La plus vieille démocratie de la région va-t-
La plus vieille démocratie de la région va-t-elle basculer ?
Le Sénégal est suspendu à la décision de la Cour constitutionnelle sur la validité des candidatures, surtout celle du sortant Me Abdoulaye Wade (…). La capitale, Dakar, bruit des rumeurs les plus abracadabrantesques faisant craindre le pire ; en même temps que certains observateurs, plus rationnels et comme pour se rassurer eux-mêmes, soutiennent que leur pays trouvera in extremis, dans son génie et dans ses valeurs intrinsèques, les formules pour franchir le cap.
C’est incontestablement la candidature de Me Abdoulaye Wade (la 7e depuis son entrée dans l’arène politique) qui tend l’atmosphère préélectorale. Malgré la Constitution, en dépit de son âge (85 ans) et au mépris de son propre engagement, le vieux leader du Sopi veut briguer un nouveau mandat. Il ne semble pas avoir tiré lui-même les enseignements de sa leçon à Laurent Gbagbo, ni de sa position ultra-minoritaire en Afrique contre Mouammar Kadhafi dans la crise libyenne, consistant à célébrer le peuple souverain, la vox populi : ‘Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais.’
Ses compatriotes sont cependant déterminés à lui barrer la route, à tout prix. Le M23, (Mouvement du 23 juin, baptisé ainsi d’après la grande manifestation du 23 juin 2011, qui avait contraint le président Abdoulaye Wade à retirer un projet de loi de modification de la Constitution, par voie parlementaire, pour instaurer un ticket vice-président et président de la République, et ce dernier serait éligible avec 25 % des suffrages exprimés) un groupement très actif de l’opposition et des organisations de la société civile, envisage diverses actions dans la banlieue de Dakar et à l’intérieur du pays (…) en vue d’ ‘un retrait définitif de la candidature du président Abdoulaye Wade.’
Tandis que Alioune Tine, le coordonnateur du mouvement n’hésite pas à utiliser des termes guerriers, parlant de ‘combat’ qui doit continuer jusqu’au bout ou encore d’ ’assaut final’, Cheikh Tidiane Gadio, ancien ministre de Wade et candidat déclaré, appelle quant lui à ce que, ‘un million de Sénégalais’ soient dans la rue le jour de la décision de la Cour constitutionnelle. C’est dire la détermination des opposants au président sénégalais. Toute l’inquiétude de la région réside donc là et dans les autres pays, on n’hésite pas à parler d’élections à risques ; une première pour le Sénégal.
Comment en est-on arrivé là ?
Qu’est-ce qui pousse le leader du Parti démocratique sénégalais (Pds) dans cette aventure suicidaire pour lui et pour sa sortie politique, qui risque de se faire par la fenêtre, (pour reprendre les mots d’un de ses opposants) mais plus grave, pour son pays considéré jusqu’alors comme un modèle de démocratie et d’alternance pacifique ? La peur. Celle-là même qui motive la plupart des dirigeants africains à se maintenir au pouvoir, envers et contre tout, y compris la raison : peur de perdre les privilèges et les prébendes ; mais surtout peur de devoir rendre des comptes. Pour le cas de Me Wade, il semble que le risque est grand que son départ du Keur Gu Mag (littéralement la Grande maison) équivaille probablement à sa candidature à une place de choix dans un autre palais, mais de justice cette fois.
Son entourage n’est pas celui sur lequel plane le moins cette épée de Damoclès de poursuites judiciaires, essentiellement en raison de forts soupçons de crimes économiques. C’est donc sa famille, épouse et fils, ainsi que quelques apparatchiks et autres affidés du ‘clan’, qui l’inciteraient à ce jusqu’au-boutisme. S’ils sont décidés à ne pas fléchir, les opposants regroupés essentiellement dans trois coalitions (…) le sont encore plus. ‘Wade est un sanguin jusqu’au-boutiste qui aime jouer avec les nerfs de ses adversaires tout en comptant sur leur sens de la mesure. Il se plaît à les conduire au bord du précipice, soutenant être prêt à sauter et convaincu qu’eux, reculeraient alors. Sauf que cette fois-ci, il a tout faux : les autres sont prêts à sauter avec lui, s’il le faut’, nous a confié un confrère sénégalais.
