De l’art de (mal) juger
De l’art de (mal) juger
Propos d’un juriste privatiste sur l’arrêt du Conseil constitutionnel du 29 janvier 2012.
Comme tout citoyen sénégalais intéressé par l’avenir politique de son pays, j’attendais avec empressement et curiosité la décision du Conseil constitutionnel à propos de la validité - contestée - de la candidature du Président Wade. Dans ma posture de juriste, et non de militant, je m’attendais surtout à lire un arrêt fondé sur des motivations hors de tout reproche formel.
Le débat fort intéressant avec des arguments divers méritait d’être tranché par le Conseil constitutionnel, ne serait-ce que sur le terrain de la logique juridique, par une décision sans équivoque.
Une telle décision était attendue non seulement pour trancher un débat de juristes ou «de constitutionnalistes», mais également pour résou¬dre un problème politique crucial pour l’avenir de notre pays. On pouvait donc s’attendre, compte tenu du profil des juges et des soupçons exprimés sur leur indépendance, à une décision irréprochable du point de vue de sa motivation à défaut d’être satisfaisante pour tous dans son dispositif.
Le Conseil constitutionnel, interprétant les normes juridiques constitutionnelles qui se trouvent être au sommet de la hiérarchie des normes, doit en effet fonder ses décisions sur une motivation infaillible, répondant avec précision aux griefs formulés par les requérants. C’est pourquoi, le rejet de la requête de Youssou Ndour et autres, fondé sur une simple reprise de la «jurisprudence Yoro Fall» ressemble à un déni de Justice. Les Sénégalais n’avaient-ils pas le droit de savoir si les signatures déposées par ces candidats étaient valides ou non ? Quelle a été la méthode utilisée pour juger de leur validité ?
Dans cette contribution, mon propos sera exclusivement consacré à la partie de l’arrêt statuant sur la candidature de Wade.
Il est regrettable de constater que pour statuer sur la validité de cette candidature, le Conseil n’a pas convaincu et l’arrêt comporte, à mon sens, des incohérences et des inexactitudes graves. Pis, le juge constitutionnel procède par une argumentation péremptoire et contestable du simple point de vue de la logique juridique.
On peut, à mon avis, relever d’abord une première incohérence dans la première motivation répondant au grief selon lequel les requérants :
«…soutiennent qu’ils entendent faire dire et juger que cette candidature est entachée d’inconstitutionnalité et doit être annulée ; qu’il s’agit plus de faire appliquer le principe de l’effet immédiat de la loi nouvelle que d’une quelconque rétroactivité… que même si le principe de non rétroactivité était en cause, celui-ci ne pourrait être invoqué en l’occurrence car sa valeur constitutionnelle se limite au domaine pénal».
Dans sa motivation, le Conseil semble d’abord donner droit au moyen soulevé par les requérants, portant sur l’inapplicabilité du principe de la non rétroactivité, en concédant que :
«La Constitution de 2001 a vocation à recevoir une application im¬médiate conformément à l’article 1er de l’article 108 de la Constitution qui dispose :’’La Constitution adoptée entre en vigueur à compter de sa promulgation par le président de la Ré¬publique. Cette promulgation doit in¬tervenir dans les huit jours suivant la proclamation du résultat du référendum par le Conseil constitutionnel’’.»
Une première incohérence réside dans le fait que le Conseil, après avoir donné droit au grief des requérants, revient sur cette concession en ajoutant :
«Considérant, néanmoins, que le constituant peut en décider autrement… que cette volonté souveraine est traduite par l’article 104 de la Constitution qui dispose que ‘’le président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme’’.»
Cette motivation pose deux problèmes : d’abord on peut se demander comment la Constitution peut proclamer son application immédiate et «en décider autrement» de manière non expresse. Ensuite il n’y a aucun doute que l’article 104 (alinéa 1), cité par le Conseil à l’appui de son affirmation, ne remet nullement en cause l’application immédiate des dispositions constitutionnelles, énoncées en termes généraux par l’article 108. Il se limite à régler le problème de la durée (7 ans conformément aux termes de la Constitution de 1963 et non 5 ans conformément à la Constitu¬tion de 2001) du mandat en cours. Aucune démonstration n’est faite que l’article 104 s’applique au principe du non renouvellement plus d’une fois du mandat présidentiel, qui lui se trouve posé par l’article 27 de la Constitution.
Du reste, le juge reconnaît lui-même les termes de l’article 104 in fine qui disposent que «toutes les autres dispositions de la Constitution lui sont applicables… visent, entre autres, la limitation du mandat du président de la République à un seul, renouvellement consacrée par l’article 27 de la Constitution».
Il s’ensuit, donc, que cette disposition (et non «cette décision» comme l’écrit faussement le Conseil) ne saurait être superfétatoire puisqu’il vise l’application immédiate - à lui - au président de la République en fonction - de toutes les autres dispositions de la Constitu¬tion. Autrement et simplement dit, si «lui» peut poursuivre son mandat de 7 ans, toutes les autres dispositions, y compris l’article 27, s’appliquent à «lui». Point n’est besoin d’être grand clerc pour comprendre ce qui est écrit. (Mon collègue et grand frère Professeur Mactar Diouf, économiste de renom et non juriste, en a fait une brillante démonstration dans le journal Nouvel Horizon)
Inexactitude ne saurait aussi être plus flagrante que d’affirmer, aussi péremptoirement, que l’article 104 ne peut « …sauf mention expresse… » concerner, sans incohérence, le mandat que l’article 104 a placé hors de son champ d’application en le faisant régir par la Constitution de 1963. En vérité, cette affirmation sort de l’imaginaire des juges du Conseil car l’article 104 n’a nullement entendu placer le mandat hors du champ d’application de la Constitution de 2001, sinon il n’aurait pas précisé que toutes les autres dispositions de la Constitution de 2011 s’appliquent à lui. Simple logique qui veut que si toutes les autres dispositions de la Constitution sont applicables au mandat en cours, c’est qu’il ne saurait être considéré comme hors du champ d’application de celui-ci !
Plus grave, le Conseil affirme plus loin «le mandat écarté sans équivoque par l’article 104 de la Cons-titution ne peut servir de décompte référentiel (sic)» ; il ne s’agit nullement de décompter quoi que ce soit sinon que, logique pure et simple, le mandat en cours bien que consacré de 7 ans par l’article 27 (rédaction issue de la révision de 2008) reste bien régi par toutes les autres dispositions de la Constitution de 2001.
Inexactitude enfin, lorsque le Conseil constitutionnel affirme que «la durée du mandat, traduction temporelle de celui-ci, ne peut en être dissociée». Il faut, en effet, bien dissocier la durée du mandat et l’interdiction de son renouvellement plus d’une fois ; sinon l’article 27 de la Constitution que le juge ignore volontairement dans son raisonnement n’aurait pas été modifié en octobre 2008 sans passer par la voie référendaire, comme toute révision de ce texte devrait normalement procéder.
