L'électrification rurale à 100 %, une opportu
Le problème de l’accès à l’électricité dans les zones rurales de nombre de pays en développement est une banale réalité aux conséquences désastreuses. C’est une situation qui rend impossible bon nombre d’activités génératrices de revenus, limitant ainsi toute perspective de développement en plus des impacts négatifs sur la santé et l’éducation. Il y a bien des initiatives, généralement avec la coopération internationale, pour permettre l’accès à l’énergie solaire photovoltaïque. Ces initiatives ont cependant montré leurs limites car, même en voulant être très optimiste, le taux d’électrification rurale au Sénégal est encore bien inférieur à 25 %. L’objectif du gouvernement est de 30 % à l’horizon 2015.
Il est possible, dans un délai inférieur à cinq ans, d’arriver à 100 % d’accès à l’électricité, avec en plus des milliers d’emplois créés, une industrie de l’énergie photovoltaïque qui prendrait son véritable envol, le tout sans nécessairement passer par la coopération internationale dans le sens de l'aide. Ceci serait bien évidemment un véritable bol d’air frais pour l’économie nationale.
On peut évaluer à six cent mille le nombre de foyers sans électricité en milieu rural sur la base des dix mille villages non électrifiés sur les treize mille cinq cents que compte le Sénégal et en considérant les 12 millions d’habitants du Sénégal, dont 60 % vivent en milieu rural. Pourtant, 10 W de panneau solaire photovoltaïque par maison, peuvent assurer deux points de lumière de 10W chacun, pour environ 4 heures d’éclairage par jour et la recharge pour jusqu’à cinq téléphones portables pour ainsi couvrir les besoins de base. Une telle installation est accessible pour un coût bien inférieur à 75 000 F Cfa par foyer pour l’industrie. On dispose donc dans un premier temps d’un marché, certes modeste, de 6 MW de panneaux solaires à fabriquer, environ 10 MAh de batteries pour le stockage et toute l’électronique qui va avec (onduleurs et contrôleurs). Les systèmes peuvent être des kits individuels ou des microcentrales pour une gestion collective.
Cette première étape serait juste une phase de substitution, car les populations utilisent déjà des lampes à pétrole pour l’éclairage et elles payent presque toutes pour la recharge de téléphones portables, jusqu’à 100 F Cfa par recharge, voire plus. Si on compte en moyenne 2 500 F Cfa de dépense mensuelle par foyer en recharge de téléphone portable et de coût pour les lampes à pétrole, dépendant du mode d'exploitation, on arrive à des retours sur investissement en moins de trois ans.
Il est cependant clair que la majorité des populations en zone rurale n’est pas assez solvable pour investir directement. L’investissement requis, qui sera rentable sans aucun doute, peut être divisé en ‘shares’ ; il peut aussi provenir en partie de l’Etat et en partie du secteur privé avec l’obligation de fabriquer tout le matériel au Sénégal avec du recrutement et de la formation de personnel local. La fabrication de panneaux solaires est une des technologies les plus accessibles si on importe les cellules. Le gain de l'Etat pourrait permettre de financer la recherche, financer en partie l'extension du réseau national de la Senelec et donner ainsi plus de confort à tous les ménages aussi bien en milieu urbain que rural.
Il faut ajouter à ce premier besoin le déficit de 300 MW de la Senelec, que le Sénégal serait bien inspiré de combler avec les énergies renouvelables, ce qui le propulserait au rang des premières nations productrices d’énergie verte. La situation socio-économique actuelle du Sénégal est une véritable opportunité pour un début de révolution industrielle, bien entendu ceci, pourvu que l’Etat décide d’une politique engagée et avec une vision multisectorielle. Le besoin est bien identifié, donc le marché, le coût de la main d’œuvre est attractif, le taux de chômage est très élevé et la formation requise pour l’assemblage des panneaux solaires est d’un niveau relativement faible. Il en est de même pour l’assemblage d’onduleurs et de contrôleurs de charge. La technologie photovoltaïque est un secteur accessible, qui en plus peut être un véritable levier pour l’industrie du Sénégal.
De plus, un tel projet ne coûterait rien à l’Etat, ce serait au contraire une source de revenus. Il est nécessaire de développer l’industrie et l’emploi, créer de la richesse pour la partager. Tout miser sur la coopération et l’aide internationale n’est que ruine de notre industrie et de toute l’économie locale. L’Etat a l’obligation de créer la synergie pour un décollage industriel avec une politique engagée pour arriver à un mieux-vivre pour tout un peuple. Le coût de la fabrication des panneaux solaires au Sénégal peut défier toute concurrence. Le problème qui se pose, ne peut être résolu par de petites initiatives privées. L’engagement ferme de l’Etat est une nécessité pour son propre intérêt.
Dr. Boucar DIOUF dioufboucar@hotmail.com