Les différents scenarii
Le report du scrutin, le temps de faire appel ‘aux ressources internes du pays’ pour éviter le pire, fait partie des hypothèses évoquées ici. Mais peu y croient, estimant que les arguments pour y arriver devront être cousus de fils blancs ; donc se verraient. L’idée serait qu’à la dernière minute, la majorité des membres de la Cour constitutionnelle démissionnent, paralysant cette institution qui doit jouer un rôle majeur lors des élections, en validant les candidatures et en proclamant les résultats définitifs. La variante, encore plus improbable de ce scénario, est l’annulation des élections, pour le même objectif et avec les mêmes raisons.
Par expérience et pour connaître la psychologie arrogante et souvent déconnectée de la réalité de beaucoup de dirigeants africains, l’hypothèse la plus probable reste celle de la candidature de Me Abdoulaye Wade, validée par la Cour constitutionnelle, aux ordres et tournant le dos à sa dignité, ratant ainsi le rendez-vous avec l’histoire. Pour beaucoup de Sénégalais, ce serait un coup de force constitutionnel. Et pour eux, peu importe qu’il soit constitutionnel ; il est avant tout un coup d’Etat. On tomberait alors dans l’inconnu, avec des conséquences que nul ne peut imaginer, ou plutôt que l’on imagine très bien. Mais cela, après la Côte d’Ivoire, personne dans la sous-région n’est prêt à l’accepter.
Jean-Paul AGBOH AHOUELETE, Togo
De la proximité entre le journaliste et le politique : faut-il méditer le choix respectable d’Abdoulatif Coulibaly ? (Suite)
Le processus de la mythification outrancière du travail de journalisme n’est pas étranger à ce phénomène qui prend aujourd’hui les allures d’une usurpation de territoire ou d’un détournement d’objectif. Aristote disait que le pire ennemi du vrai n’est pas le faux, mais le vraisemblable parce qu’il prend les habits du vrai alors qu’il est son contraire.
Aujourd’hui, on pourrait le parodier en disant que le pire ennemi de la démocratie n’est pas la dictature, mais la démagogie ; or comme on le sait, la voie royale de la démagogie c’est la presse. Les vrais démagogues ne sont pas aujourd’hui confinés dans l’étroitesse du champ politique : ils ont investi le champ médiatique pour, à la fois, usurper le statut de contremaître de la démocratie et ne pas avoir à être la cible du discours politique adverse.
Parce qu’on est nanti de la présomption de neutralité et d’extériorité, on travaille justement à ne pas l’être du tout, tout en apparaissant comme l’incarnant à merveille. C’est très symptomatique de remarquer que tous les journalistes ex-conseillers de Premier ministres déchus du régime libéral soient particulièrement les plus virulents aujourd’hui dans la critique contre un régime dont ils ont été pourtant les ‘agents’.
Où commence le travail des journalistes dans leurs critiques ? Qu’est-ce qui garantit que ces ex-conseillers redevenus simples journalistes ne sont pas psychologiquement déterminés à adopter une attitude revancharde contre un régime qui leur a fait perdre un certain privilège ou certains honneurs ? Le mythe est toujours fondateur de l’histoire bien qu’étant lui-même a-historique, irréel ou complètement dénué de fondement dans la réalité. C’est pourquoi toute histoire a besoin d’un mythe, toute entreprise qui cherche la durée dans le temps et l’expansion dans l’espace a besoin d’un mythe fondateur et justificateur.
