« mille plaintes contre le gouvernement »
Monsieur le Président, vous n'êtes pas Ben ALI ni MOUBARACK mais renoncez à 2012
Le bon sens, cette faculté de juger sainement dans les circonstances ordinaires et pratiques de la vie, manque considérablement chez bon nombre des tenants du pouvoir y compris chez ceux qui se targuent d'en avoir le monopole et qui tentent de gaver l'oie au delà des trois mois réglementaires en voulant nous imposer votre candidature en 2012. En effet, si vous êtes menacé aujourd’hui, c’est d’abord par vous-même et par vos propres amis politiques. Lesquels ont commis un crime de lèse-majesté en se demandant, d’abord à voix basse, si vous serez encore en 2012 le meilleur candidat possible, puis en créant ouvertement entre eux, toutes les conditions d'une future déroute électorale. Répondre aux inquiétudes des Sénégalais tout en vous montrant le plus incolore possible, voila à quoi vous devriez donc vous employer.
Tout président de la république est élu en instaurant une relation particulière avec son peuple, qui servira ensuite de fil conducteur à son mandat. C'est généralement quand ce fil se casse que les côtes de popularités s'effondrent. Votre pouvoir est au stade de l'effilochement et a vraiment besoin d'un ravaudage pour donner de la cohérence à une alternance qui, de flottements sur l'espoir du changement en promesses dont plus personne ne croit, d'initiatives désordonnées en exhibitions débridées, donne un peu le tournis. Il faut se mettre à l'évidence: une situation qui ne dit pas son nom existe au Sénégal.
Il y a plus longtemps encore, Aristote a dit qu’ une seule hirondelle ne faisait pas le printemps. Et qu’ un seul acte moral ne faisait pas la vertu. Un seul chiffre positif ne fait pas le plein-bilan, serait-on tenté d’ajouter. Monsieur le président, sachez que les sénégalais sont en attente d'une autre manière de communiquer et de faire de la politique. Ils souhaitent une relation permanente et directe avec vous. Ils exigent la résolution des problèmes de base. Ils aspirent à la simplicité et à la lisibilité dans l'action. Le Sénégal est un pays singulier, une réserve d'hommes politiques et un précipité de toutes les modes contradictoires qui vous entourent.
Le pays est à la traîne et cette situation de campagne électorale font que les populations sont de plus en plus exaspérées par ce désordre qui risque à la fois d'ankyloser le Sénégal ces prochains mois et de provoquer une surenchère politico - sociale qui n'est pas de nature à stimuler l'esprit de nos compatriotes. Et l’avenir ne s’annonce pas radieux, justifiant presque l’étalage de bile d’un récent sondage virtuel faisant de nos compatriotes les champions du monde de la déprime permanente et du pessimisme le plus crasse.
Mais cette représentation- là, c’est quand le Sénégalais généralise. En revanche, lorsqu’il cesse de penser, c’est tout autre chose. Le ciel se dégage, le bonheur se dévoile au coin de la rue. Nous n'allons pas regarder plus loin que nos orteils pour savoir que l’horizon est bouché pour le Sénégal. Mais l’avenir ne s’annonce pas si mal pour certains Sénégalais -qui croient en vous 2012- dès qu’ ils considèrent leur situation individuelle. Car comme dit l’autre, lorsque vos souteneurs se regardent, ils se désolent ; lorsqu’ils se comparent, ils se consolent.
Faute de perspective, les Sénégalais seront décidés à se porter massivement sur des hommes et femmes qui, à l'incurie du pouvoir en place, opposeront l'efficacité d'un réseau associatif offrant aux plus nécessiteux- qui ne manquent pas- santé, écoles, transports, logements, sécurité, emplois etc... et coup de pouce pour boucler les fins de mois. Alors que votre marque de fabrique "le Sopi" est saisie par le doute, que l'opposition règle de vieux comptes et que des candidatures spontanées sortent des tiroirs où elles étaient provisoirement rangées, les contre-attaques de votre mouvance et ses soupçons distillés sentiront le soufre. Et la panique. En espérant que les plus ambitieux auront assouvi leur avidité du pouvoir et reviendront à la raison. Douze mois, c’est trop long pour une fin de règne. Mais c’est suffisant pour rebondir, monsieur le président. Et partir!
