Ces infrastructures de stockage permettent de protéger les récoltes des intempéries et de garder des réserves de sécurité, pour les périodes de soudure. Le paysan voyant sa production en sécurité contre les intempéries et les prédateurs de tout genre, pourra la vendre dans la sérénité et non dans la précipitation, à des prix rémunérateurs.
Relever le déficit de la commercialization, c’est créer au niveau national des stocks de sécurité par le gouvernement et le secteur privé, surtout en années de récoltes abondantes. Les stocks devront assurer la sécurité alimentaire du pays sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Les stocks gouvernementaux serviront de régulateurs des prix de vente aux consommateurs urbains et ruraux, lorsque les pénuries commenceront à se faire sentir.
Relever le défi de la commercialisation des productions agricoles, c’est surtout mettre en place et à temps le financement de la commercialisation pour éviter aux paysans dans le besoin de bazarder leurs productions aux commerçants véreux, qui ne cherchent qu’à payer le prix le plus bas possible. Le paysan ne devrait être, d’aucune façon, obligé de vendre sa production à un prix inférieur à celui arrêté officiellement. Si le gouvernement le met dans une telle situation, alors, toute la politique agricole qu’il met en œuvre sera vouée à l’échec. Une bonne campagne agricole, c’est surtout un budget suffisant pour le financement des intrants et de la commercialisation des productions. Sans cela, les paysans restent à la merci de ce”money lenders’ qui, dans les années soixante, ont ruiné les agriculteurs des pays en développement, à travers le monde. Ces usuriers qui étaient au début et à la fin de la chaîne de production agricole, n’avaient été éliminés qu’avec l’apparition de coopératives et de banques agricoles qui prennent en charge les principales préoccupations des agriculteurs.
Le développement agricole au Sénégal ne pourra être le moteur de la croissance économique et du développement social, que si le gouvernement reprend en main les leviers de la régulation du système de production et de la commercialisation. L’implication souhaitée du secteur privé ne devrait pas se faire au détriment des producteurs. Les opérateurs privés exercent souvent dans des situations de monopole qui ne favorisent pas le développement du secteur.
Enfin, le défi de la commercialisation de la production agricole sera relevé si les produits de l’agriculture accèdent aux marchés urbains dans les conditions requises par les consommateurs. En effet, ce sont les consommateurs qui, en fin de compte, de par leurs demandes, stimulent la production. S’il n’y a pas une demande suffisante, il ne peut pas y avoir une croissance importante de la production.
Comme nous l’avons souligné plus haut, la demande en produits agricoles n’est pas fonction seulement du prix, mais également d’autres facteurs tels que le conditionnement, les habitudes alimentaires et la proximité, c'est-à-dire la disponibilité dans les grands marchés traditionnels et les grandes surfaces d’alimentation. La satisfaction des desiderata des consommateurs suppose, à son tour, l’émergence de Pme et Pmi de transformation de produits agricoles, et leur mise à disposition auprès des consommateurs.
A une plus grande échelle, on doit tendre vers la création et le développement d’un secteur agro-industriel dynamique qui participera à tous les maillons du développement agricole, de la recherche agronomique à la production et à la commercialisation. C’est cette intervention de l’agro-industrie et de l’agrobusiness que nous désignons par l’expression : ‘tirer l’agriculture par le haut’ pour en faire un véritable moteur de développement de l’économie nationale.
Les efforts entrepris par les privés sénégalais dans la transformation et la distribution, voire l’exportation, de produits agricoles, sont encourageants. Les associations ou coopératives de femmes transformatrices de produits agricoles, comme les céréales locales, doivent être encouragées. Elles doivent être assistées pour le développement de leurs entreprises. Les résultats obtenus dans ce domaine par l’Ita doivent être appliqués à grande échelle avec le concours des secteurs public et privé pour répondre aux besoins des consommateurs.
Pour conclure, nous disons que le Sénégal a suffisamment de potentialités pour être autosuffisant en produits agricoles et particulièrement en produits céréaliers. Il possède en effet suffisamment de bonnes terres, suffisamment d’eau, suffisamment de bras valides et disponibles. La volonté politique exprimée par le président de la République, à travers la Goana, devrait permettre la valorisation de toutes ces ressources pour atteindre l’autosuffisance et la sécurité alimentaire dans les délais pas très longs, peut être bien avant l’horizon 2015 fixé pour les Omd, si les investissements nécessaires suivent cette volonté politique.