On se souvient que mon collègue et jeune frère Professeur Madior Fall s’était insurgé contre la révision constitutionnelle de 2008 qui visait à modifier la durée du mandant, en la portant à 7 ans, sans toucher à l’interdiction du renouvellement plus d’une fois du mandat présidentiel. Com¬ment un juge constitutionnel peut-il affirmer que durée du mandat et renouvellement du mandat, c’est kif-kif. Les étudiants de 1ère année de droit n’y comprendront rien !
Le Conseil constitutionnel, de manière bizarre, finit son raisonnement en décidant sans le démontrer, que «le président de la République, sous la Constitution de 2001, effectue un premier mandat durant la période 2007-2012». Quid du mandat 2001-2007 dont la Constitution de 2001 n’a modifié que la durée ? Aucune disposition expresse ne l’écartant du principe du non renouvellement.
On peut donc en bonne logique souhaiter que cette décision ne fasse pas jurisprudence, il serait dommage qu’elle soit considérée par les étudiants de première année de droit comme un arrêt modèle parce que l’arrêt qui la porte est truffé d’inexactitudes et souffre d’une incohérence viscérale.
• par Professeur Moussa SAMB Agrégé de Droit privé - Ucad-Dakar
La logique du président Wade
Le Conseil constitutionnel a arrêté et a rendu publique, le 29 janvier dernier, la liste définitive des postulants à la prochaine élection présidentielle du 26 février prochain, validant par la même occasion la candidature la plus controversée, celle du président sortant, Me Abdoulaye Wade, la seule candidature qui ait été, pour la première fois, contestée dans l’histoire politique nationale du Sénégal. Cette décision rendue par les cinq ‘sages’, comme on les appelle, n’a pas été sans conséquences puisqu’elle a entrainé, presqu’un peu partout dans le pays, de gigantesques vagues de contestations qui se sont, malheureusement, soldées par des pertes en vies humaines et des saccages de toutes sortes, plongeant ainsi le pays, pendant quelques jours, dans une spirale de violence et de désolation qu’on n’a jamais vécue. Des appels à la paix et au calme ont fusé de partout, pour essayer de réactualiser et de rabibocher le tissu effiloché du dialogue politique rompu depuis longtemps, entre les différents acteurs de toutes obédiences confondues et la société civile, pour faire en sorte que la stabilité du pays puisse être préservée.
Dans la même foulée, d’aucuns ont suggéré le report définitif de l’élection parce qu’ils estiment que les conditions favorables pour son organisation ne sont plus réunies. Certaines voix autorisées ont pensé que l’apaisement du climat sociopolitique délétère que vit le pays, viendrait plutôt du côté de la mouvance présidentielle, notamment, du président de la République lui-même qui devrait retirer sa candidature déjà validée par le Conseil constitutionnel que du côté de l’opposition qui est, toutefois, déterminée à aller au scrutin sans Me Wade. En effet, il paraît évident qu’aucune de ces propositions, à part le dialogue politique que le président Wade peut encore restaurer, s’il le désirait, ne semble s’inscrire dans les options et les choix de Me Wade, surtout pas la dernière suggestion qui préconise le retrait de sa candidature de la course à la présidentielle. Un retrait de la candidature de Me Wade de la course à la présidentielle en cours, sous quelque forme que se soit, éliminerait d’office, au regard de la loi constitutionnelle, le camp de la mouvance présidentielle à se présenter à l’élection. Cela signifie que si Me Wade venait à retirer sa candidature, son parti politique, le Pds, et ses alliés ne pourraient plus choisir un autre candidat de substitution pouvant les représenter à la course puisque la Constitution dispose, très clairement, en son article 34, alinéa 1 que ‘En cas d’empêchement définitif ou de retrait d’un des candidats entre l’arrêt de la publication de la liste des candidats et le premier tour, l’élection est poursuivie avec les autres candidats en lice.
Le Conseil Constitutionnel modifie en conséquence la liste des candidats. La date du scrutin est maintenue.’ Les choses sont d’autant plus claires, à cet effet, qu’il était même exclu, dès le départ, de parler inutilement d’un ‘plan B’ qui, véritablement, ne peut, en aucune manière, exister au sein de n’importe quelle autre formation ou coalition politique qui se retrouverait, à la veille d’une élection présidentielle, dans les mêmes conditions que la coalition formée autour de Me Wade. En effet, demander aujourd’hui au président Wade de retirer sa candidature de la course, c’est lui demander de mettre son parti politique dans une posture d’hibernation, de léthargie prolongée voire d’agonie totale jusqu’en 2017, date à la quelle le parti pourra, s’il venait à survivre, participer à une autre élection présidentielle. Ce qui n’est pas du tout imaginable pour un matois dinosaure politique de la carrure de Me Wade dont le seul objectif est de faire régner les libéraux au trône pendant cinquante ans.
Il est évident que Me Wade, dans sa logique, n’est pas prêt à laisser couler, prématurément, son parti qui s’apparente, désormais, à un vieux navire à bout de souffle qui claudique dangereusement en pleine tempête vers une destination incertaine. Ce navire vieux de 38 ans que certains matelots désespérés abandonnent peu à peu avant l’heure tragique du naufrage imminent, représente, sans doute, un véritable patrimoine précieux pour le président de la République. Mais, Me Wade sait qu’un patrimoine comme le Pds, un parti pour lequel il s’est âprement battu pendant des années durant et qui l’a conduit au pouvoir en mars 2000, on le conserve et on le préserve jalousement, on le sauvegarde ou on le lègue à une personne de totale confiance. C’est justement cette personne de confiance que Me Wade a eu certainement du mal à trouver au sein de son parti dont il est le seul chef incontesté et incontestable.
Ce qui est sûr, c’est que si Me Wade avait trouvé, au sein de son entourage, cette personne de totale confiance, capable de mener à bien les destinées de son parti, il ne se serait pas livré à cette petite valse palinodique qui a produit et continue de produire l’effet d’une bombe qui est venue fouler aux pieds sa déclaration où il reconnaissait avoir bloqué la Constitution et n’avoir plus droit à un troisième mandat. C’est de là, précisément, qu’est parti tout le mal que le pays est en train de vivre aujourd’hui. On peut dès lors comprendre à quel point la gestion des affaires d’un parti politique qui préoccupe au plus haut point un président de la République peut avoir des répercussions fâcheuses au sommet de l’Etat.
En réalité, ce qu’il faut aussi savoir, c’est que ce parti dont Me Wade est le secrétaire général national, est d’autant plus important pour lui, qu’il avait du mal à comprendre, à l’époque où il était encore dans l’opposition, que quelqu’un puisse créer une formation politique et quitter ses instances une fois au pouvoir comme le légiférait la loi constitutionnelle de 1963. C’est la raison pour laquelle, quand il est arrivé au pouvoir, il a introduit dans la nouvelle Constitution du 22 janvier 2001, l’article 38 qui donne, dorénavant, la prérogative au président de la République de pouvoir exercer des fonctions dans une formation politique. En prenant ainsi cette disposition constitutionnelle, Me Wade était loin de s’apercevoir qu’un président de la République qui est en même temps chef de parti politique peut être souvent amené à confondre la gestion courante des affaires de l’Etat à celles de sa formation politique. Et c’est cette terrible confusion que l’on a malheureusement constatée et déplorée au cours de cette dernière décennie écoulée du régime libéral.