Mamadou Oumar WANE
Consultant Cabinet Audits-Mesures qualité client réseaux télécoms et aériens- France
Conseiller en stratégie
editocontribution@yahoo.fr
«Y en a marre » lance l’opération « mille plaintes contre le gouvernement »
Les rappeurs du groupe Keurgui de Kaolack, initiateurs du mouvement « Y en a marre », ont lancé ce mercredi 2 mars, la première phase de l’opération « mille plaintes contre le gouvernement », qui prendra fin le 19 mars prochain, date anniversaire de l’alternance politique au Sénégal.
Les membres du mouvement, en présence d’Amath Dansokho, indiquent que « les plaintes des sénégalais seront déposéesle 19 mars dans un lieu tenu secret. « Mille plaintes ne renvoient pas au nombre, mais cela peut être des millions de plaintes. Cette phase est prévue du 2 au 19 mars. Le Sénégal a une population qui souffre mais qui est très disciplinée.
Ce qui se passe ailleurs aurait pu l’être ici. Je peux même dire que ça a eu lieu ici en 2000, mais là c’est de ce système dont on a marre », déclare Thiat, initiateur du mouvement. Présent à la conférence de lancement du mouvement Amath Dansokho a précisé qu’il est venu soutenir les jeunes conscients de la situation critique du Sénégal : « Nous travaillons pour que le régime de Wade tombe le 19 mars, parce que les sénégalais sont fatigués ».
Les sept plaies du régime Wade, le bennoo du peuple et des citoyens : Le temps de la clarification et des ruptures
1 - Amorces de révolutions populaires en Tunisie et en Egypte : En ce début de l’année 2011, l’Afrique donne le la, indiquant la voie des révolutions populaires, sociales, démocratiques et républicaines, d’essence anticapitaliste, contemporaines des réseaux sociaux numériques. L’étincelle qui a allumé les plaines tunisiennes, s’est propagée aussitôt jusque sur les hauteurs des pyramides égyptiennes et embrase à présent le tata du guide libyen autoproclamé. Admirable leçon de chose politique administrée au reste de l’Afrique et au monde entier, avec courage et détermination. Finie l’époque des autocrates scotchés au pouvoir pendant 25, 30 ans et plus ! Jetés au loin dans les mers de Ndaayaan les projets de successions dynastiques planifiés des berges du Nil aux côtes de Dakar ! Ce sont bien les masses qui font l’histoire. Chaque peuple certes a sa trajectoire propre, sa culture, ses pesanteurs, ses traditions de lutte, mais une chose demeure certaine : tous les peuples du monde aspirent au développement, à la liberté, à la dignité, à la justice, au progrès social et à la paix. La misère, l'injustice sociale, l'absence de liberté et la négation de l'Etat de droit, finissent toujours par faire sauter les soupapes de sécurité multiples et toutes les barrières dressées sur les chemins du combat populaire pour l'émancipation et le bien-être.
2 - Les sept plaies du régime Wade : Il existe pour le peuple sénégalais au moins sept plaies béantes, sept raisons palpables pour tourner le dos définitivement au pouvoir des Wade :
i - la vie de plus en plus chère, avec comme corollaires la pauvreté galopante dans les villes et dans les campagnes, la multiplication des stratégies de survie au quotidien, la crise persistante des secteurs publics de l'éducation et de la santé, etc. C’est pourquoi, quand Wade proclame urbi et orbi qu'il a mis fin à la pauvreté au Sénégal et instauré l'autosuffisance alimentaire, il a probablement raison dès lors que, pour lui, le Sénégal comme l'Etat, c'est lui et sa famille ;
ii - les privations endémiques d’électricité, au grand dam des ménages et des entreprises, avec les centaines de milliards dilapidés et les plans ‘feyal’, obscurs au propre comme au figuré ;
iii - le sabotage des campagnes de commercialisation de l’arachide, au bénéfice des spéculateurs ou autres profiteurs proches du pouvoir, et au détriment absolu des masses paysannes abandonnées à elles mêmes ;
iv - le chômage massif des jeunes et des moins jeunes, condamnés à braver les affres de l’océan au péril de leur vie, ou à sombrer dans une retraite irrémédiable sans avoir jamais occupé un emploi à la hauteur de leurs qualifications, de leurs diplômes ou de leur métier. L'emploi ou la mort, tel est le tragique cri de détresse du jeune Omar Bocoum, ancien soldat invalide, contraint de s'immoler par le feu devant les grilles du palais présidentiel, sous l'emprise du désespoir : funeste symbole de l’échec d’un régime capable de n’offrir à l’armée et à la jeunesse, deux piliers de la nation, que cette sombre alternative : la déchéance ou la mort ;
v - la guerre meurtrière qui perdure en Casamance, frein au développement, cauchemar sans fin pour toutes les populations de la sous région ;
vi - la forfaiture d’un troisième mandat, parfaitement anticonstitutionnel, irrecevable aux plans juridique, éthique et simplement humain, pour un Wade qui, à 90 ans, après avoir trahi l’espoir du 19 mars 2000, après avoir battu tous les records de mal-gouvernance, de brigandages fonciers, de scandales politico-financiers, continue de manœuvrer en vrai candidat masqué, pour s’assurer une succession dynastique en tous points inacceptable ;
vii - le piétinement de l’éthique et l’érection des antivaleurs en modèles de vie et de comportements, fléau le plus difficilement réparable du système Wade.