Le mythe échappe par essence à l’analyse rationnelle et à la sanction épistémique : il n’a pas à être vrai ou faux, il lui suffit simplement d’être opérationnel, efficient. L’objectif de tout mythe, c’est la crédulité qui, bien que naissant de lui, contribue à le consolider et à l’amplifier.
Il y a donc un mythe d’objectivité qui colle au journaliste, et comme tout mythe, il étouffe, trahit et envoûte ceux qui y adhèrent ou y croient. C’est précisément cela le problème de la presse contemporaine : elle est victime de sa propre image. Le respect et l’admiration qu’elle suscite font qu’elle constitue désormais une sorte de caverne d’Ali baba pour les hommes politiques et les affairistes de tout genre.
Comme Ali baba qui découvre par la formule magique ‘Sésame, ouvre-toi’ le butin des voleurs caché dans la grotte et qui, par la suite, se fait doubler par son frère, ‘Qasim’ le commerçant au cœur de pierre, la presse suscite une énorme convoitise et se fait souvent doubler par des individus rusés et très intéressés. Ces gens qui pressurent et pressurisent les hommes politiques en démocratie prétendent tous faire partie de la famille du journalisme.Pire, ce sont des journalistes qui ont réussi à se poser en icônes de la presse qui cèdent souvent à la dangereuse tentation d’être des managers d’hommes politiques. C’est un secret de polichinelle : dans la presse sont tapis des journalistes qui gèrent et défendent les intérêts et la carrière de certains hommes politiques.
C’est particulièrement intéressant d’ailleurs de noter qu’à l’approche des grands enjeux électoraux, les camps politiques projettent leurs tentacules sur le champ médiatique. Dans toute la presse qui se dit libre et indépendante, il est aisé de constater que chaque force politique a ses propres ‘émissaires’ ou partisans. De même qu’Ali baba avait percé le secret des voleurs en les épiant, le journaliste est souvent perché sur les collines incertaines et escarpées de l’objectivité et de la neutralité, pour épier les hommes politiques et leur prendre une partie de leur butin.
La presse est, en effet, un énorme trésor dans une société démocratique, un trésor plus lourd que celui de la caverne d’Ali baba car elle mène à tout. Sa place enviable et sa force font que tous ceux qui aiment les raccourcis ont trouvé en elle la voie la plus courte et la plus simple de connaître une ascension politique ou de faire des affaires sournoises fructueuses. Quoi de plus simple que de se faire recruter comme conseiller en communication, comme attaché de presse ou comme expert en marketing politique qui se fait un nom dans l’univers du journalisme ?
Dans notre pays, à l’image de toutes les démocraties, on assiste depuis quelques années à des connivences extrêmement profondes entre journalistes et hommes politiques et pire, une sorte de mutation dissimulée du journalisme en homme politique et de celui-ci en journaliste. La plus subtile façon de faire passer son opinion et son combat politiques sans courir le risque d’affronter la rudesse de l’adversité politique c’est de porter le manteau de journaliste.Chateaubriand, pour des raisons historiques bien connues, excédé par certains abus de la presse de son époque, s’était révolté par une généralisation abusive et trop sévère en affirmant que ‘la presse est le réceptacle de tous les ferments nauséabonds. Elle fomente les révolutions, elle reste le foyer toujours ardent où s’allument les incendies’.
La formule est certes acerbe et sans doute injuste, mais elle exprime le désarroi que certains citoyens vivent face aux abus de la presse. Ces abus ont pour conséquence possible la crise politique qui résulte inéluctablement d’une illisibilité totale du champ politique. A cause du brouillage opéré savamment par des hommes de média dont la connaissance de l’opinion publique est parfois aussi nette que celle que le sociologue a des faits sociaux et des mécanismes qui les régissent, le champ politique investi par la presse politicienne est en constante ébullition.
