Non à la fatwa des ‘imams’ sur le Monument de
Non à la fatwa des ‘imams’ sur le Monument de la renaissance de l’Afrique !
Au-delà des considérations sur son inopportunité dans un pays pauvre confronté à toutes sortes de problèmes, et sur son montage financier très controversé, la Statue de la Renaissance de l’Afrique suscite aussi de vifs débats théologiques, à propos de sa légitimité, dans un pays musulman. L’initiative est venue d’imams regroupés au sein d’associations islamiques, indépendantes des confréries religieuses du pays. Pour eux, la construction de toute statue ou objets assimilés (statuettes, poupées, voire photos) est interdite par l’Islam. Ils se fondent sur des hadiths qui ont été largement vulgarisés par les oulémas d’obédience saoudienne (‘salafistes’) particulièrement engagés dans le combat contre ce qu’ils appellent ‘les nouvelles formes de polythéisme’ (1). Ainsi, les musulmans sont perplexes et divisés sur la question. Dès lors, l’arbitrage de Dieu et du Prophète (Psl) s’impose, conformément à la recommandation coranique : ‘Ô les croyants ! Obéissez à Allah, et obéissez au Messager et à ceux d'entre vous qui détiennent le commandement. Puis, si vous vous disputez en quoi que ce soit, renvoyez-le à Allah et au Messager, si vous croyez en Allah et au Jour dernier. Ce sera bien mieux et de meilleure interprétation (et aboutissement)’ (4. Les Femmes : 59 – An-Nisâ’).
Certes, dans le Coran, il est explicitement interdit l’adoration d’idoles (taghoût), mais il n’a jamais été question d’interdiction de construction de statue non destinée à cette fin. Bien au contraire, les enseignements tirés du récit du Prophète Salomon (Suleymane) légitime cet art, du fait de l’immuabilité de la coutume de Dieu : ‘Et à Salomon (Nous avons assujetti) le vent… Et pour lui, nous avons fait couler la source de cuivre. Et parmi les djinns, il y en a qui travaillaient sous ses ordres, par permission de son Seigneur… Ils exécutaient pour lui ce qu'il voulait : sanctuaires [lieux de culte], statues, plateaux comme des bassins et marmites bien ancrés. ‘Ô famille de David, œuvrez par gratitude !’ [Rendez-en grâce à Dieu]. Restreint est le nombre de Mes serviteurs reconnaissants’ (34. Saba’ : 12-13 – Saba’). ‘Dans leurs récits [des prophètes] il y a certes une leçon pour les gens doués d'intelligence. Ce n'est point là [le Coran] un récit fabriqué.
C'est au contraire la confirmation de ce qui existait déjà avant lui, un exposé détaillé de toute chose, un guide et une miséricorde pour des gens qui croient’ (12. Joseph : 111 – Yûsuf). ‘Telle était la loi établie par Allah envers ceux qui ont vécu auparavant et tu ne trouveras pas de changement dans la loi d'Allah’ (33. Les Coalisés : 62 – Al-Ahzâb)
Les choses qui étaient permises, avant l’avènement de l’Islam, et qui sont ensuite interdites, le sont par des versets coraniques explicites (c’est le cas du vin, de certains rapports conjugaux, etc.). Il est important de savoir que le Hadith, qui est l’interprétation du Coran, fait partie intégrante du message divin ; il peut cependant poser des problèmes d’authenticité et ne peut donc guère abroger une loi coranique. ‘Ils ne t'apporteront aucune parabole (problématique), sans que Nous ne t'apportions la vérité [Coran] avec la meilleure interprétation [Hadith]’ (25. Le Discernement : 33 – Al-Furqâne).