Souhaitons que la crise financière et économique mondiale que nous vivons à tous les niveaux, contrairement à ce que pensaient certains analystes, crée le déclic tant attendu chez les Africains pour une prise de conscience réelle des différents enjeux et l’expression d’une volonté politique des gouvernements, pour apporter de vrais changements dans les stratégies de développement et tendre résolument vers l’autosuffisance et la sécurité alimentaire. Espérons que la Goana ne soit pas un simple programme de campagne agricole, mais qu’elle puisse se muer en une vraie nouvelle politique économique agricole qui sera à l’abri des politiques politiciennes qui la détourneraient de ses objectifs et la priveraient des moyens nécessaires pour sa mise en œuvre et sa réalisation. Espérons qu’elle bénéficiera de toutes les mesures et actions nécessaires qui feraient d’elle une politique viable et pérenne et non un vœu pieux, un simple programme qui va mourir de sa belle mort, comme tous les autres programmes précédents, tué par les ennemis du développement.
Les séquences soulignées plus haut représentent les principales dimensions de toutes Npea, capable de remettre le secteur agricole sur la rampe de la relance et la voie de la croissance. Comprendre les interactions entre ces différentes dimensions et celles d’autres secteurs, les gérer au mieux des intérêts des producteurs, des consommateurs et de l’économie nationale, relève de la bonne gouvernance économique. C’est bien cette bonne gouvernance, tant politique qu’économique, qui a fait tant défaut dans les pays africains. En effet, les pays africains au Sud du Sahara, indépendants depuis près de 50 ans, n’ont pas pu véritablement décoller économiquement malgré les énormes richesses de leurs sols et sous sols. La bonne gouvernance est loin d’être un simple concept, elle est à la fois un art et une science. (Fin)
Amadou Dickel NIANE Agro-Economiste adnkomy@yahoo.fr
Facilitation des échanges : La dématérialisation en chantier au Sénégal
Une nouvelle expérience dans le processus de dédouanement se profile à l'horizon. La dématérialisation qui consiste à dérouler des procédures du commerce extérieur sans papier entre en effet en jeu à partir de juillet 2009. L'annonce a été faite hier par le Conseiller spécial de l'Administrateur général de Gaïndé 2000, le guichet unique de l'administration des douanes. ‘Nous allons créer une plate-forme de dématérialisation à partir du mois de juillet prochain. Elle comprendra trois parties. Il s'agit de la procédure de pré-dédouanement qui permettra une interconnexion avec les plates-formes internationales, de la procédure de dédouanement qui permettra une interconnexion entre Orbus et Gaïndé 2000 et de la procédure d'enlèvement qui consiste en l'extension du système à la logistique portuaire comme le bon à enlever de la douane et des compagnies, c'est-à-dire les consignataires et le visa du port autonome de Dakar qui sera délivré désormais électroniquement’, a déclaré M. Amadou Mbaye Diop. S'exprimant lors de l'atelier national sur la facilitation des échanges dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (Omc) où il est question pour le Sénégal d'identifier ses besoins et priorités dans les négociations, M. Diop a signalé aussi que des structures étatiques comme la Direction de la protection des végétaux, la Direction des services vétérinaires, la Direction de la consommation et de la qualité seront renforcées en équipements et matériels d'inspection non douaniers. L'ère de l'électronique décrète ainsi la fin des documents physiques, c'est-à-dire les papiers que les commerçants présentaient partout pour le dédouanement de leurs marchandises.
Le résultat attendu de cette dématérialisation, c'est de passer de 18 à 9 jours pour les formalités d'import à l'image de ce qui se fait dans les pays développés, selon le Conseiller spécial. Ce qui, d'après lui, profite aux importateurs, exportateurs, transitaires qui vont y gagner en termes de coût et de délai. L'Etat en tirera également profit puisque, selon M. Diop, cela contribue à la mise en place d'un environnement de classe internationale. Et il se donne un délai de 9 mois pour mettre en place ce système. Ce projet de dématérialisation entre dans le cadre des négociations sur la facilitation des échanges.