Une des anomalies de la démocratie sénégalaise est justement cette profonde perversion du métier de journaliste qui fait du journaliste non un simple acteur du contre-pouvoir, mais le dépositaire d’une alternative au pouvoir ou le pilier central de la conquête du pouvoir lui-même. C’est devenu tellement banal que tous ceux sont pressés ou qui n’ont pas d’autre métier s’engouffrent aujourd’hui dans cette brèche ouverte par l’évolution démocratique.
L’homme d’Etat allemand Otto Von Bismarck a donc raison de penser qu’un journaliste, ‘c'est quelqu'un qui a manqué sa vocation’. En effet, en plus d’être tentés par l’omniscience et par le dogmatisme, le journaliste d’aujourd’hui n’hésite plus à utiliser la surenchère ou le lynchage médiatique pour être associé d’une manière ou d’une autre à la façon dont la société est gérée.La question de la bonne gouvernance et de la gestion démocratique de la richesse nationale est toujours le cheval de bataille des acteurs de la démocratie : hommes politiques, journalistes, juristes, défenseurs des droits de l’Homme, et les autres corporations.
Mais ce serait une grave erreur, voire une illusion de croire ou de chercher à convaincre que ces valeurs et ces principes ne sont pas en même temps utilisés pour assouvir des intérêts personnels. Les différentes structures qui veillent au respect et à l’application stricte de la déontologie et de l’éthique journalistiques doivent donc s’employer sans délai à dépister ces dérives pour non seulement épurer le journalisme et la presse au Sénégal de tous ces trafiquants, mais aussi pour sécuriser ce métier de toutes sortes de prédateurs et de fossoyeurs de l’esprit et de la lettre de la démocratie. (FIN)
Pape Sadio THIAM, Journaliste chercheur en Sciences politiques thiampapesadio@yahoo.fr 77 242 50 18
Wade, l’ordonnance et l’ordre ou la problématique du Ndigueul
Dès son introduction dans notre pays par M. Arène, la production de l’arachide fut lancée à partir de Louga, capitale du Ndiambour (alors arboré et verdoyant). Le ‘père’ de cette nouvelle variété agricole mit l’accent sur la nécessité de s’atteler à la création d’un partenariat avec les Mourides. Huiler les marmites de l’Hexagone était à ce prix. C’est alors que naquirent les premiers ‘Ndigueul’. Les trois autres ‘Ndigueul’ connus avaient une relation avec la politique.
Le premier émane du premier Khalife qui ordonna le changement de la date du Magal à cause de sa coïncidence avec les Elections générales.Le deuxième fut donné par le deuxième Khalife, mais de manière nuancée, en faveur de Senghor. C’est le fameux ’Sooroor sorr, Senghor song’.Le troisième, lui, fut sans équivoque, de la part du troisième Khalife. C’était, moins, pour favoriser Diouf que pour réduire la vitesse du Sopi montant.
La logique de ces trois ordres-Ndigueul était de favoriser l’émergence de personnes réputées non partantes. Comme ce fut le cas pour un chrétien ou un tidjane.Wade, quant à lui, n’a jamais eu besoin d’un Ndigueul. Même si le célèbre contre Ndigueul, en ce qui le concerne a eu à l’écorcher.
Car Wade, ne l’oublions pas, est un rescapé de l’apostat qui fut un passage obligé pour l’élite. Et par lequel sont passés Blaise Diagne, Alioune Diop et, partiellement, Birago Diop.Ainsi, Cheikh Anta Diop, Cheikh Fall (ancien Pdg d’Air Afrique), Thierno Ba et beaucoup d’autres sont venus au Mouridisme, la voie royale pour un Africain musulman et, de surcroît, Sénégalais.
C’est ainsi qu’Abdoulaye Wade écrivit son fameux livre : La Pensée économique du Mouridisme. En cela c’est l’ordonnancier du fondateur qui lui se met à prodiguer. A savoir faire de Touba telle qu’en a rêvé Cheikh Ahmadou Bamba. Une ville lumière dont aucune pareille n’existe nulle part sous nos cieux.Nous sommes, donc, loin de l’opportunisme du politicien de nos jours qui cherche des faveurs d’ordre électoral.