Demander aujourd’hui au président Wade de renoncer à sa candidature à l’élection présidentielle prochaine, c’est lui demander également de prendre sa retraite politique dans des circonstances qui pourraient lui paraître peu glorieuses, surtout, pour lui qui était entré dans un des rares palais présidentiels africains par la plus grande porte dorée qui a marqué de façon indélébile l’histoire politique d’un pays connu pour sa riche tradition démocratique, dans un continent où les transitions politiques s’opèrent souvent dans la violence. Une telle sortie n’est certainement pas de sa stature, lui qui a récemment confié à la famille religieuse de Tivaouane qu’il ne saurait faire moins que son prédécesseur Abdou Diouf qu’il avait battu et qui l’avait vivement félicité pour sa victoire à l’élection présidentielle du 19 mars 2000. Si Wade promet de ne pas faire moins que Diouf, cela signifie qu’il fera autant que lui ou même mieux. Autrement dit, Wade est prêt à emprunter le même itinéraire de sortie que l’ancien président Diouf, c'est-à-dire par la voie des urnes.
A l’évidence, la logique de Me Wade est bien connue, c’est qu’il ira à l’élection, quelles que soient les circonstances et félicitera le vainqueur, en cas de défaite, le 26 février prochain. Mais, féliciter le prochain vainqueur de l’élection présidentielle, en cas de débâcle, et s’honorer d’une sortie heureuse pour aller s’offrir une retraite paisible, loin du charivari politique, ne signifie pas, pour autant, que Me Wade veuille participer à la course pour la perdre. Bien au contraire. En effet, l’homme est bien décidé à aller à la compétition pour la remporter car, il demeure tout à fait persuadé que le peuple est toujours avec lui. Il en est d’autant plus convaincu et rassuré qu’il se permet de défier et de narguer l’opposition qu’il considère, d’ailleurs, assez timorée parce qu’elle n’a pas le courage d’aller à l’élection.
Quant à l’opposition, elle saura, certainement, adopter des stratégies de répliques efficaces, en s’organisant davantage pour veiller à ce que l’opération électorale se déroule dans la transparence la plus totale sur l’étendue du territoire national. Elle veillera, surement, à ce que les fraudes à grande échelle qu’elle redoute tant ne puissent être perpétrées. Elle n’aura rien à craindre ni à perdre, quant on sait que dans tous les cas, c’est seul le peuple sénégalais souverain qui fera librement son choix le jour du scrutin.
M. Babou DIATTA, Professeur de Portugais, Au lycée Malick Sy de Thiès, Consultant à l’Université de Thiès/Ufr Ses Département de Langues Etrangères Appliquées (Lea) E-mail : thelougoumba@hotmail.com
Agisme ou...bon sens ?
Je me permets de prendre ma plume pour compléter ou repasser sur celle de mon ami et confrère le docteur Abdoulaye Bousso, qui se pose des questions quant à la nécessité d’un certificat médical d’aptitude à la fonction de président de notre République, comme cela se fait au Bénin.
Ses propos ont été d’une grande logique d’autant plus que, pour postuler à n’importe quel poste de la fonction publique sénégalaise - de quelque niveau de responsabilité que ce soit - ce sésame est souvent demandé. En plus pour un tel niveau de responsabilité, les Sénégalais ne voudraient pas confier la fonction de président de leur République à un jeune, âgé de 18 ans (pourtant majeur !). Et pourquoi confier alors cette fonction à un vieillard ? Ne faudrait-il pas alors fixer des limites d’âge et exiger un certificat médical (non trafiqué !) qui me paraît plus utile qu’un quitus prouvant que le candidat à cette fonction s’est acquitté de ses impôts par exemple ?
En tant que gériatre, je me pose beaucoup de questions sur l’état de santé cognitive (‘mentale’ en plus simple) d’un monsieur de plus 85 ans qui, devant ses militants, l’opinion nationale et internationale, s’est permis de nier formellement ses propres propos gravés sur vidéo et passant en boucle sur internet. Ce même monsieur a, depuis, continué à ‘trop se tromper’ sur des évènements ou faits récents.
Cependant ces oublis n’émeuvent que certains citoyens classés, à tort ou à raison, dans le clan des opposants politiques à ce monsieur. Ne sont-ils pas tout simplement des citoyens inquiets du devenir de leur pays confié à un tel homme âgé ? Est-ce pour simplement un luxe que l’âge de retraite administrative soit discuté et fixé dans tous les pays du monde à un âge où l’on considère, de façon générale, que l’organisme a vieilli et peut influer négativement sur la qualité du travail ? Pourquoi les professeurs, par exemple, partent à la retraite avec toutes leurs connaissances acquises sur plusieurs décennies ? C’est tout simplement parce qu’il y a un ordre préétabli à respecter quelles que soient leurs qualités et capacités physiques et/ou intellectuelles !
L’Homme âgé était jadis, et parfois encore dans certains milieux culturels, considéré comme une ressource humaine de qualité ou une valeur sûre, voire un ‘sage’. Mais, cet autre Homme âgé, qui ne fait rien pour apaiser et réconforter sa patrie inquiète de son devenir et qui laisse se développer l’impunité et l’inégalité basée sur l’appartenance à un groupe politique, peut-il être considéré comme un sage ? Ne met-il pas en danger l’intégrité de la nation sénégalaise ?
Ainsi, est-ce de l’âgisme, c’est-à-dire une ségrégation par l’âge, dans le jargon gérontologique, que de douter des capacités morales et intellectuelles de cet homme à diriger notre chère nation ? Je pense que non ! Mais, faudrait-il le prouver par une évaluation gériatrique multidimentionnelle - ou, en plus simple, un bilan de santé vu sous l’angle gériatrique. Celle ci peut se réaliser ici par des experts nationaux (même si, dans ce domaine précis, nous nous comptons sur les doigts d’une main au Sénégal) ou par des experts étrangers honnêtes. Car, cet homme n’a probablement pas confiance en nous (comme le montrent ses agissements récents pour faire valider sa supposée candidature).
Donc j’appuie cette idée du certificat médical pour tous (ainsi, l’on ne parlera point d’âgisme !) du docteur Bousso. Certes ceci ne figure pas dans notre loi fondamentale mais ces certificats médicaux, faits par une même équipe d’experts, pourraient peut être contribuer à éviter, dans l’avenir, une situation socio-politique inquiétante comme celle que nous vivons actuellement dans notre cher Sénégal.
Ce débat médical est peut être arrivé trop tard pour cette fois-ci. Mais, il n’est jamais trop tard pour essayer de raisonner l’entourage d’un homme irresponsable peut-être – et qui, demain lorsque la vérité éclatera, ne pourra pas être jugé pour ses ‘erreurs’... Mais cet entourage n’est-il pas aveuglé par les délices du pouvoir ?