Dans notre pays, le régime en place se montre chaque jour un peu plus incapable de répondre correctement aux demandes populaires : les femmes, les jeunes, les marchands ambulants, les artisans, les travailleurs des secteurs public comme privé, les masses paysannes, les élèves, les étudiants, les chômeurs, tous les déshérités et laissés pour compte, frayent à travers leurs luttes et leurs mobilisations, les chemins de la révolte et de l’autonomie populaire dans le creuset des collectifs de résidents, des collectifs ouvriers et autres comités de lutte. Dépasser la parcellisation des luttes, laquelle ne profite qu’aux hiérarchies pouvoiristes et alimentaires, contribuer à mieux organiser les masses et leurs luttes en s’y investissant pleinement pour les doter d’une vision d’ensemble, d’une perspective politique cohérente et crédible, telle est la tâche des partis politiques et de tous les patriotes décidés réellement à en finir avec le régime et le système Wade.
3 - Les Assises nationales du Sénégal, une initiative de portée stratégique : Les Assises nationales du Sénégal, menées sous la présidence du grand patriote africain Amadou Mahtar Mbow, constituent l’expression actuelle la plus avancée en matière de dialogue politique dans notre pays. Suivant une démarche inclusive, décentralisée, participative et itérative, les Assises nationales ont réalisé la jonction des forces politiques, sociales, syndicales et citoyennes ainsi que des personnalités démocratiques, autour d’un diagnostic sérieux des politiques mises en œuvre au Sénégal de Senghor à Wade en passant par Diouf, pour déboucher sur la formulation d’alternatives susceptibles de jeter les bases de fondation de la nouvelle République du Sénégal, démocratique, sociale et laïque, conforme aux aspirations et attentes des millions de Sénégalaises et Sénégalais. Seuls le pouvoir en place et ses acolytes ou satellites ont combattu ce dialogue des forces vives de la nation pour le faire échouer, mais en vain.
Juché sur les épaules des conclusions des Assises nationales, le camp de l’unité populaire et citoyenne pourra avancer d’un pas ferme vers l’instauration d’un nouveau régime politique apte à promouvoir les réformes à même de délivrer notre peuple de la chape de plomb étouffante de ce que l’historien Abdoulaye Ly a fort justement nommé ‘le présidentialisme néocolonial’, patrimonial et prédateur, un nouveau régime politique s’abreuvant à la source de la confiance et de la responsabilité citoyennes reconquises, soucieux de prendre efficacement en charge les préoccupations prioritaires des masses urbaines et rurales, sur la voie des ruptures salvatrices.
4 - Les Wade, le peuple et l’échéance de 2012 : En vertu des dispositions des articles 27 et 104 de la Constitution du Sénégal, Abdoulaye Wade ne peut pas être candidat à un 3e mandat. Tous les citoyens de notre pays se doivent de s’opposer à un tel projet, pas tant contre la personne de Wade, mais au nom de l’éthique et des principes républicains. Si malgré tout Wade, par ses manœuvres habituelles ou à la faveur d’un passage en force, s’impose comme candidat, il devra alors s’attendre au verdict du peuple souverain, pour trancher définitivement le débat. Le calendrier divin existe, qui appartient exclusivement à Dieu. Il existe aussi le calendrier républicain, que les humains se doivent de respecter dans toute démocratie normale : contre Wade et son aréopage de grands bandits (sic), décrétant la fin de leurs soucis d’argent du simple fait de leur accession au pouvoir (sic), le peuple qui ploie sous les souffrances, qui produit les richesses pour... s'appauvrir en enrichissant un clan de prédateurs sans foi ni loi, ce peuple est mûr pour faire le seul choix qui vaille : se débarrasser de Wade, de son système, de tous ses clones biologiques, spirituels ou virtuels, condition sine qua non pour s'inscrire dans la perspective d'un cap nouveau.