En décrétant le Magal jour férié, en attendant qu’une loi vienne le consacrer, il ne fait qu’enfoncer une porte déjà largement ouverte. Et satisfaire une demande faite par les Tidjanes, confrérie complémentaire et non pas adversaire.Aucune confrérie, sous confrérie ou branche ne considère Wade comme étant un dirigeant qui favorise le népotisme ou toute forme de parti pris à leur encontre. D’ailleurs, chacune d’elle le traite comme s’il était des leurs.
C’est en cela qu’il aura bien appris que le Mouridisme n’est pas sectaire pour avoir favorisé, successivement, un chrétien et un tidjane Tivaounien. En substance, un Mouride n’a pas besoin d’un Ndigueul politique pour affirmer sa ‘Mouridité’. En la matière c’est le ‘degg’. Paraphrasant, ainsi, Wole Soyinka qui, répliquant à Senghor, disait : ’Le tigre n’a pas besoin d’affirmer sa tigritude, il griffe’.
Résumons-nous. Fuyant la Franc-maçonnerie, échappant à l’apostasie, la lumière de Bamba a guidé Wade vers Touba d’abord ; vers le Palais ensuite.De Serigne Fallou à Cheikh Anta Mbacké, deuxième du nom et actuel Khalife, il n’a eu de cesse de s’agripper aux guidons de la guidance Mouride. Et, ce, en toute sincérité. Autant dire que c’est sans calcul qu’évolue le mathématicien.
De tout ce qui a été dit par le fils de Mame Maty Lèye c’est le satisfécit quant au bilan de Wade qui donne satisfaction, car il se situe au-delà du Ndigueul. Et permet d’atteindre le degré du ‘ngueureum’. Ne l’oublions pas : tout Ndigueul cherche à aboutir au ‘ngueureum’. Ce qui nous rappelle le fameux chant Tidjane : ‘weurseukou diambour kou tchay wodiaseer war koo gueureum’.Le ‘diambour’, ici, étant Serigne Touba ; le ‘weurseuk’ étant ses ‘khéweul’ et le ‘ngueureum’ étant le satisfécit.Et c’est une lapalissade de dire que si le Khalife est satisfait, le ‘talibé’ l’est aussi.
Cela nous rappelle le haut degré de ‘Mouridité’ d’un autre Sénégalais, Cheikh Anta Diop. Qui, en réaction au Ndigueul du troisième Khalife, disait que même n’étant pas convaincu par Diouf, pour lui, satisfaire le Khalife relève du dilemme shakespearien : ’To be or not to be, that is the question’. ‘Etre ou ne pas être(Mouride), c’est là la question’.
Ahmed Khalifa NIASSE, Chef religieux, Président du Présidium du Front des alliances patriotiques
Quand la médiocrité est érigée en règle…
A l’occasion de la célébration du cinquantenaire de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar en 2007, le Professeur Alioune Diané de la Fa¬culté des Lettres et sciences humaines avait tenu un discours magistral sur : L’excellence ; véritable chef-d’œuvre. La pertinence des idées développées, l’élégance du style mon¬trent que son auteur est lui-même adepte de l’excellence.
«La rigueur dans la définition des mots étant une exigence de méthode», l’universitaire s’est attelé, d’emblée, à élucider le con¬cept. «Du latin excellere, dit-il, l’excellence (désigne), un haut degré de perfection, un éminent degré de qualité, peut être mise en relation avec les domaines les plus divers (éducation, politique, sport, religion, gastronomie…).»
Est donc excellent, tout individu qui fait l’unanimité par son génie créatif, par sa capacité de réflexion et de surpasser ses semblables ; un être qui suscite «le respect et l’admiration». C’est la recherche de cette vertu (l’excellence) qui fait d’ailleurs la marque des grands peuples et des grandes Nations. Car, elle crée une situation de compétition permanente ; chaque individu voulant surpasser l’autre par ses créations, ses innovations, sa capacité d’entreprendre, etc.
