Le cerf-volant de Khalifa Sall à l’épreuve du
Le cerf-volant de Khalifa Sall à l’épreuve du ciseau libéral
‘Je ne suis pas obnubilé par un second mandat’. Il y a des phrases qui sont réconfortantes à entendre dans une république, parce qu’elles expriment un certain sens de la responsabilité. Il est rassurant qu’un homme politique avec autant de responsabilité refuse d’agréer l’effet paralysant des options de courte vue et regarde avec confiance, volontarisme et pragmatisme l’avenir.
Surtout quand il se lance dans une mission aussi impérieuse qui est de réécrire l’identité de Dakar, de repenser les fondements de cette ville, sa gouvernance urbaine avec l’ambition d’en faire une ville accueillante et avenante où chacun aura et sera à sa place.
Nul besoin dans ce propos de procéder à un diagnostic de notre capitale parce qu’il est plus que partagé. Dakar est le miroir de notre république. Sa congestion et son désordre général constituent un frein pour notre développement. La pauvreté saisissante de plus en plus visible à travers ses artères est la conséquence directe de l’inégale répartition des investissements et des richesses dans le pays. Le constat est que Dakar n’est plus un atout pour le Sénégal, c’est plutôt un boulet pour notre croissance.
Les différents projets déclinés par le nouveau maire et le courage dans ses initiatives sont les prémices d’une action structurante et structurée face à un devoir d’action que l’Etat est décidé à torpiller coûte que coûte. En attestent les sorties grotesques de Seurigne marionnette Ndiaye et du rancunier éconduit Pape Diop, sans oublier les fourberies de l’hyène des mamelles Mbackiyou Faye. Une attitude édifiante sur le choix des autorités de nous enfermer une fois de plus dans des manœuvres conjoncturelles qui ne servent que des options politiciennes et qui ne dépassent pas l’horizon des prochaines élections présidentielles.
Comment peut-on, en effet, dans une république avec une politique de développement réfléchie, investir plus de la moitié du budget de la ville la plus importante du pays dans un monument censé rapporter ‘beaucoup d’argent’ parce que, soit disant, elle en relève le niveau esthétique et, en même temps, freiner une action de désencombrement qui s’inscrit dans la même logique ?
La politique urbaine du maire telle qu’elle est incarnée et portée est l’exemple type de la gestion publique telle que nous la souhaitons : rigoureuse, novatrice, audacieuse et tournée vers l’intérêt unique des Sénégalais parce que conçue avec eux et s’inscrivant dans le long terme. Il est surtout à rebours de la frivolité de mauvais goût, d’une gouvernance médiatique futile et polémiste à souhait où une actualité chasse l’autre, une erreur de cap succède à l’autre.... (remaniements, Ape, Chantiers de Thiès, Oci, l’affaire Segura, Monument de la Renaissance, etc.), une tyrannie du fait divers, de l’immédiat. L’absence sidérante de sens, de perspectives.
Aujourd’hui, à cause de cet activisme exalté, à défaut d’être exaltant, le Sénégal est un échafaudage des rêves d’un homme, un maelström d’injustice, une société sclérosée, car on n’a pas pris soin de la faire avancer d’un même pas avec d’un côté les gavés de l’alternance et, de l’autre, les damnés de l’alternance. Ce n’est pas une fracture sociale mais un crime social. D’où ce dépit civique qui mine et détruit progressivement l’homo senegalensis sacrifié au profit de la machine à sous des infrastructures.
Dakar est le moteur de ce pays, le réinventer ne peut que lui être bénéfique. Il sera surtout le point le départ pour repenser notre politique de développement basée sur une approche plus territoriale conçue avec les citoyens, évaluée par les citoyens. Ce qui est en train d’être fait à la ville de Dakar par le nouveau maire mérite notre attention et notre soutien. Ce n’est pas une question politique, mais la validation d’options présentes pour le demain neuf que nous voulons pour notre pays.
Babacar Abba MBAYE abbambaye@hotmail.fr
Camp de Thiaroye : A quand la Re(con)naissance africaine ?
La période coloniale (et avant elle, celle de l'esclavage) a fait subir à l'Afrique et aux Africains un préjudice à nul autre pareil. Le génocide du peuple juif, au cours de la Seconde Guerre mondiale, avec près de six millions de morts dans les camps d'extermination de l'Allemagne nazi apparaît comme un drame mineur en comparaison à l'holocauste du peuple noir. Entre les deux événements à la fois dramatiques et tragiques que constituent la traite négrière et l'invasion armée et brutale du continent noir par la colonisation, l'Afrique a perdu, selon les estimations les plus modérées, pas moins de trois cent millions de ses enfants, dont, toujours selon les estimations, près du tiers arrivèrent ‘vivants’ en Amérique et en Europe pour y être ravalés au rang d'esclaves.