Comme l'illustrent les exemples des peuples tunisien et égyptien, les urnes ne sauraient représenter la voie exclusive de la mobilisation populaire pour le changement, première leçon ; l'armée et la police n'entendent plus se résumer à des organes aveugles de répression du peuple au service des autocrates et autres oppresseurs, alors même que les luttes portées par les masses des campagnes, des villes et des banlieues expriment des revendications et préoccupations largement partagées avec ces citoyens en uniforme, deuxième leçon. Le temps de la clarification et des ruptures a sonné.
Les enseignements tirés des élections de 2000, 2007 et 2009 commandent clairement les impératifs suivants :
- nécessité d'un programme commun et d'une vision partagée : les conclusions des Assises nationales constituent la référence commune à toutes les forces vives, pour la fondation d'une République véritable, l'adoption d'une nouvelle Constitution en rupture avec le présidentialisme néocolonial, la mise en œuvre des réformes institutionnelles indispensables, la matérialisation des nouvelles orientations de développement économique, social, culturel et environnemental, dans la période de transition comme à moyen et long terme ;
- l'exigence de contre-pouvoirs et de sentinelles vigilantes, en tant que garants du respect des accords, garde-fous contre la confiscation et le détournement de la victoire du peuple : le pacte public d'engagement éthique et de responsabilité citoyenne proposé par Yoonu Askan Wi et d'autres formations répond à ce besoin ;
- l'urgence d'un front de l'unité populaire et citoyenne, d'une équipe de l'unité populaire et citoyenne pour la normalisation du pays, d'un(e) candidat(e) ainsi que d'une liste de l'unité populaire et citoyenne, seules rampes solides et sures des batailles et de la victoire contre le système des Wade. Ils sont, quant à eux, prêts à tout, y compris l'illégalité et la violence, pour se pérenniser au pouvoir au nom simplement de leurs privilèges indus. Il faudra alors leur opposer tous les moyens de résistance à la disposition du peuple car, comme le proclamait la Constitution de la Première République en France : ‘Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple et pour toute portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.’ Face aux impasses de la démocratie des prédateurs, face au piétinement par les autocrates des droits politiques, économiques, sociaux et culturels des masses populaires, la rue publique s'arroge en toute légitimité le droit imprescriptible d'imposer la République.
Le peuple sénégalais attend de tous les patriotes, non pas des calculs de positionnements de petite politique ou d'hypothétiques projections sur un second tour au royaume démocratique des Wade, mais l'unité la plus large, la plus claire et la plus motivante pour les citoyens électeurs. Si, comme le préconise la Charte des Assises nationales, approuvée et signée par les principaux acteurs nationaux, le président de la République doit cesser d'être l'épicentre, l'alpha et l'oméga de la vie politique, la cohérence commande de relativiser les ambitions autour de ce poste. Le bennoo est une exigence du peuple, le bennoo du peuple et des citoyens ne saurait avoir qu’une seule équipe, qu’un(e) seul(e) candidat(e). L'unité vraie ne peut être que le fruit d'une démarche libre et volontaire. Les acteurs détermineront souverainement leur voie, dans le respect mutuel ; les citoyens en tireront les conséquences, en toute liberté.
Les organisations politiques, sociales, syndicales, citoyennes, l'ensemble des citoyennes et citoyens préoccupés par le sort de notre pays aujourd'hui et demain, qui partagent les convictions fortes ci-dessus esquissées, ont le devoir impérieux de promouvoir sans retard le bennoo du peuple et des citoyens, pour refuser d'être les otages des logiques étroites d'appareils et prendre en mains leur propre destin, ici et maintenant, afin de sauver le Sénégal.
L'alternance, c'était le 19 mars 2000, après quarante ans de régime senghorien. A présent, le peuple sénégalais a besoin, pas tant d'une alternance à la tête de l'Etat, ni même d'une alternance générationnelle ou de genre, mais plutôt d'une vraie alternative éthique, politique et sociale, à même de porter en avant les aspirations profondes de nos concitoyens et concitoyennes. A chacun et à chacune de mesurer sa part de responsabilité face à un tel défi.