Pourquoi un pays comme la Corée du sud, qui pourtant en 1960 avait un Pib/habitant à peu près égal à celui du Sénégal, est arrivé à un niveau de développement surprenant, rivalisant ainsi avec les grandes puissances planétaires ? C’est tout simplement grâce au culte de l’excellence, à la discipline et au sérieux dans le travail. Il s’agit d’une société, contrairement à celle du Sénégal, où la facilité, le laxisme et la paresse sont absents. Le mot d’ordre dans ces pays (Corée du Sud et Japon, par exemple), c’est la recherche la plus opiniâtre de l’excellence. Mais comment conquérir cette vertu ?
Le Professeur Diané pense qu’elle se conquiert «par l’effort permanent, la solitude, les contraintes, les privations et surtout par la lutte contre cet extérieur agressif dont nous parle Cheikh Hamidou Kane». Oui ! Il faudra avant tout s’éloigner des mondanités, mais aussi lutter contre les influences perverses de l’Internet et surtout des télévisions sénégalaises ; télévisions de divertissement où des animateurs et/ou animatrices ba¬billards, de surcroît griots du chef, transgressent constamment les règles de la morale et font va¬loir plus la médiocrité que le professionnalisme. Que dire des émissions de lutte qui y sont diffusées ; émissions au cours desquelles des «gladiateurs» ternissent à longueur de journée la langue française au grand plaisir des téléspectateurs sénégalais, qui ignorent probablement que les pays les plus avancés sont des Nations d’hommes de lettres, de scientifiques avérés et d’intellectuels nobélisables.
«L’excellence se transmet par l’enseignement» et non par la lutte ou les divertissements oiseux. D’où l’impérieuse nécessité de développer l’enseignement en général et l’enseignement universitaire en particulier, car rappelle Diané, «la notion d’excellence est consubstantielle à l’université».
Il y a quelques années, ce sont les biens et services que les hu¬mains se sont échangés qui ont nourri la civilisation, lui ont permis de s’enrichir, de se développer et de s’épanouir. Aujourd’hui, les possibilités de croissance économique d’un pays reposent sur l’inventivité, la capacité d’innovation de ses citoyens, leur maîtrise des Tic (Technologies de l’information et de la communication), de la science et, par conséquent, leur volonté commune d’aspirer à l’excellence.
C’est dire tout simplement que dans un monde caractérisé, aujourd’hui, par ce que l’on appelle «l’économie du savoir», si le Sénégal veut compter de manière significative dans le concert des Na-tions, il doit inéluctablement, com¬me l’avait re¬com¬mandé Cheikh Anta Diop, «opter pour une politique de développement scientifique et intellectuel et y mettre le prix…». Il y va de notre survie. Car «à la table de l’universel, les places sont payantes». Par conséquent, personne n’acceptera de nous y convier quel que soit le passé glorieux de nos aïeux.
Le discours du Professeur Diané est donc actuel. Il est à méditer au Sénégal ; un pays où la médiocrité est érigée aujourd’hui en règle et où l’excellence est devenue une denrée rare.
Mamadou Yéro BALDÉ Etudiant à l’Ucad
Appel à la responsabilité des citoyens pour la paix et la stabilité
En matière électorale, les hommes politiques sénégalais ont très souvent fait preuve d’une grande responsabilité. Tous les signes avant-coureurs d’un chaos social, survenus à la suite d’une élection, ou même avant, ont été noyés dans la concertation et le dialogue. Ceci se vérifie aisément avec une lecture objective de l’histoire récente de l’évolution du processus électoral.
Cette histoire nous enseigne, en effet, qu’à partir de 1992 avec le Code électoral consensuel issu de la loi n° 92-16 du 7 février 1992, d’importantes innovations sont initiées en matière électorale.