Certes, toutes ces choses se sont passées parce qu’en un moment donné de l'histoire, l'Europe, forte de sa puissance militaire, a lâchement (il faut dire les choses telles quelles sont !) agressé un peuple quasi désarmé, en faisant fi de toutes les conventions internationales en matière de droit et de dignité des peuples. Les Juifs qui ont subi le même drame, en dix fois moindres, ont su, par des procès, des films, des tonnes de livres, des monuments, montrer et faire constater au reste de l'humanité toute l'injustice qu'ils ont subie, et ils continuent encore à le faire, faisant même par cela, passer le drame de l'esclavage et de la colonisation au second rang des grandes tragédies de l'histoire de l'humanité. La cause de cet état de fait : la grande incapacité des Africains à se réapproprier l'histoire, leur histoire, pour en faire non pas un ‘mur des lamentations’, mais le socle de la renaissance africaine. Les matériaux pour une telle entreprise existent (travaux des professeurs Cheikh Anta, Ki-Zerbo, Obenga, pour ne citer que ceux-là, et les archives disséminées çà et là à travers le monde et qu'il s'agit de rassembler, de compiler, bref d'exploiter).
C'est dans cet ordre d'idée que je voudrais poser le cas du drame qui s'est déroulé en 1944 au camp de Thiaroye. Beaucoup de jeunes Sénégalais, et parfois même des personnes âgées, ne connaissent rien de cette histoire. Et rien n'est fait pour éclairer l'esprit des Sénégalais sur cette triste affaire. Le lieu où sont enterrés ces ‘tirailleurs’ est tellement discret et ‘invisible’, qu'on peut passer devant ce cimetière pendant vingt ans sans savoir ou même deviner qu'il existe. Pourquoi cela ? Je n'ai pas de réponse. Par contre, j'ai la certitude que l'omerta jeté sur ce camp, ainsi que l'absence de monument et d'ouverture au grand public en ce lieu où périrent 38 militaires sénégalais, fusillés (disons abattus froidement) par l'armée française, après avoir défendu héroïquement la France en péril, pour seulement avoir demandé leur salaire avant d'être démobilisés et de rentrer chez eux, auprès de leurs familles respectives, relèvent tout simplement du scandale.
Il est plus que temps aujourd'hui, d'y ériger un grand monument et d'en faire un haut lieu de pèlerinage et de recueillement. Cela ne sert à rien de commémorer une Journée des ‘tirailleurs’ si le commun des Sénégalais ne sait même pas où se trouve ce camp et pire, ce qui s'y est passé ! Rendons à César ce qui est à César !
Quand on ajoute à cela, les pensions des anciens combattants qui, jusqu'à ce jour, et malgré une loi dite de ‘décristallisation’ votée en France et qui doit en principe rétablir l'égalité de traitement au niveau des pensions entre soldats français et leurs camarades d'Afrique qui continuent de percevoir le dixième de la pension d'un ancien combattant français, on peut dire de manière certaine, que les anciens combattants africains de l'armée française, aujourd'hui décédés avec à leur tête les 38 tirailleurs massacrés au camp de Thiaroye, ne sont pas en paix (Fagniou teddeu, talli wou gniou !) C'est clair !
Un monument au cimetière de Thiaroye, relève d'une exigence morale. Si une souscription était demandée, tous les Sénégalais y adhèreront, sans hésitation. Quelle susceptibilité cherche-t-on à ménager ? Les choses sont comme elles sont, et l'histoire entre l'Europe et l'Afrique est pleine de pages horribles. Ce n'est pas une raison pour ne pas l'immortaliser. Après tout, si cette histoire est horrible, ce n'est tout de même pas de notre faute ! Une personne violée dans son intégrité physique a hautement le droit de porter plainte, et d'exiger que justice lui soit rendue ; ne pas le faire par pudeur, enlève à l'auteur de ce crime, tout sentiment de culpabilité, ce qui le poussera peut-être à récidiver. L'esclavage et la colonisation relèvent du viol de ce que les Africains ont de plus cher, leur dignité. Nous avons honte de ce que nous avons subi, faisons ensemble changer la honte de camp (c'est le cas de le dire, puisque nous parlons de réhabiliter le Camp de Thiaroye !)
Charles Serigne Saliou S. VITAL Keur Massar Cité ‘Aïnoumady’ n° 309 Dakar