Les priorités sont ailleurs M.le Président
Certaines actions de votre régime m’ont fait plaisir. Je pense à l’interdiction d’importer les voitures ayant plus de cinq ans car son impact positif sur la préservation de l’environnement est incontestable. L’idée du plan Sésame m’a beaucoup plu. Seulement dans l’ensemble j’ai beaucoup de regrets, énormément de déception.
Le fossé entre riches et pauvres se creuse de jour en jour. Le pire c’est le manque de décence et l’arrogance de la part de votre entourage : les nouveaux riches, les nouveaux habitants des Almadies de Dakar. Le Sénégal a toujours été un pays stable, c’est d’ailleurs ce qui fait notre force mais méfions nous quand même, trop d’injustice peut gravement nuire à la tranquillité, à la paix sociale et surtout à la cohésion d’un peuple.
Vous avez trouvé un pays à terre, nous n’oublions pas que le Parti Socialiste nous a trouvé pauvres et nous a rendus misérables. Notre bon départ après les indépendances a été sapé par le manque de volonté politique. Nous ressentons encore les séquelles de la mauvaise gestion socialiste et malheureusement nos enfants vont payer à leur tour les erreurs de ces années noires. Ils ont eu le mérite de nous laisser un pays en paix, un pays réputé démocratique qui a su garder une bonne image à l’étranger. Aujourd’hui nous sommes la risée de l’Afrique toute entière. Les grands de ce monde nous évitent, des pays comme le Ghana, Bénin, Afrique du Sud donnent le bon exemple.
Je n’ai rien contre vos enfants car ils sont comme tous les Sénégalais des enfants du pays, rien contre votre femme même si ce n’est pas elle qui a été élue par le peuple. Je condamne juste le clientélisme et le népotisme qui caractérisent votre régime. Avoir confié des pouvoirs supra-normaux à Karim et penser donner autant de responsabilités à Sindiély nous donne le sentiment que vous vous partagez le pays, ce Sénégal qui appartient à tous ses enfants. Le Sénégal n’est pas le Togo, encore moins le Gabon. Si Karim veut devenir Président, il a ce droit. Mais qu’il fasse ses preuves dans la transparence et qu’il se soumette à la volonté du peuple.
Certains de vos projets méritent vraiment réflexion. A-t-on besoin d’un monument de la Renaissance ? Du Fesman ?
Les priorités sont ailleurs Monsieur le Président et vous avez encore deux ans pour que les Sénégalais se souviennent de vous comme celui qui a su contribuer à leur bien-être, leur épanouissement. Ce serait injuste de dire que vous n’avez rien fait, mais vous n’en faites pas assez et vous oubliez surtout l’essentiel.
La protection sociale concerne moins de 20% de la population. Le secteur informel qui regroupe 60 à 80% de la population active est laissé à lui même. Il n’y a aucune forme de couverture maladie, les accidents de travail ne sont pas pris en charge et la retraite n’existe pas. Les femmes sont les plus vulnérables. Une fois enceinte, elles n’ont plus de revenu, pas de congés maternité et surtout aucune aide. Le travailleur du secteur informel qui arrive à s’en sortir peut du jour au lendemain plonger dans la misère suite à un accident de travail. Ces maçons et autres artisans de plus de 60 ans qui continuent de subir la précarité, la pénibilité du travail parce qu’ils savent que sans travail ils n’auront point de revenus et donc pas de survie, ne doivent plus subir l’indifférence des autorités.
Nous sommes conscients de la faiblesse de notre économie, du manque de moyens financiers et techniques, de la contrainte imposée par les bailleurs de fonds qui nous maintiennent dans la dépendance. Nous savons qu’on ne pourra pas avoir dans l’immédiat, en tout cas, une sécurité sociale à la française mais nous sommes en mesure d’offrir à la majorité de la population une vie digne et décente. Ne pas se soigner parce qu’on n’a pas les moyens est grave et cruel. Combien de temps devons-nous encore subir cela ?
Une réelle volonté politique peut nous aider à mettre en place une couverture maladie consacrée au secteur informel et aux couches les plus vulnérables. Des sacrifices s’imposent, de la part de tout le monde à commencer par les dirigeants. Le peuple n’est pas éduqué suffisamment pour adhérer. Beau coup de personnes ne comprendront pas l’idée de cotiser s’ils ne sont pas malades, parce qu’ils ignorent totalement le principe et l’intérêt de la couverture maladie. Il faut une bonne communication qui passe par les leaders d’opinion car les hommes politiques ont perdu toute crédibilité. Je pense aux chefs religieux, aux mouvements de jeunesse, aux artistes, aux syndicats…
L’Etat peut contribuer au financement de ce système spécifique car les moyens sont là. Il suffit juste de corriger cette injustice qui consiste dans un pays aussi pauvre que le nôtre de payer autant les ministres, députés, conseillers sans oublier le corps diplomatique qui aujourd’hui nous coûte tellement malgré sa médiocrité.
Il suffit aussi de taxer d’avantage certains produits dangereux pour la santé tels que l’alcool, la cigarette et les produits «diététiquement» con testables comme les sodas. Cela aura un double effet, protéger le peuple surtout les jeunes et générer des fonds pouvant aider à la mise en place d’une couverture maladie pour les plus vulnérables. D’abord la santé, ensuite on pourra s’attaquer aux accidents de travail, à la retraite, aux allocations familiales etc.
L’argent récolté grâce aux économies sur le train de vie abusif de l’Etat, grâce à la lutte contre la corruption peut nous aider à soulager ces pauvres habitants de la Banlieue (Pikine, Diamagueune, Thiaroye…) qui vivent dans les eaux chaque saison des pluies. Cette situation invivable augmente la propagation des maladies comme le paludisme et le choléra alors que nous savons tous que malades, ils auront du mal à se soigner tellement les moyens leur font défaut.
Je crois encore à mon pays, et à vous aussi Monsieur le Président car je ne crois surtout pas à l’opposition. Ceux qui disent non aujourd’hui ont été quasiment tous acteurs du système, membres du gouvernement avant de tomber en disgrâce et de perdre leurs privilèges. L’opposition ne représente pas malheureusement une alternative crédible. Donc s’il vous plaît faites ce que le peuple attend de vous avant qu’il ne soit trop tard.
Je lance un appel aussi à ces Sénégalais qui nous représentent au plus haut niveau, je pense à Jacques Diouf de la Fao, à Lamine Diack de la Iaaf, etc. Vous êtes nos ambassadeurs et nous sommes conscients de ce que vous faites pour le Sénégal. Ce pays a besoin de vous, n’hésitez surtout pas à prendre vos responsabilités, vous avez encore le temps.
Et aux hommes politiques je dirai tout simplement, si on ne répond pas de nos actes devant la justice des hommes, on va en répondre devant Dieu.
Que le tout puissant protège notre pays.
Farba NDOUR - Ancien Sg du Mel de Montpellier Doctorant en sciences économiques
à l’université Montpellier 1