A la suite des troubles survenus au lendemain de l’élection présidentielle de 1988, la classe politique sénégalaise s’est engagée dans une réforme en profondeur du Code électoral. Sur la demande du président de la Répu¬blique d’alors, Abdou Diouf, une Commis¬sion de la réforme du Code électoral fut mise sur pied. Le défunt juge Kéba Mbaye fut nommé à la tête de la commission avec l’approbation de tous les acteurs. Plu¬sieurs séances ont marqué les travaux de cette commission et plusieurs partis politiques y ont pris part : le Pai, And Jëf/Pads, la Ld/Mpt, le Ps, le Mrs, le Paim, le Pds, le Pit, le Plp, le Pps, le Rnd, l’Udp, le Pds/R, l’Udsr.
Le projet de loi du Code déposé au bureau de l’Assemblée nationale sera voté à l’unanimité, debout et sans débats. Ce Code comporte des points saillants qui marquent une nette avancée démocratique en matière électorale :
- l’extension du corps électoral par l’élargissement de la majorité électorale de 21 à 18 ans et le vote des émigrés ;
- l’égalité des candidats avec l’interdiction de l’utilisation des moyens publics durant la campagne électorale ;
- la transparence et la liberté de l’expression dans le vote avec l’identification de l’électeur, le passage obligatoire à l’isoloir et l’encre indélébile ;
- la fidélité de l’expression des citoyens avec un premier tour à la majorité absolue de ¼ au moins des inscrits ;
- la création de commissions de recensement des votes. Il s’agit d’une commission nationale, des commissions régionales et des commissions départementales ;
- la répartition du contrôle juridictionnel avec la Cour suprême pour les élections présidentielle et législatives et le Conseil d’Etat pour les élections locales.
Toutefois malgré ces avancées, la mise en pratique du texte a relevé d’énormes dysfonctionnements. La première épreuve fut l’élection présidentielle de 1993, qui se solda par l’assassinat du vice-président du Conseil constitutionnel. Mais, c’est surtout avec les élections locales des 24 et 27 novembre 1996 que les défaillances ont été, le plus, marquées. Il fallait désormais ap¬porter d’autres réformes pour renforcer la transparence, la sincérité et la régularité du vote.
A cet effet, une commission cellulaire pour la concertation des partis politiques est instituée par décret n° 97-146 du 13 février 1997. Cependant, cette commission n’a pas abouti à des solutions consensuelles. Elle a néanmoins demandé l’adoption de mesures de correction et de sauvegarde, de nature à permettre l’organisation d’élections plus libres, plus justes et plus transparentes.
Saisi pour arbitrage par le «collectif des 19» (regroupement de 19 partis politiques de l’opposition), le chef de l’Etat d’alors décida, après concertation avec la commission cellulaire et les partis politiques participants, du toilettage du Code électoral. Par loi n° 97-15 du 8 septembre 1997, il prit l’initiative de créer une structure dénommée «Onel» (Observatoire national des élections). Cette structure aura pour mission de superviser et de contrôler les opérations électorales et référendaires. La finalité de la structure était de faire respecter la loi électorale, d’assurer la régularité, la transparence et la sincérité des élections, de garantir aux électeurs et aux candidats en présence le libre exercice de leurs droits en matière électorale.
C’est dans cet esprit républicain et citoyen que l’Alternance politique est intervenue en 2000, de manière pacifique et appréciée de toute la classe politique mondiale, avec l’accession au pouvoir de Abdoulaye Wade.
Néanmoins, il convient de re¬marquer que l’Onel n’a pas une compétence générale sur les actes et opérations relatifs aux élections. Ses pouvoirs sont limités voire inexistants dans certains domaines : les normes électorales lui échappent, il n’a pas de pouvoir d’organisation matérielle ni de proclamation ou de règlement du contentieux électoral. Ses compétences sont plutôt des compétences d’attribution et de principe.