Dr Seydina Limamoul Mahdi DIAGNE, Gériatre
Mon pays va mal
A l’aube du troisième millénaire, nous avons un Président qui brigue un troisième mandat. Dans toute démocratie, on se suffit maintenant à deux mandats de maximum 4 ou 5 ans. Après 12 ans passés à la tête de ce pays, Abdoulaye Wade doit quitter le pouvoir. Qu’on le lui permette ou pas, il ne devrait pas faire 17 ans de pouvoir et ne les fera pas. Qu’il ait 90 ans ou 40 ans c’est pareil. C’est une question de principe. Mainte¬nons le combat pour que Abdoulaye Wade aille se reposer comme tout grand-père de son âge.
Qu’il arrête de nous dire que son fils est intelligent et qu’il n’est pas plus bête que G. Bush qui a mis son fils à la tête des Usa. Bush Junior a été gouverneur de Floride pendant 5 ans. Votre fils n’a même pas pu être maire de Point E. Après Bush Senior, Clinton a servi pendant 8 ans. Al Gore a perdu face à Bush Junior suite au trafic du vote des Noirs en Floride. Comme quoi pour que le fils y accède, il faut tripatouiller l’électorat. 5 ans après, Bush a gagné devant Kerry, qui était de loin l’adversaire le plus faible des Usa. Arrêtez de nous faire croire que votre fils était un banquier reconnu de la place. Il y a plein de Sénégalais qui sont sortis de Dau¬phine, Sorbonne, Harvard, George¬town, Ucla et autres Nyu and co mais on ne les entend pas. Seuls les tonneaux vides fond du bruit. Votre fils est légalement Sénégalais, on ne le lui refuse pas. Mais il n’est pas légitime qu’il gère plus de 45% du budget national parce qu’il est votre fils. Il n’est même pas capable d’assurer une fourniture normale en électricité. Vous surtaxez les produits pétroliers pour que votre fils ait des sous pour acheter du carburant, ce que n’avaient pas Samuel Sarr ni les autres incompétents de votre régime.Vous prélevez plus de 8 milliards par mois entre le Fsipp et le Pse pour les mettre à la disposition de Karim. Si quelqu’un ose l’auditer comme sur l’Anoci, vous le virez !!!
Par respect pour les Sénégalais, gardez votre famille hors des sphères de la République et épargnez-nous des comparaisons futiles et sans fondement visant à légitimer votre fils. Il ne sera jamais Président ni quelqu’un de légitime au Sénégal. Les Séné¬galais sont très compétents. On vous laisse avec vos Farba, Iba Der, Aliou Sow, Massaly, Awa Ndiaye, Aïda Diongue et autres incompétents.
Mais nous aussi Sénégalais, ne nous laissons pas divertir. Idy, Macky et Gadio sont des dérivés de Wade. Ils ont tous porté Wade comme un messie disant de lui que c’était le Napoléon De Bonaparte du Sénégal. Tous ces politiciens ont tiré leur fortune sur l’argent du contribuable. Ils n’ont ni hérité de père milliardaire, ne sont pas des businesmen reconnus de la place comme un Yérim Sow, mais sont tous devenus milliardaires du jour au lendemain. Arrêtez ce cirque, n’est-ce pas Bennoo !!!
Il faut que nous Sénégalais changions d’état d’esprit. Que nous arrêtions le désordre. Il faut travailler. On n’est jamais dans les bureaux. Il faut avoir le goût de l’effort et arrêtez les passe-droits. Même faire la queue est impossible pour un Sénégalais. Dans les embouteillages, chacun se croit plus pressé et va créer une nouvelle file, la priorité à droite on s’en fout. Les transports en commun sont surchargés à mort et ne respectent pas le Code de la route. Ne me parlez même pas de l’Administration, car il faut faire du nekhal (corruption) pour avoir ce qui nous revient de droit. Quant aux policiers de la circulation ne m’en parlez pas, ils sont plutôt là pour augmenter les embouteillages à force de racketter les voitures. Wade n’est pas le seul problème. Chan¬geons nos mentalités et mettons-nous au travail. Le Sénégal est un Ppte (Pays pauvre très endetté). Vivons avec nos moyens. Arrêtons le gaspillage dans les mariages, nguentes, ndèyales, Yébbi et autres. Les jeunes n’ont pas de valeur ni d’ambition. Les filles parlent de mbarane et de cheveux naturels. Les garçons veulent devenir des lutteurs ou des footballeurs. Rien de mal à cela mais il ne faut pas tous les abrutir. Les salaires supérieurs à 400 000 francs Cfa net ne concernent pas 30% des salariés. On veut de belles voitures, de belles maisons mais on ne fait pas les efforts nécessaires. C’est la culture du «Rac tac», dji légui mou sakh légui niou lek légui. Il faut retrouver le sens des valeurs, être au travail à 08h 00 et travailler de façon effective : ne pas surfer sur le net, se faire soudoyer pour faire son travail ; respecter les personnes, les pauses et les heures de descente.
Tant qu’on ne se respecte pas, les autorités n’auront pas de respect pour nous. On a notre mot à dire. Sénégalais, Sénégalaises, méfions-nous des trompeurs et allez vérifier que vous pouvez voter dans votre secteur. Sinon le découpage administratif vous réserve plein de surprises. Et allons voter tôt, très tôt. Que le meilleur gagne !!
Wa salam.
• par Khalifa Ababacar NDIAYE Rufisque
Faut-il marcher sur le Palais ?
Il y a des combats qu’on ne saurait reporter ou déléguer. Avec sa candidature, Wade a planté un jalon constitutionnel décisif pour la dévolution monarchique du pouvoir.
Acte II - Confisquer le pouvoir au soir du 26 février 2012. Les élections ne seront ni libres ni transparentes. Quelques échauffourées, des morts bercées dans la cacophonie des appels à la concertation, tout au plus un gouvernement de coalition. Et la caravane Njombor passe. Ce gouvernement ne durera que le temps d’une rose. Wade a besoin d’un accord qui le laissera au pouvoir pendant encore deux ans au pire des cas. Le temps de réorganiser son parti et de mettre officiellement son fils sur orbite.
Acte III - Changer la Constitution par voie parlementaire un an plus tard pour imposer une succession à la Senghor dont le seul bénéficiaire sera évidemment son fils.
Nous sommes donc dans une situation très délicate. Le temps joue en sa faveur. Wade a compris que seul le Ps a aujourd’hui l’organisation de jeunesse politique à même de lui créer des ennuis. Cette organisation a été décapitée avec la liquidation planifiée de Dias-fils. Wade a aussi compris que seul Moustapha Niasse pourrait présenter un leadership crédible pour la résistance active et efficace à travers la Coalition Bennoo Siggil Senegaal avec les leaders légitimes de l’opposition historique. Il fera tout pour le discréditer et le neutraliser.
Après le 26 février il y aura encore des morts, hélas pour rien. Wade restera Président. Les chefs religieux comme à l’accoutumée appelleront à la paix, la paix wadienne. Une concertation à Touba ou à Tivaouane initiée par les pions du régime au sein des familles religieuses… pour gagner du temps. Sa concertation, Wade la veut après les élections, pas avant car ce sera le dernier tournant de cette crise politique.
Alors que faire ?