Ainsi, tant qu’on n’a pas remonté jusqu’au verset coranique en question (la vérité), il est impossible de certifier l’authenticité d’un hadith ; en outre, la prise en compte du contexte (niveau spirituel et de connaissance des interlocuteurs du Prophète -Psl-) est fondamental pour son exploitation judicieuse. A l’évidence, le hadith qui interdisait ‘formellement’ la fabrication ou la possession de statues (ou autres sculptures) ne visait qu’à mettre fin à l’idolâtrie [association (chirk)], dans une période où toute l’Arabie la pratiquait. Il s’agissait d’apporter une mesure urgente et radicale pour éviter toute ambiguïté et toute dissimulation. Mais actuellement, le contexte est tout autre ; on ne peut pas imaginer un musulman vouer un culte à une statue (ou tout autre objet) ; ainsi, un ouléma avisé et accompli, détenteur d’une autorité (idznu’l khass), peut reconsidérer cette interdiction et donner un entendement réaliste, tenant compte de l’esprit de la loi et de la miséricorde d’Allah, afin que les monuments, objets d’art, photos, vidéos, jouets d’enfants (poupées, animaux) ne soient pas considérés comme des ‘fétiches’ ou des objets de vénération (idoles). Si tel n’était pas le cas, nos illustres devanciers, qui sont d’incontestables ’vivificateurs de la religion’, auraient fait déboulonner les statues de Faidherbe, du soldat inconnu et autres. Oui, ils avaient la connaissance, la sagesse, le charisme, l’autorité et n’ignoraient pas leur responsabilité devant Dieu. En cette fin des temps, la priorité est à la facilitation du culte : Propos du Prophète (Psl) : ‘La religion n’est que facilité, quiconque la rend difficile en sera la victime’ (Bukhari). ‘Facilitez les choses et ne les rendez point difficiles ; annoncez la bonne nouvelle et ne faites pas fuir (les gens)’ (Bukhari).
A l’évidence, le contexte actuel est fondamentalement différent de celui des premières heures de l’Islam ; et ne pas en tenir compte, c’est faire preuve d’un égarement manifeste. Ainsi, le Prophète (Psl) nous avait mis en garde contre les guides ignorants : Abd Allah b. Amr rapporte ces propos de l’Envoyé de Dieu (sur lui la grâce et la paix) : ‘Dieu ne fera pas disparaître la science en l’ôtant aux hommes, mais Il fera périr les savants, si bien que lorsqu’ils auront disparu, les gens prendront pour guides des ignorants qu’ils interrogeront et qui leur donneront des fatwas sans aucune autorité ; ils les égareront en s’égarant eux-mêmes’ (Bukhari).
Au demeurant, nous sommes dans un régime laïc. C’est donc la conformité des lois et actes avec la constitution qui prime sur toute autre considération. C’est ce qui peut expliquer, dans notre pays, l’existence d’une société nationale de jeu de hasard, la fabrication et la vente de boissons alcoolisées, etc. A l’évidence, dans une république laïque - c’est-à-dire mettant Dieu entre parenthèses - le combat est ailleurs que celui contre les statues.
Et pour conclure, rappelons que le message coranique n’est pas à la portée de tout le monde et Dieu a explicitement mis en garde les commentateurs inexperts, des risques de dissensions de la communauté : ‘En vérité, Lui seul connaît le sens du Coran, mais, seuls les doués d'intelligence s'en rappellent’ (3. La Famille d’Imran : 7 – Al-Imrân). Ainsi, seuls les oulémas pieux (‘ârifîna bi’llâhi) et les sages (hâkimîna) peuvent comprendre certains versets, par la grâce de Dieu qui donne la sagesse à qui Il veut (2. La Vache : 269 - Al-Baqarah). Et en vérité, c’est cette sagesse qui permettra aux missionnaires de la fin des temps [Jésus/Mahdi] d’élucider les problématiques de l’heure et d’arbitrer au sujet des désaccords de leurs contemporains, conformément au Coran (…)
Docteur Mouhamadou Bamba NDIAYE Ancien Interne des Hôpitaux de Dakar Pédiatre à Thiès Recteur de l’Université virtuelle ‘La Sagesse’ de la Fondation Serigne Babacar SY Ihsaan - Bienfaisance (Thiès). http://sites.google.com/site/missionmahdi/
(1) - Dr Muhammad Ibn Abdul Rahman Al-Khoumayyis. Les efforts des savants malékites dans l’explication du polythéisme et de ses voies.