C’est ainsi qu’en 2000, avec la même volonté de transparence et imbu des mêmes valeurs républicaines, le président de la Répu¬bli¬que nouvellement élu prit la décision, par décret n°2004-673 du 2 juin 2004, de mettre en place une commission chargée de faire des propositions pour la création d’une Commission électorale nationale autonome.
Les Assises se sont tenues du 29 novembre 2004 au 27 janvier 2005 et ont abouti à un consensus entre les partis politiques de la majorité et de l’opposition.
Des innovations majeures ont été apportées à la structure chargée du contrôle et de la supervision des élections. A la place de l’Obser¬va¬toire national des élections (Onel), est créée la Commission élec¬torale nationale autonome (Cena). Celle-ci, créée par loi n°2005-07 du 11 mai 2005, porte en elle les rectificatifs nécessaires :
- la Cena est une structure permanente ;
- est dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière ;
elle est chargée de la supervision et du contrôle de toutes les étapes des opérations électorales et référendaires ;
- elle dispose d’importants pouvoirs de sanction (injonction, rectification, substitution, en cas de violation de la loi).
La volonté de transparence en matière électorale, et donc d’apaisement politique et sociale est encore manifeste à travers d’autres actes posés :
- au niveau de l’identification des électeurs avec l’introduction de la biométrie et du numérique comme techniques modernes d’identification ;
- au niveau du fichier électoral avec sa refonte et la constitution d’un nouveau sur la base de la nouvelle Carte nationale d’identité numé¬ri¬sée (Cnin);
- et, tout récemment, à la demande des partis d’opposition, un audit indépendant du fichier électoral tant contesté et qui a été à la base du boycott des élections législatives de 2007 par certaines formations politiques.
Le principe directeur de toutes ces réformes, d’avant et d’après 2000, quelles que soient par ailleurs les appréciations qu’on puisse y faire, est à saluer. Tous les actes posés constituent le soubassement d’une volonté continue de préservation de la paix sociale et une aspiration à la stabilité et au développement pour le bien-être du peuple sénégalais.
La conquête ou la conservation du pouvoir, par des moyens qui dé¬fient souvent tout principe démocratique, est l’un des grands maux qui gangrènent la plupart des Etats africains. Les hommes qui sont au pouvoir manipulent les textes pour s’y maintenir. Les autres qui y aspirent préfèrent parfois user de violence.
Toutefois, le Sénégal a toujours fait exception, au bonheur de ses vaillants fils qui n’attendent de leurs leaders politiques que la stabilité et le développement. La situation qui prévaut dans certaines sociétés doit nous amener à réfléchir et nous conforter dans notre tradition de dialogue et de concertation. La violence est toujours destructrice et annihile plusieurs décennies d’efforts. Don¬nons la priorité à la paix et à la stabilité. Elles constituent le terrain favorable à la croissance et à l’épanouissement. Nous dirons même que ce sont les préalables.
A quoi sert une croissance économique qui finit dans la guerre civile ? L’exemple de la Côte d’Ivoire, et de bien d’autres pays, doit servir de leçon. Le géant de l’Uemoa, en effet, voit son économie péricliter par le fait d’une petite poignée de personnes.
Au Sénégal, les efforts de paix qui ont prévalu jusque-là doivent être maintenus et renforcés. C’est un devoir, un devoir impératif. Il faut alors privilégier l’intérêt général au détriment de tout autre. Ceci demande un certain dépassement et une violence sur les intérêts partisans. Nous ne voyons pas pourquoi la règle du dépassement, qui constitue une qualité reconnue chez le Sénégalais, ne s’inviterait-elle pas à l’élection présidentielle de 2012 ?
La République est un bien commun qui transcende les personnalités et les intérêts particuliers.
Il n’est certes pas loin le jour où tous ceux qui s’agitent aujourd’hui entreront dans l’histoire. Le peuple n’aura retenu d’eux que ce qu’ils auront fait pour ou contre le Séné¬gal.
Que vive la République !
Bassirou MBAYE - Administrateur civil