Wade est un danseur politique sans éthique aucune. Il règle le tempo à sa convenance et définit les mo¬ments forts du concert. Pour l’arrêter il ne faut jamais accepter de danser au rythme de sa musique, mais faire comme Alexandre le Grand : couper le nœud gordien. La seule initiative décisive est donc cette marche pour la paix au palais de la République qui arrive avec deux ans de retard. Car la paix réside au Palais, il faut donc nécessairement aller l’y chercher. Il y aura certainement de la violence - provoquée par les calots bleus infiltrés dans les Forces de l’ordre -, dont il sera le seul et unique responsable devant la communauté internationale. Il s’est mis Paris et Washington à dos. Mais il partira, il en est très conscient. C’est ce qui justifie sa dernière sortie défiant l’opposition de marcher sur le Palais. Il utilise la ruse de son homonyme Leuk devant Bouki : «Ne me jetez pas dans les broussailles, jetez moi dans le feu.» Il faut par conséquent le prendre au mot et marcher sur le Palais. On ne s’oppose pas à Abdoulaye Wade comme on s’oppose à Abdou Diouf. C’est le terrain et le moment qui commandent le déplacement. Toutes les autres initiatives ne serviront absolument à rien contre la volonté déraisonnée de Wade d’introniser son fils.
Le 26 février ce sera trop tard, Karim Wade sera Président à moins que la Grande muette ne se mette subitement à parler pour mettre de l’ordre, comme au Mali. Il ne faut pas l’espérer car Wade y a déjà pensé. Cette Grande muette est tout aussi gangrenée par le triptyque de la Wade doctrine : la corruption, la fourberie et l’intimidation. Nous n’avons malheureusement pas le choix pour sauver la République et recouvrer notre dignité, car l’alternative c’est Karim Wade.
• par Elimane MBENGUE
Présidentielle sénégalaise de février 2012 : Treize candidats et un fantôme !
«Gorgui deena, Gorgui deena, soullène ko !*» C’est le refrain iro¬ni¬que inlassablement scandé par la jeunesse ardente au cours des diverses manifestations du mouvement des forces vives de la Nation.
Ces jeunes sont évidemment loin de souhaiter la mort de qui que ce soit et surtout pas celle de notre vénérable patriarche, qui malgré ses frasques et gaffes de la dernière décennie, aura quand même contribué à la survenue de la première Alternance démocratique dans notre pays après 26 années de combat ! Ils pensent simplement que le moment est venu, pour lui, de faire valoir ses droits à la retraite et/ou d’aller se consacrer à ses obligations religieuses, comme le lui a d’ailleurs conseillé un marabout de Louga.
Ce dont la jeunesse sénégalaise veut parler, c’est non pas de mort physique comme celle de Mamadou Diop, victime d’un «assassinat sur la voie publique» sur la Place de l’O¬bé¬lisque occasionné par le camion «Dra¬gon» de la «Police libérale», mais de la «mort sociale» de Ndiombor !
N’est-ce pas lui qui s’est «politiquement suicidé», en se reniant publi¬que¬ment (wax waxeet), le 14 juillet 2011, suite au rejet, trois semaines auparavant, de son projet de loi constitutionnelle instituant le ticket de l’élection simultanée, au suffrage universel du Président et du Vice-président, et au refus opposé à sa volonté de suppression du second tour de l’élection présidentielle ?
Sous d’autres cieux, Ndiombor serait passible de la Haute cour de justice qui aurait pu le condamner pour parjure. On aurait donc pu parler de «mort sociale» de M. le président de la République, qui aurait ainsi pu rejoindre tous ceux qui vivent en marge de la société, dont ils se sentent exclus, notamment les détenus, les prisonniers, les chô¬meurs, les malades mentaux, etc.
Cette mort sociale le concerne également, en ce qu’il a choisi d’enfreindre consciemment et volontairement les normes républicaines, en violant de manière répétitive la Constitution qui ne lui donne pas droit à un troisième mandat.
On pourrait aussi parler de «mort spirituelle» : celle de l’âme en état de péché mortel, non seulement celle des dirigeants de la Coalition Fal2012, mais aussi celle de leurs com¬plices enturbannés ou non.
Enfin, la «mort psychique» vien¬drait du refus obstiné de prendre en compte les réalités sociopolitiques de notre pays, faisant de celui qui en 2000 a été porteur des espérances du peuple sénégalais, un fou emmuré dans son autisme et qui tel Néron, pourrait mettre notre pays à feu… et sang !
On ne peut qu’être révolté devant le manque de compassion des responsables libé¬raux refusant à Ndiombor son droit légitime à jouir d’un repos… salvateur pour la marche du sys¬tème politique sé-négalais.
Certes, le premier magistrat de la Nation est une bête politique infatigable et déconcertante. Il réussit la prouesse d’entrer quotidiennement par effraction dans les chau¬mières sénéga¬laises, où il est devenu indésirable depuis bien long¬temps. Il est parvenu à domestiquer (par la carotte ou le bâton), nombre de politiciens, de syndicalistes et même quelques marabouts. Il est arrivé à empêcher la jonction des mouvements sociaux aussi nombreux qu’inefficients, car divisés et faisant preuve d’un corporatisme étroit.
Il est vrai que «l’opposant au pouvoir» risquerait, une fois retraité, face au sentiment d’éloignement ou même d’abandon du champ de bataille, de ressentir un sentiment de solitude si fort qu’il pourrait lui être fatal ! Est-ce pour cela qu’il cherche à nous imposer le prince héritier, ce qui lui permettrait de continuer de gouverner, par procuration, jusqu’au-delà de 100 ans…
En cette nuit de prières et de dévotion, puisse Dieu, par la grâce du Prophète Mohamed (Psl) nous en préserver !
Philippe Tacko WAR
*Le vieux est mort, le vieux est mort, il faut l’enterrer !
La classe maraboutique à l’épreuve de la crise politique
Avant, pendant et après la commémoration de la naissance du Pro¬phète Mouhamed (Psl), les familles maraboutiques, en réaction à la situation actuelle du pays, se sont bel et bien prononcées, mais dans la plus grande diversité. Certaines ont affiché une neutralité, enrobée sous la bannière de l’appel à l’apaisement et à la retenue ; d’autres ont pris position. Et parmi les positions affichées, il y a en qui sont voilées, contrairement à d’autres qui sont nettes et tranchées.
En effet, des guides religieux ont clairement dit haut et fort, et à qui veut l’entendre, que le problème reste le mandat jugé de trop du Président en exercice, qu’il a une grande part de responsabilité dans l’impasse politique menaçant la stabilité du pays, et que la solution la plus rapide réside dans sa renonciation à briguer, derechef, le suffrage des Sénégalais.
Donc, tous les disciples sont bien servis par leur guide, même s’ils le sont à des fortunes diverses. S’il arrive que certains sont fiers de leur maître, d’autres peuvent avoir des raisons d’avoir honte de leur allégeance. Dès lors, il est tout à fait erroné d’affirmer que les marabouts n’ont pas pris leurs responsabilités. Il ne convient alors pas de les mettre dans un même récipient pour jeter le bébé avec l’eau du bain.