Selon l'expert associé, section facilitation des échanges de la Cnuced, Mme Birgit Viohl, ces négociations visent à accélérer encore le mouvement, la mainlevée et le dédouanement des marchandises, y compris les marchandises en transit, ainsi qu'à accroître l'assistance technique et le renforcement des capacités. La finalité est de parvenir à un accord sur la facilitation dont l'application sera obligatoire à tous les Etats membres de l'Omc.
Le représentant du Sénégal à la mission permanente des négociations à Genève, M. Ndiaga Mboup, estime que cette facilitation des échanges est une bonne opportunité pour le Sénégal parce qu'elle favorise l'accroissement des échanges mondiaux. ‘Les exportations sont porteuses de développement’, a-t-il dit.
Le ministre du Commerce, M. Amadou Niang, qui a présidé la cérémonie d'ouverture de la rencontre a insisté sur l'importance qu'il convient d'accorder à ces travaux et surtout de faire des propositions concrètes en vue de leur prise en compte dans les modalités de négociation à l'Omc. Il a rappelé à cet effet que ces modalités établissent des liens et des conditions entre les règles, la définition des besoins et priorités, l'assistance technique et le renforcement des capacités.
Ndakhté M. GAYE
LE SOLEIL :
Banque du monde rural, assurance agricole, sécurisation des producteurs : Khadim Guèye explique les ambitions de son département à Diourbel
Le ministre délégué auprès du ministre de l’Agriculture et de la Pisciculture, chargé des Relations avec les organisations paysannes et de la Syndicalisation des agriculteurs, M. Khadim Guèye, a présidé hier à Diourbel un Comité régional de développement (Crd) pour expliquer les missions de son ministère pour une meilleure organisation du monde rural.
Le chef de l’Etat veut mettre en place un syndicat des agriculteurs. Cela consiste à créer un cadre unitaire des pêcheurs, éleveurs et agriculteurs du pays avec des moyens suffisants pour une bonne autonomie en matière de gestion du processus de production, de commercialisation et de transformation des produits agricoles a, d’emblée, indiqué le ministre Khadim Guèye.
La poursuite de la Goana, la mise en place d’une banque destinée essentiellement aux activités du monde rural, l’assurance agricole pour la sécurisation des productions et du bétail et la protection sociale des personnes vivant dans le milieu rural constituent des axes qui vont accompagner la syndicalisation, a-t-il déclaré.
Selon le ministre, ces instruments ne pourront pas être mis en place sans, au préalable, une bonne organisation du monde rural. C’est pourquoi, Khadim Guèye a lancé un appel à tous les agriculteurs pour une totale adhésion à la vision du chef de l’Etat.
« Tous ceux qui ne sont pas du monde rural ou qui sont des affairistes seront exclus de la syndicalisation », a précisé Khadim Guèye, soulignant que "les délégués qui seront choisis seront du monde rural".
Il a demandé aux responsables des organisations paysannes de se conformer à la loi sylvo-pastorale mise en place depuis 2004 et qui définit le cadre juridique du métier d’agriculteur au Sénégal. A ceux qui s’interrogent sur la survie de leurs organisations paysannes, le ministre a indiqué que l’Etat n’envisage pas la dissolution « d’aucune organisation, mais il fera de son mieux pour avoir un interlocuteur puissant pouvant défendre les intérêts des producteurs et capable de prendre en charge leurs activités dans le domaine économique ».
El Hadji Madia NDIAYE
INNOVATIONS ÉDUCATIVES : Synergie d’actions pour renforcer la qualité
« Les approches alternatives, quelles contributions pour l’éducation de qualité pour tous ? ». C’est le thème du forum national sur les innovations éducatives organisé en début juin au Cices, par le Collectif national de l’éducation alternative et populaire (Cneap), sous l’égide du Breda. Ouvrant les travaux, le ministre de l’Education, M. Kalidou Diallo, a invité les participants à veiller aux articulations possibles pour un décloisonnement des sous-secteurs et des ordres d’enseignement. Le président du Cneap, Moussa Mbaye, a plaidé pour qu’une mobilisation conséquente puisse accompagner les efforts des autorités et partenaires au développement. La directrice du Breda, Ann Thérèse Ndong Jatta, s’est dite convaincue que le partenariat, la bonne gouvernance, la correction des disparités et la diversification de l’offre éducative restent les leviers incontournables pour relever le défi de l’Ept.
Aliou KANDE