Madièye MBODJ Porte-parole de Yoonu Askan Wi/Mouvement pour l'autonomie populaire
OPINION : Analyse sociologique des immolations au Sénégal
Aujourd’hui, le phénomène des immolations devant les grilles du Palais de la République est devenu courant, voire banal. En effet, il s’agit de cas de suicide qui exerce sur les individus un pouvoir coercitif et extérieur, et à ce titre, il peut être analysé par la sociologie.
Ce phénomène, dont on pourrait penser de prime abord qu'il est déterminé par des raisons relevant de l'intime, du psychologique, est également éclairé par des causes sociales, des déterminants sociaux.
Les statistiques montrent en effet que le suicide est un phénomène social normal : le suicide est un phénomène majoritaire et régulier que l'on retrouve dans la plupart des sociétés et, au sein de chaque société, les taux de suicide évoluent relativement peu. C'est la tendance au suicide dont chaque société est collectivement affligée.
S’agissant des différents cas que nous avons connus (Bocar Bocoum, Ameth Tidiane Bâ, et même de Penda Kébé etc.), notre discipline nous recommande de chercher les causes efficientes dans la société, dans les grands ressorts de la vie collective et non dans la gouvernance politique.
Lorsque ces ressorts fléchissent, l'homme perd toutes les raisons qu'il avait de vivre.
Si l'individu se décourage et s'abandonne, ou bien s'il s'exaspère et tourne sa fureur contre lui-même, c'est qu'il n'a pas une femme et des enfants auxquels l'unit le double lien de l'affection et du devoir ; c'est qu'il ne trouve ni un appui, ni une règle, dans un groupe d'hommes qui acceptent les mêmes dogmes et pratiquent la même religion ; ou, enfin, c'est qu'il n'est pas distrait de ses préoccupations égoïstes, et soulevé au-dessus de lui-même par de grands intérêts politiques ou nationaux.
Théorie paradoxale à première et même à seconde vue, car on cherche d'ordinaire dans une toute autre direction les causes du suicide. «Suicides dus au désir d'éviter l'infamie du supplice, de fuir la maladie, la souffrance, la vieillesse, de ne pas survivre à un être cher : mari, femme, enfant, ami ; de prévenir ou de laver un outrage, d'éviter l'infamie, de ne pas tomber aux mains de l'ennemi, suicides dus au dégoût de la vie, suicides accomplis par ordre» ; ajoutons : «Envie d'étonner, désir de faire parler de soi, folie, idiotie, dépression masquée !».
Toutefois, il faut savoir que ces motifs particuliers et individuels sont des prétextes ou des occasions, mais non des causes. L'individu que rien ne rattache plus à la vie trouvera, de toute manière, une raison d'en finir : mais ce n'est pas cette raison qui explique son suicide. De même, lorsqu'on sort d'une maison qui a plusieurs issues, la porte par où l'on passe n'est pas la cause de notre sortie. Il fallait d'abord que nous ayons le désir au moins obscur de sortir. Une porte s'est ouverte devant nous, mais, si elle eût été fermée, nous pouvions toujours en ouvrir une autre. Dirons-nous donc que les malheureux qui se suicident, (Bocar Bocoum, Ameth Bâ) sont poussés vers la mort par des forces dont ils ne comprennent pas la nature, et que les motifs qu'ils se donnent à eux-mêmes pour expliquer leur geste n'entrent pour rien dans leur décision ?
Les cas de suicide peuvent être de divers types :
Le suicide égoïste qui intervient lors d'un défaut d'intégration : l'individu n'est pas suffisamment rattaché aux autres. La société tient les individus en vie en les intégrant. C’est comme le suicide de célibataires. Ce type de suicide correspond au cas de Bocar Bocoum.
Le suicide altruiste : à l'inverse du suicide égoïste, le suicide altruiste est déterminé par un excès d'intégration. Les individus ne s'appartiennent plus et peuvent en venir à se tuer par devoir (les suicides dans des sectes ou dans l’armée). Ce type altruiste correspond au cas d’Ameth Tidiane Bâ, adepte du fondamentalisme Salafiste.
Ceci pour dire, à l’instar d’Emile Durkheim, que «Le suicide varie en raison inverse du degré d'intégration de la société religieuse, de la société domestique ou de la famille, et de la société politique ou de la nation» et que la cause déterminante d’un fait social doit être cherchée parmi les faits sociaux antécédents, et non parmi les états de la conscience individuelle.