Au fait les voix sont discordantes, au sein même d’une seule obédience religieuse ou tarikha. Par exemple à Tivaouane, il y a une bonne part de la frange maraboutique qui a clairement imputé la responsabilité de la survenue de la crise au président de la République. Il ne faut pas généraliser au risque de verser dans la stigmatisation, d’autant plus que cette pluralité des appréciations est une conséquence logique de la multiplicité des sensibilités dans les familles maraboutiques.
Autant dire que la liberté de ton et l’indépendance d’esprit, ne sont pas étrangères à l’aristocratie maraboutique dans son ensemble. La citoyenneté active y a, en effet, bel et bien pignon sur rue. Cependant, elle est rudement éprouvée par la crise politique qui va crescendo. La plupart des citoyens lambda tiennent la dragée haute à la classe maraboutique pour lui faire jouer des rôles d’avant-garde. Les mutations sociales y consécutives présagent de sujets de réflexion préoccupants.
L’incarnation officielle de l’autorité par un «khalife», n’a su bâillonner des notes dissonantes, qui ne se fassent pas prier pour se faire entendre en des moments jugés cruciaux.
Autant le citoyen exige des marabouts d’être précis dans leur appréciation de la situation, autant il doit, lui aussi, apprécier à sa juste valeur les prises de position satisfaisantes et condamner les «mara» dont il juge les interventions carentielles ; tout en se donnant le soin de comprendre, par l’attitude interprétative, pourquoi un tel marabout ose s’afficher de telle manière et pourquoi un autre assume, d’une telle manière, sa responsabilité de se comporter d’une telle autre manière.
Somme toute, l’appréciation des positions et des lignes de pensée des différentes figures maraboutiques contemporaines, se doit d’être beaucoup plus rigoureuse et plus raffinée, en s’appuyant sur des paramètres pertinents. Cette tâche n’est-elle pas du ressort des chercheurs (du passé, du présent et de la prospective) qui se doivent d’explorer et de scruter, en permanence et en profondeur, cette dimension importante de notre existence nationale ?
• par Serigne Aly Cissé DIENE - sdiene@yahoo.fr
La fin d’un règne, une «brise» dit-il…
Le sang des martyrs, une brise passagère,
La souffrance des mères, une douce mélodie,
Un peuple le vomit, une distraction mineure,
Un peuple le honnit, une erreur d’appréciation.
Ne voit-il pas l’ouragan qui l’emporte ?
Est-il sourd à son oraison funèbre ?
Quel goût trouve-il au dégoût qu’il inspire ?
N’est-il pas révulsé par l’odeur pestilentielle de sa fin de règne ?
N’a-t-il pas conscience qu’il a touché le fond ?
Celui qu’il n’est point besoin de nommer, a perdu ses sens ou les a dévoyés,
Son envie de nous plaire et de gouverner s’est éteinte,
L’état comateux du pouvoir n’a d’égal que son désamour à notre endroit,
Son suicide politique ne sera consommé qu’avec l’éjection du pouvoir,
Entre nous, le courant ne passe plus, et pas seulement dans nos chaumières,
A force de nous trahir, la défiance s’est muée en mépris.
Ce n’est pas une brise passagère que le sang du peuple qui coule,
Mais l’histoire retiendra le nom d’un passager qui a brisé nos rêves sur les récifs de sa mégalomanie.
Enjoignons le peu de valets qu’il lui reste à lâcher prise, afin de se soustraire à l’extrême humiliation.
N’a-t-il pas déjà fait le vide autour de lui ?
Sauvez encore ce qui peut l’être, le jugement de l’histoire en sera moins sévère.
Nous, le peuple souverain, faisons le serment de le destituer définitivement de toute représentativité politique.
Paix sur le Sénégal. Et vive son peuple !!
• par Ousmane CISS
Le Conseil constitutionnel et nous
Si le débat autour de la candidature du président de la République arrive à ouvrir une réflexion sur la place du Conseil constitutionnel dans notre démocratie, il aura sans doute été bienfaisant. Ce débat est important, bien sûr, mais l’opportunité doit en être saisie pour repenser l’arbitrage juridictionnel de la politique dans notre pays. Depuis des mois, beaucoup de choses ont été dites, en rapport avec ce débat. En soi, cette vivacité de la controverse publique est une chose stimulante, et il faut s’en féliciter. Il y a du reste fort à parier qu’après avoir été sous les feux de la rampe, puis dans l’œil du cyclone, notre Justice constitutionnelle sortira de l’épreuve quelque peu transfigurée, non parce qu’elle serait dorénavant sensible aux conditionnements de la conjoncture politique, mais parce qu’à l’occasion d’un débat il est vrai tendu, elle aura compris l’espérance désormais investie en elle et l’assumera en toute clairvoyance. C’est déjà un acquis : il y aura, sans doute, un avant et un après 2012.
Mais les périodes d’effervescence sont aussi, souvent, des moments de confusion dans lesquels, les impulsions passionnelles et les inclinaisons partisanes prennent volontiers le pas sur un minimum de sérénité sans lequel le débat public n’est ni sain ni fécond. Que le raidissement du débat public soit le fait d’acteurs politiques n’est que normal, c’est même, ajouteront d’autres, le sel de la démocratie. Mais il est tout aussi légitime de chercher, au milieu de cette houle, à rappeler un certain nombre de choses qui ont pu, il faut bien le dire, être ou¬bliées ou occultées - on n’ose dire vo-lontairement - dans cette controverse. Des choses qui ont pu être dites ou insinuées, certaines doivent être relativisées, alors que d’autres méritent incontestablement d’être appu¬yées, confortées. Les faux procès ne doivent pas faire oublier les vrais défis.
Deux faux procès
Dans la fureur du débat, c’est d’abord la «clarté» et la «simplicité» qui ont été érigées en règle. La question de la candidature du président de la République n’est certainement pas une question insoluble au regard des dispositions de la Constitution ; elle y trouve sans aucun doute sa solution - nous y reviendrons -. Mais donner à penser que les normes sur lesquelles travaille le juge constitutionnel sont d’une clarté cristalline, que l’acte de juridiction constitutionnelle est un acte purement «technique», réalisable au terme d’une démarche mécanique n’est pas très sérieux. Il faut accepter la complexité intrinsèque de la Justice constitutionnelle, la tenir pour irrévocablement acquise et, dans le cadre de cette contrainte originelle, travailler à faire prévaloir ses propres thèses. Dans leurs avatars extrêmes, certains points de vue entendus ont résonné à la manière d’un : «Circulez, y’a rien à interpréter», puisqu’il était entendu que «tout est clair». Lorsque l’on se mêle de parler de la question en termes «scientifiques», il faut évidemment éviter de tomber dans le piège des raisonnements sommaires et des alternatives simplistes. Notre démocratie, jeune et impatiente, succombe souvent à la tentation des bipolarisations et aime à mettre en scène les oppositions spectaculaires, fracassantes, qu’il s’agisse de politique, ou qu’il soit question de l’interprétation des règles qui la régissent. Nul n’est, bien entendu, obligé de sombrer dans cette tentation. Il serait très préjudiciable que la vivacité de nos controverses em¬portât tout sur son passage, et que la véhémence des positions finît par dé¬boucher sur un affaissement de toute instance critique dans notre démocratie. «Critique», c’est-à-dire, dans la mesure du possible, distante. Le seul apport d’un regard d’«expert» sur un débat politique est de rendre fidèlement compte de ses tenants et de ses aboutissants. C’est là une exigence minimale de l’«honnêteté intellectuelle», le débat scientifique n’est pas obligé d’être à la remorque du débat politique.
