La Rurakaroise
Je suis estomaqué à chaque fois d’entendre les hommes politiques se poser l’éternelle question du déguerpissement des marchants ambulants et autres «tableurs» des rues de Dakar. Je suis d’autant plus amer que les ex-perdants nouveaux élus se révèlent encore une fois incapables de faire une mue salutaire. C’est à croire que les politiciens de notre pays ont un code génétique commun. Qu’ils soient de gauche, ou droite. Quoi que parlant dans notre broussaille politique d’une telle segmentation n’est point pertinente.
Leur gène dominant est la Sénégalité, qui est un condensé de faux-fuyants, d’hypocrisie, de laxisme, d’individualisme mal assumé, d’incivisme, d’égotisme hypertrophié, et bien sûr ce cocktail nous est servi quotidiennement avec une belle robe d’irresponsabilité taillée sur le dos de notre développement.
Faire de la politique ce n’est pas de dire aux gens faites ce que vous voulez pourvu que vous votiez pour moi. La chasse aux voix ! C’est pour cela que Dakar est devenu une jungle. Les analystes appellent de tels comportements la politique politicienne, moi non, je pense que c’est une expression savante pour édulcorer une réalité peu reluisante. Dans la cartographie des risques de notre pays si nous sommes dans une zone rouge aujourd’hui, ce sont justement des comportements de ce type qui ont été à l’origine de ce positionnement. Suivez mon regard !
Les Sénégalais ne sont pas nés réfractaires à l’ordre ; ils le sont devenus, parce que tout simplement l’autorité s’est diluée dans ce fleuve d’échecs politique, économique et socioculturel.
«Puis que nous sommes incapables de résoudre vos problèmes nous fermons les yeux», tel est leur credo. Mais attention monsieur les politiciens à force de fermer les yeux vous êtes devenus des malvoyants. Vous ne voyez pas que vous vous êtes enfermés dans une bulle, et que votre langage nous est inaccessible car vous ne parlez pas des véritables problèmes du pays, vous parlez du pays de vos problèmes. Vous ne voyez pas que le pays ressemble à un pays en guerre. Je ne blague pas car c’est dans les pays en guerre où toutes les rues de la capitale sont cassées, les eaux usées qui suintent de partout, les feux de signalisation détruits, les canaux à ciel ouvert infestés et puants, les ordures qui jonchent les rues, des espaces verts bien entretenus n’en parlons même pas, un sublime désordre quoi ! Et quand le ciel ouvre ses vannes cela devient le triangle des Bermudes, impossible de s’en sortir. J’avais même remarqué à la télé que la Serbie ou Beyrouth en guerre étaient plus propre que Dakar en paix. C’est pour vous dire…
Vous n’avez pas vu pendant que vous étiez dans vos palabres que des cohortes de jeunes, de moins jeunes, des mendiants, des malades mentaux, ont investi les rues de la capitale. Ils y dorment, mangent, travaillent, et leurs besoins naturels ? Dakar marche par la tête, tout est à l’envers, c’est l’inversion totale de tous les codes. Il est vrai que nos chers dirigeants sont dans leur bulle, ce sont des malvoyants, mais le réveil sera brusque et brutal.
Cette confusion, je dirai même indifférenciation spatiale a fini de transformer cette belle ville qu’était Dakar à un souk indescriptible. Ville dortoir, ville poubelle, ville rurale, Dakar est sale !
Alors Monsieur le maire de Dakar, vous qui avez connu dans un passé récent les délices du pouvoir Ps, vous qui sortez à peine, par miracle des affres de l’opposition. Ce voyage doit constituer pour vous un avantage non négligeable dans le management de cette ville. N’entrez plus dans cette bulle, si vous voulez être réélu faîtes votre job correctement, recevez-les, écouter-les, mais vous n’êtes pas obligés de les comprendre. Car nous sommes les véritables fossoyeurs de notre propre ville. Donc, il ne faut pas négocier la loi, il faut l’appliquer et vous aurez le soutien de toute la population rurakaroise, car votre mission première est qu’on redevienne Dakarois.
Baye Ibrahima DIAGNE - Le rurakarois