Cette analyse sociologique du suicide a pour objectif principal de couper court aux supputations des politiciens et autres individus malintentionnés qui cherchent à expliquer les suicides par immolation par une mauvaise gestion du pays. Cette explication politicienne du suicide est ringarde et relève de l’hémiplégie intellectuelle! L’on ne se suicide pas parce qu’on est contre un régime ou un pouvoir en place. L’explication se trouve dans la société elle-même qui alimente le courant suicidogène.
Dr Kaly NIANG
Sociologue
Immolation vous avez dit ? Quelle banalité !
Dire que la situation sociale, économique et politique est alarmante au Sénégal, est une vraie lapalissade. Les Sénégalais, après 11 ans sous un régime de l’alternance, qui sonnait comme une délivrance et un changement après 40 ans de régime socialiste, sont déçus, peinés et fatigués de ce qu’ils vivent quotidiennement. La pauvreté, ils la vivent tous les jours sans exception, n’assurant plus qu’un seul repas par jour pour certaines familles, les jeunes passant plus de temps devant les maisons, le thé qui était leur compagnon de toujours ne l’est plus ou de moins en moins, le sucre et le gaz devant permettre sa préparation ne sont plus donnés. Les mourants dans les hôpitaux et autres malades n’attendent plus l’ange de la mort, le manque d’électricité ou de médecins anticipent sur celle-ci.
Les anciens combattants et autres invalides de guerre qui attendent des indemnités depuis belle lurette ou même les simples fonctionnaires retraités qui ne vivent que de 11 500 par mois ou même pas 50 000 par trimestre sont plus qu’écœurés et fatigués de leurs situations, eux qui auront servi leur patrie des années durant et ne sont pas rétribués à la hauteur des efforts fournis, alors que d’autres, sortant du néant, qui n’ont jamais rien fait pour leur nation, ou tout simplement futurs prétendants au trône, ont toutes les faveurs, s’autorisent le droit de manipuler et le peuple et ses avoirs. Cela pour dire quoi ? Que si un de ces serviteurs du pays, après des années de combat, de guerre, court après un dû qui devait lui être donné avec tous les honneurs qui vont avec, tente d’une façon ou d’une autre de se faire entendre et que si cela ne marche pas utilise un moyen plus désespéré, il aura été un martyr de la République après l’avoir servi.
Certains, et même moi, se demandent pourquoi s’immoler ? Wade en vaut-il vraiment la peine ? Je réponds non ! Parce qu’il n’est aucunement touché par cet acte. Je lis dans les journaux qu’après avoir festoyé la veille à la cérémonie des cinquante femmes qui auront marqué la décennie, dont font partie sa femme et sa fille et la plus que majorité de son gouvernement ou parti, son conseiller en communication, en son nom dit qu’il est très peiné par la mort de Bocar Bocoum. Il ne l’est pas aujourd’hui plus qu’il ne l’a été quand s’est tué de la même manière cet homme venu de Ziguinchor, parce qu’il lui avait pris son lopin de terre sans le dédommager, ni quand s’est immolée Penda Kébé, cette femme qui vivait en Italie et qui était la responsable des femmes du PDS à Brescia et dont la mère est une militante de première heure du PDS.
Parce que si l’immolation est devenue aujourd’hui au Sénégal une banalité, c’est qu’elle commence avec l’histoire de Penda Kébé, qui avait quittait Brescia avec tous ses suivants, dans des bus jusqu’à Rome où le président était en voyage, et devait recevoir ses militants. Elle tenta de le voir à son hôtel, ce que les vautours rodant autour de sa Majesté lui refusèrent. Se sentant humiliée, elle qui s’est toujours battue pour celui dont sa mère disait qu’il est son grand-père, elle se mit le feu et mourut quelques jours après. La réponse de Wade fut la même comme à chaque fois qu’il se passe un malheur, il n’était au courant de rien, personne ne l’a avisé ! Mais c’est surtout parce qu’il oublie toujours ses militants et «amis» d’hier, leur préférant ceux de tout de suite.
Juste pour dire que des Penda Kébé et des Oumar Bocoum, on en verra encore, des femmes de ces militaires promettent de faire la même chose, le désespoir étant la cause, les conséquences seront toujours dramatiques pour leur famille et pour les simples citoyens qui se réveillent toujours avec un malheur où l’immolation sera le maître mot, et le Roi fera toujours le sourd face aux nombreuses revendications de son peuple, tirant du plaisir de leur souffrance, ce peuple qui lui a toujours été fidèle. Mais même la souffrance a une fin !
Une citoyenne sénégalaise.