Il faut donc récuser, dans son principe même et abstraction faite des péripéties de notre vie politique, l’idée que le juge doit appliquer des «règles claires». Au contraire, la nor¬me qui se rapporte à la Constitution est souvent affectée de complexité, et ce pour deux raisons. La première tient à son laconisme, à la brièveté de son énoncé. Contrairement à d’autres de ses homologues juges, le juge constitutionnel n’a pas de matériau normatif abondant, et doit donc suppléer cette carence, qui est d’abord un facteur de complexité dans l’accomplissement de sa mission. La seconde raison est que la Constitution est un lieu d’oppositions, aussi paradoxal que cela puisse être. Il n’est pas rare que dans un même texte, l’on trouve une chose et une autre qui tend à la relativiser. Cela ne veut pas dire que toutes les vérités se valent - car il y en a toujours une qui présente un degré de pertinence supérieur aux autres -, mais il faut intégrer cette dimension-là du travail du juge de la Cons¬titution. Il ne sert à rien de nier cette évidence, il faut en prendre acte : il n’y a pas de police du sens dans cette matière-là.
Mais cette relativité fondamentale a une conséquence que nous devons assumer : c’est que les décisions du juge constitutionnel ne sont pas des vérités révélées, qu’on peut et qu’on doit même toujours les discuter, les soumettre à la «critique» au sens premier du terme -, c’est-à-dire les «juger». La tentation est en effet grande de dire qu’une fois que le Conseil s’est prononcé, il faut se taire. Ce point de vue se nourrit, dans notre pays, d’un facteur institutionnel et d’un facteur conjoncturel : puisque les décisions du Conseil s’imposent à tout le monde, il ne faut pas les discuter, pourrait-on être tentés de dire ; et puisque le débat sur la validité de la candidature présidentielle nous a tant occupés, il est temps de le clore, ajoutera-t-on dans la même veine. Une telle opinion est une tentative de mise au pas de la réflexion critique, elle n’est pas acceptable.
L’autre faux débat sur le Conseil constitutionnel porte sur la nécessité de n’y avoir que des «spécialistes». Là également, on aura entendu des choses que ne corroborent ni des données scientifiques ni l’expérience pratique de nombre de juridictions constitutionnelles dans le monde. Dans un élan qui a pu confiner au sectarisme, des juristes se sont même parfois vu exclus du débat, sous prétexte qu’ils ne seraient pas des «spécialistes». Or, l’interprétation de la Consti¬tution pose des problèmes transversaux qui concernent tous les praticiens du droit, quelle que soit leur «spécialité».
La réflexion sur nos institutions souffre de deux maux, le juridisme et l’académisme : penser qu’une démocratie se bâtit à coups de textes, considérer que le débat sur les institutions est un apanage. Or, rendre la Justice constitutionnelle n’est pas un exercice d’ésotérisme. Sait-on qu’il existe des pays dans lesquels, pour être juge constitutionnel, on n’a même pas besoin d’être juriste de formation, mais, par exemple, ancien député ? Sait-on qu’au Sénégal mê¬me, les universitaires présents au Conseil n’ont pas été nécessairement, depuis 1992, des «spécialistes» en quel¬¬que sorte «exclusifs» de la Cons¬titution, et que nul n’a trouvé à redire à la manière dont ils faisaient leur travail ? Oublie-t-on que maintes juridictions intègrent en leur sein des avocats, des magistrats et autres personnes ne se prévalant pas nécessairement d’une connaissance théorique pointue des questions constitutionnelles ? Faut-il même rappeler que c’est d’hommes de ce type que l’on attend une effectivité des normes constitutionnelles ? Ce sont les avocats, les praticiens des droits de l’homme, les gens de Justice qui sont les mieux placés pour promouvoir la Constitution, parce que ce sont eux qui, dans leur pratique contentieuse, en invoquent les dispositions, en diffusent les normes dans le corps social, en demandent et imposent le respect. Ce qui fait qu’une juridiction constitutionnelle fonctionne bien, c’est l’alchimie bienfaisante qui naît du brassage des spécialités, c’est le croisement des points de vue, c’est la diversité des trajectoires : le spécialiste de la Constitution, qui apporte sa connaissance théorique et sa capacité à conceptualiser les questions posées ; l’homme de Justice, qui en connaît les enjeux contentieux ; l’ex-législateur, qui sait saisir les ressorts des compromis rédactionnels ; l’«activiste» des droits de l’homme, qu’habite le souci de la bonne insertion des droits humains dans la réalité… Le débat constitutionnel est donc loin d’être une affaire de caste, toute «circonscription» de celui-ci est l’indice d’une pathologie, la pathologie de l’ineffectivité. Au demeurant, la question brûlante dans notre pays, celle de la candidature du Président - occurrence qui a donné lieu au «procès en spécialisation» - ne requérait certainement pas une compétence «constitutionnelle» extrêmement aiguë pour recevoir sa réponse.
Précisons tout de même un point. L’ouverture du débat constitutionnel a une exigence minimale : c’est que ceux qui s’y expriment, à commencer par les juges constitutionnels eux-mêmes, s’intéressent à la Constitu¬tion. Les habitudes de nomination, sous nos latitudes, omettent tellement cette condition minimale que l’on en arrive, parfois, à cette absurdité consistant à nommer des gens presque contre leur gré, parce que les choses constitutionnelles ne les intéressent pas (ce qui est bien sûr leur droit). Rien ne s’oppose à ce que l’on «entende» les personnes avant de les nommer. Ni simplification outrancière de son rôle ni procès en spécialisation donc. Mais notre juridiction constitutionnelle a certainement un vrai défi à relever.
Un vrai défi
Ce que nous sommes en droit d’attendre en retour du Conseil constitutionnel, c’est qu’il soit une institution de son temps. Dans la trajectoire des juridictions, il se produit des moments décisifs, des périodes cathartiques, où la manière de rendre la justice change, non sous le poids de la pression d’acteurs, mais sous l’aiguillon d’un nouveau contexte social ou politique. Par excellence et par vocation pourrait-on dire, c’est le juge constitutionnel, d’entre tous, qui est préposé à ce travail pionnier.
Le Sénégal a bien changé depuis 1992, date à laquelle notre juridiction a été mise en place. L’on a malheureusement le sentiment que l’instance arbitrale de notre démocratie n’a pas suivi ce mouvement, a eu tendance à concevoir sa mission de manière quelque peu statique et étriquée et, il faut bien le dire, finalement frustrante pour certains. Or, rien n’est plus nocif que ce sentiment de défiance. Le carcan des textes et la logique des compétences d’attribution ne justifient pas tout. Sur trois sujets de discussion qui ont eu lieu il y a quelque temps, le Conseil aurait pu délivrer son oracle sans nécessairement que les textes qui le régissent soient mo¬di¬fiés. Il en a été ainsi, aux premiers temps de l’application de la nouvelle Constitution, lorsqu’il s’est agi de choi¬sir la procédure par laquelle le changement constitutionnel devait avoir lieu. De même, lorsqu’il a été saisi sur les lois de révision du Con¬seil, le Conseil aurait pu dès le départ statuer, ne serait-ce que sur la procédure utilisée, sans être entravé par une certaine conception de ses compétences. Enfin sur la candidature présidentielle elle-même, on peut trouver à redire sur un certain nom¬bre de choses. On en citera seulement deux.
La première a été l’évitement du débat dans la première décision intervenue. Le Conseil a, bien entendu, parfaitement le droit de considérer qu’il n’y a pas lieu à débat parce qu’il n’a pas été spécifiquement saisi sur ce point. Mais alors, les articles controversés n’avaient sans doute pas leur place dans la décision rendue. Les évoquer, c’est nécessairement devoir aborder le débat noué autour d’eux, à propos de la candidature du Président. Si le Conseil a, à ce stade, une conception notariale de sa fonction, s’il estime - et rien ne l’en empêche - qu’il doit se contenter d’enregistrer seulement des candidatures, c’est encore son droit. Mais il ne peut, à notre sens, esquiver le débat sur des points que, d’une certaine manière, lui-même soulève. Si le juge s’était abstenu de se référer à ces textes, on aurait brocardé son silence, mais sa position aurait eu sa rationalité. Tel n’a pas été le cas à notre sens.
La seconde décision pose un véritable problème dans la mesure où elle subordonne la normativité de la dé¬claration présidentielle de 2007 à sa mise en forme «législative», ou tout au moins écrite. L’interprétation du Pré¬sident n’aurait de portée que si elle avait revêtu la forme d’un acte juridique écrit, semble dire le Conseil. Ce serait une curieuse manière de voir, qui poserait elle-même un double problème. De désignation d’abord, car une interprétation individuelle transformée en norme perd son caractère «individuel». Si ce qu’exige le Conseil était fait, nous ne serions plus en présence d’un acteur interprète, mais d’une «loi» interprétative. Ensuite, ce point de vue fait question parce que derrière lui, on croit deviner le préjugé, que rien ne justifie évidemment, qu’il n’y a de droit qu’écrit et que, d’une certaine manière, «les paroles s’envolent». Or, dans des systèmes juridiques encore plus formalistes que celui dans lequel on se trouve, une portée est donnée aux «paroles» d’un homme qui occupe des fonctions importantes. Dans les relations internationales par exemple, plus d’une fois, un Etat s’est vu engagé par une expression orale d’un de ses représentants. On ne voit pas au nom de quoi les paroles prononcées par une autorité seraient juridiquement inefficaces. Le Conseil peut, dans la quête du sens du texte, «reléguer» la déclaration présidentielle, lui préférer d’autres preuves ou indices ; mais il ne peut pas, pensons-nous, lui dénier toute portée sous prétexte qu’elle ne serait pas en quel¬que sorte suffisamment solennelle. Oui, les acteurs de la Consti¬tution en sont des interprètes ! Non, pour faire droit, un comportement ou une dé¬claration n’a pas besoin, sauf exception, d’être formulée par écrit ! L’in¬terprétation présidentielle est une interprétation normative, on ne peut pas lui substituer une norme interprétative.
Alioune SALL - Pr agrégé de Droit public et Science politique - Chef du Département de droit public à l’Ucad - Avocat
sallaliounes@yahoo.fr
Wade, les femmes et « y en a marre «
Si le régime socialiste a été emporté par la révolution du 19 mars 2000, le régime libéral qui l’a remplacé a frôlé la chute, bien secoué qu’il aura été par la révolution du 23 juin 2011, révolution citoyenne contre un pouvoir tripatouilleur d’une constitution sans laquelle pourtant, c’est tout un monde qui s’effondre. Le pouvoir en place avait apparemment oublié qu’en toute chose, il y a une ligne rouge qu’il est interdit de franchir. Stop ! Le mouvement du 23 juin doit son existence certes à l’arrogance d’un régime, mais aussi et surtout à la naissance d’un autre mouvement qui s’est nommé avec une forte dose juvénile, fougueuse et forcément insolente : « Y en a marre. » Y en a marre, tout le monde le répète à satiété y compris dans les lambris dorés. Y en a marre, le cri de ralliement qu’il fallait. C’est au grand mérite de ces jeunes indignés et bien inspirés.
En lançant encore avec une certaine inspiration à près d’un mois du scrutin présidentiel du 26 février la campagne dénommée « Foire aux problèmes » et en y excluant parmi les candidats à auditionner, le président Abdoulaye Wade, le mouvement « Y en a marre » suit une certaine logique, sa propre logique. Il ne pouvait pas faire du « wax waxeet » en conviant à sa « foire aux problèmes » le candidat dont il combat la candidature, celui-là même qui, aux yeux des « y-en-à-marristes », est le champion de ce même « wax waxeet ». Mais car il y a un grand mais. Y en a marre pourrait se retrouver piéger dans sa propre logique. En cas d’invalidation de la candidature litigieuse, pas de soucis. Cependant, face à l’hypothèse de la validation et à celle de l’invalidation, fifty-fifty donc, qu’adviendrait-il si la candidature du président Abdoulaye Wade venait à être validée par le Conseil constitutionnel ? Y en marre continuerait-il à fermer les portes de sa « foire aux problèmes » au candidat déjà investi par le pouvoir ? Si la réponse est oui, elle aura comme conséquence fâcheuse de rompre le nécessaire équilibre dans le traitement des différents candidats à l’élection présidentielle. Conséquence fragilisante surtout pour un mouvement qui, qu’on soit avec lui ou contre lui, a quand même acquis son crédit et sa crédibilité par la force des arguments et non par les arguments de la force. En plus de cette posture à la limite du funambule, les « y-en-à-marristes » ont intérêt à ce que leur campagne à eux ne soit pas seulement une « foire aux problèmes » mais également une vraie « foire aux solutions » au sortir de séances d’auditions des candidats-exposants à la gestion des affaires de la cité.
Que dire de plus de cette semaine politique qui s’achève ? L’idée en son principe du chef de l’Etat, comme souvent, de « Prison sans femme » ce vendredi 20 janvier, est intéressante. Toutefois, mal conçue et mal exécutée parce que non concertée, elle se révèle mauvaise et même dangereuse à l’arrivée. Elle crée inversement une discrimination à l’égard de la gent masculine. Elle donne aussi le sentiment que le président-candidat est dans une logique tout aussi discriminatoire de « femme-objet » pour paraphraser la chanteuse Coumba Gawlo Seck. Doit-on accepter que la femme sénégalaise ne soit bonne que pour être du bétail électoral ? Et si on envoyait le candidat Abdoulaye Wade à la « foire aux idées bien conçues » ? Bienvenue monsieur l’exposant !
MAMOUDOU IBRA KANE